Côte-d’Ivoire : Ces crimes au nom de la democratie
Dans les faits, les émeutes ne sont toujours pas maîtrisées , et pourtant, l’ex-président a été arrêté avec l'aide de la France et l'Onuci. Alors que penser de la Côte-d'Ivoire ? Pays démocratique qui continue sur la même voie ; une dictature qui s’apprête à devenir une démocratie ; ou une dictature où rien ne changera ? Le continent africain est malheureusement encore le berceau de plusieurs pays , de plusieurs dirigeants,qui refusent la démocratie. La Cote -d'Ivoire va-t-elle le devenir ? Il est encore trop tôt pour tirer des conclusions sur l’avenir.
Violence, chaos, exactions, liquidation des opposants,de nombreux morts,… ce scénario aurait-il pu être évité ? Certains observateurs pensent que oui. Ils estiment que le grand coupable de la chute de l’ex-président Laurent Gbagbo fut la droite française, par la succession de révélations concernant : l'argent, les intérêts coloniaux, le tribalisme, la partition du pays depuis septembre 2002... Toutes les correspondances diplomatiques des chancelleries occidentales, se dirigeaient contre un homme de gauche qui est venu, faire la politique dans un terrain conquis : le pré-carré de la Françafrique. Cela peut paraître exagéré, mais c’est en partie vrai. Ce n’était un secret pour personne que le président et son entourage commettaient des peccadilles, comme presque tous les chefs d'États africains .Cependant, c’est une chose de colporter des on-dit, mais c’en est une autre de voir des preuves si clairement affichées, personne n'a pu démontrer la gabegie ou les fortunes du clan Gbagbo terrées dans les banques occidentales ; encore moins des épurations ethniques perpétrées par son pouvoir...
L'histoire et le réalité
En fait, avant de comprendre si la Côte-d'Ivoire se dirige vraiment vers une démocratie florissante, essayons de faire une rétrospective des évènements. Toutes proportions gardées, on lit par-ci, par-là des déclarations, qui frisent une méconnaissance de l'histoire. Contrairement à tout ce qu'on a voulu faire porter au gouvernement de Laurent Gbagbo, sur l'exacerbation du tribalisme, et l'excommunication des Dioula du Nord, ce fut d'abord Konan Bedié qui empêcha Ouattara de se présenter en 1995, en sortant pour la première fois le mot : Ivoirité... Avec toutes les circonvolutions juridiques et législatives, Ouattara a été taxé persona non grata, parce que dans un passé lointain Alassane Ouattara eut la nationalité Voltaïque-actuel Burkina Faso- ; fut-il par ailleurs diplomate de ce pays.
Au départ , Laurent Gbagbo a un adversaire,c'est le système néo colonial avec tous ses suppôts, et non Ouattara ; c'est fort de ce programme indépendantiste et nationaliste qu'il fut élu comme président de la côte-d'ivoire en 2000. Il convient de rappeler que les règles édictées à cette période précise, qui permettaient aux candidats de concourir, furent celles engagées par Konan Bedié et entérinées par le Général Robert Gueï. C'est en s'appuyant sur cette loi électorale que, Laurent Gbagbo gagne donc légalement et légitimement l'élection présidentielle de l'époque.
Le 19 septembre 2002, ce nouveau président du nom de Laurent Gbagbo,fraichement élu deux ans auparavant, trouve son pouvoir attaqué par une horde de miliciens recrutés dans la tribu Dioula. Ce politicien nouvellement élu par son peuple, voit son autorité confisquée par des puissances étrangères ; il est ravalé à l'image du travailleur ou du marchand sans permis, qui voit sa marchandise ou son permis de travail lui être retiré.
Dans le désespoir, ce jeune politicien s’immole politiquement, parce qu'il s'est retourné vers sa famille politique, son ethnie, faute d'avoir d'autres composantes sociales sur lesquelles il aurait pu reposer. Il faut croire, sachant l’ampleur de la réaction du pays suite à ce geste, que sa détresse a fait écho à la détresse de tout un peuple qui survit au lieu de vivre depuis déjà des années. Le pire est le décalage entre les difficultés du peuple et la facilité de la vie de ses dirigeants. Par exemple, les Ouattara et Bedié , ancien premier ministre d'une part, et d'autre part ancien président ,qui, à l'heure où le pays a besoin de recoller son unité, et que le l'État a besoin d'argent pour relancer son économie, sont allés se cacher avec leurs fortunes douteuses en Europe. Toutes les accusations et procès qui auraient dû peser sur eux sont clos, faute de paix. Alors oui, il est certain que ce peuple veut davantage : il veut être libre, il veut vivre normalement.
La fin justifiera les moyens
Toutefois, est-ce que le départ de Laurent Gbagbo va suffire à résoudre ce problème ? Ce n’est pas évident, car le gouvernement actuel est jugé trop conservateur, malgré l’intégration de quelques pseudo opposants… en bref, rien n’a changé. Il ne s’agit que d’un gouvernement provisoire(selon les dires du premier ministre) et des élections législatives seront bien entendu organisées , mais est-ce que cela changera quelque chose à la situation ? Il ne faut en effet pas oublier le poids des Dioula -confrérie musulmane régentant les populations, Mandingue, Malinke, Bambara,habitant les zones du Fouta Djalon, jusqu'au Sahara occidentale : Burkina,Mali, Sénégal,Niger, Guinée...etc.- que, quoiqu’on en dise, Houphouet Boigny, premier président de ce pays savait particulièrement bien maîtriser. Si les futurs gouvernements ne parviennent pas à maîtriser leur influence, on peut s’interroger sur leur capacité à apporter à la Côte-d'Ivoire la liberté, la paix et la démocratie à laquelle elle aspire tant.
Il est vrai, et c’est un signe très positif, que les autorités commencent à accorder des visas aux associations de droits de l'homme, aux commissions indépendantes d'enquêtes et que l'Onu ait aussi imputé plusieurs crimes, voire la plupart des crimes au pouvoir du président Ouattara, n'est qu'assez révélateur de ce pouvoir que la communauté internationale a affublé de tous les compliments. Il faut admettre que depuis la chute de Gbagbo, c'est le pouvoir d'exception qui est instauré... Et l'on sait, pour des gens qui n'ont pas une culture démocratique, les dérives que cela pourrait occasionner. Mais, la question est de savoir si cette euphorie dévotionnelle de la communauté internationale s’achèvera comme un conte de fées. Seul le temps nous le dira.
© Aimé Mathurin Moussy