Burqa ou nationalité, il faut choisir
La nationalité, c’est comme les antibiotiques, ce n’est pas automatique ! C’est ainsi que l’on pourrait résumer la décision judicieuse du Conseil d’Etat de refuser d’attribuer la nationalité française à une Marocaine qui prétendait l’obtenir en portant la burqa ! Le progressisme inespéré de cette excellente décision donne une bouffée d’air frais à une institution judiciaire qui semblait s’éloigner sérieusement de l’esprit des Lumières ces derniers temps... Examinons les faits :
Mme Faiza M., femme de nationalité marocaine âgée de 32 ans, mariée à un Français, mère de trois enfants nés en France, s’est vu refuser la nationalité française, alors que, théoriquement, elle était en droit de l’obtenir automatiquement dans ces conditions. En effet, elle avait demandé au Conseil d’Etat d’annuler un décret du 16 mai 2005 lui refusant la nationalité française pour défaut d’assimilation. Le Conseil d’Etat base sa décision sur l’article 21-4 du Code civil, consultable ici, qui stipule que le gouvernement peut, par décret en Conseil d’Etat, s’opposer à l’acquisition de la nationalité française pour "défaut d’assimilation autre que linguistique".
La décision du Conseil d’Etat concernant Mme Faiza M. peut être consultée ici.
Le Conseil d’Etat considère que "si Mme A. possède une bonne maîtrise de la langue française, elle a cependant adopté une pratique radicale de sa religion, incompatible avec les valeurs essentielles de la communauté française, et notamment avec le principe d’égalité des sexes ; qu’ainsi, elle ne remplit pas la condition d’assimilation posée par l’article 21-4 précité du Code civil ; que, par conséquent, le gouvernement a pu légalement fonder sur ce motif une opposition à l’acquisition par mariage de la nationalité française de Mme A. ;
Considérant que le décret attaqué du 16 mai 2005 n’a ni pour objet ni pour effet de porter atteinte à la liberté religieuse de l’intéressée ; que, par suite, il ne méconnaît ni le principe constitutionnel de liberté d’expression religieuse ni les stipulations de l’article 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales".
Le commissaire du gouvernement (chargé de donner un avis juridique), Mme Prada Bordenave, a constaté que lors des entretiens avec les services sociaux et la police, elle se serait présentée "recouverte du vêtement des femmes de la péninsule arabique, longue robe tombant jusqu’aux pieds, voile masquant les cheveux, le front et le menton et une pièce de tissu masquant le visage et ne laissant voir les yeux que par une fente".
Le couple aurait reconnu son appartenance au salafisme. Mme Faiza M. a affirmé qu’elle n’était pas voilée quand elle vivait au Maroc et "qu’elle n’a adopté ce costume qu’après son arrivée en France à la demande de son mari et qu’elle le porte plus par habitude que par conviction". "D’après ses propres déclarations, elle mène une vie presque recluse et retranchée de la société française. Elle n’a aucune idée sur la laïcité ou le droit de vote. Elle vit dans la soumission totale aux hommes de sa famille." Faiza M. semble "trouver cela normal et l’idée même de contester cette soumission ne l’effleure même pas", a ajouté Mme Prada-Bordenave, estimant que ces déclarations sont "révélatrices de l’absence d’adhésion à certaines valeurs fondamentales de la société française".
Que penser de cette décision du Conseil d’Etat ? Comme le souligne Me Eolas (dont on parle souvent ces temps-ci) dans son blog, ce n’est pas tellement la burqa qui est en soi contestée par le Conseil d’Etat, mais l’appartenance au salafisme que ce port de burqa traduit (NDLR : en fait, selon plusieurs analystes, il ne s’agirait pas exactement d’une burqa, mais d’un niqab, c’est-à-dire d’un voile intégral, le résultat est quasiment le même). En quoi cette Marocaine est-elle en contradiction avec les valeurs fondamentales de la République ?
