mercredi 27 mars 2013 - par maQiavel

Aristote juif ? L’argent et le commerce chez Aristote, par Keroas

« Ce grand penseur qui a analysé le premier la forme valeur, ainsi que tant d’autres formes, soit de la pensée, soit de la société, soit de la nature : nous avons nommé Aristote. »

Karl Marx, Le Capital, Section I : la marchandise et la monnaie

Un Aristote juif ? C’est ce que prétend le rabbin Yechiel Halperin, auteur du Seder Hadorot, un livre d’histoire juive classique. Alors qu’aucun biographe ne s’était rendu compte de cette qualité extraordinaire, nous proposons de participer à l’éclaircissement de ce mystère en rappelant ce qu’Aristote dit de l’économie.

I. L’économie antique

Au Vème siècle avant J.-C., Athènes est emblématique de l’activité commerciale dans le monde antique. Sa plaque tournante est le port du Pirée. Son atout par rapport aux autres cités grecques est non seulement ce grand port mais aussi son développement monétaire. Divers auteurs se font écho de cette supériorité économique (notamment par rapport à Sparte, cité plus militaire, admirée par Socrate et Platon, qui résista longtemps à l’utilisation des monnaies d’or et d’argent ; la légende, d’ailleurs, lui fait utiliser une monnaie de fer). Parmi eux, Xénophon, contemporain de Socrate, considère ce développement monétaire comme la cause de cette ascendance (Revenus de l’Attique, 3) car elle permet d’échanger de lourdes cargaisons contre de l’argent facilement transportables. La prospérité commerciale qui s’ensuit va à son tour accélérer les échanges monétaires et l’enrichissement des particuliers comme de l’Empire athénien. Cyrus (Cyrus II, dit « Cyrus Le Grand » : 559-529, celui qui autorisa le retour des exilés judéens à Jérusalem), fondateur de l’Empire perse, méprise au contraire ce commerce au nom de valeurs plus nobles (Hérodote, Histoires, I, 153). Il faut savoir que ce dédain du commerce est partagé par les meilleurs philosophes grecs au nom de la hiérarchie des biens (biens spirituels, biens corporels, biens extérieurs).

Les historiens pensent que les premières pièces de monnaie frappées à Athènes datent du VIème siècle. Cette monnaie athénienne est en argent issu des mines du Laurion. À partir de Philippe II de Macédoine (382-336 : père d’Alexandre le Grand), le choix est porté sur l’or du mont Pangée. Dés cette époque, une organisation bancaire s’est développée à Athènes et certains spéculent déjà sur le blé. Cette hégémonie grandissante de l’argent dans les échanges déplaît aux grecs des masses populaires (agriculteurs, artisans) qui déplorent l’émergence des « actes d’achat » au détriment du troc ancien (cf. Aristophane, Les Acharniens, 32-36). Ces agriculteurs traditionnels, en effet, vivaient en autarcie et n’avaient pas grand besoin de cet intermédiaire qui engendre des fortunes parasitaires. Théognis (de Mégare, VIème siècle, chantre l’aristocratie propriétaire, dénonçait déjà ces « marchands qui commandent » (vers 677). Sophocle (495-406), dans Antigone (vers 295-299), dénoncera aussi la culture de mort de l’argent :

« Aucune mauvaise institution, en effet, n’a germé 
Chez les hommes comme l’argent. Les villes, 
Il les saccage, il chasse les hommes de leurs maisons, 
Il imprègne et détraque les esprits honnêtes 
Des mortels, et les incite aux honteuses entreprises. »

Les meilleurs des Grecs, du moins ceux qui ont réfléchi un petit peu, constatent donc que l’argent peut accélèrer la dissolution sociale et l’esprit communautaire, étant propriété privée. Marx s’en fera l’écho dans Le Capital (chapitre I). La corruption des esprits est telle que dans l’opinion commune, « noble » devient synonyme de « riche »… Tout comme maintenant, malheureusement jusque dans le catholicisme, le terme « respectable » devient synonyme d’« établi »… De nombreux historiens avancent que le métier de manieur d’argent était très méprisé dans l’Athènes antique. Certains, cependant, et il y en a toujours, ne se posaient pas trop de question et s’enrichissaient sans scrupules. Un certain capitalisme (c’était l’opinion de Gustave Glotz) était en effet présent dans l’Athènes antique.

II. L’évaluation d’Aristote

Quand Aristote propose une analyse rationnelle de la vie économique chez l’homme, il faut considérer ces faits comme lui-même les voyait. L’amour de l’argent, jusqu’à l’idolâtrie, est constant dans l’histoire des hommes. Et d’ailleurs, dans les relations humaines, il a toujours existé un certain commerce. Mais nous sommes là en face des premières créations monétaires : certains, les plus malicieux, les plus rusés, se rendent compte qu’ils peuvent « faire de l’argent » en ne faisant pas grand-chose. C’est le début de la généralisation de la marchandisation des rapports humains. Comme d’habitude, Aristote analyse ce fait social en considérant le réel. Il est métèque, non pas citoyen athénien (il n’a jamais joui du « droit de cité »), et les métèques, ne pouvant pas être propriétaire sur le territoire athénien, étaient contraints au commerce. Aristote a donc certainement été au courant des us et coutumes des commerçants dans la zone d’influence athénienne.

Il est un point de la biographie d’Aristote sur lequel on insiste peu mais qui peut éclairer sa réflexion sur l’économie et la place de l’argent. Lorsque Platon meurt, en 348, Aristote est invité avec plusieurs autres membres de l’Académie à la cours du roi d’Atarnée (actuellement en Turquie, côte ouest de l’Anatolie), Hermas, disciple de Platon. Or, cet Hermas a succédé à Euboulos dont il était un ancien employé de la banque selon plusieurs témoignages (dont W. Jaeger). Aristote a très probablement été « sensibilisé » aux problèmes économiques et financiers de son temps à travers ces rencontres et d’autres encore (notamment Lycurgue, alors au pouvoir à Athènes). Il faut savoir en outre que les écrits de Théophraste, premier successeur d’Aristote au Lycée, constituent les textes plus détaillés sur les modalités des échanges commerciaux dans l’antiquité grecque classique. Cette histoire n’est pas inconnue de Jacques Attali qui la rappelle dans son livre Phares, 24 destins (Fayard, 2010).

Il ne faut pas considérer ce qu’on pourrait appeler le « droit commercial » grec d’alors comme identique à notre droit actuel, issu en grande partie du droit romain. À l’époque règne la coutume du cash : la propriété est acquise par le seul versement effectif du prix et non la signature d’un contrat. Cette précision est essentielle pour comprendre l’économie ancienne. Dans la vente, ce qui est déterminant ici est la chose extérieure et l’argent qui peut fonctionner comme un intermédiaire alors que dans le droit commercial moderne issu des Latins, c’est la volonté subjective des deux parties qui fait le contrat de vente. On pourrait dire que ce droit commercial est moins « objectif ». Par ailleurs, l’obligation de remboursement est issu chez les Grecs d’une certaine bonne volonté alors que le contrat romain oblige dés la signature. Nous ne sommes pas dans le même monde économique. Les historiens nous disent que ce fondement trop subjectif explique la méfiance des philosophes antiques envers le prêt à intérêt.

Car Aristote, comme on va le voir, ne semble pas condamner ce prêt à intérêt pour des raisons proprement morales mais plutôt pour des motifs « rationnels » : ce prêt n’est pas naturel. Car en effet l’échange naturel a pour conséquence qu’un produit soit cédé immédiatement contre son équivalent en monnaie. Le prêt à intérêt, au contraire, diffère la restitution et l’argent prêté n’est le substitut de rien. L’absence de contrat chez les Grecs est l’indice de leur réalisme : on préfère le concret tangible des marchandises et de l’argent-monnaie réel aux jeux d’écriture. Les actes conjugués d’achat et de vente sont constitués, aux yeux de tous, par l’échange réel de deux réalités visibles et objectives (argent-monnaie concret, marchandise, etc) et non de deux subjectivités qui se mettent d’accord sur papier. Les Grecs ne formalisaient donc pas en droit civil un bon vouloir introduit plus tard par les Latins.

La vente grecque n’est donc pas un contrat au sens du droit romain. Aristote, donc, dira qu’un contrat passé entre deux parties qui y consentent peut être injuste : affirmation incompréhensible dans le droit commercial issu du monde romain. Aristote l’affirme pourtant car pour un Grec de cette époque l’échange n’est pas constitué par le simple accord de gré mais par l’exécution effective ou le début d’exécution du paiement du prix contractuel.

Aristote constate ainsi que dans certains pays les lois positives interdisent des actions en justice concernant les accords simplement volontaires (Éthique à Nicomaque, IX, 1, 1164b 13) : car ces ententes subjectives ne sont pas concrétisées (ou commencent seulement à l’être, par des arrhes par exemple) objectivement au moment de l’accord mais se fondent exclusivement sur la confiance qu’on accorde à quelqu’un. Nous y voilà ! Car cette confiance est subjective et n’est pas constitutive pour la psychologie grecque d’un engagement réel fondé sur les choses mêmes.

Par ailleurs, nous voyons Aristote affirmer que le prix d’une chose doit être fixé par l’acheteur et non par le vendeur (Éthique à Nicomaque, IX, 1, 1164b 12)... La vision romaine dira le contraire et va engendrer la théorie du « juste prix ». Car la justice, dans la transaction, est évaluée chez Aristote non pas en vertu d’un accord volontaire préalable mais de la proportion réelle des choses échangées. Quand Aristote parle donc d’injustice dans les transactions, il ne le fait pas en fonction de la violation d’un accord consensuel mais dans l’équivalence des choses réelles. Il est évident que cette équivalence n’est pas inscrites dans les choses mêmes mais résulte d’une évaluation subjective. Aristote nous dit qu’elle est jaugée surtout sous la pression du besoin (Éthique à Nicomaque, V, 8, 1133a 26) autrement dit la nécessité naturelle et non un libre choix.

Avec Aristote la philosophie n’est pas l’enregistrement, la justification de tout ce qui se produit dans la vie sociale. Car le réel ne coïncide pas intégralement avec l’empirique : c’est la réalité pleine, la nature épanouie, l’essence saturée, qui donne la mesure sur laquelle il convient de se régler. Il invite ainsi à faire le tri entre le normal et l’aberrant.

Il commence par constater les faits sociaux humains. Toute cité est ainsi une communauté qui a atteint un certain niveau de développement économique et qui présente une division du travail. Cette différenciation des tâches, en fonction des aptitudes naturelles de chacun, est nécessaire : pourrait-on vivre dans une cité habitée uniquement par des mécaniciens ? Cette communauté pratique des échanges : ce que l’un produit est échangé avec ce que l’autre produit. On cherche alors à équivaloir les deux produits, à les rendre égaux d’une certaine façon. Mais comment rendre égaux les produits et les producteurs ? Aristote répond : les hommes l’ont fait par la monnaie (Éthique à Nicomaque, V, 8, 1133a 20).

