mardi 8 novembre 2016 - par Sylvain Rakotoarison

USA 2016 : Américains, faites-moi peur !

« C’est la démocratie même qui est en jeu. Le savoir-vivre est en jeu dans cette élection. La tolérance est en jeu. La courtoisie est en jeu. L’honnêteté est en jeu. L’égalité est en jeu. La bienveillance est en jeu. » (Barack Obama, le 14 octobre 2016 à Cleveland).

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C’est ce mardi 8 novembre 2016 que les 130 millions d’électeurs américains votent pour leur chef d’État ("Election Day"). Les élections présidentielles sont accompagnées d’élections au Congrès (représentants et une partie des sénateurs) dont l’enjeu politique est aussi important que les présidentielles, ainsi qu’une partie des gouverneurs.

Après le second mandat de Barack Obama, une page se tourne. Celle d’un paysage politique américain "classique". Quel que soit le candidat élu, il y aura une nouveauté, soit la première femme Présidente des États-Unis (la belle affaire), mais surtout qui commencerait son mandat avec une (grave) affaire judiciaire à ses trousses (des parlementaires républicains seraient prêts à déclencher une procédure d'impeachment dès son éventuelle électon), soit un milliardaire imprévisible. Les deux sont "vieux", l’une 69 ans, l’autre 70 ans. Les deux seront des vieillards à la fin de leur (premier) mandat.

Début octobre 2016, le candidat républicain Donald Trump avait dévissé dans les sondages après le scandale concernant ses relations avec les femmes. L’affaire aurait alors pu paraître "pliée" en faveur de la candidate démocrate Hillary Clinton mais le 28 octobre 2016, le FBI a rouvert l’enquête concernant les emails de l’ancienne Secrétaire d’État qui devrait établir soit la négligence soit la faute lourde mettant en jeu les intérêts vitaux des États-Unis.

Conséquence mécanique de cet "événement", l’écart s’est resserré très nettement entre les deux candidats dans les sondages et le 31 octobre 2016, un premier sondage a même donné gagnant Donald Trump qui, en quatre jours, avait rattrapé son retard.

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L’état actuel de l’opinion est encore très mouvant mais globalement, il y a égalité dans les sondages entre les deux candidats si l’on tient compte des intervalles d’incertitude.

L’écart moyen entre les deux candidats au 5 novembre 2016 était de 1,8% en faveur d’Hillary Clinton, ce qui est très faible (à moins de 5%, il n’y a pas de conclusion possible à formuler). Un institut de sondages pour un journal de Los Angeles a même donné gagnant Donald Trump avec une marge confortable de 5% mais les autres instituts ont donné gagnante pour la même période Hillary Clinton, parfois avec un écart de 5% aussi (Ipsos). La plupart des instituts de sondages ont donné des écarts entre 1 et 3%, ce qui n’est pas vraiment significatif.

Cela dit, cet état de l’opinion dans tout le pays n’a pas beaucoup de sens concernant l’issue des élections. En effet, Al Gore a perdu les élections de 2000 malgré un nombre supérieur de voix en sa faveur. L’essentiel, pour gagner ces élections, c’est de faire élire le maximum de délégués qui, ensuite, éliront le 12 décembre 2016 le Président des États-Unis. Chaque État a un nombre donné de délégués, et lorsque le candidat obtient la majorité dans cet État, il récupère l’ensemble de ces délégués. Il y a donc un effet amplificateur typique des scrutins majoritaires.



