dimanche 19 juillet 2015 - par hugo BOTOPO

En Irlande du Nord et ailleurs, l’UE n’a pas de politique de décolonisation, si ce n’est à la tête du client !

Chaque année avec le défilé provocateur et colonialiste en Irlande du Nord du12 juillet en commémoration de la bataille de la BOYNE de 1690, les "évènements" et échauffourées sont décrits par tous les medias français (et autres ?) comme des affrontements de religions entre les catholiques et les protestants. Cette position absurde, irréelle et infondée fait le jeu de tous les gouvernements britanniques : les relents d'une luttte pour la décolonisation ou pour la soumission du peuple conquis par quelques ancêtres sont transformés en un conflit local d'essence religieuse. L'UE refuse donc de voir la demande de décolonisation. Dans les Balkans, au Montenegro et surtout au Kosovo, l'UE s'est clairement positionnée pour les décolonisations. En Palestine, Israël inclus, impossible de définir la position de l'UE sur la ou les décolonisations !

Un bref rappel historique est nécessaire. Suite à la bataille d'Hasting en 1066, les barons normands conquièrent l'Angleterre, puis vassalisent l'Ecosse sans combats, pour un siècle plus tard s'installer pacifiquement en Irlande en compagnie de seigneurs gallois dans le cadre d'une certaine autonomie. Tout ce monde était catholique, loyaliste envers la papauté. La version anglicane de la réforme protestante imposée par Henry VIII pour couvrir ses frasques amoureuses et ses débauches sexuelles, s'imposa en Angleterre. Les Écossais, toujours en rivalité avec les Anglais, restèrent majoritairement catholiques.

La colonisation anglaise, suite aux braves normands, devint de plus en plus dominatrice, prédatrice et répressive, et connu son apogée avec les Tudors avec les "Plantations" par les colons anglais et écossais, avec en prime une volonté de convertir par la force (sans succès) les Irlandais à l'anglicanisme d'État. Il y eu donc des soulèvements du peuple écrasé et martyrisé contre les colonialistes anglais, notamment la grande révolte de 1641. Avec la dictature cromwellienne la répression frisa le génocide (un quart à un tiers de la population irlandaise fut massacrée dans les expéditions de nettoyage ethnique et répressif de 1649). Cette "balade irlandaise" s'accompagna de la confiscation de toutes les terres du Nord , d'abord progressivement puis totalement suite à la fameuse bataille de la Boyne le 12 juillet 1690 dans laquelle Guillaume III d'Orange, prince protestant qui avait épousé Marie (élevée dans le protestantisme, en accord avec son père pour ses visées sur le trône d'Angleterre !), la fille de Jacques II d'Écosse, roi catholique qui voulait reconquérir le trône d'Angleterre, soutenu (à distance) par Louis XIV roi de France, catholique révocateur de l'Édit de Nantes. Jacques II subit des revers en Écosse au point de se réfugier en Irlande catholique espérant trouver des alliés fidèles et courageux. Comme les colons écossais n'avaient jamais eu de comportements différents de leurs collègues anglais, les Irlandais enrôlés dans l'armée de Jacques II, n'étaient pas du tout intéressés dans ce conflit familial pour le trône d'Angleterre, d'Écosse et des territoires colonisés d'Irlande : Jacques II n'envisageait pas une redistribution des terres confisquées aux paysans condamnés au servage par leurs maîtres britanniques ! Le vainqueur Guillaume III d'Orange, (émigré princier) nouveau roi d'Angleterre et d'Écosse, se contenta de promulguer des lois pénales anti-catholiques, sans déclencher des guerres civiles de religion : la conquête des territoires et la liquidation d'une bonne partie de la population était suffisante ! Ainsi la bataille de la Boyne n'était pas un conflit de religion mais une bataille pour la conquête d'un trône entre un père et son gendre.

