lundi 21 juillet 2014 - par Jean J. MOUROT

Adieu Volo !

Une figure militante du syndicalisme révolutionnaire de l'éducation vient de disparaître.

 

Joseph Volovitch, dit Volo, vieux militant syndicaliste révolutionnaire du monde enseignant et libraire chaleureux vient de nous quitter dans sa 101ème année.

Toute sa vie, Volo a illustré le refus de parvenir des vrais militants de l'École émancipée, cette nébuleuse syndicale regroupée autour de la revue éponyme créée en 1910 par une poignée de militants syndicalistes révolutionnaires.

 

Il était né à Saint-Cloud le 1er octobre 1013, de parents juifs, militants socialistes anti-tsaristes qui avaient abandonné toute référence religieuse et culturelle au judaïsme. Naturalisé français avec sa sœur en 1932, il fréquenta l’école primaire de son quartier puis entra à l’École primaire supérieure Turgot. Muni de son brevet supérieur, il devint instituteur en banlieue sud de Paris.

Vite devenu membre des Jeunesses socialistes, puis de la SFIO, il milita aux « Faucons Rouges » et surtout au mouvement des Auberges de Jeunesse dont il partagea d’emblée l’esprit coopératif et autogestionnaire, l’adhésion à l’émancipation féminine et le respect de la nature. Au Syndicat national des instituteurs (SNI), il choisit de militer à la tendance École émancipée (ÉÉ) où il connut Raymond Guilloré qui devint son mentor et son ami, et grâce à qui il rejoignit les groupes du Cercle Zimmerwald et la revue La Révolution Prolétarienne. Volo rejoignait ainsi la petite frange de militants qui tentèrent, avant et après la Seconde guerre mondiale, de faire vivre l’héritage des luttes et des idéaux révolutionnaires démocratiques et libertaires du mouvement ouvrier français d’avant 1914. Dans l’élan du Front populaire, au sein du SNI, il fut élu pour l’ÉÉ. au conseil syndical de la Seine en 1938. À la SFIO, sa sympathie allant à la Gauche révolutionnaire, il rejoignit après Juin 1936 le courant dirigé par Marceau Pivert et le PSOP. Ses activités militantes l’amenèrent à participer à l’accueil de militants allemands anti-nazis et à rencontrer les nationalistes algériens rassemblés autour de Messali Hadj dans le MTLD. Après avoir échoué, pendant l'été 1936, à rallier les Républicains espagnols en lutte , il se résigna à faire son service militaire. Comme il était fiché « P.R. » (présumé révolutionnaire) il fut affecté dans un régiment de tirailleurs algériens en Moselle.

En septembre 1939, la guerre le surprit en vacances en Bulgarie. Avec ses amis, il rejoignit difficilement la France dans un bateau affrété par le gouvernement français. Après avoir été affecté dans un bureau, à sa démobilisation, il rejoignit sa famille et fut affecté dans une école à Cachan où il rencontra Berthe Halvick qui avait participé à la manifestation du 11 novembre 1940. Ils se marièrent en décembre 1941.

En juillet 1942, ils durent quitter Paris, Volo ayant été dénoncé par une collègue d’école comme « communiste et juif ». Jo et Berthe traversèrent clandestinement la ligne de démarcation et se réfugièrent à Saint-Étienne avec le soutien de réseaux syndicaux. Ils y furent protégés par un réseau constitué pour sortir des Républicains espagnols des camps d’internement. Ce réseau obtint pour Berthe un poste d’institutrice à Saint-Étienne, et pour Jo de vrais faux papiers et un emploi de bureau au Comité d’organisation du travail des métaux.

Volo résista avec les FTP de la Loire et accompagna la 1ère armée française jusqu’au front des Vosges. En 1945, il retourna Saint-Étienne où il travailla près de deux ans au journal proche des FTP, Le Patriote, sans avoir jamais été membre du Parti Communiste.

En 1946, Jo, Berthe et leurs deux enfants rejoignirent Paris. Jo obtint sa réintégration dans l’Éducation nationale et fut, jusqu’à la fin des années 1940, détaché comme responsable de la coopérative du Groupement Central des Fonctionnaires. Il reprit ensuite un poste d’instituteur à la Butte-aux-Cailles où Berthe avait été nommée et où ils vécurent avec leurs quatre enfants dans un appartement de fonction délaissé dans ce quartier alors très déshérité. Jo fut un adepte des méthodes Freinet tandis que Berthe, en maternelle, mettait en œuvre la pédagogie de Mlle Tortel. Dans les années 1960, il devint professeur de collège (PEGC) rue d’Alésia .

