samedi 15 juillet 2017 - par venezuelainfos

Brûler la nourriture : nouvelle tactique de la bataille des trente jours

par Marco Teruggi

Le spectacle est désolant : des colis et des colis de nourriture brûlée. Du beurre, des pâtes, de la viande, du sucre fondus, du lait, du riz, calcinés par tonnes entières. Entre 50 et 60 au total sur les 180 tonnes qui étaient entreposées là quand, dans la nuit de jeudi dernier, deux individus sont entrés dans un dépôt du Mercal (magasin d’alimentation à bas prix de l’État) à Lecheria et y ont mis le feu. C’était le plus grand dépôt de l’État de Anzoategui. L’incendie a duré près d’une heure. Ils sont repartis en laissant derrière eux le bâtiment incendié et trois tags : « sales chavistes », « plus de famine » et « vive Leopoldo » (1).

On savait que ce bâtiment était un objectif militaire pour la droite. Pas seulement celui de Mercal, mais aussi ceux de Pdval et du Centre d’approvisionnement Bicentenaire (magasins d’alimentation de l’État, NDLR) déjà attaqués avec des cocktails Molotov.

Cette fois-ci, ils ont partiellement atteint leur objectif de détruire l’entrepôt tout entier dans le cadre d’une brève attaque nocturne.

Cet événement met en relief deux éléments.

Le premier montre que l’axe économique est au premier plan d’une tentative visant à resserrer l’étau en vue d’un coup d’État. L’augmentation constante des prix – dans les rues de Barcelona, le kilo de farine de blé est passé de 4 500 à 9 000 bolivars en une semaine et le sucre de 5 000 à 7 000 en trois semaines- ainsi que les attaques consistant à détourner ou à bloquer des camions appartenant aux réseaux de distribution alimentaire de l’État en sont la preuve. Face à cela, le Gouvernement a mis en place un dispositif de surveillance des camions sur leur parcours, depuis le point d’entrée dans l’État de Anzoategui jusqu’au dépôt de destination.

Le deuxième élément révèle le caractère frontal de l’attaque. Jusqu’à présent, la guerre économique s’est tramée dans l’ombre, dans l’anonymat, dans la négation d’elle-même : omniprésente pour en occulter les responsables et en accuser le gouvernement et son modèle.

Mais avec cet incendie massif, la guerre se montre sous son vrai jour. Ce plan d’assaut final (comme ils disent) suppose le désapprovisionnement des secteurs les plus pauvres de la population et il est déjà en marche. A quoi il faut ajouter un blocus appliqué par les États-Unis pour empêcher les armateurs de transporter de la nourriture destinée au Venezuela.

« L’opposition joue avec la faim du peuple, eux ont de l’argent, nous n’en avons pas » dit une femme occupée à mettre en sachets ce qui reste des aliments du Mercal.

Les quinze catégories de produits distribués par les Comités Locaux d’Approvisionnement et de Production coûtent 10 870 bolivars. Dans la rue, ils en coûteraient 140 000, le salaire de base + le ticket-restaurant étant de 200 000 bolivars. Fournir des aliments subventionnés est primordial dans ce scénario où l’augmentation des prix provoque l’asphyxie.

Incendier le Mercal revient à attaquer directement les secteurs populaires : la nourriture qui s’y trouve est destinée aux écoles, aux centres de santé, aux maisons de retraite, aux missions sociales, aux cantines populaires, aux conseils communaux… Les classes moyenne et supérieure ne dépendent pas de ces aliments. « Cette nuit, j’ai eu tant de peine que j’en ai pleuré, car tout cela nous appartenait, à nous tous » dit un homme devant l’amas de décombres, de restes de nourriture et de cendres qui jonche le sol du Mercal (magasin d’alimentation d’État).

Cette phrase résume une question : quelle légitimité peut acquérir la droite avec une telle action ? Ses porte-paroles affirment qu’il s’agit d’un auto-attentat du gouvernement, tout comme l’attaque d’un hélicoptère contre le Tribunal Suprême de Justice et le Ministère de l’Intérieur. Ils se dégagent de toute responsabilité grâce aux médias qui justifient leur version. Mais est-il possible qu’en dehors de leur propre base sociale radicalisée, des secteurs plus importants de la population approuvent ce qui se passe et croient réellement que le gouvernement puisse en être l’auteur ? Il semble que non.