III. La monnaie chez Aristote

La monnaie, création humaine, a donc un rôle d’intermédiaire utile. Avant la création de la monnaie, les hommes échangeaient quand même (Éthique à Nicomaque, 1133b 26). Ce troc cherchait une égalité dans les échanges (un tas de bois contre telle quantité d’eau). C’est le développement quantitatif des échanges, à grande échelle (en gros du village à la communauté de villages), qui a conduit à cette « nécessité » de créer l’argent (Politique, I, 9, 1257a 33). On passa donc du troc à la monnaie métallique, sans doute par cette étape intermédiaire que constituait la tête de bétail (estimation présente chez Homère).

Aristote est moins méfiant que l’aristocrate Platon vis-à-vis de la monnaie (dans les Lois, 742a -743d, Platon interdit dans son programme politique les monnaies d’or et d’argent). Werner Jaeger explique le fait : « La puissance de l’ancienne aristocratie se fondait sur la richesse foncière et elle avait été fort ébranlée par l’apparition de la monnaie comme nouveau moyen d’échange » (Paideia).

Pour comprendre la place de la monnaie chez Aristote, on peut la comparer au système de signes à quoi toute chose se réfère dans la communication humaine. Aristote lui-même indique cette analogie (Histoire des Animaux I, 6, 491a 20). Or, Aristote appelle ce signe linguistique « symbole ». Et, à l’origine, ce terme « symbolon » désignait précisément une pièce de monnaie fracturée dont deux personnes prenaient justement la moitié pour se reconnaître plus tard. La pièce est ici encore un moyen de se mettre d’accord. Le problème reste celui de l’équivalence entre deux choses différentes. On retrouve cette problématique dans la nature de la définition chez Aristote (opération intellectuelle fondamentale dans tous les sens du terme). Car une définition doit dire la même chose que le défini sans pour autant se répéter tautologiquement. On ne peut pas définir l’homme est disant que c’est un homme : on emploie d’autres termes différents. Dans l’échange, de façon semblable, le juste cherche à équivaloir les objets : qu’ils aient la même valeur (établie d’un commun accord).

L’échange se définit en effet par le don mutuel d’objets différenciés. Pour mémoire, les pères du relativisme, et parmi eux Antisthène (444-365 : né d’une mère juive pharisienne, disciple du sophiste Gorgias et à la fin de sa vie de Socrate), véritable précurseur du nominalisme, estiment que l’esprit humain ne peut affirmer que des tautologies : Socrate est Socrate, par exemple. Car définir, c’est prédiquer une chose d’une autre, comme on vient de le voir. Or, il n’y a pas d’équivalence rigoureuse entre des termes différents, qui désignent des choses différentes. C’est une vieille histoire, toujours d’actualité. Aristote corrige cette errance logique : il ne s’agit pas d’échanger l’identique à l’identique, mais l’équivalent à l’équivalent. Ce qui permet d’ailleurs aux définitions d’être adéquates et au langage humain de signifier les choses de façon satisfaisante.

Bref, la monnaie est un intermédiaire entre deux choses (marchandises) et aussi une certaine mesure qui cherche à équivaloir ces choses distinctes dans un rapport mathématique. Par le moyen du nombre, en effet, les choses hétérogènes que l’on cherche à évaluer sont rendues « égales » : une proportion est ainsi établie. Cette commensurabilité estimée par l’homme permettra l’échange. Aristote prend des exemples de son temps (une maison, une somme d’argent en mines, des lits, avec des prix fantaisistes d’ailleurs) mais la signification est intemporelle (Éthique à Nicomaque, V, 8, 1133b 23). Transposons ces exemples dans notre monde (ou plutôt celui de l’hyper-classe mondialisée) : une maison est nommée A ; 10 M€ est nommé B ; une voiture est nommée C. Alors A est la moitié de B si la maison vaut 5 M€ ; et la voiture est la dixième partie de B : on voit ainsi combien de voiture équivalent à une maison : à savoir 5. On voit ainsi que la transposition mathématique des choses en échelle monétaire permet une équivalence. Karl Marx explicitera : « Les marchandises se disent dans leur nom d’argent ce qu’elles valent » (Le Capital, I, 110, Éditions Sociales).

Que constate-t-on dans ces opérations d’équivalence ? Une plus grande précision, une évaluation plus perfectionnée, plus sophistiquée, plus absconse, plus abstraite. Nous rentrons dans les jeux d’esprits mathématiques. Ici, la quantité travestit la qualité : nous ne sommes plus en face des choses réelles mais de leur mesure. C’est ce qu’observe Aristote : « La monnaie, dés lors, jouant le rôle de mesure, rend les choses commensurables entre elles et les amènent ainsi à l’égalité » (Éthique à Nicomaque, 1133b 17). Mais il n’y a pas adéquation substantielle entre le nombre et la chose comptée, entre une maison et son prix (qui peut changer). Autrement dit l’argent n’est pas constitutif des choses : c’est seulement un mode de représentation. C’est pourquoi Aristote va souligner le caractère subsidiaire de la monnaie : sa dimension conventionnelle. L’argent est une création humaine et non un être naturel. Aristote évoque à ce sujet l’étymologie du terme « nomisma » (qui donnera numismatique) et le fait dériver de « nomos », la loi (Éthique à Nicomaque, 1133a 30).

Aristote est lucide sur la variabilité de cette monnaie : « La monnaie, il est vrai, est soumise aux mêmes fluctuations que les autres marchandises, car elle n’a pas toujours un égal pouvoir d’achat » (Éthique à Nicomaque, V, 8, 133b 12). Car l’Antiquité a connue des dévaluations de monnaie. Le Stagirite en évoque une à l’initiative de Solon (640-558) dansLa Constitution d’Athènes.

Cette nature conventionnelle de la monnaie fonde le refus de toute vénération excessive et évidemment d’idolâtrie, démesure vicieuse qui ne convient pas. Cette monnaie, certes, est amenée à « mesurer toutes choses » (Éthique à Nicomaque, 1133a 21) mais en aucune façon cela signifie chez Aristote qu’elle doit être « mesure de toutes choses » au sens où l’entendait le relativiste Protagoras (la chose n’est pas son prix « en acte » mais seulement « en puissance »). Non, il veut simplement rappeler que dans l’échange économique, pas mauvais en soi, on ne pourra trouver une équivalence totale entre les choses et la monnaie, car la chose vaut bien plus que sa traduction financière. Cette évaluation économique, finalement temporaire, car dictée par l’urgence du besoin, ne peut dire toute la richesse de la chose. Aristote rappelle en effet qu’on ne peut pas tout mesurer en argent. La science est une de ces choses, si bien que la valeur de l’enseignement philosophique « n’est pas mesurable en argent » (Éthique à Nicomaque, 1164b 3).

Le réalisme d’Aristote lui fait voir l’unité et l’ordre de la nature. L’argent, en effet, joue chez lui, dans le circuit M-A-M le rôle du moyen-terme (méson) dans le syllogisme. On sait que ce moyen-terme met en relation pour les unir les deux extrêmes (prédicat et sujet) et finit par s’effacer dans la conclusion. L’argent, de même, met en relation deux marchandises et s’efface dans la conclusion en permettant l’échange. Ainsi, dans l’échange, il doit avoir, comme dans le syllogisme, trois termes et non deux seulement. Aristote n’a évidemment pas plaqué ses modes logiques sur les faits économiques. Fidèle à son intention profonde, Aristote se sert du bon usage de la raison pour mettre à jour l’armature du réel. Contrairement au mode platonicien ou pythagoricien, hypothético-déductif, il n’est pas formaliste et refuse absolument de plaquer sur le réel des schémas préconçus.

IV. Les anglo-saxons contre Aristote

Thomas Hobbes (1588-1679 : protestant anglais, positiviste, cherchera à légitimer la toute-puissance de l’ordre établi au détriment du bien objectif et de la vérité objective) va railler l’analyse d’Aristote car celle-ci, bien comprise, limite l’expansion du commerce dans son principe. Dans le Leviathan (chap. 15), l’anglais dénonce ainsi ces auteurs (dont Aristote fait partie) « qui placent la justice commutative dans l’égalité de valeur des choses échangées par contrat… Comme s’il y avait injustice à vendre plus cher que nous n’achetons. » Car enfin Aristote critique certaines activités commerciales à cause d’un souci éthique, loin des critères de ruses. Cette orientation pose problème à de nombreux commentateurs, surtout Modernes, il faut le dire. Car pour Aristote, celui qui se contente d’acheter bon marché pour revendre plus cher, sans aucune activité productrice ni aucun service, est plutôt blâmé.

Mais il faut ici être nuancé : il s’agit de celui qui limite son action (son œuvre : son ergon) à l’achat minimum des mains mêmes du producteur et à une revente démesurée au consommateur. Il peut exister un travail intermédiaire louable (entrepôt, conservation, protection, mise à disposition, etc). Mais un simple revendeur ne produit aucune œuvre : Aristote le dénonce comme parasite des échanges. Il faut savoir qu’au temps d’Aristote, ces intermédiaires sont peu nombreux : on achète souvent directement au producteur. Mais Aristote reste réaliste : il ne condamne pas tout commerce. Il en fait même le reproche à Platon (Politique, 1265a 20).

Aristote propose donc autre chose que l’économie de marché qui ne prend en compte que les produits de façon horizontale. En effet, il insiste sur la considération des producteurs eux-mêmes (Éthique à Nicomaque, 1133a 33). De plus, dans l’économie de marché, on a tendance à produire pour la vente elle-même et non pour un besoin réel. Or, Aristote, dansPolitique, I, dénonce cette intention absurde. Car, en effet, Aristote commence son analyse par les besoins naturels à l’homme, et non aux lois établies du marché ici et maintenant.

Pour commenter correctement les pages d’Aristote sur l’économie, il faut sans doute rappeler que pour lui la valeur essentielle de toute activité n’est pas dans l’activité elle-même – le temps passé – mais dans le résultat et son rapport au Bien Commun. Aristote ne juge donc pas une œuvre, fruit d’activités (voir la distinction dans Éthique à Nicomaque, I, 1, 1094a 4), sur la peine subie ou le temps passé dans ces activités, mais sur l’œuvre finale elle-même. Pour prendre un exemple, vous n’êtes pas méritant à passer votre carrière à être l’agent de structures d’injustice, même si vous y avez passé vos journées en altérant votre vie de couple et de famille : il faut évaluer le bien objectif réalisé. Car on peut être plus méritant à l’avoir refusé.

