lundi 10 juillet 2017 - par William Kergroach

Il est temps d’apprendre ce que veulent les Talibans

 L'Afghanistan, carrefour de l'Asie qui a vu passer de nombreuses armées conquérantes, reste farouchement attaché à son indépendance, acquise en 1747 après l'effondrement du royaume perse afcharide. L'empire britannique l'a appris à ses dépens, subissant de nombreux revers militaires avant de se résoudre à signer le traité de Rawalpindi, accordant l'autonomie aux Afghans. L'empire britannique l'a appris à ses dépens, subissant de nombreux revers militaires avant de se résoudre à signer le traité de Rawalpindi, accordant l'autonomie aux Afghans. Aujourd'hui, c'est l'Amérique, et ses obligés, qui prennent une leçon d'humilité. L'Afghanistan se débarrassera, tôt ou tard, de ce nouvel envahisseur. Il serait peut-être temps d'apprendrent ce que veulent les Afghans.

Les talibans sont aujourd’hui plus puissants qu’ils ne l’ont jamais été, depuis 2001. Ils contrôlent 200 des 400 districts du pays. En face, l'armée afghane compte officiellement près de 325 000 hommes. Ils sont beaucoup moins en réalité : les commandants corrompus déclarent plus d’hommes qu’ils n’en ont pour récupérer plus d 'argent. L'armée officielle afghane n'est pas plus fiable qu'elle ne l'était dans les années 80 avec les Soviétiques. Les soldats désertent et sont peu motivés. Il faut dire qu'entre janvier et février 2017, plus de 800 soldats et policiers ont été tués et près de 1 400 blessés. Beaucoup réfléchissent à leur avenir et se préparent à retourner leur veste. Les talibans contrôlent déjà plus de 40 % du territoire, et s'allient avec les troupes gouvernementales pour contrer l'avancée de l'État Islamique. Les Talibans reprennent, lentement, mais sûrement, le contrôle de leur pays, l'Afghanistan. Ce n'est qu'une question de temps. Ils le savent, tout le monde le sait en Afghanistan. Les gesticulations politico-militaires de Washington et de la communauté internationale n'y changeront rien, car ces dernières sont contingentes d'une administration, d'un président, d'un budget. Les Talibans, eux, sont ancrés dans la société pachtoune, la principale ethnie du pays, celle qui a donné son nom à l'Afghanistan. Les alliances ont changé, le socle taliban pachtoun reste. Il serait donc peut-être temps de s'intéresser aux Talibans, pour comprendre leur point de vue sur le destin de leur pays.

L'idéologie des Talibans est née dans le sud du pays, au sein des tribus pachtounes. C'est de cette culture montagnarde fermée que sont issues les restrictions imposées aux femmes. Ces interdits qui entourent la femme, comme l'interdiction de toute forme de musiques, de scolarité pour les filles, de théâtre, etc. sont liés à l'éthique de la vertu : des femmes qui ne chantent ni ne dansent, ni ne savent et sont confinées dans les foyers, sont autant d'opportunités en moins pour les hommes de commettre des actes interdits. C'est donc une forme de contrôle moral sur la société.
Néanmoins, les Talibans évoluent : leur méthodologie, née dans les régions reculées, se nourrit aujourd'hui de l'apport du monde musulman actuel, du discours d'Al Qaïda, de la rhétorique de l'État Islamique. Pourtant, les Talibans entendent garder leur spécificité afghane et être les seuls, loin de toute intervention occidentale ou pan-islamiste, à gouverner leur pays.

 Récemment, les Talibans ont adopté certaines techniques insurrectionnelles exogènes, comme celles d'Al-Qaïda, par pragmatisme. Mais leur alliance avec les mouvements islamistes est fluctuente. Ainsi, Abdul Rasul Sayyaf, un des leaders des mouvements de résistance, allié à l'Alliance du Nord du commandant Massoud, est le même qui a commandité l'assassinat de ce dernier. Également, après avoir offert l'asile à Oussama Ben Laden, Abdul Rasul Sayyaf a sollicité l'aide des Américains pour expulser les combattants de l'internationale islamiste encore présents dans son pays.


Les combattants d'aujourd'hui sont également fort différents de leurs prédécesseurs des années 80. L'alliance avec les réseaux criminels, l'encouragement du commerce de l'opium, l'extorsion et l'enlèvement, pratiques courantes aujourd'hui, auraient été impensables dans les années 80. L'accent mis, à l'époque, sur la conduite extérieure - connaissance des rites, du style de vie prophétique, des techniques de prière – fait place aux convictions internes et à la fidélité. Certains Talibans commencent ainsi à accepter l'emploi du cinéma et de la photographie de propagande pour mener l'insurrection. Si la télévision a eu peu d'impact sur les campagnes, l'utilisation des téléphones portables et de l'internet a ouvert l'Afghanistan aux influences extérieures, et particulièrement à la propagande islamique internationale. Il faut également mentionner l'impact de millions de réfugiés qui reviennent des camps au Pakistan et véhiculent les idées djihadistes. Mais, plus que le Djihad, c'est la souveraineté de l'Afghanistan qui motive les Talibans. C'est donc un mouvement nationaliste autant que religieux qui s'oppose à la mainmise des Occidentaux autant que des mouvements islamistes sur son territoire. 

 

William Kergroach https://williamkergroach.blogspot.fr/



4 réactions


  • Clark Kent Jeussey de Sourcesûre 10 juillet 2017 09:12

    Depuis 1917, les USA se comportent comme des charognards : ils récupèrent les dépouilles abandonnées par les empires en déroute : l’empire colonial français au Vietnam, l’empire ottoman au moyen-orient, l’empire colonial britannique dans le golfe persique. Le problème des charognards est lié à leur comportement de prédateur opportuniste : leurs proies sont déjà mortes et se décomposent plus ou moins rapidement.


  • cathy cathy 10 juillet 2017 10:11

    Les Afsharides sont une dynastie qui règne sur l’Iran de 1736 à 1749. Les Afshars sont originaires du Turkestan. Après la conquête Moghole de la région, ils s’installent dans la province d’Azerbaïdjan. Par la suite, une partie de leurs élites servent Chah Ismail Safavi(1487-1524) dans l’armée des Qizilbash. Une fois que Shah Ismail assoit son pouvoir, il déplaça certains clans des Afshars de l’Azerbaïdjan vers le Khorassan pour qu’ils y fassent barrage aux Ouzbeks.


  • Pascal L 10 juillet 2017 13:33

    En combattant le mal par le mal, ce qu’on obtient est encore pire.


  • J.MAY MAIBORODA 10 juillet 2017 16:30

    Il est intéressant et appréciable que des analyses alternatives viennent contrebalancer les explications sommaires et les théories orientées des médias mainstream.

    Cela semble être ici le cas.

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