jeudi 5 janvier 2017 - par Sylvain Rakotoarison

Jean-Claude Mailly, les heures supplémentaires et la sécurité sociale

« Si j’ai désir de me contredire, je me contredirai sans scrupule : je ne chercherai pas la "cohérence". Mais n’affecterai pas l’incohérence non plus. Il y a par-delà la logique, une sorte de psychologie cachée qui m’importe, ici, davantage. » (André Gide, "Ainsi soit-il", 1952).



Il aura fallu neuf ans et demi pour ouvrir les yeux. Mieux vaut tard que jamais ? Pas sûr, car les retards économiques ont souvent des conséquences fatales… Il ne s’agit pas ici de faire l’apologie du quinquennat de Nicolas Sarkozy. D’une part, parce que Nicolas Sarkozy n’est plus candidat et semble ne plus être en mesure de revenir un jour dans la vie politique. D’autre part, parce que j’ai voté pour François Bayrou au premier tour tant en 2007 qu’en 2012 et que j’ai considéré que le discours sécuritaire du 30 juillet 2010 à Grenoble avait porté une grave coup à la cohésion nationale.

Pendant tout son quinquennat, Nicolas Sarkozy a été critiqué sur l’une des mesures qui a le plus contribué au maintien du pouvoir d’achat des personnes les plus fragiles depuis plusieurs décennies, à savoir la défiscalisation des heures supplémentaires, qui, il est vrai, était une manière de contourner sans trop le dire les 35 heures qui ont plombé l’économie française depuis le début des années 2000. Arrivant au pouvoir, par dogmatisme et antisarkozysme, François Hollande a immédiatement abrogé cette mesure, tout comme la hausse de la TVA qu’il s’est empressé, l’année suivante, de finalement augmenter (cohérence cohérence…).

Alors, évidemment, il fallait bien ouvrir ses oreilles quand on a entendu Jean-Claude Mailly, adhérent du Parti socialiste mais surtout secrétaire général de la puissante Force ouvrière depuis le 7 février 2004, répondre ce mardi 3 janvier 2017 aux questions de la (ravissante) journaliste Brigitte Boucher, présentatrice de l’émission "Politique matin" sur LCP.

Avec la CGT, Force ouvrière est l’un des syndicats les plus opposés aux politiques sociales des gouvernements depuis une quinzaine d’années, et en particulier, de la politique de Nicolas Sarkozy.

Qu’a-t-il confié modestement, Jean-Claude Mailly, en ce début d’année présidentielle ? Qu’en discutant avec des employés, il a découvert que la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires décidée par François Hollande en été 2012 leur a fait perdre plusieurs dizaines voire centaines d’euros par mois. Il ne s’en rend compte que dix ans plus tard ! Il n’a donc pas hésité à dire qu’il fallait discuter …pour réintroduire cette défiscalisation au programme.

Cela tombait bien puisque quelques heures plus tard, à la Maison de la Chimie, Manuel Valls justement proposait de refaire la défiscalisation des heures supplémentaires alors que le gouvernement dont il était un éminent membre l’avait supprimée.


Dans ce jeu de dupes, François Hollande est évidemment allé bien plus loin le 23 décembre 2015 lorsqu’il a proposé la déchéance de nationalité, reprenant plus que le discours de Grenoble de Nicolas Sarkozy, jusqu’au programme du Front national.

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Autre sujet pour lequel Jean-Claude Mailly est très sensible (et on le comprend), c’était la sécurité sociale que François Fillon souhaite réformer. Le numéro un de FO a redit son souhait que la sécurité sociale soit financée surtout par les cotisations et pas par l’impôt, avouant qu’il était beaucoup plus difficile de supprimer une cotisation qu’un impôt. Je dis bien "avouer" car il a laissé entendre que les électeurs, le peuple souverain donc, et leurs représentants élus, les parlementaires, ne devraient pas se mêler du financement de la sécurité sociale qui serait censé rester du seul ressort des partenaires sociaux…

Alors que le budget de la sécurité sociale est presque aussi massif que celui de l’État, il est troublant d’imaginer que ces flux financiers n’émanent pas, avant tout, de la souveraineté populaire. Heureusement qu’en 1995, Alain Juppé ait quand même réussi à imposer qu’une loi sur le financement de la sécurité sociale soit discutée chaque année au Parlement !

On comprend donc bien pourquoi Jean-Claude Mailly, par exemple, ne votera pas pour Emmanuel Macron qui propose justement de réduire encore un peu plus la part des cotisations dans le financement de la sécurité sociale et d’augmenter massivement la CSG, impôt collecté par l’État et pas par les partenaires sociaux.

On comprend aussi que l’enjeu de la sécurité sociale, loin d’être l’intérêt général de tous les Français et loin d’être leur santé, est la défense du pré carré des centrales syndicales. La campagne présidentielle sera donc l’occasion de faire des choix en pleine conscience.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (05 janvier 2017)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
François Fillon.
François Hollande.
Nicolas Sarkozy.
Manuel Valls.
Emmanuel Macron.
Primaire socialiste.