Bref, c’est toute la différence avec une conception, disons matérialiste du travail comme le définit Karl Marx, lequel nie la finalité dans la nature à la suite d’Héraclite. C’est peut-être l’obsession finalisante d’Aristote qui le pousse à ne considérer que les choses achevées : il voit les choses dans leur perfection ultime, ce qu’elles peuvent être. Et non simplement, nous dirions positivement, ce qu’elles sont ici et maintenant. Ainsi reprocher à Aristote de négliger le « temps de travail » puisque de toute façon c’étaient surtout les esclaves qui produisaient, c’est oublier que les hommes qui opèrent les échanges dans sa conception de l’économie sont bien des hommes libres.

Aristote ne néglige pas l’utile mais l’on ne doit pas oublier que cet utile n’est qu’un moyen pour les biens de l’âme. Mais l’élévation de notre âme vers son bien propre suppose, entre autres, le solide socle des choses utiles car si ces biens métaphysiques sont premiers dans l’ordre de l’être, ils doivent être précédés chronologiquement par les choses utiles.

Nos besoins, en effet, nous rivent au réel et nous rappellent constamment au « principe de réalité ». Un passage des Topiques est significatif à ce sujet :

« Quelquefois cependant les choses meilleures ne sont pas les plus désirables ; car de ce qu’elles sont meilleures, elles ne sont pas pour cela nécessairement préférables ; ainsi philosopher vaut mieux que s’enrichir, mais ce n’est pas là une chose préférable pour celui qui manque du nécessaire » (Topiques, III, 2, 118b 21).

Ces lignes sont à l’origine de l’adage fameux : « primum vivere, deinde philosophari » transmis par la scolastique. L’usage des choses est bon pour l’homme : il le rend réaliste.

V. La définition de la chrématistique

Aristote va distinguer l’art naturel d’acquérir des richesses (cet art est légitime car l’homme a des besoins) et l’art d’acquérir dans l’échange mercantile (cet art est plutôt blâmé car antinaturel) : il existe ainsi un bonne et une mauvaise chrématistique. La difficulté des textes concernés (Politique I, 8-9 et Éthique à Nicomaque V, 8) vient des différents sens dont use Aristote, sachant que parfois il emploie le terme dans un sens très général qui recouvre les deux premières significations.

Dans la Politique, Aristote, suite à la lecture d’Hérodote (Histoires, I, 94) fait un rappel historique du passage du troc à la monnaie, et de la monnaie au commerce en vue du gain. Au départ, la monnaie est une création utile qui favorise les échanges. Mais la pratique de la revente va pervertir son usage. C’est à ce moment, en effet, qu’il précise une distinction qui va devenir célèbre : celle entre la valeur d’usage et la valeur d’échange.

Aristote distingue donc une bonne économie (acquisition naturelle) et une mauvaise pratique qu’on pourra nommer pour simplifier chrématistique (avec toutes les réserves vues plus haut).

1° Valeur d’usage et valeur d’échange

Toute chose possédée peut être utilisée de manière différente. Une maison peut être habitée par son propriétaire (valeur d’usage) mais aussi louée ou vendue à un autre (valeur d’échange). Dans ce second cas, la maison est évaluée en valeur d’échange, traduite en argent. De ces deux valeurs, « l’une est propre à la chose, l’autre non » (1257a 8). La valeur d’usage est propre à la chose selon sa nature, tandis que la valeur d’échange est conventionnelle et peut varier au fil du temps et selon les lieux. Ici, la chose devient marchandise, objet d’échange. Marx citera ce passage en précisant que la chose devient avec le marchand instrument d’échange, et seulement cela (Capital, Éditions Sociales, Tome I, p. 96).

Les principaux auteurs de l’Antiquité rappellent le primat de l’usage sur l’échange. Une chose en effet se définit par sa valeur d’usage et non sa valeur d’échange. Autrement dit la valeur réelle d’une chose (et encore moins d’un être humain) ne se réduit pas à sa transcription économique sous forme monétaire. Aristote rappelle à ce sujet la légende du roi Midas (1257b 14 ss) qui demanda à Dionysos la faculté de transformer en or tout ce qu’il touchait. Incapable de manger et de boire, il supplia le dieu de reprendre son présent. Dionysos lui ordonne alors de se laver les mains dans les eaux du Pactole, dont le sable se change en or. Cette légende explique le caractère aurifère du Pactole, auquel la Phrygie doit une bonne partie de son empire.

Identifier absolument richesse et monnaie, c’est inverser les valeurs d’usage et d’échange. Le réalisme aristotélicien privilégie la valeur d’usage sur la valeur d’échange. Les Modernes vont faire l’inverse, à la suite des auteurs anglo-saxons. Si bien que l’importance de l’homme moderne a tendance à être mesurée selon la procession des objets usagés qu’il laisse derrière lui. La dictature des objets trouve son origine dans des théories philosophiques modernes, surtout anglaises, qui sont venues légitimer les appétits égoïstes.

2° La perversion économique

L’art d’acquérir des richesses est donc un véritable bien, car il est naturel (1256b 37) mais sa perversion est artificielle (1257a 5). C’est encore Karl Marx qui va commenter ce passage (Capital, Livre I, 2ème Section) et en donner une lecture éclairante. On peut en effet distinguer deux formes de circulation : immédiate (Marchandise-Argent-Marchandise) et dérivée (Argent-Marchandise-Argent). Dans la première, l’Argent est un intermédiaire, dans la seconde, le commencement et la fin (cf. blague de Jacques Attali).

Dans le premier cas, l’argent est un intermédiaire transitoire destiné à disparaître car il est totalement dépensé. Dans le second cas, c’est la marchandise qui est une figure momentanée et l’argent est simplement avancé. Dans le circuit M-A-M, l’argent est utilisé comme il convient en tant que monnaie passagère ; dans le circuit A-M-A, il devient capital. La première circulation est dominée par la valeur d’usage. La seconde, par la valeur d’échange.

Pour Aristote, donc, la monnaie est une création qui permet un perfectionnement du troc (M-M). Quand on manipule les termes de la circulation (1257b 22-23), on pervertit l’échange car on donne l’initiative à l’argent. On voit ainsi l’argent se soumettre la marchandise alors que dans l’ordre naturel, c’est la marchandise qui doit se soumettre l’argent. C’est ainsi qu’Aristote parle de « violence » (Éthique à Nicomaque, 1096a 6) : la mauvaise chrématistique est en effet une activité contre-nature ; elle engendre donc de la violence sociale en pervertissant l’échange.

Par ailleurs, comme l’acheteur de la marchandise (A-M) la revend (M-A) avec ce qu’on appelle une « plus-value », nous devons convertir le schéma de circulation : A-M-A’ (A’ - A = plus-value). Cette circulation aurait-elle engendré de la « valeur » ? Selon Aristote, c’est une illusion. Cet accroissement n’est pas réelle, substantiel (1257b 21) mais permet la simple circulation sans production réelle. Il y a seulement circulation. Car la revente ne produit rien : il n’y a pas de plus-value réelle. Aristote précise : « Elle n’est pas naturelle, mais pratiquée par les uns aux dépends des autres » (1258b 1-2).

Mais si l’excédent de valeur est acquis aux dépends d’autrui, les choses échangées ne sont plus équivalentes et je suis en présence d’une injustice. L’injustice de l’échange consiste en effet dans ce que A est inférieur à A’. Aristote condamne donc l’usage de l’argent comme capital. Ce n’est donc pas la monnaie en tant que tel qui pervertir l’économie mais un mauvais usage de cette monnaie. On voit ainsi Aristote, au IVème siècle avant Jésus-Christ, dénoncer la pure spéculation ayant pour but exclusif le profit. Selon lui, la stabilité politique qui assure la paix sociale est fondée sur les classes moyennes. Or, cet idéal du profit altère l’influence sociale de ces classes moyennes en augmentant la richesse des riches et en appauvrissant toujours plus les pauvres (Politique, III, 8, 1279b 27-28). Il analyse ainsi cette dissolution politique : « On obtient ainsi un État de maîtres et d’esclaves mais non d’hommes libres, les uns pleins de mépris et les autres d’envie » (Politique, IV, 11, 1295b 14-23).

Pour le réaliste Aristote, la juste mesure est également à observer quant à la richesse de l’État. On voit ainsi Aristote rappeler les travers de Sparte : ploutocratie, militarisme et matriarcat (Politique, 1269b 23-26 et 1270 a 12-15).

3° Pourquoi cette condamnation chez Aristote ?

La mauvaise gestion, en mettant l’argent à la place de la marchandise en début de chaîne, en fait une chose alors qu’elle n’est qu’un symbole : ce n’est pas un être naturel mais conventionnel. L’erreur de cette gestion, qui en fait d’ailleurs une activité non-naturelle, est de faire comme s’il s’agissait d’un être réel alors que la monnaie n’est qu’une mesure conventionnelle. L’ennemi de la pensée réaliste est justement la chosification de l’abstrait. Le symbole est pris pour le réel : alors se développe le virtuel qui singe le réel, la vie. La matérialité du symbole, la pièce de monnaie, ne doit pas induire en erreur : cette pièce de monnaie n’est qu’une représentation arbitraire.

Cette gestion perverse des échanges se traduit concrètement par des aberrations qui sortent des limites fixées par nos besoins naturels et font croire à l’utopie de l’accroissement sans fin des gains. Nous ne sommes pas loin d’un Calliclès qui se fourvoyait dans la fuite en avant. Calliclès, en effet, dans le Gorgias de Platon, défend une morale d’assouvissement des plaisirs sensibles. Il deviendra l’opposant classique à la réflexion socratique. Mais alors que Calliclès est plutôt le bon vivant qu’aucune morale universelle ne peut contenir, le marchand entretient une volonté froide d’accaparement pour la sécurité matérielle. Cette orientation terrestre ne va pas sans un ascétisme. Aristote a bien vu qu’il s’agit là d’une soif irrationnelle (Politique, 1257b 37-38). Il désapprouve ceux qui recherchent la richesse « à l’excès sans limite » (1323a 38). On peut en effet accumuler de l’argent au-delà de ses besoins naturels. Aristote rappelle sans cesse qu’on ne doit pas confondre ici-bas le moyen et la fin.

Aristote ne condamne pas tout commerce, en quoi il se sépare de Platon (Lois, IV, 704a). Il critique surtout le commerce de revente, celui qui ne rachète que pour revendre plus cher sans opérer aucune œuvre utile. Il vise là certains intermédiaires, ces parasites sociaux qui handicapent les échanges.

VI. Aristote et l’usure (obolostatikè)

Le chapitre 10 du Livre I de la Politique traite de l’usure. Les commentateurs médiévaux constateront que son enseignement correspond à la Révélation. Les Modernes, cependant, tel Turgot que nous verrons plus bas, y verront un frein à leur conception de la « loi naturelle », entendue dans un sens anglo-saxon, disons darwinien.

