mercredi 11 janvier 2017 - par Serge ULESKI

Acrimed : un peu mais pas trop !

   

 

  Du grain à moudre sur France Culture qui tente de rebondir à propos du baromètre annuel 2016 de LA CROIX sur la relation des Français et des médias : plus de deux sondés sur trois considèrent que les journalistes ne résistent pas aux pressions des partis politiques et du pouvoir.

 
Sera présent ce soir-là : Henri Maler d'Acrimed.
 
 
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  Si on peut se féliciter de la présence sur les ondes de Radio France de Henri Maler, fondateur d'Acrimed l'observatoire des médias, en revanche on sera déçu par sa prestation car il semblerait que la critique des médias par Acrimed place le journalisme et le journaliste (ou les journalistes) au cœur de cette critique ; or, placer le journaliste au centre de toutes les attentions dans le domaine de la critique de médias et de l’information c’est un peu comme "lâcher la proie pour l’ombre".
 
Selon les analyses d’Acrimed, les journalistes seraient mal formés faisant ainsi retomber la responsabilité d’une information médiocre sur les écoles de journalisme : ces écoles formeraient donc mal nos journalistes presse, radios et télés ; par conséquent, il suffirait de « réformer » l’enseignement dans les écoles de journalisme pour régler le problème au sein d’une profession en berne.
 
Or, faire reposer la responsabilité de l’état de délabrement de cette profession sur ces écoles c’est là encore lâcher la proie pour l’ombre car c’est ignorer, ou bien oublier un peu vite ou feindre d'oublier ceci : qui signent les chèques des salaires de tous ces journalistes à la fin de chaque mois ? « Qui » dans le sens de : « quelle est la véritable motivation » de tous ces employeurs propriétaires de titres pour lesquels tous ces journalistes-employés travaillent ? En effet, qui sont ces investisseurs, à perte qui plus est puisqu’aucun titre n’étant économiquement ou financièrement rentable en tant que « centre de profits » - les véritables bénéfices ou retombées d’un investissement dans les médias sont ailleurs ! -, tous survivent grâce à des centaines de millions d’euros de subventions d’Etat, argent des contribuables, de Marianne au Figaro en passant pour l’Humanité, qui sont-ils donc ?
 
Si Acrimed déplore le niveau abyssal de l’information et nous tous avec eux, doit-on alors supposer que les propriétaires des médias de masse sont tout aussi ulcérés par la médiocrité du travail fourni par leurs employés supposément « journalistes » qu’ils recrutent et dont ils acquittent pourtant les salaires chaque mois et que tous, préfèreraient pouvoir, par conséquent, recruter de bien meilleurs éléments, mieux formés et plus avisés ? En d’autres termes, tous ces propriétaires de médias souhaiteraient pouvoir embaucher de véritables journalistes car la motivation première de ces propriétaires serait de faire de nous tous des citoyens informés, avisés et par conséquent, des citoyens capables de discernement et de jugement, comme par exemple : soupçonner le fait que les propriétaires de tous ces titres - entre autres Vincent Bolloré, Lagardère, Dassault, Rothschild, Crédit Mutuel, Crédit Agricole, Pinault, Arnault, Bouygues - pourraient bien s’avérer être des crapules ?
 
Bien évidemment il n’en est rien ; si les banques, les multinationales investissent dans des médias que les lecteurs seuls sont bien incapables de rentabiliser, c'est aussi et surtout pour la raison suivante : ces organes de presse sont de formidables moyens de pression, de chantage et d’intimidation contre tous ceux qui seraient à un niveau ou à un autre susceptibles de remettre en cause les intérêts économiques, financiers et politiques de leurs propriétaires respectifs : citoyens et Etats.
 
 Aujourd’hui, c’est bien une situation paradoxale qui s’offre à nous : ce sont ceux qui ne payent pas les salaires de tous ces journalistes - hormis sur le service public que le contribuable finance mais en partie seulement puisque la publicité pourvoie largement au financement des médias d’Etat - dont on peut déplorer à juste titre le manque de pertinence, qui s'en plaignent - Acrimed en l’occurrence -, alors que leurs employeurs qui passent à la caisse tous les mois n’en pipent pas mot.
 
Dans les faits, on peut dire que si les écoles de journalisme ne préparent pas leurs élèves au métier de « journaliste » digne de ce nom, en revanche, on ne peut guère leur reprocher de ne pas préparer ces mêmes élèves à travailler dans la presse, la radio et la télé car c’est bel et bien de leur employabilité qu’ils s’occupent, et en particulier de ce qu’attendent tous ces employeurs potentiels de tous ces jeunes fraîchement diplômés ! 
 
 Depuis l’arrivée d’Internet et des nombreux acteurs de la ré-information, force est de reconnaître que la critique des médias de masse, médias dominants, est un exercice vain puisque plus personne n’a besoin de subir ces médias et les multiples biais idéologiques de leurs propriétaires. Seul importe aujourd’hui d’être capable de contrer ces médias et le grand mensonge par omission de ces derniers ; il faut être une force de proposition dans le cadre d’une ré-information susceptible de toucher un vaste public et non se complaire dans une analyse et une critique des contenus des médias qui n'intéresse et ne convainc que les déjà-convaincus qui ont franchi le point de non-retour depuis longtemps déjà ; les téléspectateurs des journaux de 20H et d'autres inepties journalistiques - « Envoyé spécial » - ne lisent pas Acrimed.
 