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14 réactions


  • Francis, agnotologue JL 5 janvier 2017 11:49

    La bêtise et la mémoire courte, ce terrible cocktail, nous font toujours refaire les mêmes erreurs.

     
     J’ai publié un article sur le sujet il y aura bientôt 10 ans. Cet article a été amendé de nombreux commentaires que j’y ai rajoutés au fil des ans pour évaluer les dégâts de cette mesure ultralibérale entre toutes. Le dernier en date du 9 novembre 2015 fait référence à un article publié par Quartierslibres dont je conseille la lecture : on y trouvera en plus une vidéo d’une heure réalisée par l’INRS, l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles, un film de Jean-Michel Carré.
     
     Je suis scandalisé que JC Mailly, syndicaliste propose ce retour en arrière catastrophique : il crache ainsi sur 5 millions de demandeurs d’emplois.

    • Francis, agnotologue JL 5 janvier 2017 11:55

      @JL
       

       
       Cette prise de position de Valls et Mailly en faveur de la défiscalisation et décharge est purement démagogique et vise clairement à torpiller la candidature de Mélenchon qui se préoccupe davantage du sort des sans emplois que du pouvoir d’achat des salariés et de leurs patrons, car il est clair que ce sont eux les principaux bénéficiaires de cette mesure mortifère pour la protection sociale.

    • Francis, agnotologue JL 5 janvier 2017 12:19

      Education : le prix des suppressions de postes - Lucie Delaporte, Mediapart, 29 août 2011

       
      extrait : ’’Le syndicat a interrogé directement ses adhérents pour connaître leur façon de résoudre l’équation : Comment faire toujours plus avec toujours moins ? Quels sont leurs leviers ? Qu’ont-ils choisi de sacrifier ? Première variable d’ajustement pour gérer la pénurie : proposer, ou imposer, des heures sup au-delà des obligations réglementaires. Il apparaît ainsi qu’une partie des suppressions de postes sera « absorbée » par l’explosion des heures supplémentaires (+6,7% au lycée général soit 2,2 heures par poste), bien souvent attribuées d’office aux enseignants. Elles représentent en moyenne l’équivalent de quatre postes « économisés » pour un établissement qui en compte 42.’’

    • kalachnikov lermontov 5 janvier 2017 12:29

      @ JL

      Quand tu vois que l’auteur rococo ne sait même pas qu’il y a des personnes encore plus fragiles que celles qui n’ont pas d’heures supplémentaires, défiscalisées ou pas. Rococo, le droitier baroque, qui en sait ni ne voit que dans son pays il y a eu 50 % de sdf en plus depuis 2012, une sorte d’épizootie en fait, une épidémie de fainéantise car si le chômeur ne trouve pas de boulot c’est parce qu’il est feignant ; 30 000 enfants sdf ; 40 000 enfants qui ne mangent pas à leur faim. La faute au modèle français pourrave, à démanteler, filloniser-tatchériser en toute urgence, en bon chrétien de façade qu’on est, et si je suis bien inventé en ...2012. Ce brave Rococo, qui aurait bien voté Sarko, s’il n’avait laissé libre cours à sa cervelle décomplexée à Grenoble, Sarko, l’homme qui bien sûr ne promettait pas d’arriver à 0% sdf en un an.


    • Francis, agnotologue JL 7 janvier 2017 10:15

      On aurait aimé connaitre la position de François Chérèque sur ce sujet. Mais peut-être que Terra-Nova pourrait nous communiquer la sienne ?

       
        La défiscalisation et décharge des heures supplémentaire c’est la légalisation du travail au noir.
       
       Des partisans de cette défiscalisation et décharge des heures supplémentaires m’ont opposé l’argument que, grâce à cette mesure, des salariés se faisaient 200 euros de plus chaque mois.
       
       Du point de vue des salariés, en régime de fiscalisation avec versement de charges sociales sur les HS il y a trois possibilités :
       
      - Ou bien les heures supplémentaires sont justifiées par les besoins de l’entreprise ; dans ce cas, au lieu de 200 euros net d’impôts mais sans charges sociales à leur profit ainsi que le veut le système Sarkozy, les salariés reçoivent 200 euros augmentés des charges sociales mais diminués de la part d’impôt supplémentaire : Grosso modo, cela revient au même vu que les charges sociales sont un équivalent de salaire différé.

      - Ou bien ces heures supplémentaires, toujours justifiées par les besoins, et l’entreprise préfère financièrement recourir à un surplus de main-d’oeuvre : et dans ce cas, c’est tout bénéfice pour les demandeurs d’emplois et donc la courbe du chômage.
       
      - Ou bien ces heures supplémentaires ne sont pas justifiées. Et dans ce cas, les conclusions à en tirer relèvent du cas par cas.
       
       On le voit, les seules personnes qui peuvent en bénéficier ce sont les patrons qui voient là une bonne occasion de payer légalement au noir leurs salariés. 
       
       Car il n’y a aucune différence entre une rémunération défiscalisée et non soumise à charges sociales et un paiement au noir par définition. CQFD
       

  • kalachnikov lermontov 5 janvier 2017 12:31

    @ rococo

    A part ça, Rococo, à fond dans photoshop. Dis donc, y a un artiste qui sommeille en toi.