Certains théologiens, même catholiques, ont avancé l’idée que l’usure ne désignait finalement qu’un prêt à intérêt (le terme change) à un taux excessif. Le moyen-terme évoqué est la différence entre l’économie médiévale « statique » et l’économie moderne « dynamique ». On ne condamne plus la pratique elle-même. Cette distinction contredit de façon manifeste l’enseignement constant de l’Église catholique sur la question. Le père Pamphile Akplogan a largement traité du problème dans son livre paru dans l’indifférence générale en 2010,L’Enseignement de l’Église catholique sur l’usure et le prêt à intérêt (L’Harmattan).

Aristote rejoignait là une réprobation commune chez les philosophes sérieux, tel son maître Platon, qui à ce sujet contredisaient le grand Solon (Lysias, Discours, X, Contre Théomnestos, §18) qui était pourtant conscient de l’avidité humaine (cf. Werner Jaeger,Paideia, commentaire du fragment I, 71sq).

Aristote constate que ce prêt à intérêt est le fruit d’une gestion malsaine. Car la circulation A-M-A’ a tendance à devenir A-A’, qui définit justement l’usure. Ici, en effet, l’argent (A) produit un supplément d’argent (A’), pratique que Marx va analyser en argumentant avec Aristote : « argent qui s’échange contre plus d’argent, ce qui est en contradiction avec sa nature et inexplicable au point de vue de la circulation des marchandises » (Capital, livre I, IIème section, chapitre 5).

Certains intermédiaires sont authentiquement utiles et Aristote reconnaît le bienfait de ceux qui, par exemple, approvisionnent la Cité en blé. Mais il dénonce surtout ceux qui ne font « travailler » que leur propre argent.

Dans le cadre de l’obolostatikè, les bénéfices proviennent de la monnaie elle-même et non plus de la finalité utile de cette monnaie. Cette forme de chrématistique, mercantile, se sépare de la bonne gestion du père de famille qui ne veut pas s’avilir à amasser de l’argent de façon malhonnête :

« Dans ces conditions, ce qu’on déteste avec le plus de raison, c’est la pratique du prêt à intérêt parce que le gain qu’on en retire provient de la monnaie elle-même et ne répond plus à la fin qui a présidé la création. Car la monnaie a été inventée en vue de l’échange, tandis que l’intérêt multiplie la quantité de monnaie elle-même. C’est même là l’origine du mot “intérêt” : car les êtres engendrés ressemblent à leurs parents, et l’intérêt est une monnaie née d’une monnaie. Par conséquent, cette dernière façon de gagner de l’argent est de toutes la plus contraire à la nature. » (Politique, I, 10, 1258b 2).

Aristote dénonce ici une violation de la nature. Il y voit même une sorte de monstruosité : un être symbolique engendré en se comportant comme un être vivant. C’est là détruire l’ordre des choses, l’ordre naturel. Car dans le circuit A-A’, l’argent perd sa position normale de médiété,

« car elle n’est pas conforme à la nature, mais elle provient du bénéfice des échanges réciproques. C’est avec beaucoup de raison qu’on a une grande aversion pour l’usure, parce qu’elle produit une richesse provenant de la monnaie elle-même, et qui n’est plus appliquée à l’emploi pour lequel on se l’était procurée. On ne l’avait créée que pour les échanges, tandis que l’usure la multiplie elle-même : c’est de là que l’usure a pris son nom, parce que les êtres produits sont semblables à ceux qui leur donnent la naissance. L’intérêt est l’argent de l’argent. C’est de toutes les acquisitions la plus contraire à la nature » (ibid.).

Aristote dénonce donc fermement cette usure qui « ne se fait pas en effet selon la nature des choses, mais sur le dos des autres ». La blague de Jacques Attali prend ici tout son sens.

Dans le cadre de l’usure, en effet, l’articulation M-A-M manifeste une différence qualitative du facteur Marchandise : une maison n’est pas une voiture. Mais dans le système usurier, A est de même nature que A’ et les deux facteurs ne diffèrent qu’en quantité.

Là réside dans le texte d’Aristote la distinction entre choses fongibles (qui appartiennent à un même genre : l’argent, le blé, l’huile ou le vin ; ces choses fongibles peuvent être remplacées par n’importe quelle chose du même genre - la monnaie est également fongible) et choses non-fongibles. Ces distinctions seront associées au texte d’Aristote surtout par des jurisconsultes tel Robert-Joseph Pothier (1699-1772) qui reprend une distinction de saint Thomas d’Aquin (1224-1274).

Saint Thomas, en effet, opérait une distinction entre les choses dont l’usage engendre leur destruction (blé, vin, huile, etc) et les choses non-détruites par cet usage (maison, etc). L’argent fait partie de ces choses fongibles et il est permis de demander un loyer pour une maison mais pas pour de l’argent. Car louer de l’argent avec de l’argent, c’est désunir l’argent de son usage originel. Or, l’usage de l’argent et l’argent ne sont pas séparables en réalité. Si bien que demander un intérêt pour une somme d’argent prêtée, c’est finalement vendre « ce qui n’existe pas » (Thomas d’Aquin, Somme théologique, I-IIae, qu. 78, a. 1, conclusion).

Aristote condamne vraiment l’usure par des arguments éthiques car rationnels. Et si les Pères de l’Église (cf. Akplogan) dénoncent l’usure sans s’inspirer d’Aristote, c’est parce qu’ils vivent dans un certain fidéisme qui sépare la foi de la raison.

Aristote ne condamne pas l’économie en tant que telle mais certains vices liés à l’économie. Le bonheur humain, en effet, s’accompagne d’un cortège de biens extérieurs :

« S’il n’est pas possible sans l’aide des biens extérieurs d’être parfaitement heureux, on ne doit pas s’imaginer pour autant que l’homme aura besoin de choses nombreuses et importantes pour être heureux : ce n’est pas, en effet, dans un excès d’abondance que résident la pleine suffisance et l’action, et on peut, sans posséder l’empire de la terre et de la mer, accomplir de nobles actions, car même avec des moyens médiocres on sera capable d’agir selon la vertu » (Éthique à Nicomaque, X, 9).

VII. Les Modernes s’attaquent à la vertu aristotélicienne

Turgot (1727-1781) a identifié l’ennemi de l’usure. Dans son Traité de l’usure, il s’en prend à ceux qui réfléchissent trop à ce sujet :

« Où nos raisonneurs ont-ils vu qu’il ne fallait considérer dans le prêt que le poids du métal prêté et rendu et non la valeur ou plutôt l’utilité dont il est pour l’époque du prêt entre une somme possédée actuellement et une somme égale qu’on rendra à une époque éloignée ? »

Turgot s’en prend ici, comme Hume en matière spéculative, aux replis les plus sûrs de l’ennemi : sa théorie de la justice.

« L’égalité de valeur dépend uniquement de l’opinion des deux contractants(…). L’injustice ne pourrait donc être fondée que sur la violence, la fraude, la mauvaise foi, mais jamais sur une prétendue inégalité métaphysique entre la chose donnée et la chose reçue. »

Turgot, dès sa nomination aux finances, s’était mis au travail pour établir le libre-échange dans le domaine des grains (suppression du droit de hallage), mais son décret (13 septembre 1774) rencontre une forte opposition auprès des conseillers du roi. Le préambule de ce décret, exposant les doctrines sur lesquelles il est fondé, lui gagne l’éloge des Lumières. Avec l’aide de son conseiller, le banquier suisse Isaac Panchaud, il prépare à la fin de son mandat la création de la Caisse d’escompte, ancêtre de la Banque de France, qui a pour mission de permettre une baisse des taux d’intérêt des emprunts commerciaux, puis publics. Cet organisme n’avait cependant pas pouvoir de battre monnaie. Elle fut le point de départ des grandes spéculations boursières sous Louis XVI. Le banquier Panchaud, théoricien de l’amortissement et admirateur de la révolution financière britannique, en compagnie du comte Thomas Sutton de Clonard (riche marchand jacobite bordelais et syndic de la compagnie des Indes), a par ailleurs racheté en 1777 à Abel-François Poisson de Vandières la verrerie du bas-Meudon, qui deviendra la verrerie de Sèvres, et qu’il revendra quinze mois plus tard pour 1,05 million de livres avec une plus-value de 31 %.

David Hume (1711-1776) s’opposera également à Aristote en réduisant l’échange à un affrontement entre deux termes : la masse monétaire d’un côté et les produits de l’autre (De la circulation monétaire). « C’est la proportion entre l’argent en circulation et les marchandises sur le marché qui détermine le prix. » Le mercantilisme dénature la position de l’argent, au départ simple intermédiaire.

Si l’économie a son correspondant dans le langage humain, c’est la sophistique. « La sophistique, d’ailleurs, n’est qu’une sorte de chrématistique » (Réfutations sophistiques, XI, 171b 28). Car dans la mauvaise économie, l’argent-symbole prend la place des choses-marchandises, tout comme dans la sophistique, les mots remplacent les choses. Le nominalisme économique a pour maître Protagoras.

Conclusion

Un Aristote juif… Comme souvent de nos jours, on ne sait pas trop s’il faut en rire ou en pleurer. Il s’agit là, comme d’habitude, de nourrir une désinformation autour d’Aristote, auteur qui indique les grandes lignes de l’ordre naturel. Retrouver l’authentique Aristote, c’est contribuer à rétablir la vérité sur les finalités de la vie humaine et permettre ainsi le discernement des voies qui conduisent au bonheur humain, autant qu’un homme peut en goûter ici-bas.

« On se rassasie de tout le reste, (…) mais de toi (Ploutos), jamais personne ne s’en est lassé… »

Aristophane, Ploutos, vers 189

Article initialement publié dans l'atelier E&R



36 réactions


  • ZEN ZEN 27 mars 2013 11:55

    Aristote juif ?
    N’importe quoi !
    C’est comme si J.Attali l’était.. smiley
    .Marx, oui !
    Et après ?...


  • Éric Guéguen Éric Guéguen 27 mars 2013 14:27

    Eh bien, vous vous y mettez enfin !

    Bon, je n’ai pas encore lu, mais, vous qui connaissez ce site (E&R), leur est-il arrivé de parler d’Aristote auparavant sans le référer au mot « juif » ?

    En tout cas, plus il y aura de gens à s’intéresser à Aristote, plus il y en aura à s’interroger sur la complexité des choses. Et c’est bien.


    • maQiavel machiavel1983 27 mars 2013 14:37

      Eh bien, vous vous y mettez enfin !

