samedi 18 mars 2017 - par Laurent Herblay

Abus, poubelles, justice et débat de fond

On peut sans doute déjà dire que cette campagne présidentielle est la pire de la Cinquième République tant elle se réduit à une succession de scandales et rumeurs qui nous éloignent des si nombreux débats de fond que nous devrions avoir (que ce soit sur l’Europe, l’euro, l’automatisation, l’école, ou notre République). Le malaise démocratique risque d’en sortir extrêmement renforcé.

 

Comme dans une série télé
 
Il y a deux mois, si on nous avait passé les unes des journaux qui se sont succédées depuis, nous aurions probablement trouvé que celui qui aurait écrit ce scénario de campagne serait allé beaucoup trop loin, même pour une série télé qui se doit de placer un rebondissement avant chaque coupure publicitaire pour s’assurer que le téléspectateur ne zappe pas. Côté PS, le 3ème homme, surgi de nulle part, s’impose en parlant d’un revenu universel qu’il a déjà très largement amendé deux fois, avant que des participants de la primaire se désolidarisent de lui, tout comme une partie importante de son parti. Côté FN, une candidate qui refuse d’aller aux convocations de la justice sur plusieurs affaires.
 
Côté LR, un candidat qui se voyait à l’Elysée qui affrontent d’innombrables accusations sur l’emploi de sa famille comme assistants parlementaires, dans les moindres détails, sa société de conseil ou les costumes qui lui ont été offerts, une rébellion de son parti qu’il parvient à mater en rassemblant des dizaines de milliers de militants place du Trocadéro. Et, émergeant de ce champs de décombre, un relatif néophyte s’impose comme le favori, au point de convergence idéologique des élites politiques, économiques et médiatiques du pays, malgré des polémique sur sa déclaration de patrimoine, ses liens avec un grand patron et ses très complaisants media, ou certains choix faits comme ministre.
 
Bref, depuis deux mois, on ne débat pas de grand chose, si ce n’est de manière très superficielle, comme sur l’euro, tant l’actualité charrie un flot continu de révélations qui focalisent toute l’attention. Même s’il faut reconnaître que François Fillon a eu tort de dire qu’il démissionnerait s’il était mis en examen pour ne pas le faire et qu’il apparaît comme un homme très intéressé, à la morale très relative, le flux continu de révélations met mal à l’aise. Il ne s’agit pas d’un nouveau venu. Il a été Premier ministre de 2007 à 2012. Pourquoi tant de révélations, aujourd’hui, à quelques semaines de la présidentielle ? Bien sûr, son programme économique est toxique, mais le calendrier est troublant.
 
Même s’il n’y a sans doute pas de complot et qu’il s’agit seulement d’un travail de journalistes d’investigation qui déroulent une pelotte bien plus chargée que tout le monde l’imaginait, un peu comme à la fin du second mandat de François Mitterrand, le séquencement des révélations peut donner l’impression qu’il y a une obscure officine qui a chorégraphié la sortie des révélations pour abattre ce candidat. Et il est tout de même troublant d’aller jusqu’à apprendre les transactions de la famille Fillon, dans un croisement entre Big Brother et une émission de télé-réalité. Bien sûr, cela pose des questions légales et morales, mais descendre à ce point dans l’intimité du candidat est plus que troublant.
 

 

Finalement, dans un tel climat, où le débat de fond est oblitéré par d’innombrables affaires, il est presque étonnant que les Français ne soient pas dans un mode encore plus révolutionnaire et que Marine Le Pen ne soit pas donnée gagnante. Mais il faut dire qu’elle traine aussi ses affaires, ses stigmates et sa bien mauvaise défense de certaines idées. Un scénario idéal pour Macron  ?
 