  • flourens flourens 5 janvier 2017 13:30

    la défiscalisation des heures sup est une escroquerie sociale en effet on nous dit vous gagnerez plus, mais a-t-on vu un salarié dire à son patron, je vais faire des heures sup car ça me convient, non, les HS sont à la discrétion du patron, et s’il n’y a pas lieu d’en faire, il n’y en aura pas,il y a des millions de salariés qui n’en font aucune de plus et je sais de quoi je parle, souvent ils en font mais que le patron ne paye pas, les prud’hommes en sont plein, ça c’est pour ceux qui bossent, mais les autres, il n’y a pas de travail pour tous alors si ceux qui en ont un font plus d’heures forcément il y aura encore moins de travail pour les autres c’est mathématique
    mais bon on est rassuré avec Fillon ce sera travailler plus pour gagner moins


  • alain_àààé 5 janvier 2017 15:25

    je suis d accord avec l auteur mais il aurait fallu étendre le sujet de se syndicat FO dont les responsables ont toujours eu une carte du parti socialiste et dont certains participaient aux réunions du PS et qui ont toujours joué en accord avec le patronat sur le dos des travailleurs.je comprends bien qu étant le premier syndicat des fonctionnaires ce syndicat soit a coté de la plaque pour les problémes du privé.je ferais quand méme un petit rapelle a mes amis de FO dans les années 1970 dont le responsable était bergeron ceuxci partaient sur le dos de la sécurité sociale c est a dire se faisaient payé par la SS des réunions aux bouts du monde exemple réunion en thailande avec toute la famille le pére syndiqué partait avec sa femme et ses enfants pendants une quizaine de jours et cela avec plusieurs syndiqués et leur famille


    • zygzornifle zygzornifle 6 janvier 2017 12:36

      @alain_àààé


       c’est plutôt a la CFDT que l’on trouve du socialo en embuscade prêt a lécher le cul des patrons et du gouvernement ......

    • aliceb 6 janvier 2017 18:55

      @alain_àààé

      C’est la CFDT qui est le syndicat du patronat.Elle a signé, entre autre, les lois travail de 2016. C’est pour cela qu’elle est appelée « réformiste »par les journaleux. Je suis d’ailleurs trés étonné qu’ils aient encore des syndiqués. Il n’y a qu’à voir Chéréque qui avait été recasé inspecteur des affaires sociales et Nicole Notat.
       
      Quel est le syndicat qui a appelé à voter pour Hollande en 2012 ? Bernard Thibault de la CGT !
      Qui a fait scandale pour la rénovation de son bureau Thierry Lepaon mais qui va être recasé à l’agence nationale contre l’illétrisme.
       
       
      Que Jean Claude Mailly ait sa carte du PS, ça le regarde mais jamais il n’a donné et ne donnera de consigne de vote. FO est un syndicat libre et indépendant.

  • zygzornifle zygzornifle 6 janvier 2017 12:34

    Après le maillon faible voila le Mailly faible .....


  • Aristoto Aristoto 6 janvier 2017 17:30

    laisser rakokomerde exister sur ce site est tout simplement l’avoue evident de tout contre media de son vassalissement au mass media. s’exprimer ici le rokaka c’est tous les jour nous cracher a la gueule que tout simplement il nous domine ideologiquement et materiellement tout comme il domibe ses travailleur dans sa petit pme moderne et ouverte au monde.

    Rakoto doit mourir ou...nous dominer indifiniment. Chaqun de ses mot est une insulte a ma candition d’esclave du capital.

    nous somme definitivement promis a un echec eternel


  • Francis, agnotologue JL 7 janvier 2017 10:22

    « Si j’ai désir de me contredire, je me contredirai sans scrupule : je ne chercherai pas la « cohérence ». Mais n’affecterai pas l’incohérence non plus. Il y a par-delà la logique, une sorte de psychologie cachée qui m’importe, ici, davantage. » (André Gide, « Ainsi soit-il », 1952).

     
     Dans le même ordre d’idée, on cite Robert Escarpit qui aurait dit « Je reconnais un honnête homme à ce qu’il se contredit » 

     Et moi j’ajoute : je reconnais un honnête homme quand il assume les conséquences de ses contradictions. Et je reconnais un malhonnête quand il les fait payer à autrui.

     Autrement dit, quand il se prévaut de ses turpitudes. 

  • Francis, agnotologue JL 7 janvier 2017 10:42

    Question à Manuel Valls et Jean-Claude Mailly :

     
     Du fait que la défiscalisation et décharge des heures supplémentaire c’est la légalisation du travail au noir, je demande : 

     Quels sont les moyens mis à la disposition des services fiscaux pour s’assurer que les employeurs ne déclarent pas frauduleusement des versements fictifs d’heures supplémentaires ?
     
     En effet, quand il sera devenu légal de payer partiellement « au noir » des collaborateurs, qu’est-ce qui prouvera que ces versements déclarés qui viendront donc naturellement en déduction du bénéfice, donc des impôts dus par l’entreprise, auront réellement profité à des tiers et ne seront pas venus directement dans les poches du patron ?

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