lundi 31 août 2009 - par Christian Delarue

L’entrepreneur ou l’individu appelé à se concevoir comme une entreprise

Le propos est critique mais ne vise pas tout entrepreneur. Sans y voir une extension de sens on pourrait parler d’entrepreneur pour les dirigeants d’associations. Mais ce n’est pas ce que le sens commun contemporain entend sous le mot entrepreneur. Ce sens commun reprend volontiers à son compte une version vulgarisée du droit des affaires ou des techniques de gestion. Bref, l’entrepreneur se rattache à la figure du manager d’entreprise privée. Le terme a son extension pour le public en mode euphémisé.

En fait le néolibéralisme contemporain du début des années 1980 a radicalement modifié la notion : c’est tout individu qui à chaque instant au travail et hors travail doit se concevoir comme une entreprise. Du zéro défaut. De la performance. "We are the champions", tel est l’hymne du nouveau sujet entrepreneurial (1) Tous des athlètes de hauts niveaux , point de simples pratiquants d’une activité physique non sportive pour reprendre une distinction proche de ce que dit Jean-Marie Brohm.

Le mode de production capitaliste présuppose des rapports sociaux dans les structures de production qui mettent en conflit le travail et le capital. Ce dernier défend non seulement la liberté d’entreprendre, le droit de propriété privé (qui suppose une capacité financière pour la possession d’usines ou de bureau) mais aussi un type d’activité fondé sur le dynamisme, l’inventivité, la créativité. Le capitaliste type est non seulement un organisateur mais aussi un meneur d’hommes et de femmes qui fonde son leadership sur l’exemplarité de son activité. Le capitaliste dans la PME ou la firme transnationale tout comme d’ailleurs son compère le haut fonctionnaire dans le cadre étatique sont des conquérants dans un monde d’hyper-concurrence, de compétition généralisée.

Ce qui a changé avec le néolibéralisme c’est que ce type d’individu n’est plus le propre des grands dirigeants mais le modèle comportemental de quasiment tout un chacun. Le néolibéralisme ne laisse pas la figure de l’entrepreneur à l’artisan du vieux capitalisme ni même aux petits patrons de PME, ni même aux grands patrons de firmes transnationales. Il généralise la figure, l’impose aux plus démunis.

Le capitalisme social qui s’était développé après la seconde guerre mondiale était fondé sur une régulation de la vieille discipline du travail imposée par le capital au travail. Les travailleurs obéissaient, effectuaient la tâche prescrite avec le sentiment ambivalent du travail bien fait mais aussi de leur exploitation. Ils pouvaient se montrer zélés mais sans apologie du système d’exploitation. Le zèle provenait d’une motivation extrinsèque, pour avoir un meilleur salaire. Une nécessité . Aujourd’hui, presque tous les salariés, surtout les cadres intermédiaires, tendent à se concevoir comme un patron de lui même. Ils en viennent à critiquer le patron qui n’en fait pas assez ! Ils travaillent en heures supplémentaires non payées parfois. La motivation première est devenue intrinsèque. Est intégré la mentalité entrepreneuriale du néo-capitalisme.

L’être humain s’est bien conformé à la logique marchande et capitaliste pour produire plus, toujours plus de marchandises et de profits. La finance n’a fait que d’accroître sa logique parasitaire pour l’imposer à tout l’économie. Le néolibéralisme en tant que phase et logique de domination sans limite du marché et de l’entreprise capitaliste débouche sur le seul productivisme. Le capitalisme tardif ne pose aucun sens à l’humanité. Le "travaillisme" effréné semble être sa seule valeur. Et en France N Sarkozy est son grand ordonnateur. "L’entrepreneur est au centre de ma politique" a-t-il déclaré le 30 aout 2007 devant les patrons du MEDEF.

Pourtant ce modèle "activiste" du travail n’est pas sans inconvénient aussi bien pour l’entrepreneur lui-même que pour les autres, les simples travailleurs. A l’évidence tous ne suivent pas le rythme d’enfer imposé. Pas mêmes les cadres qui pourtant prétendent être les nouveaux modèles du système. Il y a des gagnants et des perdants et les perdants n’ont qu’à devenir gagnant ou périr. Le système est fondamentalement odieux et barbare mais les objets marchands sont si beaux et la diversion médiatique si efficace. Les barbares roulent en Porsche, en Ferrari, en super 4X4 ! Crise climatique ? Réponse : marché du carbone et on continue ! Le problème est que l’idéologie d’accompagnement de ce mode de gouvernement des humains ne prévoit pas la panne, le repos, le "rythme de sénateur" (qui n’est pas si lent), la petite productivité, la RTT (réduction du temps de travail). Pour la rationalité néolibérale on gagne ou on meurt.

