mercredi 16 avril 2014 - par Sylvain Rakotoarison

Consensus républicain autour de Dominique Baudis, homme libre et discret

Après l’hommage national aux Invalides, la cérémonie religieuse à la mémoire de l’ancien Défenseur des droits a lieu à Toulouse ce mercredi 16 avril 2014.



Dans la cour d’honneur des Invalides à Paris, le Président de la République François Hollande a rendu ce mardi 15 avril 2014 à 16h30 un hommage solennel de la République pour l’un des siens qui vient de disparaître, Dominique Baudis, premier Défenseur des droits depuis 2011, qui s’est éteint d’un cancer généralisé jeudi dernier.

Devant de très nombreuses personnes, simples citoyens ou personnalités éminentes de l’État, comme le Premier Ministre Manuel Valls, le Président du Sénat Jean-Pierre Bel, le Président de l’Assemblée Nationale Claude Bartolone, la plupart des ministres tels que Christiane Taubira, Aurélie Filippetti, Ségolène Neuville, de nombreux responsables de la majorité et de l’opposition tels que Jean-François Copé, Alain Juppé, François Fillon, Jean-Pierre Raffarin, François Bayrou, François Baroin, Jean-Paul Delevoye, Yves Jégo (le président par intérim de l’UDI), Jack Lang, Anne Hidalgo (la nouvelle maire de Paris), le chef de l’État a prononcé une allocution de quinze minutes pour retracer la vie de Dominique Baudis.

Comme l’expliquait Yves Jégo après la cérémonie d’une demi-heure, il est regrettable que la classe politique laisse ses arrière-pensées politiciennes au vestiaire seulement lors d’une disparition. Ce fut le cas aussi en 2010 lors de la disparition de Philippe Séguin.

Lorsque Dominique Baudis avait été nommé président du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), en janvier 2001, François Hollande lui-même, en tant que premier secrétaire du Parti socialiste, avait contesté le choix de Jacques Chirac qu’il jugeait partial. Et ce mardi après-midi, le voici qui, ne cachant pas ces réticences (sans préciser d’où elles provenaient) reconnaissait clairement que Dominique Baudis, homme libre, avait toujours pris ses décisions en toute impartialité et en toute indépendance d’esprit, dans ses différentes fonctions nationales.

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C’est par ce thème de la liberté que François Hollande a insisté tout au long de sa biographie. Homme des médias, il démarra dans le journalisme en allant à Beyrouth en 1971 comme grand reporter. Il y resta jusqu’en 1976. Il filma les premiers soubresauts de la guerre civile en 1975, au point d’être blessé en octobre 1975, mais son courage lui avait cependant commandé de rester sur place encore quelques mois. Bien plus tard, sa nomination à la tête de l’Institut du monde arabe fut pour lui très précieuse car il avait gardé toute son attention pour le Proche-Orient.

À son retour du Liban, il présenta à 29 ans le journal télévisé de TF1, devenant ainsi l’une des vedettes très célèbres des médias. Malgré cette position enviable, il abandonna sa profession en 1983 pour se présenter à la mairie de Toulouse. Certes, son père Pierre avait été élu depuis 1971 mais il ne voulut pas être "le fils de", il avait une passion qu’il voulait mettre au service de Toulouse dont il dirigea la destinée de 1983 à 2001, élu et réélu trois fois, dès le premier tour.

François Hollande a cité trois réalisations majeures de Dominique Baudis à Toulouse : l’implantation du métro, la transformation des abattoirs en un centre culturel, le centre ville réservé aux piétons et il a fait de Toulouse la ville de l’Espace. Clin d’œil à Manuel Valls ? En tout cas, François Hollande a bien insisté sur la gestion raisonnable de Dominique Baudis, ayant fait de sa ville la moins endettée de France : « un gestionnaire avisé, scrupuleux, soucieux, et c’est un bon principe, de ne pas dépenser trop ».

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Le Président de la République a également abordé l’engagement politique de Dominique Baudis, se trompant légèrement sur ses toutes premières responsabilités au sein des Jeunes démocrates (et pas Jeunes démocrates sociaux) en 1971, ce qui lui a fait rencontrer François Bayrou démarrant une amitié de quarante ans : « C’est pour l’Europe qu’il s’était engagé très tôt dans la vie publique, discrètement, c’était sa méthode. ».

Mais il avait toujours refusé d’être ministre : « Dominique Baudis aurait pu faire une grande carrière politique nationale, européenne. Il en avait toutes les qualités. Il fut plusieurs fois sollicité pour entrer au gouvernement. Ici, les Premiers Ministres s’en souviennent. Mais son tempérament d’homme libre lui fit préférer Toulouse. ».

