Madoff expliqué aux nuls
Le scandale économique du siècle en détail
Qui est Bernard Madoff ?
Bernard Madoff, célèbre courtier à Wall street, incarne le rêve américain par excellence. En effet, d’abord maître nageur à Long Island, il crée un fond d’investissement à 22 ans, avec seulement 5000 $. Réputé intuitif, et très « éthique », cela lui permet de s’imposer au sein de la communauté financière. Au point même de devenir, en 1990-1991, président de la Nasdaq (prestigieuse bourse des valeurs technologiques).
C’est une figure importante de la communauté juive new-yorkaise, très présent dans les activités caritatives et culturelles. Son succès était garanti par le fait qu’il offrait à ses clients des gains croissants et très peu volatils.
En quoi consiste le travail de Madoff ?
Madoff recevait par le biais de son fonds (Bernard Madoff investment Securities) des capitaux à gérer, qu’il investissait dans les hedge funds (fonds d’investissement à risque), dont la performance était réputée supérieure à la moyenne (de 10 à 15%, quand le marché n’en offrait que 5% maximum). Il prétendait ainsi rendre 115€ à ses clients qui lui en donnait 100. Mais, au lieu de placer l’argent en bourse pour le faire fructifier, Madoff utilisait l’argent de ses nouveaux clients pour le donner aux anciens investisseurs. En d’autres termes, 15€ de gains des 115€ étaient simplement issus des sommes prêtées par les nouveaux investisseurs.
Où réside donc la supercherie ?
Lorsque le rendement n’était pas au rendez-vous, au lieu de diminuer les rendements de ses clients, Madoff utilisait donc l’argent des uns pour les reverser aux autres. Un système pyramidal qui ne pouvait fonctionner qu’à condition que tout le monde ne souhaite pas récupérer son investissement au même moment. Ainsi, ceux qui récupéraient leurs investissements étaient satisfaits des rendements exceptionnels quand les autres espéraient une satisfaction future d’après la réputation de l’escroc en chef.
Ignorant évidemment que Madoff, en vérité, dilapidait le capital de ses clients. Il faut également savoir que Madoff ne recevait pas directement l’argent de ses clients. Les nouvelles arrivées d’argent passaient par des intermédiaires « rabatteurs » (ou feeder funds) chargés de trouver des investisseurs pour Madoff. Ce système permettait de ne pas avoir à justifier directement ses agissements. Les intermédiaires, eux-mêmes clients, ignoraient l’arnaque et faisaient même de la publicité pour Madoff.
Comment a-t-il été découvert ?
Quand la crise boursière a éclaté (avec la crise des subprimes), les investisseurs se trouvèrent face à un marché en grande difficulté. Ayant besoin d’argent, et moins confiants qu’auparavant, ils décidèrent en masse de récupérer l’argent déposé auprès de Madoff. Trop à la fois. Madoff n’a plus assez d’argent pour rémunérer tous ses clients. Puisqu’il s’est servi de leur argent pour rendre les soi-disant bénéfices (inexistants) de 15%. Dans l’incapacité de satisfaire ses clients, il prévient son fils, qui lui même prévient le F.B.I. Le 11 décembre 2009, B. Madoff est arrêté.
Qui s’est fait avoir ?
Ce sont des riches particuliers, de grandes institutions financières (au Japon, en Espagne, en France...), mais aussi le cinéaste S. Spielberg. La banque espagnole Santander est la plus exposée à la fraude, avec une perte évaluée à 3 milliards de $. Côté français, Natixis évalue à 450 millions d’€ sa perte potentielle quand BNP l’estime à 350 millions d’€. Ajoutons à cela 40 millions d’€ de pertes des petits épargnants français.
Comment Madoff a-t-il pu échapper au contrôle ?
La Sécurities Excahange Commission (SEC : gendarme de la bourse) est pointée du doigt pour ses nombreuses défaillances. En effet, Madoff a été contrôlé à 3 reprises sans être jamais inquiété par d’éventuelles enquêtes. Pire encore, depuis 2006, sa société n’était même plus enregistrée auprès de la SEC, alors que ceci est parfaitement illégal. Pourtant personne n’a dénoncé quoi que ce soit.
Les promesse de rendements exceptionnels que Madoff garantissait auraient également dû alerter les autorités lors de la crise de la bulle internet de 2001 ou de l’après 11 septembre, lorsque le marché s’effondrait.
Quel est le montant de l’escroquerie ?
Madoff estime avoir perdu 50 milliards de $. Pour autant, il assure n’avoir gagné son argent (personnel) qu’avec les commissions perçues pour gérer les actifs de ses clients. Mais il n’a apparemment pas, d’après les débuts de l’enquête, détourné des sommes supplémentaires. Il les utilisait seulement pour garantir des rendements très importants.
Aujourd’hui Bernard Madoff doit effectuer la peine de 150 années de prison. Ce chiffre, aussi absurde soit-il, est à la hauteur de la supercherie dont cet homme a été l’auteur. Mais il ne faut pas oublier que Madoff n’est qu’un pion parmi tant d’autres. Et qu’il serait naïf de croire que la révélation de ce scandale marquerait la fin de ces folies financières. A défaut d’avoir remis en cause un système tout entier, on préfère en révéler sa corruption.
Mais n’est-il pas maintenant venu le temps de dire que c’est ce système dans son intégralité qui est à revoir ? Plutôt que de laisser croire que quelques personnes tout à fait marginale, puissent corrompre un monde tout entier.
D.Perrotin
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