      Ha haaaa , je savais , petit poisson , que je vous prendrai dans mes filets. smiley
      vous qui connaissez ce site (E&R), leur est-il arrivé de parler d’Aristote auparavant sans le référer au mot « juif » ?
      R / Je ne sais pas , mais la critique obsessionelle du judaïsme c’ est un peu leur ligne éditoriale. smiley
      Mais pour attraper d’ autres poissons que vous , j’ ai laissé ce tire ... je me suis inspiré de votre technique d’ accroche publicitaire avec Chouard pour parler de Condorcet. smiley

    • Éric Guéguen Éric Guéguen 27 mars 2013 14:49

      Évidemment que j’allais - avec plaisir - me jeter dans vos rets.
      Malheureusement, vu la taille du texte, je doute que vous preniez de nombreux autres poissons.
      C’est bien dommage d’ailleurs.


    • maQiavel machiavel1983 27 mars 2013 14:56

      Oui et ce n’ est pas un texte facile !


    • ZEN ZEN 27 mars 2013 16:47

      Et ta soeur, elle est chiite ? smiley


  • Peretz1 Peretz1 27 mars 2013 16:24

    Dans mon bouquin il y a un chapitre sur la monnaie qui dit presque la même chose qu’Aristote’ Je suis fier car j’ignorais tout ça. Mais je le dis de façon plus simple dans la langue moderne de l’informatique’


  • Hermes Hermes 27 mars 2013 17:30

    Et des éons plus tard, quand la soif de richesse aura poussé le gaspillage jusqu’à l"épuisement de toutes les ressources vitales, il n’y aura qu’à manger l’argent, valeur virtuelle désincarnée, stocké virtuellement dans des machines elle-même virtualisées dans un nuage informatique à haute disponibilité ...... Mais nombreux auront été ceux qui auront accepté de virtualiser leur conscience dans le nuage, s’étant laissés berner en croyant qu’elle se situait quelque part dans leur pensées ! Dans cette vie virtuelle plus de corps à nourrir. En réalité ils sont morts depuis longtemps ces virtualisés, et même bien avant leur virtualisation finale, depuis quelques générations....

    Les rares survivants pourront dans un soulagement ultime couper l’alimentation électrique. Les drones protecteurs du système devienront fous et s’écraseront quelque part au fond de l’hymalaya ou sombreront dans les océans. Aristote éclatera de rire dans un des salons de l’Olympe où il rongeait son frein de remords, et, sa conscience soulagée rejoindra l’assemblée des dieux éternels.

    Platon l’accueillera bras ouverts et lui dira : t’es quand même couillon, t’aurais pu te douter que si tu met bout à bout M-A-M puis M-A-M puis M-A-M puis M-A-M, ça fait MAMAMAMAMAM..., et c’est la même chose que de mettre bout à bout A-M-A puis A-M-A puis A-M-A.

     smiley

    Hermes, Dieu des voleurs.


  • Éric Guéguen Éric Guéguen 27 mars 2013 17:48

    Machiavel, je n’ai pas encore fini de lire, mais le premier tiers est vraiment excellent.
    Je vous donnerai mon avis sur l’ensemble demain je pense (j’espère).


  • Luc-Laurent Salvador Luc-Laurent Salvador 27 mars 2013 17:50

    @ l’auteur,

    Bravo et merci pour ce remarquable article que j’ai lu avec une jubilation toute particulière.

    En effet je mène actuellement une recherche destinée à répondre à la question ontologique : « qu’est-ce que la monnaie ? ».

    J’ai donc trouvé là un apport documentaire formidable grâce aux références fournies et il me paraît clair que j’ai à présent mille précieuses pistes à explorer.

    Ceci étant dit, je dois avouer que je compte revenir sur cette documentation dans l’espoir de lui faire dire tout autre chose que ce que vous avez exposé.

    Tant qu’à avouer, je peux reconnaître aussi que je n’ai pas tout saisi de ce qui a été avancé.
    Certaines assertions m’ont parues un peu difficile à cerner et bon nombre me semblent discutables sans que je sache dire si c’est votre lecture qui est en cause ou si, comme je le pense a priori, ce sont plutôt les auteurs cités dont les conceptions se sont progressivement éloignées de nos cadres de pensée modernes.

    Peu importe. Ce qui compte, je crois, qu’un débat puisse, sinon avoir lieu, au moins s’initier sur le fond.

    C’est ce que je vais tenter à présent, en allant droit vers ce qui me semble une possible faille dans le tableau présenté, aussi cohérent et logique qu’il puisse sembler.

    Cette faille a été fortement investie et déployée par l’anthropologue David Graeber dans un beau livre « Dette : les 5000 premières années » dont un résumé (qui ne lui rend pas complètement justice) est donné ici en VF et là en VO.

    Elle concerne ce véritable socle des sciences économiques que constitue l’idée d’un « marché » originel qui aurait fonctionné sur la base du troc et dans le contexte duquel la monnaie serait apparue tout naturellement comme la solution idéale pour faciliter les échanges.

    Vous dites cela très bien en maints endroits en montrant que c’était déjà clairement l’idée d’Aristote (et peut-être aussi d’auteurs plus anciens, je ne me souviens déjà plus).

    Le problème avec cette vision c’est que, comme le rappelle Graeber, cela fait presque un siècle que les anthropologues disent aux économistes qu’il s’agit d’un mythe. Et le fait qu’Adam Smith en ait fait la base de la science économique ne le rend pas plus vrai pour autant.
    Le fait que les économistes s’en accommodent le rendrait même de moins en moins vrai quand on constate que la plupart de leurs prémisses sont battus en brèche par la dure réalité de ces dernières années.

    Le constat des anthropologues est clair et net : il n’y a pas eu, il n’y a jamais eu de société première, primitive, etc. disposant « spontanément » d’un marché basé sur le troc dans le contexte duquel la monnaie aurait été inventée comme facilitateur d’échange (en étant opérateur de mesure, d’égalité et donc d’équité entre les parties en présence).

    Cette histoire est un mythe.
    D’abord parce qu’elle met le marché en premier, en supposant qu’il ait pu exister avant l’Etat, avant la monnaie et surtout, avant le contexte religieux qui constitue la trame de fond de toutes les relations humaines dans les sociétés ancestrales.

    Cette histoire est un mythe parce qu’elle nous coupe des véritables racines de la monnaie qui, pour ce que j’en perçois à présent, me paraissent être : la dette, le sacrificiel et le pouvoir temporel, cad l’Etat.

    Il n’y a pas d’utilité à ce que j’expose ici mon hypothèse de travail (fortement inspirée des thèses girardiennes, notamment celles de Orléans et Aglietta dans « La Violence de la monnaie » et dans ce qui a suivi).

    Je pense qu’il y a déjà assez d’éléments qui prêtent à controverse : le statut du troc, et surtout, la question de la dette qu’étrangement vous n’évoquez pas, sauf à la marge, par implicite.

    Bref, de mon point de vue, vous nous présentez un magnifique ensemble de pièces de puzzle, mais l’agencement proposé, aussi fidèle qu’il soit à la littérature philosophique, ne peut espérer réfléter la réalité.

    Car il faudrait d’abord traverser le miroir du mythe...

    Mais bon, comme dit Philippe Meyer, « vous n’êtes pas obligé de me croire » !



    • maQiavel machiavel1983 27 mars 2013 19:03

      Bonjour Luc Laurent salvador.

      Je tiens à préciser que je n’ai pas écrit l’article, je le tiens de l’atelier E&R, je ne suis donc pas l’auteur mais c’est un texte que je voulais faire partager !

      Quelques commentaires sur votre commentaire : 

      1. Je suis d’ accord que l’idée d’un marché originel est un mythe et qu’Aristote embrasse de pleine bouche si j’en crois l’article !

      2. Vous dites : "racines de la monnaie qui, pour ce que j’en perçois à présent, me paraissent être : la dette, le sacrificiel et le pouvoir temporel, cad l’Etat".

      J’ai lu le lien de David Graeber et effectivement aux origines il met la dette. C’est intéressant, je ne contesterai pas que la dette soit parmi les premiers éléments dans la chaine de causalité. Par contre je doute que ce soit le premier éléments causal..

       Je vais vous donner mon opinion. Mais auparavant dans vos recherches vous devriez vous intéressez au livre de Friedrich Engels  "L’Origine de la famille, de la propriété privée et de l’État" écrit en 1884 d’après les notes de Karl Marx sur les études anthropologiques des sociétés archaïques de Lewis Henry Morgan. Evidemment c’est un vieux livre qu’il faut mettre à jour notamment avec les travaux d’Alain Testart mais la thèse développée est très intéressante.

      Elle postule que pendant des millénaires les hommes ont vécu dans des communautés holiste et organiciste, produisant uniquement pour reproduire les conditions matérielles de la vie (nourriture, eau, énergie, sécurité, santé etc). Les désirs des hommes étaient orientés vers le non appropriable (donc ce dont la possession ne découle pas de la privation ou l’exploitation d’un autre homme comme la musique, la philosophie, la peinture, la spiritualité).

      Puisque les communautés produisaient pour elles mêmes et que tous les individus d’une communauté appartenaient à un même ensemble, les échanges n’existaient pas. C’est le communisme primitif, les communautés d’hommes vivant en communauté sans monnaie et sans Etat tel qu’on la trouve chez les sioux, chez les germains, chez les cheyennes, chez les celtes archaïques etc.

       Et puis il s’est passé au cours du temps une modification, les désirs des hommes s’orientent vers l’avoir et l’accumulation matérielle, les groupes commencent à stocker et à échanger entre eux, ainsi nait le troc et la marchandise. Les hommes ne produisent donc plus pour satisfaire leurs besoins élémentaires mais pour l’échange qui va s’appeler l’économie.

       Celle-ci va s’intensifier et nécessiter un moyen d’échange plus équitable qui est la monnaie.

       A un certain degré l’échange prend naissance au sein même des communautés ce qui casse l’organicité première. C’est l’unité brisée. La dissociation nécessite qu’une structure vienne réorganiser et réunifier et l’Etat prend naissance !

       L’état et l’économie naissent sur les ruines de la société primordiale pour organiser l’assujettissement des hommes au désir d’avoir et d’accumulation matérielle.

       Après cette phase, je peux greffer ce que vous dites sur l’esclavage et la dette, mais l’origine est le passage des désirs de l’être (le non appropriable) vers l’avoir !

       

      P.S : Il serait intéressant de me tenir au courant de vos recherches. smiley


    • Luc-Laurent Salvador Luc-Laurent Salvador 28 mars 2013 17:35

      Merci pour votre très intéressante réponse.

      Votre hypothèse du communisme primitif nous met en accord sur la secondarité du marché.
      De quelque manière que l’on se figure les communautés primitives, il est assuré qu’il n’existe rien de tel que ce que nous appelons le marché.

      Ce dernier n’est pas premier (sic), à l’origine il n’existe pas. Les économistes repasseront.

      Mais dès le pas suivant, nous nous retrouvons en désaccord.

      Car le sacrificiel et donc le religieux est absent du modèle du communisme primitif alors que, comme l’a montré René Girard, il est la clé qui tient la communauté rassemblée au lieu qu’elle se divise à l’occasion des conflits pour les objets appropriables et donc difficilement partageables car hautement (mimétiquement) désirables que sont, par exemple, les aliments, les femmes ou le pouvoir.