Et puis, n’y-a-t-il pas pour tout le monde 24H dans une journée ? Pour les lecteurs et non-lecteurs d’Acrimed ! Aussi, le temps passé à lire les analyses de ce collectif aussi pertinentes soient-elles, n'est-ce pas autant de temps en moins passé à lire et à travailler sur la contre-information ? Travail d’une priorité absolue ; il n’y a sans doute pas d’autre aujourd’hui. 
 
On pourra toutefois saluer ce diagnostic d’Acrimed à propos de France culture que peu ose et pourtant si juste même si on reste là encore dans le domaine de la critique des médias et non de la ré-information. N’empêche, critiquer c’est peut-être aussi, après tout, ré-informer :  
 
 "France Culture devrait être en principe la station de radio tout indiquée pour aborder sérieusement la question des formes et des motifs des visions « conspirationnistes ». Mais, depuis quelques années, France Culture n’est plus tout à fait France Culture : les polémiques en dessous de la ceinture qui se présentent comme des débats cultivés tendent à s’y multiplier, les émissions sérieuses masquant des émissions qui le sont beaucoup moins." 
 
 
 Qu'à cela ne tienne : conseillons au plus vite aux membres d’Acrimed qui se sont suffisamment « shootés » aux médias spécialisés dans le mensonge par omission, de rejoindre les acteurs du web dans le domaine de la contre-information ou ré-information gardant à l'esprit ceci : à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire car c’est bien dans le travail de contre-information et de ré-information que l’on court tous les dangers et non dans la critique des médias dominants. Aussi, il serait temps que la rédaction d’Acrimed se décide enfin à courir ce danger-là. 
 
 

 

 
 


9 réactions


  • leypanou 11 janvier 2017 18:45

    car c’est bien dans le travail de contre-information et de ré-information que l’on court tous les dangers et non dans la critique des médias dominants. : l’auteur se méprend sur l’objectif d’acrimed.

    La contre-information, la ré-information, il y en a un peu partout, pour des sites du genre The Intercept ou Off-guardian (pour contrer l’enfumage du Guardian) par exemple. Si on pense se ré-informer et si on se fait avoir avec les mêmes ficelles d’enfumage, cela ne change strictement rien.

    Et puis aussi, acrimed n’a pas les moyens matériels de faire de la contre-information/ré-information car les membres sont des bénévoles qui font ce qu’ils font en plus de leur travail.


    • izarn izarn 11 janvier 2017 23:08

      @leypanou
      La force d’internet, c’est que l’information n’est plus passive.
      Le passif lit le Gardian et passivement va gober l’anti-Gardian....Alors bien entendu...
      Mais ça c’est de la foutaise.
      Le net ce sont des liens, et on peut avoir plusieurs versions differentes, chercher des preuves, et se faire sa propre idée...
      Le concept d’information et contre-information, est pour moi sans aucun intérét.
      Si je vais sur le site Voltaire.org, je consulte des analyses et des infos, que je puis chercher à vérifier. Et parfois je ne suis pas d’accord avec les analyses de Meyssan, selon mes propres infos...Meyssan s’était planté sur Erdogan. Ma thése originelle était la bonne. mais je ne lui en veut pas...Tout le monde peut se tromper. C’est aussi ça le net. Mais c’est pas grave !
      Car on est actif. Et dans ce cas, on a le moins de chance de se faire avoir...
      Parceque la propagande ne peut savoir ce vous allez faire...En fait chacun devient son propre journaliste.


  • Sergio Sergio57 11 janvier 2017 19:37

    « peut dire que si les écoles de journalisme ne préparent pas leurs élèves au métier de « journaliste » digne de ce nom ... et en particulier de ce qu’attendent tous ces employeurs potentiels de tous ces jeunes fraîchement diplômés !  »


    Le contenu extrait est probablement un peu raccourci, mais je dirai qu’au même titre que les écoles de journalisme, les écoles d’éducateurs forment les futurs professionnels à faire entrer le public dans les normes sociales, au détriment du travail éducatif.
    Dans ces deux exemples, je dirai que l’on perd de vue les fondamentaux d’une profession, en se sur-adaptant au nouveau contexte socio/politico/économique, c’est valable pour d’autres professions, surtout celles en rapport direct avec le public de masse.



    • J.MAY MAIBORODA 12 janvier 2017 09:10

      @Sergio57



      Pour les écoles d’éducateurs, un peu moins, tout de même, avant la fusion des formations, que pour les écoles d’assistantes sociales, héritières de l’idéologie vichyssoise. 

    • Sergio Sergio57 12 janvier 2017 17:39

      @MAIBORODA


      Oui, un peu moins tout de même, vous avez raison, bien à vous

  • 59jeannot 12 janvier 2017 08:15

    la principale école de journalisme appartient au groupe « Mulliez - AUCHAN »
    Non seulement les merdias appartiennent aux milliardaires, mais ils forment eux-mêmes leurs valets.


    • J.MAY MAIBORODA 12 janvier 2017 09:03

      @59jeannot

      1. Les janissaires de l’empire ottoman en furent jadis un exemple. Ils étaient formés au dévouement absolu à leurs maîtres en dépit de leurs origines.
      2.Le formatage par les Ecoles explique largement le fait que les valets et les caniches aillent souvent au delà des désirs de leurs maîtres. 
      Les « Young leaders » qui abondent dans les sphères étatiques, économiques, financières et médiatiques, que ce soit (logiquement) côté Droite, ou côté PS, en sont la parfaire illustration.



  • zygzornifle zygzornifle 12 janvier 2017 17:05

    Acrimed , c’est le cousin ou le frère de Mohamed ?


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