La question se pose différemment : recherchent-ils vraiment une légitimité ou vont-ils seulement plus loin dans leurs actions de guerre ouverte, sachant pertinemment qu’ils n’obtiendront pas de consensus autour de cette guerre ? La deuxième hypothèse prouverait qu’ils désespèrent de parvenir à casser le rapport de forces et qu’ayant admis l’impossibilité d’un ralliement des secteurs populaires au niveau politique, ils ont opté pour des scénarios provoquant davantage de désespoir et de chaos, susceptibles de générer des explosions sociales. Dans le cadre de cette logique, des attaques ayant pour objectif la privation de nourriture représentent la meilleure des tactiques.

L’asphyxie de l’économie se superpose aux autres offensives, l’ objectif étant de ne laisser aucune échappatoire que ce soit sur le plan de l’alimentation, de la violence, de la peur, des destructions de commerces ou d’institutions de l’État, ou au niveau des espaces populaires, par des embouteillages aux heures de pointe, des attaques de casernes et de commissariats, des meurtres sans rapport avec l’appartenance politique de jeunes pour la plupart, des lynchages et des assassinats ciblés de chavistes. Ils n’accordent aucun répit et font en sorte que la vie quotidienne devienne un combat sur tous les fronts, que le chavisme recule et que la base sociale de la droite progresse avec ses troupes de choc, ses malfaiteurs et ses paramilitaires en première ligne et que dans les classes populaires, on se retire de la politique et on sorte dans la rue à la recherche d’occasions de pillage.

La droite n’obtient pourtant pas les résultats espérés. Sa base sociale n’arrive pas à renforcer sa capacité de mobilisation, une partie croissante de la population refuse le déchaînement de violence en cours et le chavisme résiste. C’est pourquoi ils s’acharnent sur l’économie, misent sur des trahisons publiques comme celles de Luisa Ortega Diaz et Miguel Rodriguez Torres, sur l’éclatement du secteur civico-militaire du chavisme, ont recours à l’occupation-éclair de certaines zones de villes comme Aragua et Barquisimeto et ne cessent d’annoncer la formation d’un gouvernement parallèle, via un auto-plébiscite.

Le mois en cours est décisif. L’intégralité du bloc rassemblé sur la ligne anti-Assemblée Constituante, qui suit la stratégie des États-Unis, mise là-dessus. D’où la multiplication des actions, de diverses formes d’attaques, de meurtres, d’actes de guerre flagrants, comme l’incendie du centre d’approvisionnement du Mercal et l’attaque par hélicoptère qui contient une forte charge symbolique.

Il est difficile de savoir jusqu’à quelles extrémités ils iront : leur objectif est clair et ils ont recours à toutes les méthodes susceptibles d’être utilisées en fonction des circonstances et des conditions de l’escalade.

Pour le chavisme, l’heure est venue de faire preuve d’intelligence et d’unité, aussi bien pour résister à la guerre qui s’affiche à visage découvert, que pour obtenir une forte participation aux élections du 30 juillet. Et en apportant des réponses concrètes non seulement sur le plan alimentaire mais aussi aux autres difficultés que rencontrent les secteurs populaires, qui éloignent beaucoup de gens de la politique, submergés par les problèmes urgents et quotidiens à résoudre.

Note :

(1) Leader de l’extrême droite vénézuélienne, co-organisateur du coup d’État manqué contre le président Chavez en avril 2002, condamné pour l’organisation de violences meurtrières qui ont causé la mort de 43 personnes en 2014, Leopoldo Lopez a été transformé par les médias internationaux en « prisonnier politique ». Membre de l’oligarchie vénézuélienne, ayant étudié dans une institution étroitement liée à la CIA, la Kennedy School of Government de Harvard, il a pour mentor principal l’ex-président colombien Alvaro Uribe. A récemment bénéficié d’une mesure lui permettant de purger sa peine à domicile, dans un quartier huppé de Caracas. Pour quelques photos non-complaisantes de ce « combattant de la liberté » et de ses relations paramilitaires, voir « Venezuela : la presse française lâchée par sa source ? », http://wp.me/p2ahp2-20J

Source : https://hastaelnocau.wordpress.com/2017/07/03/quemar-comida-tactica-para-la-batalla-de-los-30-dias/

Traduction : Frédérique Buhl

URL de cet article : http://wp.me/p2ahp2-2Sz



15 réactions


  • Emma Joritaire 15 juillet 2017 10:54

    False flag


  • zygzornifle zygzornifle 15 juillet 2017 11:39

    nos hyper aspergeaient bien de javel la nourriture avant la mettre a la poubelle pour ne pas que les pauvres la récupère .....


