vendredi 16 janvier 2015 - par Trelawney

Le syndrome du poisson lune

Un jour, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés, atterrés, observaient impuissants le désastre. Seul le petit colibri s'activait, allant chercher quelques gouttes avec son bec pour les jeter sur le feu. Au bout d’un moment, le tatou, agacé par cette agitation dérisoire, lui dit : "Colibri ! Tu n'es pas fou ? Ce n'est pas avec ces gouttes d'eau que tu vas éteindre le feu !" Et le colibri lui répondit : "Je le sais, mais je fais ma part."

Il faut se rendre à l’évidence, pour vivre sur cette planète, nous avons besoin d’énergie, d’eau, de nourriture, d’abris, et de plein d’autres choses. Et nos besoins vont grandissants parce que nous sommes de plus en plus nombreux, mais aussi parce que nous voulons améliorer nos conditions de vie pour les rendre plus confortables. Car nous voulons vivre plus longtemps, plus heureux, plus instruits et moins malades. Cette augmentation constantes de nos besoins des plus nécessaires aux plus futiles appelées développement pour certains ou croissance économique pour d’autres, conduit notre civilisation à la destruction accélérée et progressive de notre écosystème et à la disparition de milliers d’espèce végétales et animales. Pour soutenir une productivité et une croissance économique toujours plus importantes nous scions délibérément la branche sur laquelle on est assis.

Ce besoin constant de produits qu’ils soient de première nécessité ou pas est devenu pour nous tous un choix de vie incontournable. C’est notre mode de vie c’est notre société appelée « société de consommation ». Et parce que nous avons gaspillé une grande partie des ressources de notre monde, cette « société de consommation » trouve actuellement ses limites et ce qui passait pour un mauvais scénario de science-fiction est en passe de devenir une réalité scientifique, brutale et incontournable.

Ce besoin irrationnel de vouloir se développer, croitre, s’agrandir, s’enrichir au-delà de ce que nous pouvons produire nous plonge dans une dépression économique. Les dettes de nos états, nos entreprises et nos ménages pèse chaque jour plus intensément sur nos économies, conduisant à tous les maux que nous connaissons : récession, faillite, chômage, réduction des services publics, creusement des inégalités, guerres….

Pourtant, tout ce qui compte de décideurs dans ce monde ( responsables politiques, dirigeants d’importantes sociétés, banquiers) continuent comme s’ils n’avaient pas conscience de la gravité des enjeux à appliquer des mesures d’un autres âge et à déployer des schémas et des programmes de relances qui ont fait leurs preuves de leurs inefficacités, voire même de leurs dangerosités.

Nous même construisons notre vie sur les mêmes schémas. On veut avoir plus d’argent pour posséder plus de chose qu’elle soit utiles ou pas. Nous voulons avoir une maison, puis une seconde pour les vacances etc. etc. etc. Nos entreprises doivent continuellement se développer, produire toujours plus, embaucher toujours plus, créer toujours plus de profits commerciaux, et ceux jusqu’à implosion.

Dans la nature, il n’existe qu’un être vivant qui croit de la naissance jusqu’à sa mort : C’est le poisson lune. Et la devise : « les arbres ne montent pas jusqu’au ciel » est criante de vérité. Pourtant telles des autruches, nous refusons de voir cette vérité en face et continuons à faire porter sur les autres le poids de nos responsabilités.

 

Dans la métropole lilloise un chef d’entreprise, Emmanuel Druon, a depuis vingt ans transformé avec son équipe l’entreprise Pocheco (pme de 114 employés) en l’une des entreprises les plus avancées dans l’économie circulaire.

Cette transformation c’est faites sur deux axes : l’économie des ressources et la limitation de la croissance de l’entreprise.

Pour ce qui est de l’économie des ressources, cette entreprise ne s’interdit rien : Tout, ou presque y est recyclé, les déchets y sont utilisés comme des ressources, la production de papier, d’encre, d’électricité sont issus de sources renouvelables, l’usine est autonome en eau, surplombée de ruches et bordée par un verger.

