lundi 3 janvier 2011 - par Henry Moreigne

Cesare Battisti : solidarités douteuses et déni de justice

Dans les derniers moments de son mandat, le président brésilien, Luiz Inacio Lula da Silva, a décidé, vendredi 31 décembre, de ne pas extrader vers l’Italie l’ex-militant d’extrême gauche Cesare Battisti, emprisonné au Brésil depuis 2007. La solidarité de la famille d’extrême gauche semble l’avoir emporté sur la demande de justice des victimes italiennes.

L’Italie est-elle encore une démocratie ? C’est la question légitime que l’on peut se poser après avoir entendu l’ancien président brésilien justifier son refus d’extrader Cesare Battisti au motif que ce dernier serait exposé à un risque de persécution dans son pays.

En accordant le statut de réfugié politique à un ex-activiste, membre des Prolétaires armés pour le communisme (PAC), au motif que “sa vie serait en danger” s’il était extradé, Lula emet plus que des doutes sur le respect par l’Italie des conventions sur les droits de l’homme.

On comprend l’émoi de la population italienne à voir ainsi ses institutions rabaissées au niveau d’un État de droit de troisième zone. L’offense dépasse largement les frontières italiennes et touche également les institutions judiciaires européennes qui ont pourtant fait la preuve de leur efficacité.

La déclaration de l’ancien Maire de Rome résume bien l’opinion dominante de la population italienne, gauche et droite confondues. Walter Veltroni estime que “l’histoire de Battisti est celle d’un simple délinquant : elle a débuté en versant le sang de victimes innocentes et elle doit s’achever avec la peine qui lui a été infligée par un tribunal de notre pays”.

Une appréciation qui tranche avec celle des élites françaises particulièrement compatissantes à l’égard d’un homme au passé trouble, reconverti en auteur de romans policiers. La romancière française Fred Vargas, tout comme Bernard Henri Lévy ou encore Carla Bruni-Sarkozy figurent parmi les soutiens inconditionnels de Battisti.

Bernard-Henri Lévy, autoproclamé chevalier blanc des intellectuels poursuivis par la justice, voit dans la décision du président Lulla, “la décision d’un homme qui a pris le temps de se plonger dans le dossier, de vérifier ses nombreuses irrégularités et de prendre la mesure de sa dimension exagérément passionnelle”.

Ancien membre du groupuscule des Prolétaires armés pour le communisme (PAC), Cesare Battisti, 56 ans, avait été condamné par contumace en Italie, en 1993, pour avoir commis ou préparé quatre homicides en 1978 et 1979, crimes dont il s’est toujours proclamé innocent.

L’ancien activiste d’extrême gauche avait trouvé refuge en France avant d’être contraint de s’enfuir au Brésil en 2004 quand la justice française a accepté son extradition. Arrêté à Rio en 2007, il est toujours détenu en prison. En 2009, la Cour suprême du Brésil devait à son tour se prononcer pour son extradition vers l’Italie, mais la décision finale appartient en dernier ressort au chef de l’État brésilien.

Dans les colonnes de Lexpress.fr, le porte-parole de l’association italienne des victimes du terrorisme revient sur les raisons du courroux italien. Une colère justifiée tout d’abord par les origines de la décision de Lula. Luca Guglielminetti, explique en effet que l’ancien président brésilien et Battisti partagent un passé commun d’activistes de gauche et, une proximité idéologique. Une affirmation confirmée par le soutien ouvertement manifesté par une partie de l’état-major du Parti des travailleurs (PT) de Lula qui n’avait pas hésité à lui rendre visite en prison.

Le représentant des familles de victimes italiennes, tord le cou à cette idée grotesque véhiculée par l’intelligentsia française selon laquelle l’Italie des années 70 n’était pas une démocratie mais un pays digne du Chili de Pinochet. Or, rappelle-t-il, ” l’Italie n’est pas le Chili de Pinochet !”

L’extradition de Battisti même 30 ans après les faits ouvrirait enfin le droit à la justice des familles de victimes et, si Battisti est comme il l’affirme innocent, ce serait enfin l’occasion pour lui de lever les accusations dont il est l’objet.