Le monde du capitalisme néolibéral est fondé sur la guerre économique valorisée, sur la compétition uniquement, sur la concurrence effrénée, pas sur la tolérance, la solidarité collective. La famille n’est que le lieu ou l’on remet sur pied le soldat fatigué. Point de dimanche pour elle si ce n’est pour aller consommer la production marchande. Le néolibéralisme qui pose la "fin de l’histoire" (Fukuyama) et le "Il n’y a aucune alternative" (TINA) de Margaret Thatcher ne pense pas l’arrêt des libéralisations des freins à la compétition. L’entreprise et le marché sont les nouveaux dieux du stade. Et l’Etat néolibéral s’est mis au service de ces entités fétiches comme si elles étaient porteuses de l’intérêt général . Le marché est une organisation sociale qui a besoin de juristes néolibéraux pour de nouvelles règles de libéralisation. Regarder l’OMC et ceux qui travaillent dans l’ombre. La gouvernance mondiale avance, la démocratie recule.

Quand l’irrationalité du système mène à la crise les politiques néolibéraux découvrent que le capitalisme était caché derrière la vénérable "économie de marché" mais ils se contentent de montrer du doigt les vilains traders en oubliant qu’ils sont eux-mêmes les auteurs et responsables des libéralisations des marchés financiers ce qui leur permet d’annoncer benoîtement une moralisation du système. Parallèlement dans la société monte un durcissement des sanctions policières et pénales du petit délinquant. La moralisation douce est réservée à la délinquance en col blanc. Lisez ici Evelyne Sir-Marin.

Pour terminer, voici quelques revendications de libération qui laisse libre d’agir l’entrepreneur dans un cadre qui limite le travaillisme productiviste et qui demande d’abord la sobriété financière aux très riches. Il s’agit d’enclencher sur plusieurs pays occidentaux à forte productivité une réduction forte du temps de travail (RTT) de l’ordre de 25 heures hebdomadaires afin que le principe de civilisation humaine qui veut que "nul ’est exempt de participer à la production de l’existence sociale" puisse s’appliquer. Ce qui signifie embauche des privés d’emploi mais aussi augmentation des salaires notamment pour les prolétaires, ceux et celles disposant de moins de 3000 euros par mois de salaire. Cela suppose notamment de brider l’OMC et de revaloriser l’ONU.

Christian Delarue

Pour la jeunesse de demain :
Pour un management alternatif
Eve Chiapello et Karim Medjad
http://www.cadres-plus.net/bdd_fichiers/429_05.pdf

(Petit bonjour à Karim que j’ai connu en fac au début des années 80 à Brest)

1) Formule issue de "La nouvelle raison du monde" de Pierre Dardot et Christian Laval .Pierre Dardot était intervenant à l’université d’été ATTAC sur le dépassement du capitalisme.



9 réactions


  • Michael 31 août 2009 11:50

    Vaste tour d’horizon de cet état d’esprit qu’est l’entrepreneur.


    Vous avez raison de souligner le repos et le recul nécessaire à toute action.
    Ne vous y trompez pas, tous les entrepreneurs dignes de ce nom ne sont pas des machines de travail qui fonctionnent jusqu’à l’épuisement. Ils savent se renouveler et grandir avant de retourner sur le « terrain ». Ils savent alterner effort et repos, dépense et pause.

  • paul muadhib 31 août 2009 12:35

    il y a selon moi , 2 façons de vivre sur cette planète, soit collectivement sur des projets de satisfaction des besoins vitaux du groupe., sans profit .possible seulement si l’humain le veut ,c’est pas gagne donc..loin de la même !! cette façon de vivre ne peut s’imposer violemment et a cela les gens de profit qui se veulent au dessus pour des questions de profit uniquement disent , : oui mais je mérite plus,j’ai plus de compétences , pas nécessairement faux d’ailleurs les compétences ,mais sans le groupe une compétence n’est rien qu’une sale manie,sans le groupe Gustave eiffel en serait ou, il aurait fait 3 ou 4 boulons ,sans le collectif rien ne se fait, sans le pseudo génie, le groupe peut vivre..
    en fait il y a interdépendance du groupe sur tout ce qui est les techniques, a chacun de voir si cette affirmation est juste, pour moi , oui elle est juste...le problème venant de cette catégorie de personne qui veut posséder au delà d’un niveau qui alors détruit le vivre ensemble..ces gens sont responsables des guerres ,des famines organisées ,du manque d’emploi qui peut être résolu demain matin etc.....


