vendredi 16 mars 2012 - par Jean J. MOUROT

Une année dans le chaudron de la guerre d’Algérie

Il y a 50 ans, les accords d’Evian devaient mettre fin à la guerre d’Algérie...

Un sous-lieutenant appelé se souvient...

Le 50ème anniversaire des accords d’Evian va probablement relancer la polémique sur la date à retenir pour commémorer la fin de la guerre d’Algérie et rendre hommage aux victimes de cette tragédie.

Laissant aux Algériens le soin de célébrer leur victoire chèrement payée par leur peuple et les combattants de l’intérieur, plus que par les dirigeants rescapés de l’extérieur qui ont rapidement pris les rênes du nouvel état, Jacques Langard, sous-lieutenant du Contingent jeté dans le chaudron de cette guerre qu’il n’avait pas voulue, témoigne de ce que fut le sort de bien des jeunes appelés français contraints de « crapahuter » sur une terre hostile et de combattre en regardant « la mort en face », comme on le chante dans l’hymne de l’Infanterie de Marine.

Son ouvrage est en même temps un hommage aux près de deux millions de garçons qu’une république imprévoyante a impliqués dans un combat douteux pour une cause perdue, dans ce qu’on considérait alors comme un ensemble de départements français, et particulièrement aux 15 000 d’entre eux qu’un sort tragique conduisit à la mort. Une mort que Jacques Langard, jeune sous-Lieutenant appelé de 21 ans, sorti en 1958 de l’EMI de Cherchell, après huit mois comme instructeur en Allemagne a tutoyé dans son régiment d’Infanterie de Marine, des bois de l’Ouarsenis aux confins algéro-marocains, de piton en piton, dans les taillis ou parmi les touffes d’alfa, dans le vent glacé ou sous le soleil accablant, chasseur chassé sous la menace de l’invisible fellagha... sans pour autant se livrer aux exactions qu’on a pu reprocher à certains éléments de l’armée française alors chargée du « maintien de l’ordre ».

Ce livre vient à point rappeler ou apprendre aux jeunes générations ce que fut la condition de leurs pères ou grand pères dans ce combat qui n’était pas le leur mais auquel ils n’avaient pu échapper. Ses récits, ses anecdotes, ses portraits, ses réflexions ont un accent de vérité que souligne un style familier à l’image du langage des hommes du terrain. En dépit de la dureté du vécu quotidien, l’auteur ne se départit pas d’une certaine distanciation allant jusqu’à l’humour, pour en sourire de peur d’avoir à en pleurer.

 

Jacques Langard  : « Nous regardions la mort en face ! 1959-1960 Un sous-lieutenant appelé dans la guerre d’Algérie  » BoD-Le Scorpion ; 168 pages illustrées ; 10,90 € ; ISBN n° 978-2-8106-2455-3

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9 réactions


  • VICTOR LAZLO VICTOR LAZLO 16 mars 2012 13:51

    Bonjour,


    Je n’ai pas lu l’ouvrage dont vous parlez, mais je ne manquerai pas de le lire.
    Ceci dit lire la guerre d’Algérie à travers la vision qu’en eu les appelés de l’époque ne donne qu’une...vision.
    J’ai eu l’occasion de cotoyer des Pieds Noirs qui avaient participé à la Campagne de France en 44/45 et leur vision des Français « de France » était assez particuliére : indifférence (et même parfois hostilité) des population françaises qu’ils libéraient, et qui leur préféraient les Américains , leur fric, leur chewin gum, leur prestige...Ces Pieds Noirs avaient aussi du mal à comprendre des choses comme les tontes des femmes, les lynchages de collabos, etc...
    Tout cela pour dire que leur vision des choses à eux, combattants de 1ére ligne était trés différente de celle que pouvait avoir par exemple mon pére, résistant depuis 1942, « petit » maquisard dans les forêts d’Auvergne, confronté à la faim et aux trahisons récurrentes...

    Les témoignages d’appelés ont donc une valeur certaine , mais limitée .
    D’autant qu’il y avait énormément de propagande en particulier dans ce milieu , de la part des communistes.
    Ce n’était d’ailleurs pas illégitime en soi ...Mais de là à prendre comme argent comptant tout ce qui est , et a été dit...
    Il y avait d’aillleurs aussi dans le milieu des militaires de carriére, des anciens Résistants et ancien d’Indochine, beaucoup d’intox ....

    Aujourd’hui on voit bien que loin de s’apaiser, les conflits de mémoires s’accentuent.
    Certains veulent occulter les massacres de civils commis par les Algeriens du FLN (civils « européens » ou « musulmans » comme à Melouza et ailleurs.) et mettent en évidence (et font monter en graine) des dérapages comme ceux d’octobre 61 à Paris.

    On est bien loin de l’apaisement et du respect de l’Histoire.


    • plexus 21 mars 2012 17:27

      Bonjour,
      C’est vrai, les femmes tondues, la croix gammée au cirage sur le crâne, sous les crachats d’une foule hurlante....avec les glorieux « maquisards » au brassard FIFI tout neuf, sortis de leurs caves après s’être bien assurés qu’il ne restait plus l’ombre d’un fridolin dans le coin.
      Souvent les vrais héros se sont tus et n’ont pas exigé de prébendes.
      J’aimerais quand même que vous signaliez les endroits où les troupes de libération ont été mal accueillies, les films en témoignent, c’était partout dans la joie et l’allégresse...
      Enfin peut-être pas à Maizières les Metz, où les FTP de la colonne µµFabien se sont comportés comme en pays conquis...on ne leur avait sans doute pas parlé des régions germanophones.
      Quant à la propagande communiste parmi les appelés, je n’en crois pas un seul mot, c’eût été impossible. Le mot d’ordreofficiel, c’était la défense de l’occident chrétien, on n’a jamais parlé de garder 3 départements à la France.
      Meilleures salutations,
       Plexus.