    • Sozenz 15 juillet 2017 13:57

      @zygzornifle
      par ces actes , ils insultent continuellement la terre , la Vie et leur générosité ...


  • Lugsama Lugsama 15 juillet 2017 12:42

    De quel embargo américain parle t-on ? A part une invention d’un ministre chaviste pour excuser le désastre économique du pays il n’y a aucun embargo. Faire croire que les banques ne prêteraientre pas d’argent au Chaviste pour faire plaisir aux USA c’est aussi drôle que débile.

    Les banquiers ne prêtent pas aux clown qui seront incapable de payer les intérêts, c’est aussi simple que ça..


    • Ad Honorem 16 juillet 2017 23:20

      @Lugsama
      Comment on peut être aussi obtu et aussi con ? C’est pourtant une triste réalité.Le nier de cette façon est tout aussi lamentable.C’est un coup d’état fomenté par les américains dans le but de renverser une hégémonie contre les USA qui est en train de se produire.Ce pays résiste a l’empire.Et tu ferait bien d’essuyer tes yeux et tes oreilles.Regarde donc l’exemple Cubain,Mexicain.Bref depuis LONGTEMPS que les USA ont une influence énorme.

      Lis donc et écoutes donc Chavez pour mieux comprendre.


    • Lugsama Lugsama 17 juillet 2017 09:20

      @Ad Honorem

      Le con qui gobe toutes les conneries anti-américaine c’est vous, moi je regarde le monde tel qui l’est pas selon ma jalousie maladive des américains, les vilains qui sont venus nous sauver des nazis..

      Chaves a ruiné son pays et prenait tellement les gens pour des cons qu’il a voulu faire crpire que son cancer était américain. .

      La diaspora cubaine à voté majoritairement Trump au USA tellement c’est un exemple..

      http://www.independent.co.uk/news/world/americas/venezuela-police-brutality-footage-united-nations-mar-a-corina-machado-a7842586.html

      Vidéo la plus vu au Vénézuela. . Quelle exemple..

      Se faire traiter de con par un tocard comme vois est un honneur, hier à eu lieu une consultation sur la constituante, je vous laisse allez consulter les résultats et pleurnicher dans votre coin smiley


  • Lugsama Lugsama 15 juillet 2017 12:58

    Je note également que cet incendie qui remonte à quelques temps à été, comme par hasard, attribué à l’opposition par le gouvernement. Ce qui n’à jamais été prouvé et encore mois soutenu par les leader d’opposition.

    Par ailleurs lorsque des manifestants de la CGT détruisent des hôpitaux pour enfants on ne porte pas la responsabilité sur tout le syndicat non ?

    La politique pathétique des chavistes à transformé la « Suisse d’Amérique du Sud » en l’un des pays les plus dangereux de la planète, tous les quartiers sont victime de pillage. Si le gouvernement attribue la conséquence de leur incurie politique a l’opposition à chaque drame, c’est assez classique comme tactique, mais ne fonctionne qu’auprès de quelques endoctrines aux capacités cognitive limitées. Déjà vu.


    • Garibaldi2 16 juillet 2017 03:56

      @Lugsama

      Des manifestants de la CGT détruisent des hôpitaux pour enfants ? J’ai déjà lu des énormités sur Avox, mais celle-là c’est le pompon !

      Quelques glaces brisées à l’hôpital Necker (qui ne soigne pas que des enfants), rue de Sèvres, lors d’une violente charge de police. Rien d’autre.


    • Lugsama Lugsama 16 juillet 2017 21:28

      @Garibaldi2

      Ah la tentative de désinformation grossière.. l’Hopital Necker est un hopital pour enfant, déjà, et ce n’est pas suite à une charge de la police. Le pompom de l’énormité je crois savoir ou il se trouve..

    • Garibaldi2 17 juillet 2017 04:23

      @Lugsama

      Il semble que vous ne savez pas lire, j’ai écrit ’’lors d’une violente charge de police.’’ et non ’’suite à une charge de police’’.

      Ayant été soigné, a plus de 50 ans, à l’hôpital Necker pour des problèmes cardiaques, je peux vous dire que vous ne connaissez rien à cet hôpital. Si l’hôpital est spécialisé dans la médecine pour les enfants, il ne fait pas que ça.