***

Après la guerre, Volo avait renoué avec le syndicalisme au SNI (École émancipée) et avec le noyau de la Révolution prolétarienne . Il continua de militer dans cette frange minoritaire d’une gauche radicale, ni réformiste ni stalinienne ni sectaire, qui maintint l’idéal d’actions et de débats démocratique et pluralistes. Il se lia également avec le groupe « Socialisme ou Barbarie », les éditions Spartacus et dialogua avec certains anarchistes et trotskistes. Il milita, sans se décourager, contre les dictatures « occidentales » et contre les répressions staliniennes du mouvement ouvrier démocratique, diffusant les écrits, si mal connus avant 1968, sur les dérives staliniennes et léninistes. Proche de l’UGS puis adhérant au PSU, il s'impliqua toutefois plus dans le militantisme syndical que dans le politique. C’est dans ce contexte militant qu’il participa aux mobilisations anti-colonialistes, dans la fidélité aux solidarités nouées avant guerre, hébergeant quelques semaines chez lui un membre du MNA menacé à la fois par police française et FLN. Après la répression sauvage du 17 octobre 1961, qu’il fut parmi les premiers à faire connaître, il abrita dans son grenier un stock de livres édités par François Maspero sur ces massacres. En 1967, il rejoignit le Comité Vietnam National.

 Il participa activement à la grève de mai juin 1968 à partir du collège où il exerçait alors et reprit des responsabilités à l’ÉÉ, après l’exclusion de la tendance des trotskistes « lambertiste ». Il (re)devint un des responsables de l’EE, au niveau parisien et au niveau national (dans l’équipe responsable tournante) et très actif durant des années lors des « Semaines de l’EE ». Avec Frantz Rutten , il fut à l’origine de l’installation de l’ÉÉ dans « le Local », 8 impasse Crozatier, Paris 12°, en y fondant la librairie coopérative EDMP (Edition et diffusion de matériel pédagogique), liée à l’ÉÉ et locataire du lieu. Jusqu’en 2006, avec Lily Bleibtreu, il fut au cœur de la vie de ce local, entre la Librairie et les réunions débat autour de livres, toujours suivies d'un repas fraternel. Il tint jusqu’en 2006 la « rubrique librairie » dans chaque numéro de la revue l’École Émancipée, puis dans l’Émancipation. À chacune des scissions et tensions internes au syndicalisme enseignant, il s'attacha à sauvegarder l’unité de l’ÉÉ dans la diversité. Lorsqu’une nouvelle scission toucha la tendance à la fin des années 1990, il tenta encore de maintenir les liens entre le courant trotskiste (LCR) et le courant libertaire, mais resta avec la minorité «  Émancipation » dans le local de l'impasse Crozatier.

Le militantisme de Jo Volo a toujours laissé de côté la question du pouvoir. Pour lui, l’important c’est que, en militant pour « un monde de demain » plus juste et plus fraternel, on se donne les moyens de vivre aujourd’hui, selon ces principes, avec « les siens ».

Nombreux sont ceux qui regrettent aujourd'hui l'animateur passionné et chaleureux qu'il fut, convivial et attentif aux autres.

 

http://www.emancipation.fr/spip.php?article915

cf le Maîtron, dictionnaire biographique du mouvement ouvrier



7 réactions


  • Trelawney 21 juillet 2014 16:00

    Je ne connaissais pas cette personne, mais est-ce que c’est famille avec Olivier et Frédéric Volovitch ?


    • Jean J. MOUROT Jean J. MOUROT 21 juillet 2014 17:59

      Je l’ignore. Je n’ai connu que son fils, Pierre Volovitch.



    • Jean J. MOUROT Jean J. MOUROT 22 juillet 2014 11:06

      C’est bien mal connaître le mouvement ouvrier que de croire que la Révolution prolétarienne ou Spartacus étaient trotskistes ou idiots utiles du trotskisme !



    • Jean J. MOUROT Jean J. MOUROT 22 juillet 2014 11:36

      Il y bien longtemps que Volo n’avait plus rien a voir avec le trotskisme. Et d’ailleurs tous les trotskistes ne sont pas les mêmes ! Et la plupart sont d’abord finances par leurs cotisations.


    • Jean J. MOUROT Jean J. MOUROT 22 juillet 2014 11:38

      J’ajoute qu’on trouve de tout sur Internet, même des conneries !


  • CHALOT CHALOT 21 juillet 2014 18:57

    c’est un grand. Bonhomme militant révolutionnaire anti stalinien qui vient de mouriŕ merci. A Jean Mourot pour cet article. Volo nous manque


  • Jean J. MOUROT Jean J. MOUROT 22 juillet 2014 11:10

    Parmi les Amis de l’EE, Volo était bien celui qui donnait tout son sens au mot « amitié » !


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