Résultat, pour évaluer les chances des deux candidats, il faut regarder la situation très détaillée de tous les États des États-Unis. On peut ainsi les classer en trois catégories. Premièrement, les États qui penchent très largement pour l’un des deux candidats, où il n’y a aucun suspens sur le gagnant (cela veut dire plus de 10% d’écart entre les deux candidats dans les sondages). On peut citer par exemple l’Alaska (dont un gouverneur fut Sarah Palin), la Louisiane et le Texas pour Donald Trump ; la Californie, l’Illinois et le New Jersey pour Hillary Clinton. Deuxièmement, les États dont la tendance est déjà bien claire (entre 5 et 10% d’écart dans les sondages), comme la Caroline du Sud pour Donald Trump et la Virginie pour Hillary Clinton. Enfin, troisièmement, les États à l’incertitude totale (moins de 5% d’écart dans les sondages), comme la Floride, l’Ohio, le Michigan, la Pennsylvania, etc. qui ne balancent clairement pour aucun des deux candidats.La côte nord-est et la côte ouest des États-Unis sembleraient acquises à Hillary Clinton et les États du Sud (sauf le sud-est) et ceux de l’Amérique profonde sembleraient acquis à Donald Trump, y compris, surprise, l’Arkansas dont fut gouverneur Bill Clinton avant d’être élu à la Maison-Blanche en 1992. Les candidats se partageraient les deux plus grands États, la Californie (55 délégués) et le Texas (38 délégués) et les deux autres plus grands États, celui de New York (29 délégués) serait favorable à Hillary Clinton, et la Floride (29 délégués aussi) serait très incertaine.

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Numériquement, pour être élu Président des États-Unis, il faut avoir fait élire au moins 270 délégués. Avec cette méthode, au 5 novembre 2016, 168 délégués seraient assurés pour Hillary Clinton et 155 pour Donald Trump. Si l’on prend en compte les États de la seconde catégorie (fortes tendances), le rapport de force se renforcerait, avec 216 délégués pour Hillary Clinton et 164 pour Donald Trump. Il reste 158 délégués dans des États très incertains.

Cela signifierait que si Hillary Clinton réussissait à conquérir des États clefs pour 54 délégués, son élection serait assurée. Parmi les gros États de cette troisième catégorie, il y a la Floride (29 délégués), la Pennsylvanie (20 délégués), l’Ohio (18 délégués), le Michigan (16 délégués), la Géorgie (16 délégués) et la Caroline du Nord (15 délégués).

Parmi ces six grands États, les sondages actuels en feraient mener six par Hillary Clinton (la Floride avec un écart de 1,2% ; le Michigan avec un écart de 4,8% ; la Pennsylvanie avec un écart de 2,6%) et six aussi par Donald Trump (l’Ohio avec un écart de 3,3% ; la Caroline du Nord avec un écart de 0,8% ; la Géorgie avec un écart de 4,6%). Quand j’évoque un "écart", cela signifie un "écart moyen" d’un grand nombre d’instituts de sondages pour une période donnée. Comme on le voit, ces écarts étant très faibles, ils ne sont pas assez fiables pour faire une prédiction électorale pertinente sur ces États.

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Tout ce qui est en revanche assez facile à imaginer, c’est qu’aucun des deux candidats ne jouit d’une franche et massive adhésion populaire. Au contraire, ils seraient tous les deux victimes d’un rejet populaire, ce qui rend l’élection incertaine. Après deux mandats de Barack Obama, le Parti républicain pouvait raisonnablement compter reconquérir la Maison-Blanche par effet d’usure du gouvernement démocrate. La singularité très forte de son candidat remet en cause l’évidence de cette possibilité sans pour autant l’exclure.

Nouveau coup de théâtre ce dimanche 6 novembre 2016, à deux jours du scrutin : le FBI a annoncé qu'il a finalement abandonné toute poursuite contre Hillary Clinton après avoir lu les 650 000 emails... ce qui a fait dire à Donald Trump que le système était truqué et qu'on lui en voulait ! Bref, même si Hillary Clinton a semblé bénéficier du dernier rebondissement (dernier à cette heure), cela a laissé à la fin de campagne un climat particulièrement délétère. Le magazine allemand "Der Spiegel" ne s'y est pas trompé en montrant les deux candidats recouverts de boue.

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Effectivement, la campagne, des deux bords, a volé exceptionnellement bas cette année, avec des arguments de caniveau particulièrement dégueulasses. On se demande encore comment un intello si fort en thème a pu être élu dans ce même pays en 2008.