  • voxagora voxagora 16 mars 2012 14:44
    .
    Instrumentaliser le témoignage certainement respectable d’un appelé parmi d’autres,
    avec son appréciation particulière de la réalité qui ne peut pas avoir un caractère d’universalité,
    c’est entretenir une cécité bien commode sur la vraie réalité de la guerre d’Algérie,
    de ses acteurs, de ses responsables et de ses victimes.

    Cécité bien commode surtout pour le confort de la pensée de ceux qui ont, une fois pour toutes,
    posé arbitrairement et imaginairement le Bien d’un coté et le Mal de l’autre.
    Nul doute qu’il vous faille brandir ce genre de rappel pour continuer de ne pas entendre
    les voix étouffées de ceux qui crient en silence, et qui ne sont pas seulement
    les nouveaux algériens musulmans du pays nouveau sorti de la guerre,
    mais aussi les algériens pieds-noirs et les algériens harkis, 
    que la mal-pensance ne désigne que sous une appellation qui nie leur origine algérienne.




  • Massaliote 16 mars 2012 16:32

    « la condition de leurs pères ou grand pères dans ce combat qui n’était pas le leur »
    Mais non, il s’agissait seulement de défendre des départements français contre des terroristes. Je suppose que si Lyon ou Marseille étaient pareillement revendiquées beaucoup trouveraient que « ce combat n’est le leur ». De lâchetés en compromissions c’est ainsi que l’on détruit la France.


  • VICTOR LAZLO VICTOR LAZLO 16 mars 2012 16:41

    @ L’AUTEUR et Massaliote

    « la condition de leurs pères ou grand pères dans ce combat qui n’était pas le leur »  
    Pour rappel : les Pieds noirs qui ont été à 100 % mobilisés pour la libération de la France (à peine 9% pour les musulmans d’Algérie, sans vouloir diminuer leur mérite) ne se sont pas posé la question de savoir si chasser les Allemands de France était ou non leur combat....Ce fait n’a pas été pour rien dans l’incompréhension entre appelés et pieds noirs qui ne saisissaient pas toujours la difficulté des appelés de France à s’investir dans une lutte qui leur semblait souvent « exotique » ou étrangére, voire illégitime.

    • Jean J. MOUROT Jean J. MOUROT 16 mars 2012 16:53

      Les Pieds noirs d’Algérie se voulaient Français (comme les Patos !). Il était normal qu’ils acceptent de défendre la « mère Patrie ».


      Les appelés envoyés en Algérie n’avaient pas l’impression d’y défendre la France. Il y avait de l’indifférence voire de l’égoïsme à l’égard des Pieds Noirs pour les moins politisés d’entre eux.Pour les autres, ils avaient l’impression d’aller défendre les privilèges des colons, ignorants qu’ils étaient de la réalité sociologique de la population d’origine européenne. Il faut reconnaitre que le refus par la plupart des « élites » dirigeantes de la population française d’Algérie d’accepter toute évolution du statut de l’indigénat et du sort des FSNA (Français de souche nord-africaine, comme on appelait les arabo-berbères) n’attirait pas la sympathie des métropolitains.

    • Massaliote 16 mars 2012 17:56

      VICTOR LAZLO J’ai cité une phrase de l’auteur qui m’a scandalisée. Justement parce que les pieds-noirs sont venus défendre la patrie, je trouve inepte de prétendre que la défense de l’Algérie ne concernait pas les appelés. Seuls les dignes descendants des collabos des HLPSDNH peuvent se défausser ainsi. Après tout, pourquoi avons-nous résisté ? Ce combat était-il le nôtre ? smiley Défendre notre territoire contre le nazisme ou le terrorisme je ne vois pas de différence.


    • Jean J. MOUROT Jean J. MOUROT 16 mars 2012 19:27

      @Massaliote

      « pourquoi avons-nous résisté ? »

      Vous avez résisté ? Racontez-nous votre Résistance ...

      La lutte des Algériens pour leur Indépendance ne se résume pas au terrorisme (pratiqué d’ailleurs en son temps par... nos résistants !) et n’a pas commencé en 1954 mais bien avant et de façon plus pacifique ; sans résultat !

  • Jean J. MOUROT Jean J. MOUROT 16 mars 2012 16:42

    A Voxagora


    Il ne s’agit pas d’instrumentaliser un témoignage mais de le faire connaitre.

    Pas plus que moi l’auteur n’ignore que la France n’avait plus sa place comme puissance coloniale en Algérie au milieu du XXème siècle. Ni lui ni moi n’ignorons les atrocités commises par les uns et les autres ? Ni lui ni moi n’occultons le fait que la plupart des Pieds Noirs ont été des victimes de l’Histoire, comme les Algériens, qui n’ont pas été victimes de la seule armée française mais de leurs « frères » arabo-berbères quand leurs chefs du moment considéraient qu’ils divaguaient. 

    Nous souhaitons seulement que les fils et petits-fils des anciens appelés en Algérie sachent ce que fut le quotidien de leurs pères et grands-pères dans un conflit où on les avaient engagés malgré eux et qui n’ont pas toujours eu à rougir de ce qu’ils ont été amenés à faire. L’auteur de ce livre à fait la guerre, certes, mais en la subissant, et sans se salir les mains dans les exactions que certains se complaisent à évoquer en les attribuant à l’ensemble de l’armée en Algérie. Et la vision des « quinze gisants » de sa compagnie, la plupart jeunes garçons de vingt ans, tués comme des lapins dans leurs camions lors d’une embuscade à laquelle une absence imprévue lui avait permis d’échapper, continue de le hanter, cinquante ans après le drame.

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