Ce n’était pourtant pas Toulouse, dont il a su aussi s’éloigner en 2001, mais surtout son besoin d’indépendance qui l’aurait sans doute mis mal à l’aise avec la solidarité gouvernementale.

Et cette indépendance, il l’a appliquée au CSA où il a poussé les chaînes de télévision à s’engager dans la télévision numérique, et en faisant cette petite révolution technologique, il a été le défenseur de la pluralité et de la gratuité, en d’autres termes, de la liberté et de la diversité d’expression.

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François Hollande, enfin, n’a pas manqué de malice envers son ancien Ministre de l’Intérieur qu’il a nommé à Matignon en rappelant que Dominique Baudis, comme Défenseur des droits, a su inaugurer cette nouvelle fonction avec force en faisant de cette institution un véritable avocat des plus faibles face aux administrations et au gouvernement. C’est grâce à lui qu’en 2012, il est interdit de placer des enfants dans les centres de rétention. Dominique Baudis a aussi bataillé contre le traitement que subissent les "Roms" (entre autres, ceci) et contre les contrôles d’identité au faciès.

Dominique Baudis a mis beaucoup d’énergie à défendre la dignité humaine, par conviction et humanisme, mais sans doute aussi parce qu’il a été victime, lui aussi, d’un traitement scandaleux et injuste, « accusé par des rumeurs ignobles » qui ont été démenties par la Justice. À cette occasion, il a été particulièrement maltraité par certains médias, en particulier un ancien journaliste du quotidien "Le Monde", et par une campagne très dure de "La Dépêche du Midi" dont le propriétaire n’est autre que Jean-Marie Baylet, président du PRG dont la ministre Sylvia Pinel est une ancienne collaboratrice très proche.

C’est en ce sens qu’en s’exprimant du côté de Dominique Baudis, François Hollande a presque montré de la schizophrénie, critiquant sa propre attitude en 2001, celle de son actuel Premier Ministre en 2012, ou encore celle de son désormais unique allié gouvernemental en 2003.

François Hollande se souvient très bien du journal de 20 heures sur TF1 du 18 mai 2003, le jour où Dominique Baudis faisait état des rumeurs contre lui et voulait les combattre, car il était, lui aussi, sur le plateau de télévision, invité au même journal. Il a vu l’ancien maire de Toulouse lutter et suer pour couper court cette infâme campagne de presse.

Dans mon précédent article, j’avais proposé une analogie entre Dominique Baudis et Philippe Séguin. Elle l’était jusque dans leur ambition d’atteindre le perchoir en avril 1993 : les deux hommes s’étaient présentés l’un contre l’autre pour la Présidence de l’Assemblée Nationale, l’un au nom de l’UDF, l’autre du RPR, et Dominique Baudis ayant recueilli moins de voix avait alors sportivement soutenu Philippe Séguin.

On pourrait aussi faire une analogie avec Maurice Faure, qui a disparu récemment, le 6 mars 2014, lui aussi avait eu un grand potentiel, « toutes les qualités » pour faire « une grande carrière nationale, européenne ».

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Le 15 avril 2014 sur LCP, le journaliste Denis Jeambar expliquait que Dominique Baudis a toujours fait des choix tranchés dans sa vie, passage du journalisme à la politique, de la politique à des postes où il défendait avant tout la dignité humaine. En somme, il avait choisi sa vie complètement.

Le 10 avril 2014 sur iTélé, le journaliste Joseph Macé-Scaron, qui connaissait bien Dominique Baudis pour avoir eu le même engagement politique dans sa jeunesse, le décrivait comme l’aurait fait un de ses philosophes fétiches, Étienne Borne, à savoir qu’il était un modéré fermement.

Des choix tranchés, une modération ferme, il était cela, Dominique Baudis, centriste et passionnément engagé pour l’Europe dont ce fut le seul combat national en 1994 (Jean-Pierre Raffarin en était son directeur de campagne) et son dernier combat électoral, en 2009, avec des scores enviables.

Que les principales personnalités de l’actuelle majorité lui rendent hommage aujourd’hui pourrait sans doute être sa dernière fierté après l’isolement qu’il a subi durant sa dure épreuve d’il y a une dizaine d’années, et après une lutte acharnée contre la maladie qu’il a menée de façon très discrète depuis des mois.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (16 avril 2014)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Dominique Baudis, homme localement d'État (10 avril 2014).

Dominique Baudis, bientôt premier Défenseur des Droits (4 juin 2011).
Dominique Baudis, ex-jeune loup de la politique française (15 juin 2011).
La rumeur dans le milieu politique.
Les Rénovateurs (1).
Les Rénovateurs (2).
La famille centriste.
François Bayrou.
Jean-Louis Borloo.