En Europe, le réveil du mercredi 9 novembre 2016 sera dans tous les cas assez douloureux. Que ce soit Donald Trump qui pourrait déclencher une guerre nucléaire par mauvaise humeur ou Hillary Clinton dont la considération pour la vie humaine est assez faible quand on la voit rigoler du lynchage de Mouammar Kadhafi, l’élection du prochain Président des États-Unis augmentera les risques, dans tous les cas, d’une guerre dont on ne peut mesurer la portée aujourd’hui…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (08 novembre 2016)
http://www.rakotoarison.eu



Pour aller plus loin :
Issue incertaine du match Hillary vs Donald.
Donald Trump.
Match Hillary vs Donald : 1 partout.
Hillary Clinton en 2016.
Hillary Clinton en 2008.
Donald Trump et Fidel Castro ?
La trumpisation de la vie politique américaine.
Mode d’emploi des élections présidentielles américaines.
Idées reçues sur les élections américaines.
Barack Obama.
Ronald Reagan.
Gerald Ford.
Jimmy Carter.
John Kennedy.
Al Gore.
Sarah Palin.
John MacCain.
Mario Cuomo.

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11 réactions


  • La mouche du coche La mouche du coche 8 novembre 2016 11:07

    L’auteur n’a toujours pas compris que nous n’étions pas en démocratie. C’est pathétique. smiley


  • zygzornifle zygzornifle 8 novembre 2016 14:03

    Heureusement que la Clinton a son Obama pour la soutenir , cette femme est folle .... l’Europe pour elle n’est un gâteau qu’elle va bouffer a grand coup de dents, on va en chier grave si elle est élue , grâce aux traités a venir elle va asphyxier toute l’économie et si un seul pays remue le petit doit ça sera plaintes avocats et condamnation car l’Eu perdra a chaque fois et pour finir nos impôts seront engloutis en amendes, il est grand temps de tondre les signataires de ces torche culs ..... 


  • epicure 9 novembre 2016 04:19

    pour l’instant chacun a gagné des états déjà gagnés par leur prédécesseur respectif.

    Le suspense reste entier.

    Le vote se répartit en gros entre une campagne peu peuplée votant pour trump, et des états plus urbains et plus peuplés votant pour clinton. 


  • fred.foyn 9 novembre 2016 07:11

    TRUMP est le nouveau président des USA..

    Vous savez ce qui vous reste à faire en 2017 en France....MLP

  • ZenZoe ZenZoe 9 novembre 2016 09:29

    « C’est la démocratie même qui est en jeu », dixit Obama.

    Et les Américains l’ont bien écouté, je vais en rire toute la journée...


  • Olivier Perriet Olivier Perriet 9 novembre 2016 09:54

    Bush (2004), Obama (2008 et 2012), maintenant Trump :

    la théorie est validée à chaque fois :
    le candidat « qui n’a aucune chance de l’emporter », d’après nos médias, est systématiquement vainqueur au bout du compte. Facile de faire des pronostics, vous prenez l’inverse de ce qu’ils disent !


  • Abou Antoun Abou Antoun 9 novembre 2016 10:05

    Et qui c’est qu’est dans la merde une fois encore ?
    C’est notre Flanby national ! Le capitaine de pédalo ne perd jamais l’occasion de faire une gaffe. Il n’en aura pas manqué une, un record.
    Et le plus marrant c’est que le sinistre des Affaires Étranges, le prof Ayrault déclame d’un air constipé « Alliés, mais pas alignés ... » , lui qui a été le chef du gouvernement le plus servile qu’on aie jamais vu depuis 1945...
    L’équipe de bras cassés qui gouverne la France atteint maintenant le comble du ridicule.
    Pour ce qui concerne cet article, il ne contient que des faits que tout le monde connaît et n’a donc aucune valeur informative. Il aurait pu se résumer à quelques liens


    • HELIOS HELIOS 10 novembre 2016 03:49

      @Abou Antoun

      ... ce qui m’inquiete plus, c’est qu’il soit allé a Berlin prendre ses ordres chez la Merkel...
      Le IV reich est bien en ordre de marche !

      Pour le reste de ses déclarations, positions ainsi que celles de ses ministres et les copains qu’il a placé aux postes juteux de l’etat (ambassadeurs etc) apres tout c’est de l’ordre du détail, tout ce petit monde doit rapidement se retrouver au chomage ou en disponibilité.

      Mais comment la France a-t-elle pu tomber aussi bas ? et l’autre schleu qui parle de valeurs européennes.... elle n’a pas du mettre un « V » majuscule, elle parle seulement de ses indices economiques....

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