La colonisation esclavagiste se perpétua pendant des siècles : le 1er août 1800, (en réponse à un soulèvement populaire de 1798, dans le sillage de la révolution française), est promulgué par le parlement anglais, un "acte d'union" de l'Irlande dans le Royaume-Uni. 90% des terres appartenaient alors aux colons anglais, gallois et écossais. Cette absorption sous régime de servage ne brisa pas la résistance irlandaise, ainsi que les terribles famines de 1846 et 1848 provoquant de nombreuses victimes et le départ massif d'émigrés (plusieurs millions) vers les USA : les autorités londoniennes réagirent très, très tardivement pour apporter quelques maigres secours, trop heureuses de se débarrasser d'une vermine indomptable. La volonté de décolonisation et d'indépendance des Irlandais est toujours restée intacte, renforcée par les excès systématiques des occupants britanniques. En 1921, un nouvel acte d'annexion avec une forte restriction des droits civiques, économiques, administratifs et sociaux des indigènes Irlandais, fut à l'origine de la création et de la montée en puissance de l'IRA, avec des actes de résistance ou de terrorisme (selon les points de vue opposés). Le 30 janvier 1972 (le bloody sunday) le massacre par des tirs à balles réelles par des parachutistes d'élite britannique sur une manifestation pacifique de 20 000 irlandais pour les droits civiques, faisait 14 morts et de nombreux blessés. C'était trop et dans le livre vert du 1er novembre 1972, la Grande-Bretagne accepte l'idée d'une Irlande unie et fédérale. Dans un référendum, elle propose même l'abolition des frontières entre le Sud (déjà en partie autonome) et le Nord britannique) : les Irlandais républicains ne veulent pas de cette demi-mesure (fédération toujours sous contrôle ils ne votent pas et les unionistes-loyalistes descendants des colons britanniques rejettent l'union pacifique à 99% des votes (ils ne veulent pas être assimilés à leurs serfs d'hier). Les discriminations envers les Irlandais du Nord sont donc maintenues, et ne sont que faiblement abolies de nos jours : langue anglaise obligatoire dans les Administrations d'abord réservées aux anglais, puis au compte-goutte aux irlandais bilingues ; Police réservée aux seuls unionistes anglais et armée directement rattachée à Londres, épurée localement des sujets irlandais.

Suite aux négociations, sous Tony Blair, il existe un Parlement en Irlande du Nord, avec quatre composantes : les unionistes/loyalistes purs et durs, les descendants de colons et immigrés anglais modérés, les irlandais républicains issus de l'IRA et les irlandais modérés. Ce Parlement fonctionne assez bien au grand dam des loyalistes qui commettent des exactions, avec une police peu regardante. Ces mouvements loyalistes sont comparables à l'OAS pendant et après les événements d'Algérie. Encore aujourd'hui, des passages recouverts de tôles sont nécessaires là où des enfants irlandais "de souche" doivent traverser (en bordure) un quartier loyaliste pour se rendre à l'école sis dans un autre quartier : la haine, toujours la haine, appliquée envers les plus faibles.

En point d'orgue les "orangistes" loyalistes, chaque 12 juillet, défilent en rang serré et en tenues d'époques dans Belfast en traversant volontairement quelques quartiers irlandais (qui ont conservé leur religion catholique, sans trop la pratiquer), par pure provocation et démonstration de leur statut de "maîtres". Pour éviter le renouvellement de telles provocations, le passage dans les quartiers des serfs est définitivement interdit, mais cela n'empêche pas les bravaches orangistes de passer outre ! Cette année le défilé de vainqueurs et maîtres (repoussé au 13 juillet pour cause de repos dominical religieux), a maintenu son itinéraire habituel et s'est retrouvé face à la police renforcée par l'armée à l'entrée des quartiers des "serfs vaincus" d'où des heurts violents et des blessés. Les irlandais républicains dits "catholiques, n'ont pas eu l'occasion de répondre dans les rues à la provocation des colonisateurs. Pour les médias français la mauvaise traduction s'est transformée en violentes échauffourées entre les catholiques et les protestants ! Les confrontations et exaspérations en Irlande du Nord ne sont dues qu'aux volontés de décolonisation d'une part et de maintien du statut quo colonial actuel d'autre part.