    • arturh 31 août 2009 13:43

      La Démocratie permet l’existence de ces deux modes de vie. On remarquera que le Totalitarisme, qui exige le monopole sur l’organisation du mode de vie collectif, le détruit obligatoirement en même temps qu’il détruit le mode de vie individuel. La Chine devait obligatoirement détruire le mode de vie bouddhiste au Tibet.

      On peut d’ailleurs légitimement penser que si les gens on renversé le Communisme en particulier et le Totalitarisme en général, ce n’est pas pour gagner le droit d’initiative individuel, qui est relativement minoritaire, mais pour gagner le droit d’initiative collective, qu’interdit catégoriquement le Totalitarisme, en particulier communiste.

      On voit comment l’auteur, par exemple, consent à reconnaître que le droit d’entreprendre et le droit de s’associer sont très proches. Mais évidemment, il se garde bien d’explorer honnêtement cette évidence, après l’avoir rapidement nié : « Le propos est critique mais ne vise pas tout entrepreneur. Sans y voir une extension de sens on pourrait parler d’entrepreneur pour les dirigeants d’associations. Mais ce n’est pas ce que le sens commun contemporain entend sous le mot entrepreneur.  »

      Evidemment, c’est outrageusement faux.

      Mais l’auteur veut strictement réduire l’entrepreneur à la définition qu’en donne le Totalitarisme : un pilleur de richesses collectives. Il s’agit de caricaturer l’entrepreneur sous la forme d’un homme complètement obsédé par la volonté dune enrichissement sans limite.

      Evidemment, on rejoint ici le pire « complotisme des sages de Sion ». pour qui connaît un peu l’Histoire de la création de Microsoft ou Google, par exemple, qui a rendu leurs créateurs des gens réputés « les plus riches du monde », on voit que ça ne tient pas debout. Les inventeurs de Google, par exemple, étaient des chercheurs scientifiques passionnés par leur métier. On peut noter au passage que ce que leur a autorisé leur Université, l’Université Française, globalement anti-libérale, le leur aurait totalement interdit... Les inventeurs de Google, qui ont inventé un moteur de recherche par hasard, comme c’est souvent le cas dans les découvertes (ils cherchaient autre chose, relativement proche, il est vrai...), étaient donc des gens passionnés par ce qu’ils faisaient. Ils le font toujours. Le fait que leur application ait été adoptée par des milliards de gens est complètement secondaire. Ce n’était pas du tout l’idée de départ. Il est vrai que personne n pouvait imaginer Google et son succès.

      En travestissant l’esprit d’entreprise individuelle en un complot mondial est un telle contradiction dans les termes, d’ailleurs, qu’il vaut mieux lire cet article pour ce qu’il est : le deuil non fait de l’entreprise collective totalitariste.

       


    • Christian Delarue Christian Delarue 1er septembre 2009 22:23

      Deux principes sur le travail incompatibles avec le mode de production capitaliste.

      1 - Nul n’est dispensé de participer à la production de l’existence sociale.

      Ce faisant nulle tablette ne précise qu’il faut travailler beaucoup et de façon intensive. Par contre il importe d’être bien rémunéré. Vive les 25 heures par semaines pour travailler tous !

      2 - Ce n’est pas à l’homme de s’adapter au travail, mais au travail de s’adapter à l’homme.

      Une directive 20030880CE dispose que "l’organisation du travail selon un certain rythme doit tenir compte du principe général de l’adaptation du travail à l’homme".

      CD


  • arturh 31 août 2009 13:17

    C’est intéressant parce que l’’auteur de cet article est un communiste honteux qui n’ose pas afficher ouvertement d’où il vient, comme ses compère d’Attac qui ont oublié l’existence de leur carte pour répparaître avec un faux-nez sous la nouvelle appellation d’anti-libéraux, lorqu’ils sont sortis les décombres du Mur de Berlin. C’est compréhensible. Le Mur ne pouvait plus cacher ce qu’il y avait derrière.