      Si cette « originarité » du conflit (issu de la rencontre des désirs mimétiques pour un même objet d’appropriation) n’est pas prise en compte, on est juste dans la fable.

      Le désir d’appropriation a toujours été là, constamment  renforcé par l’imitation et la rivalité qu’elle amène.

      Quand la force du système religieux, avec rites sacrificiels et tabous (sur les aliments, les femmes, etc.) faiblit et ne peut plus contenir la puissance du désir mimétique, ce dernier ressurgit, mais il ne naît pas du néant. J’y insiste, il a toujours été déjà là.

      On peut se focaliser autant qu’on veut sur le non appropriable, l’appropriable est toujours là à susciter les conflits qui peuvent dissoudre la communauté.

      C’est de cela dont Girard a pu rendre compte avec son anthropologie générale qui fait du sacrifice la source de toutes les cultures humaines, religieuses par construction.

      Ceci étant, même sans prendre en compte cet aspect, votre position est problématique car tout en niant d’entrée de jeu la primauté du marché, en convenant qu’à l’origine était le « non marché », vous faites apparaître ce dernier (un peu par miracle  smiley il me semble, avec la formule "Et puis il s’est passé au cours du temps une modification" ) pour à nouveau postuler une forme de troc avant l’émergence de la monnaie.

      Donc vous persévérez dans la chaîne causale « troc —> monnaie » dont toute l’anthropologie et l’histoire montre qu’elle n’a jamais existé. La monnaie n’est pas née de la nécessité d’optimiser le troc.

      Cette chaîne causale est un mythe, une contruction post hoc.

      La monnaie n’est pas une émergence du plan horizontal de l’échange, elle est issue de la verticale, cad, de la dimension religieuse, actée dans le sacrifice, source originelle de l’institution de la royauté et donc fondation du pouvoir temporel.
      Je pense que d’un point de vue anthropologique et historique, ceci n’est pas contestable.

      Ma conviction est que c’est sur cette dimension verticale qu’il faut chercher l’origine de la monnaie.

      L’histoire de la Mésopotamie montre que c’est dans les temples, lieux de tous les sacrifices consentis aux différentes divinités, que sont apparus, complètement intriqués, les fonctionnements que nous reconnaissont à présent comme étant ceux de la dette (donc du crédit), de la monnaie et donc de l’échange d’une chose pour une autre.

      Tout se passe comme si le temple avait été le lieu d’un marché « originel » entièrement sous le contrôle de l’institution religieuse et ensuite de l’institution royale qui l’a semble-t-il, imitée (le roi, vivant, prenant en somme la place de la divinité)

      Graeber écrit par exemple :

      Certains des tout premiers documents écrits qui nous sont parvenus sont des tablettes mésopotamiennes enregistrant des crédits et débits, des rations données par les temples, des sommes dues pour la location des terres appartenant aux temples, chacune de ces valeurs étant exactement précisées en grain ou en argent

      Du point de vue de l’anthropologie sacrificielle de René Girard, cela fait sens que la valeur des choses soit mesurée à l’aune de ces valeurs de références que sont les offrandes rituelles (donc exactement fixées) que l’on fait aux divinités pour se remettre de ses dettes à leur égard.

      Rien de surprenant à ce que les monnaies aient si souvent été de par le monde les animaux habituellement sacrifiés.

      Ainsi du temps d’Homère, la valeur d’un bateau par exemple se mesurait en boeufs et se payait en n’importe quoi d’acceptable dont la valeur correspondait au montant fixé de boeufs.

      Voilà la piste que je veux tenter de creuser afin de comprendre la monnaie dans le contexte de la logique sacrificielle dont j’ai montré ailleurs qu’elle est ce par quoi nous construisons socialement (cad mimétiquement) la réalité.

      Sous ce rapport Agoravox me paraît un excellent endroit pour penser à haute voix car je ne cesse de constater qu’il y a une impressionnante somme de connaissances présente dans l’esprit des lecteurs et je trouverais extrêment intéressant que des ateliers de réflexions puissent s’initier autour de thèmes porteurs comme celui-ci.

      J’avoue ne pas connaître les ateliers E&R dont j’aurais toutes raisons de souhaiter intégrer car j’apprécie la pensée de Soral, mais je ne vois pas l’intérêt d’intégrer un cercle fermé.
      L’intelligence collective vient d’abord du nombre, donc de l’ouverture.

      Mais en définitive, donc, qui est l’auteur véritable du texte que vous avez publié ?

      PS : bien sûr, je vous tiendrai au courant de mes recherches car les premiers écrits seront pour Agoravox.


    • maQiavel machiavel1983 28 mars 2013 20:35

      Désolé d’ avoir tant tardé à vous répondre Salvador.

      Je comprends que pour vous le sacrifie et le religieux sont à l’ origine de l’ apparition de la monnaie. 
      Je vais vous répondre en m’ appuyant sur les références de mon premier commentaire :
      Chez les communautés primordiales tout est sacral. Le sacral est ce temps absolu dans lequel tout est flux de vie , c’ est le tout sacré ( un exemple , comme la communauté dans le film avatar ). A l’époque il n’y a pas de religion mais le divin existe. Le divin, la sacralité le cosmique, c’est le tout du monde.Un cheyenne ou un germain ne peut rien acheter ni vendre car tout est sacré. La dissociation de l’ unité des communautés va faire apparaître la marchandise et le sacré sera la structure de liquidation du sacral. La religion naît sur les décombres du sacral pour en gérer les restes qu’elle appelle le sacré. Toute l’histoire du néolithique à la modernité capitaliste c’est le sacré qui réduit parce que le profane ne cesse de s’étendre jusqu’ à aboutir à la pathologie contemporaine ou la religion de l’économie devient la religion du nouveau temps c.à.d. la religion du profane absolu.
      Donc quand vous parlez de religions et des temples , vous n’ avez pas tord mais cela arrive bien après la liquidation du sacral. 
      Le sacral et sa liquidation est au coeur du raisonnement du communisme primitif.
      - Vous dites :Le désir d’appropriation a toujours été là, constamment renforcé par l’imitation et la rivalité quelle amène.
      C’ est là que j’ estime que vous faites erreur , vous partez de cette thèse moderne des libéraux que la propriété privée est naturelle et a toujours existé , ce n’ est pas le cas. Puisqu’ on est dans le temps du sacral , on ne peut s’ approprier des objets d’ une nature qui est divine. Les hommes et ce qui les entourent constituent un même ensemble alors que la notion de propriété met l’ homme au dessus des objets qui l’ entourent et qu’ il peut donc s’ approprier.
      - Vous dites : "On peut se focaliser autant qu’on veut sur le non appropriable, l’appropriable est toujours là à susciter les conflits qui peuvent dissoudre la communauté« .

      R / La production dans ces communautés je le rappelle ne servent qu’ à reproduire les conditions matériels de l’ existence (eau , nourriture , armes etc ) , le superflux n’ existe pas. C’ est lorsque ce superflux apparaît que la communauté se dissocie et celà converge avec l’ apparition du stockage.
      - Vous écrivez : » tout en niant d’entrée de jeu la primauté du marché, en convenant qu’à l’origine était le « non marché », vous faites apparaître ce dernier (un peu par miracle ).
      Il y’ a plusieurs explications dont celle de la fin du nomadisme mais surtout du stockage ( plus aisé pour les sédentaires agriculteurs que pour les chasseurs ceuilleurs ).
      Les stock ont permis les échanges entre communautés , ce qui fait apparaître la marchandise , les structures sociales , l’ Etat. Alain Testart montre que les stocks font apparaître des inégalités. Ce sont donc les stocks qui font apparaître le marché.
      - Vous dites : "La monnaie n’est pas née de la nécessité d’optimiser le troc (...) elle est issue de la verticale, cad, de la dimension religieuse, actée dans le sacrifice, source originelle de l’institution de la royauté et donc fondation du pouvoir temporel".
      C’ est que vous partez du postulat que la religion telle qu’ on la connait et la royauté ont toujours existé alors qu’ elles sont apparue à un moment donné. Pour la religion , je vous renvoie au sacral , quant à la royauté et plus précisément , il faut comprendre qu’ il est apparu pour ressouder les hommes une fois l’ unité primordiale brisée mais met en place des hiérarchies sociales et des structures inégalitaires. Il est une nécessité , mais avant tout parce qu’ il y’ a dégénérescence à gérer.
      En tous cas la discussion est intéressante , j’ attends avec impatience votre réponse. smiley
       


    • Luc-Laurent Salvador Luc-Laurent Salvador 29 mars 2013 16:02

      Bonsoir Machiavel,

      Je pense que nous avons un problème avec le religieux.
      Je ne crois pas à la notion d’un sacral qui serait autonome ou indépendant du sacré (qui lui est basé sur le sacrifice, le rite et donc le religieux).
      Ce que vous appelez le sacral ne peut être, selon moi, qu’une évolution d’un religieux primitif qui, lui, a nécessairement été sacrificiel.
      De fait, je pense que l’anthropologie n’a pas validé cette hypothèse marxiste (si j’ai bien compris).

      Peu importe car le problème n’est pas là en définitive.
      Il est dans le fait que vous persévérez à considérer la monnaie comme outil d’optimisation d’un système de troc préexistant.
      Vous êtes dans le mythe (parce que, comme pour les économistes, il a pour vous une utilité j’imagine).
      Dès lors je ne peux que vous inviter à lire le livre de Graeber.
      Il fait parler des anthropologues qui disent bien n’avoir jamais rencontré de sociétés primitives dotées d’un marché et échangeant par le troc, sans monnaie.
      Historiquement ça n’a jamais existé.

      Je pense que vous devriez revoir votre système de pensée à partir de ce constat.
      Il serait dommage que vous vous y attachiez car je crois que la question de l’origine de la monnaie est susceptible de renouveler et de renforcer au moins certains aspects de la pensée marxiste (je pense au travail qui ici devrait être absolument clé).
      Mais bon, c’est juste une intuition que je ne peux argumenter.

      Quoi qu’il en soit, encore merci pour l’article et la discussion qui m’ont ouvert bien des perspectives à explorer ou à prendre en compte.

      PS : j’y reviens : qui est le véritable auteur de l’article ? Pourquoi ne le nommez-vous pas ?


    • maQiavel machiavel1983 29 mars 2013 18:31

      Bonsoir Salvador.

