La soumission est dans sa maison
Le discours du non-sens près de chez moi
La Bergère à toutes les sauces
Le candidat des quincailliers, des rentiers, des seniors et du conservatisme était en visite dans la bonne ville de son soutien le plus indéfectible et le plus fidèle. Reconnaissons au moins à Serge Grouard le mérite de ne pas avoir fui le navire dans la tempête et d’avoir maintenu le cap en dépit de la triste et odieuse cupidité de son champion. Mais là n’est pas le coup de gueule du jour.
Le brave Prince des risettes n’a pu s’empêcher de faire comparaison à l’héroïne locale : la brave Pucelle, mise à toutes les sauces idéologiques, au gré des circonstances et des besoins de tous les candidats au pouvoir. Avec le bon Châtelain chafouin, la donzelle a dû sentir le souffle de l’inspiration frelatée et de la plus totale méconnaissance de la ville.
L’homme, emporté par l’enthousiasme débordant d’un public sénile sous euphorisants, s’est laissé aller à des tirades qui laissent pantois ceux qui vivent réellement dans cette cité engluée dans la tradition, le conservatisme, la mainmise de la bourgeoise et le rigorisme le plus réactionnaire. Dans cette cité où la mendicité est hors-la-loi, la pauvreté bannie par décret, le couvre-feu instauré avant tout le monde, dans cette ville laboratoire de la surveillance et du flicage, de la sécurité et de la soumission à la force injuste de la loi locale, le candidat n’y est pas allé avec le dos de la cuillère pour la flatterie fictive !
« À Orléans, le mot soumission, ça fait des siècles qu’on l’ignore ! » Fillon a martelé cette phrase choc avec une francisque à la main et le regard perdu dans les cieux. Le souffle divin a dû l’inspirer ; le même souffle, du reste, qui a attisé le bûcher le 31 août 1431 à Rouen, quand l’Eglise se fit complice du martyre de la jeune guerrière. Le souffle de l’ordre établi, punissant les gueux, les réduisant au silence dans une ville marquée du sceau du conservatisme.
Que tous ceux qui ont un jour subi les foudres, le mépris, l’arrogance et l’anathème des gens en place dans la cité Johannique se lèvent pour dire combien la soumission se paie cher dans cette ville. C’est une farce, monsieur Fillon, que cette affirmation scandaleuse. C’est un crachat envoyé à la face de ceux qui luttent pour plus de démocratie, plus de justice, plus de transparence dans une cité noyautée par une droite dure et impitoyable.
Vous n’en avez cure de la réalité ; nous l’avions déjà remarqué avec votre système de défense pour vos malversations économiques scabreuses et sans doute légales. Vous méprisez le commun, vous insultez le réel, vous passez au-dessus des valeurs morales ; tout cela est votre choix et la simple logique d’une caste qui a toujours agi ainsi ; mais de grâce, n’allez pas mêler la petite bergère à vos simagrées de vierge effarouchée, outragée, malmenée par un peuple effaré de tant d’arrogance !
La bergère ne gardait pas des oies blanches mais bien des moutons : de ceux que vous avez bien l’intention de tondre sans vergogne. Cette jeune fille a soulevé un peuple que vous comptez bien mettre à genoux au profit de vos amis du Medef ; la Pucelle a symbolisé l’esprit de révolte alors que vous, vous serez au service de la casse de l’esprit national. Vous ne manquez pas d’air d’en appeler au refus de la soumission, simplement parce que vous refusez de vous soumettre aux juges et à leurs légitimes investigations.
Vous agissez comme votre copine, votre presque voisine idéologique qui a fait, elle aussi, de la pauvre Lorraine, un symbole de récupération et de travestissement de l’histoire au profit d’une pensée archaïque de la France. Le temps est revenu des Princes et des compagnons de Jeanne ; vous allez remettre la légion d’honneur à titre posthume au merveilleux Gilles de Rais. C’est cette France-là que vous défendez, que vous mettez en avant : celle de la soumission à l’Eglise, à l’argent, à la force, aux patrons.
Alors, laissez tomber ces propos sans fondement, cette argutie de pure opportunité. La soumission, vous allez l’exiger avec une main de fer, la soumission, c’est votre credo. Laissez-moi encore le droit de vous montrer mon insoumission avant que vos sbires et leurs amis ne viennent, une fois encore, me bâillonner. Pour votre Jeanne, vous souhaitez des chefs zélés, des capitaines courbés et des soldats aux ordres. L’insoumission vous fait horreur. Alors taisez-vous et cessez de salir la mémoire d’une véritable rebelle !
Johanniquement sien.