    Et donc quel est le projet : l’article se résume à cette phrase : « Aujourd’hui, presque tous les salariés, surtout les cadres intermédiaires, tendent à se concevoir comme un patron de lui même. Ils en viennent à critiquer le patron qui n’en fait pas assez ! Ils travaillent en heures supplémentaires non payées parfois. . »

    Or il suffit de remarquer que tout l’article peut se relire sur par le fait qu’il fait comme s’il devait obligatoirement ignorer une chose qui s’appelait le « stackanovisme ». Qui n’ pas existé qu’en URSS. On se souvient comment les communistes chinois envoyaient les gens au travail obligatoire à la campagne. On se souvient des campagnes de « volontaires » pour le ramassage de la canne à sucre à Cuba.

    En isolant sytématiquement le soit-disant « libéralisme »(1) du reste de l’histoire, comme si rien ne pouvait s’y comparer, comme s’il s’agissait d’un espèce de cancer sur un monde par ailleurs historiquement sain, on voit bien aujourd’hui la tragédie de ce qu’est devenu le communisme. La répétition d’une loggorée à laquelle ses partisans ne croient même plus, mais qui reconstitue les derniers souvenirs d’une génération qui se crut un jour « le seul horizon de l’humanité » et qui se retouvent aujourd’hui à devoir défendre le contenu des poubelles de l’Histoire.

    (1). En écrivant « Le néolibéralisme qui pose la »fin de l’histoire« (Fukuyama) », l’auteur dévoile involontairement le véritable discours de l’anti-libéralisme et lui donne son véritable sens. En effet, la Fin de l’Histoire, selon le titre du livre de Fukuyama, dit que c’est la victoire de la Démocratie qui est la Fin de l’Histoire. Or, la victoire de la Démocratie, c’est la victoire de la Liberté (d’entreprendre, entre autres libertés). L’anti-libéralisme, c’est bien le projet communiste : la guerre contre la Démocratie : le communisme nait à la fin du XIXème siècle en réaction à l’aspiration à la Démocratie du début du XIXème siècle). L’anti-libéralisme, c’est bien la guerre contre la Démocratie et la Liberté, comme on nom l’indique. On pourra noter au passege, l’erreur de Fukuyama qui annonçait la fin de cette guerre et la victoire de la Démocratie contre le Totalitarisme. La Démocratie a effectivement gagné, mais la guerre, elle, va continuer encore pendant des décennies.


    • Christian Delarue Christian Delarue 31 août 2009 22:48

      Je suis particulièrement critique du stakhanovisme comme d’ailleurs du taylorisme.

      Je ne suis nullement contre l’entrepreneur mais c’est le cadre de son exercice qui en fait un personnage utile ou au contraire un individu néfaste et cynique. Il y a le meneur qui respecte les moins dynamiques et le loup à qui il faut mettre une muselière.

      Mon dernier paragraphe débute ainsi : "Pour terminer, voici quelques revendications de libération qui laisse libre d’agir l’entrepreneur dans un cadre qui limite le travaillisme productiviste et qui demande d’abord la sobriété financière aux très riches."

      Mais en rester à pareille propos serait rester en deçà de la nouveauté du néolibéralisme qui entend promouvoir l’entrepreneur conquérant de soi, des autres via le marché et l’Etat. L’Etat n’est pas neutre dans l’affaire. Les libéralisations sont son fait que celui de l’OMC ou l’UE ;

      Qu’est-ce que le sionisme à avoir avec mon propos ?
      Quand au totalitarisme, c’est aujourd’hui il est plus proche des diktats de la performance à tout prix et dans tous les domaines qui exclue la moindre solidarité et qui fragilise les individus, cadres compris, que du spectre communiste.

      Savez-vous que la bureaucratie existe dans les entreprises transnationales qui fonctionnent au réseau et à la cooptation. Que cela touche aussi bien le public que le privé.

      Le peuple-classe subit ici la domination du capital internationalisé et national tout autant que le peuple-classe chinois subit la domination du parti bureaucratico-capitaliste. Je peine à caractériser sérieusement la nature de la Chine aujourd’hui’hui. En tout cas je sais qu’il y a collusion entre ceux d’en-haut y compris derrière les affrontements des réunions mondiales à géométrie variable : les G 20 ou G 77.

      CD


  • paul muadhib 1er septembre 2009 11:01

    pour faire simple, une catégorie de personne veut dominer ,çà commence tout petit, un gros coup de pied au cul très jeune pour cette catégorie de personne ferait du bien a l’humanité.
    Pour dominer tout est bon, violence,armes ,assassinats ,corruptions, organisation de la raréfaction de productions vitales, pseudo justice,police et armée aux ordres etc...
    absolument tout le reste n’est qu’enfumage indispensable , et bien sur la déclinaison des systèmes de + en + complexes, mais l’idée de base n’est que domination ,point barre......