       - Je ne crois pas à la notion d’un sacral qui serait autonome ou indépendant du sacré 
      Non , c’ est que le sacré est ce qui reste du sacral. Dans le sacré , il y’ a des temples , dans le sacral tout l’ environnement est un temple ( la nature, les animaux , les objets , les hommes ). Le sacré est le sacral qui s’ est réduit.
      Il est dans le fait que vous persévérez à considérer la monnaie comme outil d’optimisation d’un système de troc préexistant ( ...).Il fait parler des anthropologues qui disent bien n’avoir jamais rencontré de sociétés primitives dotées d’un marché et échangeant par le troc, sans monnaie.
      D’ accord donc selon lui le troc n’ a jamais existé ? Ça m’ étonne quand même ...mais en tous cas c’ est intriguant en effet. Mais comment ont fait les sociétés qui n’ avaient pas de monnaie ? Ou prétend -t-il que ces sociétés n’ ont jamais existé ?
      j’y reviens : qui est le véritable auteur de l’article ? Pourquoi ne le nommez-vous pas ?
      Il répond au pseudo de Kéroas. Pour plus d’ infos , je vous recommande de poser la question au site d’ E&R .

      Quoi qu’il en soit, encore merci pour l’article et la discussion qui m’ont ouvert bien des perspectives à explorer ou à prendre en compte. 
      A vous égalemment pour cet échange ! smiley



  • Peretz1 Peretz1 27 mars 2013 18:07

    La thèse que je développe c’est que la monnaie a un rôle ambigu forcément dangereux,organe d’évaluation, donc de mesure qui se mesure lui- même. Juge et partie.


  • egos 27 mars 2013 18:34

    @l’auteur

    Magistral, dense et limpide.
    L’avantage (ou l’inconvénient) propre à cette qualité de texte réside dans son invite au page turning.
    Loués soient les philosophes grecs d’avoir inventé la pensée conceptuelle, la dialectique, le matérialisme, le théâtre, théorisé la démocratie et par la même livré l’architecture de leurs propres raisonnements.
    Donc Aristote, du haut de son élévation morale, méprisait les commerçants, les spéculateurs, l’usage dévoyé de l’argent (à juste titre).
    A la lecture de votre article, on devine d’autres motivations, le dégoût face à la profanation de deux symboles sacrés, réunis sur faces des premières pièces de monnaies frappées en Phrygie : celui des métaux précieux, originellement dédiés au culte des puissances divines et le signe (chiffre si vs préférez, ou code) domaine privé des penseurs.
    La contemplation du beau et du bon et du bien face au désordre du mouvement desordonné.
    L’apparition de la monnaie coïncide avec l’avènement d’une nouvelle classe dominante, frustre, matérialiste et inculte, tout pour plaire ...
    Le parallèle avec la détestation de Platon envers les poètes autres dé tourneurs de sens, (dressant la couche des tyrans et autres disciples de la timarchie) et de symboles est juste amusant.
    Abuserai je à solliciter votre érudition sur un autre sujet d’actualité, votre interprétation de ce nouvel outil diabolique (la profanation entretient un rapport manifeste aux puissances démoniaques) que sont les média et plus précisément le web ?


  • Francis, agnotologue JL 27 mars 2013 19:36

    ’’Un Aristote juif ? C’est ce que prétend le rabbin Yechiel Halperin, auteur du Seder Hadorot, un livre d’histoire juive classique. Alors qu’aucun biographe ne s’était rendu compte de cette qualité extraordinaire, ... ’’

    Expliquez moi, si être juif c’est une qualité extraordinaire, pourquoi ce buz autour de la petite phrase de Mélenchon au sujet de Moscovici ?

    Pour mettre les pendules à l’heure, j’ai lu cet article :

    Mélenchon antisémite ? De la « petite phrase » déformée au « clash » obsessionnel

  • Aldous Aldous 27 mars 2013 21:56

    Ce qu’il faut souligner a propos des Grecs, c’est que ce peuple de marins, de commerçants, qui ont construit des comptoirs sur toutes les côtes connues, qui commercaient même avec les viking, qui avaient calculé le diametre de la terre, construit les mécanismes comme celui d’anticythère, qui ont vaincu a plusieurs reprise l’empire Perse, qui ont exploré tout les recoins du monde connu, 


    Et bien ce peuple n’a jamais versé dans la domination impérialiste, la soumission économique ou par l’usure.

    Leur seule conquête, celle d’Alexandre fut une revanche et une destruction préventive face a des Perses qui les avaient envahis deux fois. Et ensuite leur contrôle politique des pays dominés fut tolérant pour les cultures locales : Ptolémé se fit appeler pharaon et ses succeseurs firent de même jusquà Cléopâtre.

    Il n’y a donc rien qui condmne les marchants à developper une culture materialiste et vulgaire, médiocre culturellement et idolatrant l’argent.




  • Éric Guéguen Éric Guéguen 27 mars 2013 22:10

    Lu et approuvé.

    Voyez Machiavel, vous allez finir par lire L’Éthique à Nicomaque et les Politiques d’Aristote.
    Finalement il aura fallu se rendre compte qu’il disait des choses intelligentes quant à l’économie pour s’intéresser à lui. Attendez de voir ce qu’il dit de la politique...

    Car si la majeure partie des lecteurs sortiront conquis par le figure du philosophe grec, il faut bien se mettre dans la tête que ce genre de réflexions n’est possible que dans une perspective naturaliste et finaliste, mue par un ordonnancement des moyens et des fins, ce dans tous les domaines de l’agir humain, dans TOUS les domaines, politique incluse.

    -----------
    J’ai donc bien aimé la démonstration de l’auteur - mis à part les références aux Juifs qui sont hors propos et parasitaires.
    Et puis ça vous aura donné l’occasion de voir combien, au contraire de ce que vous pensez d’ordinaire, l’enquête aristotélicienne est ancrée dans le réel, dans la logique la plus élémentaire, dans la concaténation des moyens (actuels) et des fins (à long terme). Bref, je ne peux que vous inviter à vérifier ces dires par vous-même, une fois pour toutes.

    Les Anciens ont énormément de choses à apprendre aux Modernes, mais ces derniers n’en prendront conscience, semble-t-il, que lorsqu’ils auront tout perdu, et leur bien propre, et leur héritage antique.

    EG


    • Qaspard Delanuit Gaspard Delanuit 27 mars 2013 23:25

      « J’ai donc bien aimé la démonstration de l’auteur - mis à part les références aux Juifs qui sont (...) parasitaires. »


      Qualifier les juifs de « parasitaires », vous n’avez pas honte ? ANTISÉMITE !!!!

       smiley

    • maQiavel machiavel1983 28 mars 2013 19:04
      @eric Gueguen
      - il faut bien se mettre dans la tête que ce genre de réflexions n’est possible que dans une perspective naturaliste et finaliste, mue par un ordonnancement des moyens et des fins,
      R / Tout à fait.Cependant je retiens que Marx nie la finalité de la nature ... à la suite d’ Héraclite. Marx serait un moderne ? smiley
      - Et puis ça vous aura donné l’occasion de voir combien, au contraire de ce que vous pensez d’ordinaire, l’enquête aristotélicienne est ancrée dans le réel, dans la logique la plus élémentaire, dans la concaténation des moyens (actuels) et des fins (à long terme)
      R / C’ est vrai.

    • Éric Guéguen Éric Guéguen 28 mars 2013 20:48

      @ Machiavel1983 :

       Bien sûr que Marx est un Moderne !!!!!! C’est un individualiste, comme les autres, je n’ai jamais prétendu le contraire.


  • Aristoto Aristoto 28 mars 2013 00:40

    On me demande ! smiley

    Bah tient surfer sur cette mystique haine judaïque pour se faire des pepete derrières le dos de ses crétins de suiveurs survivalistes gonflé au stéroïdes.

    Ils sont du avoir une drole d’enfance !?


  • Jean Keim Jean Keim 31 mai 2014 20:10

    Merci d’avoir publié cet article qui est apparu je ne sais pas comment, par hasard, sur mon écran. 

    Vous dites « Aristote va distinguer l’art naturel d’acquérir des richesses (cet art est légitime car l’homme a des besoins) ... », il n’y a rien de légitime dans cette propension mais simplement un fonctionnement perverti de la pensée / personnalité.
    Je fais parti des naïfs qui pensent que le fric, calamiteux dans sa nature actuelle, doit être remplacé par autre chose, une autre monnaie en qq. sorte, car le troc est inconcevable dans une société tant soit peu organisée et complexe. Cette nouvelle monnaie, dans un cadre de partage et d’entraide, doit être représentative d’une part de besoins élémentaires et d’autre part d’un temps de travail fourni qui restent à définir. Pour faire simple, 4h d’opération chirurgicale, 4h d’enseignement ou 4h de maçonnerie ont exactement la même valeur si ces activités sont réalisées nécessairement pour le bien être de la communauté. Cette nouvelle monnaie devra empêcher la prévarication, la thésaurisation et l’exploitation ainsi que la marchandisation.

  • maQiavel machiavel1983 18 janvier 2015 20:02

    La question de la chute du baril du pétrole est vraiment intéressante du point de vue de la stratégique géopolitique, c’est kiffant à étudier.

     

    Par delà le « story-telling » des médias occidentaux à la botte du soft power américain, qui veut que la baisse des prix du pétrole serait simplement liée à d’un côté, une demande anémiée et de l’autre une offre pléthorique (il est vrai d’ ailleurs que le prix du baril devait baisser … mais pas à ce niveau), il y’ a des questions qui dépassent la simple spontanéité de la dynamique économique.

    La crise du pétrole que nous connaissons découle d’une tactique politique s’inscrivant dans une stratégie globale d’encerclement et de guerre économique. La guerre économique qui est menée par les USA et ses vasseaux contre la Russie se déroule sur trois plans : sanctions économiques, attaque spéculative contre le rouble, et baisse du prix du baril.

    Mon analyse de question la baisse du prix du baril : c’est un billard à trois bande avec pour acteurs principaux les Etats unis, la Russie et l’Arabie Saoudite et dans lequel chacun de ces acteurs a ses intérêts propres, ses objectifs et essaie de duper les autres. De la bonne politique à l’ancienne, un jeu imprédictible qui nous ramène à cette phrase de Carl Von Clausewitz « « En guerre tout est incertain ».

     

    L’hypothèse de l’alliance Washington-Riyad : la production de gaz de schiiste par les États-Unis, même dans le cas ou il ne s’agirait en grande partie d’une bulle, a aussi une réalité physique, elle a augmenté sensiblement ces dernières années. Concomitamment à cela, l’Arabie Saoudite, qui peut continuer à pratiquer des prix bas tout en étant rentable (car ses coûts de production sont très bas), a décidé de maintenir son niveau de production dans ce contexte de baisse des prix.

    L’objectif des planificateurs : laisser filer les prix et étouffer les économies Russe en premier échelon, vénézuélienne et iranienne en second échelon, le pétrole étant plus cher à extraire dans ces pays.