La limitation de la croissance de l’entreprise est une volonté d’Emmanuel Druon, qui s’est aperçue très vite que la recherche continuelle de performance et l’augmentation du chiffre d’affaire conduit au stress et à exacerber la violence managériale (suicide, brun out etc.). Dans une région détenant les records de taux de chômage, taux de cancer et vote pour le Front National, ce chef d’entreprise veut donner du sens au travail de chacun pour permettre une constante amélioration des relations humaines. Et ce n’est pas les idées qui manquent. Des idées tellement révolutionnaires qu’il est qualifié amicalement par les entrepreneurs de la région du doux nom de « bolchevick ». Je vous en site quelques une :

Suppression de toute forme de hiérarchie. (Pas de patron, pas de chefs et tout le monde a son mot à dire dans le travail)

Pas de dividende. Tous les bénéfices sont réinvestis dans l’entreprise pour la RD, la formation professionnelle, la recherche de qualité, l’achat de nouveaux équipements.

Le rapport des salaires est bloqué de 1 à 4. Pas d’avantage en nature. Pas de voiture de fonction. Et si il y a des primes, c’est la même pour tout le monde.

 

Vous allez me dire que cette entreprise marginale dans sa gestion doit certainement fabriquer des produits de hautes technologies. Et bien elle fabrique chaque année 2 milliards d’enveloppes qui nous sert à envoyer notre courrier. Comme beaucoup de produit banalisé, l’enveloppe ne se vend pas asses cher. De plus avec le développement des moyens de communication comme l’internet et les mails, le produit perd encore plus de sa valeur. Pourtant cette société fonctionne très bien, les salariés y sont heureux. Le taux d’arrêt maladie est extrêmement bas. Leurs enveloppes sont de très bonne qualité leur devise frappée du bon sens étant : « nous sommes trop pauvre pour acheter de la mauvaise qualité »

 

Emmanuel Druon nous fait part de son expérience dans un livre qu’il a écrit : « le syndrome du poisson lune ». Je vous recommande cette saine lecture qui vous met en accord avec vous même. En démontrant, à la façon du colibri, que l’industrie du xxième siècle sera humaine autant qu’écologique, il a fait sa part du travail.



5 réactions


  • César Castique César Castique 16 janvier 2015 18:21

    « Nous même construisons notre vie sur les mêmes schémas. On veut avoir plus d’argent pour posséder plus de chose qu’elle soit utiles ou pas. »


    Du moment qu’on nous a débarrassé du souci (contraignant) d’oeuvrer au salut de notre âme, il a bien fallu inventer un autre sens à l’existence.

    Ils n’avaient manifestement pas prévu cela, les pignoufs qu’on s’évertue encore à appeler les Lumières - avec un « L » majuscule, s’il vous plaît.

  • Samson Samson 16 janvier 2015 19:17

    Je ne doute pas que de plus en plus nombreux sont ceux d’entre nous qui - plutôt que de sombrer dans l’inutilité - aimeraient faire leur part.
    Merci pour cette info qui tranche agréablement du marasme ambiant ! smiley


    • César Castique César Castique 16 janvier 2015 20:11

      « ...de plus en plus nombreux sont ceux d’entre nous qui - plutôt que de sombrer dans l’inutilité - aimeraient faire leur part. »


      Admirable conditionnel smiley smiley smiley

  • Le p’tit Charles 17 janvier 2015 09:12
    La planète a atteint ses limites

    LE MONDE....

    A lire sans modération... !


  • Alphonse Dé 17 janvier 2015 12:55

    Merci pour ce rappel, Trelawney !

    amicales pensées à tous les colibris du monde, soignez bien vos plumes vous en aurez rapidement besoin. L’expérience individuelle et anti-conformiste pourra peut-être vous faire franchir l’écueil que nous pouvons maintenant apercevoir.


Réagir