14 réactions


  • zygzornifle zygzornifle 18 mars 2017 11:07

    les mougeons (moitié moutons moitié pigeons) font faire honneur au sursaut raie pus blicain et voter pour leur futur tortionnaire , il y aurait un second tour Satan Lepen ils veauteraient comme des couillons pour Satan ne se rendant même pas compte que PS et LR auraient vendu leurs âmes au malin ..... 


  • Coriosolite 18 mars 2017 12:16

    Je transmet ça. Ca mérite attention. Et vérification. C’est un peu long, désolé.

    Une affaire d’Etat comme on en a encore jamais connue…

    Acte 1 : 19 décembre 2013, Jean-Louis Nadal, ancien conseiller au cabinet de Robert Badinter, ex-inspecteur général des services judiciaires sous Elisabeth Guigou, qui a requis l’ouverture d’une enquête à l’encontre de Christine Lagarde devant la Cour de Justice de la République, qui en 2012 soutient le candidat François Hollande, est nommé par ce même François Hollande à la tête de la haute Autorité pour la transparence de la Vie Publique.

    Acte 2 : le 1er février 2014 – Création du parquet national financier par Christiane Taubira

    Acte 3 : Eliane Houlette est proposée par Christiane Taubira le 14 janvier 2014 comme procureur du parquet national financier

    Acte 4 : le 31 janvier 2014 Ariane Amson est nommée substitut du procureur du PNF

    Acte 5 : 04 juillet 2014, Jean Michel Hayat, membre du syndicat de la magistrature, conseiller au cabinet de Ségolène Royal de 1997 à 2000, … et également mari d’Adeline Hazan, présidente du syndicat de la magistrature de 1986 à 1989, ex-eurodéputée et ancienne maire PS de Reims, est nommé président du TGI de Paris
    Acte 6 : 09 septembre 2014, Jean Michel Hayat crée la 32e chambre correctionnelle dédiée aux affaires traitées par le PNF.

    Acte 7 : 01 septembre 2015, Peimane Ghaleh-Marzban, un très proche de François Hollande est nommé président de la 32ème chambre correctionnelle du TGI de Paris.

    Acte 8 : 10 septembre 2015, Jean Louis Nadal est chargé de signaler les cas suspects à la 32ème chambre du TGI de Paris.

    Acte 9 : 13 juin 2016, Jean-Pierre Jouyet embauche comme conseillère pour la justice à l’Élysée Ariane Amson qui quitte le PNF. Elle est la compagne de Pierre Heilbronn, qui lui devient directeur adjoint de cabinet de Michel Sapin.


    • alinea alinea 19 mars 2017 15:29

      @Coriosolite
      le PS est une mafia ; cela fait un petit moment qu’on le sait ; et ce que vous racontez pour la Justice, c’’est exactement pareil dans tous les Conseils, généraux ou régionaux !
      Malheureusement, ils ont eu le bon goût de faire passer Hamon, ce qui leur garantit leur aile droite avec Macron, et un bout d’aile gauche, en entravant sérieusement la Gauche !
      un tel pouvoir ne se combat pas gentiment en écoutant les débats à la télé !


  • Coriosolite 18 mars 2017 12:17

    La suite :

    Acte 10 : novembre 2016, un dossier est constitué à l’Elysée sur la base des fiches de salaire et déclarations de revenus des époux Fillon transmis par Pierre Heilbronn et suivi par Boris Vallaud, le mari de Najat Vallaud Belkacem.

    Acte 11 : 15 décembre 2016, Thomas Cazenave, ex Directeur de Cabinet d’Emmanuel Macron est nommé Secrétaire Général Adjoint de l’Elysée. Il remet le dossier à Jouyet.

    Acte 12 : François Hollande transmet le dossier à Gaspard Gantzer, de la même promotion Senghor à l’ENA qu’Emmanuel Macron, en lui recommendant d’en faire « bon usage »

    Acte 13 : 09 janvier 2016, le dossier est transmis simultanément par Gaspard Gantzer à Michel Gaillard, directeur de la Rédaction du Canard Enchaîné et à Eliane Houlette par Ariane Amson.