 

La période Tatcher a été des plus répressive et criminelle : les appels des Papes de Rome et des Archevêques de Canterbury n'ont eu que peu d'effets sur l'intransigeance des gouvernements anglais et surtout des loyalistes/unionistes d'irlande du Nord. Tony Blair a enfin pu assouplir la situation et ramener une paix relative au niveau des actions violentes, mais pas au niveau des esprits des dominateurs esclavagistes.

 

En ce qui concerne la politique de l'UE, celle-ci toujours soucieuse de s'attirer les bonnes grâces de Londres malgré la volonté constante des Britanniques de casser toute tentative vers une consolidation européenne pour ne promouvoir qu'un grand marché ouvert principalement à leurs tuteurs américains, n'a donc rien fait pour dénoncer ce relent de colonisation au sein de l'UE. Cette politique contraste avec les positions européennes activement favorables à la décolonisation des États de la Fédération Yougoslave de l'emprise serbe (du croate Tito ! et de son administration) ; et plus particulièrement pour la décolonisation active et armée du Kosovo. Il y a lieu de comparer rétrospectivement la promesse d'une intégration effective (en un seul membre de poids) de toute la Fédération Yougoslave dans l'UE, avec une profusion du nombre ingérable de pays dans l'Union, actuelle et à venir. Le mal est fait !

Pour le reste du monde l'UE n'a pas de politique commune concernant les décolonisations d'une façon générale et dans les cas particuliers.

Il existe pourtant un pays où les grandes puissances de l'UE jonglent avec les principes et les réalités : c'est Israël et la Palestine, double appellation d'une même entité. L'UE en tant que "personne morale" -cela sonne bizarrement pour une entité économique et financière- n'a pas de position claire, même si elle finance beaucoup d'actions humanitaires et de programmes de développement et de reconstruction essentiellement en "territoires" palestiniens : tel l'aéroport de Gaza, bombardé et détruit sitôt son achèvement ! Après la seconde guerre mondiale il y avait certes un grave problème de maintien de tout européen de confession ou de culture juive, au sein des pays européens ; la solution de l'invitation à quitter leurs pays d'origine pour émigrer et coloniser la Palestine aux dépens des palestiniens était une solution de facilité apparente pour évacuer les responsabilités des Européens dans les crimes commis par les nazis et par d'autres complices fort nombreux. Heureusement la France, en partie du fait de son implication dans la laïcité et les droits de l'homme, sans statistiques ethniques et religieuses, intègre ses citoyens indépendamment de leurs cultures religieuses : il existe des médecins, des professeurs, des enseignants, des industriels, des dirigeants d'entreprises publiques et privées, des artistes, des philosophes, des écrivains, des politiques députés et ministres, de confession ou culture juive sans que l'information soit mise en avant dans les médias et partis politiques ! C'est heureux et normal ! Ainsi il existerait environ 600 000 Français juifs dans notre République, fiers de l'être. La France est un des rares pays à oser prononcer le mot de "colonisation" et de condamner cet état de fait. Pour l'UE règne un grand flou, les mots n'ayant pas toujours la même signification. Pour certains, pour se faire pardonner, la "colonisation" par Israël n'est que l'heureuse reconquête d'une terre ancestrale colonisée par les Palestiniens depuis les conquêtes arabo-musulmanes. Pour d'autres, les droits des palestiniens à rester sur leurs terres est bafoué : ils sont donc des victimes d'une colonisation israélienne qui s'affiche et se proclame ouvertement à la face du monde, sans que les pros des "droits-de-l'hommisme" s'émeuvent ! Quelle position de justice et de bon sens peut tenir l'UE minée par ses dissonances internes ? Le silence sinon rien !

 



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