L’affaire n’est pas close. Le ministre italien des Affaires étrangères Franco Frattini dans un entretien au Corriere della Sera de ce dimanche indique que son pays envisage de déposer un recours devant la cour internationale de justice (CIJ) de La Haye contre le refus du Brésil d’extrader Cesare Battisti.

Complément : la complexité des années de plomb (e-Torpedo)

Crédit photo : José Cruz/ABr (Agência Brasil)



9 réactions


  • 2102kcnarF 3 janvier 2011 11:13

    Effectivement, la vengance de la droite fascisante italienne est retardée.... la fête est gâchée !


  • brieli67 3 janvier 2011 19:03

    qu’en dit, qu’en pense Daniele Ganser de Bâle ??


    La crédibilité de Berlusconi et de ses troupes est bien ébréchée au niveau international.

  • Jean d'Hôtaux Jean d’Hôtaux 3 janvier 2011 19:05

    Excellent article dans lequel l’auteur pose de bonnes questions, notamment celle-ci :

    « L’Italie est-elle encore une démocratie ? C’est la question légitime que l’on peut se poser après avoir entendu l’ancien président brésilien justifier son refus d’extrader Cesare Battisti au motif que ce dernier serait exposé à un risque de persécution dans son pays. »

    J’ajouterais pour ma part :

    L’Italie est-elle un Etat de droit ?

    Car c’est cela la seule question qui vaille !

    Il ne s’agit pas ici de porter un jugement de valeur sur le gouvernement actuel italien, mais de savoir si l’Italie sanctionne des délits conformément à son Code pénal, avec rigueur et de manière transparente.

    Quant à moi, je déteste Berlusconi et Frattini, mais vouloir faire de Battisti, vulgaire criminel de droit commun, un condamné politique est une insulte faite à ses victimes !

    Cette dérive qui consiste à accorder l’asile à des délinquants au motif qu’ils seraient poursuivis pour des raisons politiques, au sein même de l’UE, jette le discrédit sur les institutions européennes, car n’est-ce pas la France qui la première a accordé l’asile à Battisti ?

    L’italie n’est-elle pas membre du Conseil de l’Europe, institution dont l’objectif est de « favoriser en Europe un espace démocratique et juridique commun, organisé autour de la Convention européenne des droits de l’homme et d’autres textes de référence sur la protection de l’individu. » ?

    Il n’y a pas de justice de droite ou de justice de gauche, il y a une justice, une seule !


  • titi titi 4 janvier 2011 08:51

    Il ne faut cependant pas être dupes.

    Si le Bresil, joue ce sale tour à l’Italie sur l’air de , c’est qu’il y a derrière une histoire de gros sous. Une concurrence jugée déloyale ou quelque chose du genre.

    Parce que voir le Brésil donner des leçons de droits de l’homme à l’Italie concernant le fonctionnement de la police/justice, c’est l’hopital qui se fout de la charité.



  • tonton17 4 janvier 2011 10:03

    les délinquants et les assassins ont de la chance d’avoir beaucoup d’amis un peu partout dans le monde... !


  • volpa volpa 9 janvier 2011 13:45

    Décidément BHL, Carlita, etc sont toujours dans le mauvais tempo.

    Tous les jours les médias italiens dans leur totalité, di destra o di sinistra demandent l’extradition de ce trou du cul.


  • Tony Pirard 9 janvier 2011 23:19

    Ce que les Européns ne savent : Par une question d’idéologie Lula a dit ..Non !Pendant le joues Olympiques trois atlètes cubains qu’avaient démandé...« Asile ».Lula simplèment a placé les atlètes dedans un avion de la Venézuéla et fait la dévolution,comme s’ils étaient une « Merchandise ».
     Donc,je demande,par une cas,Cuba est-t-elle une démocratie... ?Réponse : Non !

     Cependant,je peux dire:ou bien ou mal,Itálie est une démocratie.Mais,la gauche brésilienne qu’ont le pouvoir dans ce moment,dont parti c’est le même de Lula et de l’actuelle occupant de le charge de président.

     C’est honteuse nier d’extrader cet criminell... !


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