    Acte 14 : 25 janvier 2017, soit le même jour où « l’enquête du Canard enchainé » est publiée, une enquête préliminaire est ouverte par le parquet national financier pour des chefs de détournement de fonds publics, abus de biens sociaux et recel de ces délits.

    Acte 15 : Le 5 février 2017, les copies des PV d’audition des époux Fillon sont récupérés auprès du PNF par Ariane Amson et transmis par Gantzer aux journalistes du Monde, Davet et Lhomme.

    Acte 16 : 15 février 2017, Jean-Louis Nadal transmet au PNF un signalement concernant un soupçon de déclaration incomplète de François Fillon à la HATVP.

    Acte 16 : 24 février le PNF ouvre une information judiciaire devant le risque de prescription encouru par le vote de la loi du 16 février 2017.

    Acte 17 : 25 février 2017, Jean Michel Hayat, président du TGI désigne Serge Tournaire, le magistrat qui a mis en examen Nicolas Sarkozy, malgré l’avis contraire de van Ruynbeck dans l’affaire Bygmalion, comme premier juge d’instruction.

    Acte 18 : 28 février 2017, le juge Tournaire signifie à Fillon une convocation pour le 15 mars 2017 en vue d’audition, c’est à dire vraisemblablement pour un placement en garde à vue et une mise en examen.


    • Jean Pierre 18 mars 2017 17:26

      @Coriosolite
      Comme dirait Fillon lui-même : « et alors ? ».


      1/ Le droite (le Sénat en fait) a refusé en 2013 une modification de la constitution qui aurait institué une véritable indépendance de la justice.
      2/ Sarkozy a établi plus de proximité entre justice et pouvoir en permettant une remontée des informations judiciaires vers les ministères.
      3/ Les faits concernant Fillon, même s’il sont niés dans un premier temps, se révèlent exacts et donnent une idée assez précise (même si elle tranche violemment avec l’image qu’il voulait donner) de la vénalité et de la duplicité d’un concurrent à la présidentielle.

      Ce qui serait choquant, et qui relèverait de la désinformation ou de la propagande, serait qu’un cabinet noir fabrique de toutes pièces des informations fausses et diffamatoires à l’encontre d’un adversaire, ce qui n’est pas le cas dans cette affaire. 

      Que des adversaires politiques de Fillon manœuvrent pour le déstabiliser est possible. Mais je ferais deux remarques. Fillon n’est atteint que par des révélations véridiques. Si ces révélations ruinent sa campagne, il ne peux que s’en prendre qu’à lui-même et à des années de pratiques financières douteuses : « quand on veux monter au cocotier il faut avoir les fesses propres ». De plus, Fillon n’a rien d’un enfant de cœur. Son entourage de campagne ne voit aucun inconvénient a salir par tout les moyens ses rivaux (y compris ceux de son propres camp). La campagne sur « Ali Juppé » vient de ses rangs. La phrase « imagine t’on le général de Gaulle....) vient de lui même. Une caricature lamentable de Macron a bien été diffusée par son entourage de campagne. 
      En lançant une campagne à base de boules puantes, Fillon a fait un très mauvais calcul. Il a particulièrement mal choisi son terrain, et ses tentatives de se présenter en »victime" ne fonctionnent pas. 
      Et enfin, les affirmations que vous présentez sur la circulation des informations ne reposent sur rien de solide. Il s’agit d’un échafaudage mêlant indistinctement des faits exacts et des suppositions.