    Le pari qui est fait, est qu’étant dépendant des recettes en devises que cette matière première lui procure, ces pays s’effondreront économiquement. Il est vrai que le Venezuela souffre et est au bord de la faillite , il y’ a aussi des effets collatéraux important de cette tactique dans des pays producteur de pétrole comme l’Algérie, l’Angola etc.

     Cependant, ce n’est pas tout à fait le cas pour la Russie, le gaz et le pétrole ne représentant que 12 % de son PIB. Paradoxalement, cette situation semble même convenir à la classe dirigeante Russe. 


  • maQiavel machiavel1983 18 janvier 2015 20:04

    La question de la chute du baril du pétrole est vraiment intéressante du point de vue de la stratégique géopolitique, c’est kiffant à étudier.

     

    Par delà le « story-telling » des médias occidentaux à la botte du soft power américain, qui veut que la baisse des prix du pétrole serait simplement liée à d’un côté, une demande anémiée et de l’autre une offre pléthorique (il est vrai d’ ailleurs que le prix du baril devait baisser … mais pas à ce niveau), il y’ a des questions qui dépassent la simple spontanéité de la dynamique économique.

    La crise du pétrole que nous connaissons découle d’une tactique politique s’inscrivant dans une stratégie globale d’encerclement et de guerre économique. La guerre économique qui est menée par les USA et ses vasseaux contre la Russie se déroule sur trois plans : sanctions économiques, attaque spéculative contre le rouble, et baisse du prix du baril.

    Mon analyse de question la baisse du prix du baril : c’est un billard à trois bande avec pour acteurs principaux les Etats unis, la Russie et l’Arabie Saoudite et dans lequel chacun de ces acteurs a ses intérêts propres, ses objectifs et essaie de duper les autres. De la bonne politique à l’ancienne, un jeu imprédictible qui nous ramène à cette phrase de Carl Von Clausewitz « « En guerre tout est incertain ».

     

    L’hypothèse de l’alliance Washington-Riyad : la production de gaz de schiiste par les États-Unis, même dans le cas ou il ne s’agirait en grande partie d’une bulle, a aussi une réalité physique, elle a augmenté sensiblement ces dernières années. Concomitamment à cela, l’Arabie Saoudite, qui peut continuer à pratiquer des prix bas tout en étant rentable (car ses coûts de production sont très bas), a décidé de maintenir son niveau de production dans ce contexte de baisse des prix.

    L’objectif des planificateurs : laisser filer les prix et étouffer les économies Russe en premier échelon, vénézuélienne et iranienne en second échelon, le pétrole étant plus cher à extraire dans ces pays.

    Le pari qui est fait, est qu’étant dépendant des recettes en devises que cette matière première lui procure, ces pays s’effondreront économiquement. Il est vrai que le Venezuela souffre et est au bord de la faillite , il y’ a aussi des effets collatéraux important de cette tactique dans des pays producteur de pétrole comme l’Algérie, l’Angola etc.

     Cependant, ce n’est pas tout à fait le cas pour la Russie, le gaz et le pétrole ne représentant que 12 % de son PIB. Paradoxalement, cette situation semble même convenir à la classe dirigeante Russe.


    • maQiavel machiavel1983 18 janvier 2015 20:05

       La question de la chute du baril du pétrole est vraiment intéressante du point de vue de la stratégique géopolitique, c’est kiffant à étudier.

       

      Par delà le « story-telling » des médias occidentaux à la botte du soft power américain, qui veut que la baisse des prix du pétrole serait simplement liée à d’un côté, une demande anémiée et de l’autre une offre pléthorique (il est vrai d’ ailleurs que le prix du baril devait baisser … mais pas à ce niveau), il y’ a des questions qui dépassent la simple spontanéité de la dynamique économique.

      La crise du pétrole que nous connaissons découle d’une tactique politique s’inscrivant dans une stratégie globale d’encerclement et de guerre économique. La guerre économique qui est menée par les USA et ses vasseaux contre la Russie se déroule sur trois plans : sanctions économiques, attaque spéculative contre le rouble, et baisse du prix du baril.

      Mon analyse de question la baisse du prix du baril : c’est un billard à trois bande avec pour acteurs principaux les Etats unis, la Russie et l’Arabie Saoudite et dans lequel chacun de ces acteurs a ses intérêts propres, ses objectifs et essaie de duper les autres. De la bonne politique à l’ancienne, un jeu imprédictible qui nous ramène à cette phrase de Carl Von Clausewitz « « En guerre tout est incertain ».

       

      L’hypothèse de l’alliance Washington-Riyad : la production de gaz de schiiste par les États-Unis, même dans le cas ou il ne s’agirait en grande partie d’une bulle, a aussi une réalité physique, elle a augmenté sensiblement ces dernières années. Concomitamment à cela, l’Arabie Saoudite, qui peut continuer à pratiquer des prix bas tout en étant rentable (car ses coûts de production sont très bas), a décidé de maintenir son niveau de production dans ce contexte de baisse des prix.

      L’objectif des planificateurs : laisser filer les prix et étouffer les économies Russe en premier échelon, vénézuélienne et iranienne en second échelon, le pétrole étant plus cher à extraire dans ces pays.

      Le pari qui est fait, est qu’étant dépendant des recettes en devises que cette matière première lui procure, ces pays s’effondreront économiquement. Il est vrai que le Venezuela souffre et est au bord de la faillite , il y’ a aussi des effets collatéraux important de cette tactique dans des pays producteur de pétrole comme l’Algérie, l’Angola etc.

       Cependant, ce n’est pas tout à fait le cas pour la Russie, le gaz et le pétrole ne représentant que 12 % de son PIB. Paradoxalement, cette situation semble même convenir à la classe dirigeante Russe.

       


  • maQiavel machiavel1983 18 janvier 2015 20:06

     La question de la chute du baril du pétrole est vraiment intéressante du point de vue de la stratégique géopolitique, c’est kiffant à étudier.

     

    Par delà le « story-telling » des médias occidentaux à la botte du soft power américain, qui veut que la baisse des prix du pétrole serait simplement liée à d’un côté, une demande anémiée et de l’autre une offre pléthorique (il est vrai d’ ailleurs que le prix du baril devait baisser … mais pas à ce niveau), il y’ a des questions qui dépassent la simple spontanéité de la dynamique économique.

    La crise du pétrole que nous connaissons découle d’une tactique politique s’inscrivant dans une stratégie globale d’encerclement et de guerre économique. La guerre économique qui est menée par les USA et ses vasseaux contre la Russie se déroule sur trois plans : sanctions économiques, attaque spéculative contre le rouble, et baisse du prix du baril.

    Mon analyse de question la baisse du prix du baril : c’est un billard à trois bande avec pour acteurs principaux les Etats unis, la Russie et l’Arabie Saoudite et dans lequel chacun de ces acteurs a ses intérêts propres, ses objectifs et essaie de duper les autres. De la bonne politique à l’ancienne, un jeu imprédictible qui nous ramène à cette phrase de Carl Von Clausewitz « « En guerre tout est incertain ».

     

    L’hypothèse de l’alliance Washington-Riyad : la production de gaz de schiiste par les États-Unis, même dans le cas ou il ne s’agirait en grande partie d’une bulle, a aussi une réalité physique, elle a augmenté sensiblement ces dernières années. Concomitamment à cela, l’Arabie Saoudite, qui peut continuer à pratiquer des prix bas tout en étant rentable (car ses coûts de production sont très bas), a décidé de maintenir son niveau de production dans ce contexte de baisse des prix.

    L’objectif des planificateurs : laisser filer les prix et étouffer les économies Russe en premier échelon, vénézuélienne et iranienne en second échelon, le pétrole étant plus cher à extraire dans ces pays.

    Le pari qui est fait, est qu’étant dépendant des recettes en devises que cette matière première lui procure, ces pays s’effondreront économiquement. Il est vrai que le Venezuela souffre et est au bord de la faillite , il y’ a aussi des effets collatéraux important de cette tactique dans des pays producteur de pétrole comme l’Algérie, l’Angola etc.

     Cependant, ce n’est pas tout à fait le cas pour la Russie, le gaz et le pétrole ne représentant que 12 % de son PIB. Paradoxalement, cette situation semble même convenir à la classe dirigeante Russe.


  • maQiavel machiavel1983 18 janvier 2015 20:08

    Les tireurs se prennent pour calife à la place du calife et qui n’ ont aucun droit de tuer , droit perscrit , droit moral , droit coutumier , ils se réclament d’ eux même , construction mentale 

    --------

     La question de la chute du baril du pétrole est vraiment intéressante du point de vue de la stratégique géopolitique, c’est kiffant à étudier.

     

    Par delà le « story-telling » des médias occidentaux à la botte du soft power américain, qui veut que la baisse des prix du pétrole serait simplement liée à d’un côté, une demande anémiée et de l’autre une offre pléthorique (il est vrai d’ ailleurs que le prix du baril devait baisser … mais pas à ce niveau), il y’ a des questions qui dépassent la simple spontanéité de la dynamique économique.

    La crise du pétrole que nous connaissons découle d’une tactique politique s’inscrivant dans une stratégie globale d’encerclement et de guerre économique. La guerre économique qui est menée par les USA et ses vasseaux contre la Russie se déroule sur trois plans : sanctions économiques, attaque spéculative contre le rouble, et baisse du prix du baril.

    Mon analyse de question la baisse du prix du baril : c’est un billard à trois bande avec pour acteurs principaux les Etats unis, la Russie et l’Arabie Saoudite et dans lequel chacun de ces acteurs a ses intérêts propres, ses objectifs et essaie de duper les autres. De la bonne politique à l’ancienne, un jeu imprédictible qui nous ramène à cette phrase de Carl Von Clausewitz « « En guerre tout est incertain ».

     

    L’hypothèse de l’alliance Washington-Riyad : la production de gaz de schiiste par les États-Unis, même dans le cas ou il ne s’agirait en grande partie d’une bulle, a aussi une réalité physique, elle a augmenté sensiblement ces dernières années. Concomitamment à cela, l’Arabie Saoudite, qui peut continuer à pratiquer des prix bas tout en étant rentable (car ses coûts de production sont très bas), a décidé de maintenir son niveau de production dans ce contexte de baisse des prix.

    L’objectif des planificateurs : laisser filer les prix et étouffer les économies Russe en premier échelon, vénézuélienne et iranienne en second échelon, le pétrole étant plus cher à extraire dans ces pays.

    Le pari qui est fait, est qu’étant dépendant des recettes en devises que cette matière première lui procure, ces pays s’effondreront économiquement. Il est vrai que le Venezuela souffre et est au bord de la faillite , il y’ a aussi des effets collatéraux important de cette tactique dans des pays producteur de pétrole comme l’Algérie, l’Angola etc.

     Cependant, ce n’est pas tout à fait le cas pour la Russie, le gaz et le pétrole ne représentant que 12 % de son PIB. Paradoxalement, cette situation semble même convenir à la classe dirigeante Russe.

     


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