      ’’Le service a été l’un des services pionniers de la Cardiologie Nucléaire à Paris. Après le transfert d’une grande partie de l’activité de Cardiologie Adulte à la Salpêtrière et la suppression de l’hospitalisation, après l’ouverture de l’hôpital Georges Pompidou, le service est devenu une Unité Fonctionnelle rattachée au service de Cardiologie du Professeur DESNOS à l’HEGP et dirigée par le Docteur Nicole BAUBION qui en a été nommée Praticien Responsable. Cette Unité répond aux besoins cardiologiques du pôle adulte et aux nombreuses demandes de consultations externes de proximité pour toutes les pathologies cardiovasculaires de l’adulte, les maladies coronariennes, les maladies valvulaires, l’hypertension artérielle, les troubles du rythme cardiaque et l’insuffisance cardiaque.’’

      Source : http://hopital-necker.aphp.fr/cardiologie-3/

      Vous pouvez vérifier en téléphonant au 01 44 49 45 76

      C’est lors d’une violente charge de police avec un canon à eau, essayant de couper la manif, que quelques glaces (15) ont été cassées au rez de chaussée de Necker, et pas par la CGT, mais par des casseurs qui n’ont eu de cesse de tenter de faire dégénérer la manif.

      https://www.youtube.com/watch?v=h_SiOm8kgrY

      A 1:34, l’immeuble tout en verre c’est Necker.

      https://www.periscope.tv/Pierre3D/1djGXwBEjEyKZ ?

      ’’En marge de la manifestation contre la loi Travail, plusieurs casseurs s’en sont pris à cet hôpital pour enfants où est hospitalisé le fils des policiers tués par Larossi Abballa à Magnanville.’’
      http://www.slate.fr/story/119575/hopital-necker-symbole-maux-france

      Lors de toutes ces manifestations, le petit caporal Cazeneuve a tout fait pour que le service d’ordre de la CGT ne puisse pas faire son boulot d’encadrement des manifestants et d’expulsion des trublions. Il n’a pas cessé les provocations contre les manifestants : gazages, encerclements et rétention en fin de manif, ...

      Vous savez où il se trouve maintenant le pompon ?!


    • Lugsama Lugsama 17 juillet 2017 09:23

      @Garibaldi2

      Non mais l’hôpital Necker est un hôpital pour enfants malade, point, je vous laisse allez voir son nom complet..

      Et on est d’accord il n’y a pas eu de charge de police justifiant cela et on n’attribué pas à la CGT cet incident honteux, vous me donner donc totalement raison, merci smiley


    • Garibaldi2 18 juillet 2017 17:17

      @Lugsama

      Le nez dans votre merde vous dites qu’elle sent bon !

      L’hôpital des quinze-vingts, c’est réservé aux 15-20 ans ???!

      ’’Par ailleurs lorsque des manifestants de la CGT détruisent des hôpitaux pour enfants on ne porte pas la responsabilité sur tout le syndicat non ?

      Des militants de la CGT ont détruit un hôpital pour enfants ???

      De la CGT ???

      Détruit ???

      Allez, coucouche panier le crétin, les lecteurs du forum auront compris ce que vous êtes : un menteur !


  • sls0 sls0 15 juillet 2017 13:44

    @ l’auteur.

    Des liens plus visible vers le blocus économique et des liens prouvant la responsabilité adverse et surtout le coté non accidentel de l’incendie aurait été les bienvenus.
    Là vous faites le jeu de lugsama qui affirme souvent sans lien ou avec des liens douteux.
    C’est du parole contre parole pour celui qui ne lit pas les notes en bas de l’article.
    Sur investigaction de mémoire il y a aussi de l’étayé sur le blocus économique.

    • Lugsama Lugsama 15 juillet 2017 16:38

      @sls0

      Les USA ont voté des sanctions contre 7 personnalités du Vénézuéla considérés comme responsable de la répression, et c’est tout. Pas d’embargo ou autres sanctions n’ont été décidés pour le moment, bien que la situation actuel soit le prétexte idéal. Beaucoup de personnes influentes à Washington estiment qu’en plus d’une efficacité discutable, le régime tombera de lui même très rapidement tant Maduro n’as aucune envergure..

      Le côté non accidentel ou pas de l’incendie ne changera rien à l’histoire, ça resterait la responsabilité des incendiaires, pas de l’opposition qui regroupe les 4/5 du peuple...

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