    • jmdest62 jmdest62 19 mars 2017 11:15

      @Jean Pierre

      ++++
       « quand on veux monter au cocotier il faut avoir les fesses propres ».
      Excellent !
      @+

  • kako 18 mars 2017 21:05

    @Herblay

    Vous oubliez juste un détail, c’est que le dossier de MLP n’est pas plus reluisant que celui de Fillon. Ensuite le télescopage des révélations et de la campagne, c’est à mon avis normal. Les infractions révélées n’ont pas la même portée quand elles sont faites en temps « de paix » et quand elles bénéficient du porte voix de la campagne présidentielle. Donc quand on veut attirer l’attention sur des pratiques douteuses ou condamnables des candidats, vaut mieux les faire à ce moment là. Vous trouvez çà choquant ? 
    Cette campagne est importante, car elle met en lumière la corruption quasi généralisée du personnel politique français. Fillon est la goutte d’eau qui a fait débordé le vase, car les français l’avaient déjà choisi pour gouverner le pays, avant qu’ils ne découvrent qu’il était en réalité un des pires corrompus du lot. Ils ont la rage et ne lui pardonneront pas cette trahison.


    • jmdest62 jmdest62 19 mars 2017 11:18

      @kako
      «  Ils ont la rage et ne lui pardonneront pas cette trahison. »

      Il y a encore apparemment presque 20% des français qui sont prêts à le suivre ...pour le moins surprenant Non ?
      @+

    • leypanou 19 mars 2017 11:42

      @kako
      c’est que le dossier de MLP n’est pas plus reluisant que celui de Fillon. : n’est pas plus reluisant ?

      Je dirais plutôt que ce qu’on reproche à F Fillon est rien par rapport à ce que pensent A Chauprade par exemple du FN ou encore des autres élus FN mentionnés dans cette vidéo (à partir de 15mn pour A Chauprade) .


    • kalachnikov lermontov 19 mars 2017 12:13

      @ leypanou

      Parmi la multitude d’affaires accrochées au fn (15 la semaine dernière mais je n’ai pas regardé ces 7 derniers jours), il y a des motifs d’investigation comme ’escroquerie en bande organisée’, me semble-t’il.


  • dejaegere 19 mars 2017 08:02

    Heureusement que le Canard existe parce que ce ne sont pas les autres medias qui auraient fait ces revelations .


  • bouffon(s) du roi bouffon(s) du roi 19 mars 2017 11:41

    oui, c’est pas assez XXO


  • Elliot Elliot 19 mars 2017 15:38

    C’est surtout une campagne tellement médiocre qu’elle devrait faire entrer en agonie cette Ve république qui ne parvient plus à susciter ni l’adhésion ni l’intérêt des citoyens.

    Elle est pitoyablement mauvaise surtout chez ceux qui sont les plus audibles et qui récitent leur mantra dans l’indifférence quasi générale.
    Dès lors que les médias tout puissants et unis comme les doigts d’une seule main disqualifient pour péché d’utopisme ceux qui proposent des perspectives, on ne vote plus pour un programme mais contre des personnes.

    Construite pour un géant de Gaulle ( qui pensait assez naïvement qu’après lui la fonction devait créé l’organe à son image ), c’est la faiblesse inimaginable des derniers titulaires de la fonction présidentielle qui rend aujourd’hui caduque ce mode de gouvernement.

    On a beau chez certains se réclamer du général, on est tellement loin de rivaliser en terme de stature et d’intelligence politique avec l’illustre prédécesseur que la revendication en devient indécente.

    Cela fait deux décennies que la fonction est de plus en plus mal assumée et le travail bâclé par des tâcherons sans autre envergure que celle de mercantis qui offrent au public les messages qu’il veut entendre pour se faire élire.

    Ils se laissant ensuite, repus dans leurs ambitions, porter par les événements dans ce qu’il faut bien appeler des politiques du chien crevé au fil de l’eau.
    Après quelques mois, le temps que les yeux se dessillent, les électeurs regrettent déjà leur choix et le système parlementaire avec des chambres croupion sans réel pouvoir ne leur permet plus de se sortir de la nasse dans laquelle ils se sont fourrés.

    Avant l’échéance suivante où le jeu de dupes se poursuit.

    C’est pourquoi, il faut revoir la constitution et passer à la VIe république.


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