  • Malaurie 2 septembre 2009 19:48

    Très bon article


  • Christian Delarue Christian Delarue 26 décembre 2009 23:23

    L’auto-entrepreneur prolétaire (1), un travailleur indépendant sans code du travail

    Tel est le travailleur qu’aime la droite et le MEDEF !


    L’auto-entrepreneur, une bonne aubaine pour le capitaliste d’entreprise moyenne ou grande qui bénéficie de ce travail-là via le droit des affaires. Il est vrai que le sigle PME permet d’amalgamer la petite entreprise et la moyenne et dans la petite celui qui est seul de celui qui peut encore disposer d’un ou deux salariés. La crise pousse aux distinctions.

    Des entreprises à taille humaine ! La première entreprise de France ! L’artisanat, le lieu privilégier de l’embauche des apprentis non qualifiés en formation ! La petite entreprise a eu le vent en poupe ces dernières années. Même l’altermondialisme a fait l’apologie de l’artisanat comme conforme au développement durable. Au salon bio de Guichen la micro-entreprise vente son commerce équitable. L’affichette de promotion des circuits courts permet l’arrivée de commerçants qui sur les stands se comportent comme des commerçants traditionnels, le regard rivé sur les prix.

    Le vent tourne à la misère pour les plus petites. Car la très petite entreprise est fragile. La fragmentation nuit aussi bien au salariés qu’au petit patron. L’artisan, le commerçant et le petit patron dont il s’agit sont ceux qui ont pour particularité de n’embaucher qu’un très faible nombre d’employés ou d’ouvriers : deux ou trois.

    Avant la crise, les revenus des petits patrons étaient assez élevés - au-dessus de 3000 euros par mois en moyennes souvent beaucoup plus. L’Insee a communiqué en octobre 2009 le revenu moyen des patrons de PME  : 58 260 euros nets par an, soit 4855 euros mensuels. Certains d’entre eux faisaient travailler dur leurs employés et les payant peu. Quand le patron dit travailler plus de 12 heures par jour pendant 6 jours on comprend que cela le rende « exigeants » (2) pour reprendre un bel euphémisme connu. Le salaire des employés montait peu au-dessus du SMIC dans beaucoup de petites entreprises alors que les horaires dépassaient les 35 heures. C’est dans ces catégories sociales que l’on trouve les individus qui rechignent le plus à payer les impôts. La crise n’a rien changé à cette attitude.

    Avec la crise surgit les licenciements. Le petit patron devient travailleur indépendant. Le petit patronat qui n’avait que deux salariés et qui les licencie se retrouve auto-entrepreneur avec un revenu allant du SMIC à un fois et demi le SMIC. Le revenu moyen des entrepreneurs /indépendants /(92% des cas) s’élevait en 2005 – dernière année connue dans les statistiques de l’Insee – à 22 100 euros nets par an : 1842 euros par mois. La chute est dure. Regardez votre patron-coiffeuse qui avait un grand salon, un beau 4X4 et une belle maison sur la côte. Elle est seule désormais et elle doit travailler ailleurs dans une unité plus petite. Les exemples ne manquent pas.

    Si il y a un petit patronat hyper-exploiteur il y a aussi un petit patronat « patriarcal » qui conçoit son entreprise comme une petite famille qu’il faut maintenir. Ils souffrent de licencier .
    cf . Mesurer le stress du petit patron et la « souffrance du licencieur »
    http://eco.rue89.com/2009/10/30/mesurer-le-stress-du-petit-patron-et-la-souffrance-du-licencieur-123946

    Le modèle du travailleurs indépendant dans un mode de production capitaliste dominant est fragile. Il importe de défendre la notion de bouclier social (2) et fiscal.

    Christian Delarue

    1) Prolétaire au sens de couche sociale disposant d’un revenu permettant au mieux de modestes économies en fin de mois (autour de 3000 euros par mois en 2010 en France). Le prolétaire au sens « classiste » ou marxiste est celui qui vend sa force de travail pour vivre. Il est souvent les yeux rivés sur sa fin de mois. Il est donc souvent mais pas toujours un prolétaire au sens d’une conception stratificannioniste.

    2) Bouclier social : Baisser les revenus des uns, augmenter les salaires des autres.
    http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article873

    CES : Pour un grand mouvement de RTT en Europe pour le monde du travail.
    http://www.legrandsoir.info/CES-Pour-un-grand-mouvement-de-RTT.html


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