Rappelons que celles-ci, affichées sur toutes les mairies, sont "liberté, égalité, fraternité". Posons-nous les questions suivantes :
1) cette femme en burqa (ou niqab) manifeste-t-elle un comportement libre ? La réponse est non : en effet, cet accoutrement lui aurait été imposé par son mari ; lorsqu’elle était au Maroc, elle circulait sans voile. Par ailleurs, quand bien même se serait-elle, de sa propre volonté, attifée de cet accoutrement, le fait de le porter implique la disparition de toutes ses autres libertés : elle n’est plus libre de travailler (une femme ainsi habillée est totalement et définitivement inembauchable dans quelque entreprise que ce soit, même si la Halde serait capable de ne pas être de cet avis). Elle perd aussi d’autres libertés essentielles, telles que, par exemple, courir pour attraper son bus, sentir le soleil sur son visage et le vent dans ses cheveux, ne pas crever de chaud en plein été, se baigner dans la mer, etc. ;
2) cette femme peut-elle se considérer comme égale aux autres citoyens ? Non, dit le Conseil d’Etat, elle se retrouve dans une situation manifeste d’infériorité, et ne peut jouir dans les faits d’aucune des libertés dont bénéficient ceux et celles dont elle prétend aspirer à être une concitoyenne. Qui plus est, elle semble considérer l’égalité comme une non-valeur, ce qui est gênant quand on veut être Française ! ;
3) cette femme manifeste-t-elle de la fraternité ? Comment pourrait-elle se prétendre fraternelle alors qu’en cachant entièrement son visage dans la rue, elle affiche ouvertement son mépris vis-à-vis des hommes et des femmes dont elle déclare pourtant souhaiter être la concitoyenne ! La fraternité commence avec la communication, quelle communication peut-il exister avec une femme ainsi habillée ? Qui serait tenté de lui adresser la parole ?
D’autres questions se posent :
1) c’est le mari qui, selon les déclarations de cette femme, lui a imposé la burqa. Deux hypothèses se présentent : il peut s’agir d’un Français de naissance converti à l’islam salafiste, ou bien il peut s’agir d’un salafiste ayant obtenu la nationalité française. Dans ce cas, cette attribution a-t-elle été bien considérée, on peut se poser la question ;
2) la décision du Conseil d’Etat laisse entier le problème d’une Française de naissance, qui, convertie à l’islam, déciderait de se mettre à porter la burqa. Il ne saurait être question de la priver de sa nationalité. Mais, du coup, la femme marocaine faisant l’objet d’un refus de nationalité pourrait argumenter qu’il y a deux poids et deux mesures !
On voit donc bien que le législateur devra un jour se poser la question d’interdire purement et simplement tout vêtement masquant le visage en dehors des jours de carnaval.
Evidemment beaucoup s’écrieront que c’est une atteinte à la liberté qu’a tout citoyen de s’habiller comme bon lui semble. Néanmoins, il semble que cette restriction à la liberté existe déjà dans les faits : il suffit d’imaginer qu’un homme entre dans une banque ou dans un grand magasin affublé d’une cagoule lui recouvrant entièrement le visage à l’exception des yeux, la police viendrait l’arrêter dans de brefs délais comme suspect de tentative de braquage ! Autoriser le niqab ou la burqa constitue donc une discrimination sexuelle et religieuse : une femme musulmane se voit autorisée à entrer dans une banque le visage masqué alors que la chose est interdite dans les faits aux autres citoyens !
Dernières réflexions :
1) on peut supposer que le mari de cette femme en burqa arbore également, s’il est cohérent avec ses idées, une tenue salafiste (barbe, djellaba, chapeau intégriste). Lui non plus ne doit pas trouver beaucoup de travail dans cette tenue. Cette famille se condamne probablement à vivre à terme d’allocations et du RMI. Pourquoi attribuerait-on, aux frais du contribuable, un revenu minimum d’insertion à des personnes qui, par leur accoutrement, se retirent à elles-mêmes toute possibilité effective d’insertion ? ;
2) il ne manquera certainement pas de bonnes âmes bien-pensantes, invoquant à contresens les droits de l’homme, qui stigmatiseront comme xénophobe, liberticide, voire raciste (n’ayons pas peur des mots !) la sage décision du Conseil d’Etat. Néanmoins, on imagine aisément la réaction qu’auraient ces prétendus défenseurs des droits de l’homme s’ils voyaient leur propre fille se mettre à porter la burqa (ou le niqab)...
Enfin, on peut craindre que la décision du Conseil d’Etat ne fasse l’objet d’un recours devant la Cour européenne des droits de l’homme, dont le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle n’a que trop tendance à défendre les intérêts de l’obscurantisme dans ses décisions. Affaire à suivre, donc.