Philippe Séguin.
Bernard Stasi.

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5 réactions


  • claude-michel claude-michel 16 avril 2014 09:12

    Un grand hommage pour un homme dont la carrière ne laissera pas un souvenir brillant dans la nuit.. ?

    Un parfait exemple du « Carriériste-Politique »...sans résultats concluants...c’est pour cela qu’il à droit aux honneurs...c’est ainsi avec cette caste politique incompétente.. !

  • Guit'z Guit’z 16 avril 2014 11:29

    Baudis ? Mouarf mouarf mouarf !

    Sur Google, tapez : « Affaire magistrat Pierre Roche », et regardez surtout la vidéo témoignage des enfants dudit magistrat... :->


  • sirocco sirocco 16 avril 2014 18:25

    Il y a 5 jours, l’auteur avait déjà pondu un article dégoulinant de qualificatifs élogieux à la gloire de l’ancien maire de Toulouse, article pour lequel il avait été passablement moinssé. De toute évidence, il n’a pas compris le message puisqu’il remet une couche de cirage aujourd’hui. Par sûr que cela contribue à faire changer l’avis des internautes. D’ailleurs une bonne piqûre de rappel s’impose à propos des soupçons qui pèsent toujours sur le sinistre individu que fut Dominique Baudis.

    Chacun se rappelle qu’il a été directement mis en cause par deux prostituées, Christelle Bourre et Florence Khelifi, en février 2003, dans des séances sado-maso accompagnées de viols et actes de barbarie dont certaines ont pu se terminer par l’élimination des victimes (il y a eu pas mal de disparitions et d’assassinats - parfois transformés en suicides par la justice ! - dans le milieu de la prostitution toulousaine au cours des années 80 et 90). On est là en plein dans l’affaire Patrice Alègre et il est tout-à-fait plausible que ce tueur en série ait été (avec Lakhdar Messaoudine) l’exécuteur des basses besognes pour le compte des notables qui participaient à ces parties fines, lesquelles se tenaient notamment, selon les accusatrices, au château d’Arbas, géré par la mairie de Toulouse et auraient été filmées par le travesti Claude Martinez assassiné par la suite.

    Si Baudis avait été le seul notable mis en cause, il ne s’en serait peut-être pas si bien sorti. Mais il y avait deux autres accusés que la justice voulait absolument blanchir : le substitut Marc Bourragué et le procureur général Jean Volff. Ce dernier a bénéficié en tant que magistrat de l’aide de l’institution judiciaire et en tant que juif de l’aide du « lobby qui n’existe pas ». Autant dire qu’avec de telles protections, il était absolument intouchable. En pleine « instruction », alors qu’il était mis en cause dans des faits très graves, Volff a d’ailleurs été nommé à la Cour de cassation par décret spécial de Chirac - une procédure exceptionnelle - d’où il échappait à toute investigation ! Baudis a profité de l’ambulance qui mettait à l’abri les deux magistrats.

    La suite, on la connaît. TF1 a déroulé le tapis rouge à Baudis pour qu’il puisse dénoncer en public la « rumeur » qui l’accablait et jurer (comme plus tard Cahuzac) qu’il était irréprochable. Plusieurs livres et articles de presse ont été écrits à dessein pour le blanchir. Aucun n’a jamais apporté le moindre commencement de démonstration en ce sens. Le seul argument qu’il puisse produire, c’est sa mise hors de cause par la justice, autrement dit une décision judiciaire dans un dossier où deux magistrats étaient conjointement mis en cause... Chacun garde son appréciation de l’impartialité de la justice française dans cette histoire. Les prostituées accusatrices ont été déclarées mythomanes par des expertises psychiatriques de complaisance. Elles se sont aussi rétractées : cela valait mieux pour elles si elles ne voulaient pas se retrouver « suicidées » comme le travesti Jamel (autre témoin des parties fines) retrouvé mort dans une clinique (chacun sait qu’on va dans une clinique pour se suicider !) et elles ont intérêt à ne plus ouvrir la bouche car l’épée de Damoclès est toujours au-dessus de leur tête. Un livre écrit par Florence Khelifi en 2004 a été rapidement interdit et retiré de la vente par décision judiciaire. De cette façon, il ne reste plus que l’histoire officielle, c’est bien pratique.

    Je ne mentionne pas les innombrables manipulations, refus d’enquête, mises en scène, dessaisissements, disparitions de pièces et de scellés, magouilles en tout genre, qui ont émaillé ce volet de l’affaire Alègre, ce serait trop long. Voilà en tout cas l’image que Dominique Baudis a laissée dans la mémoire des citoyens qui ont un minimum d’esprit critique.


  • mdan 16 avril 2014 18:42

    Toulouse = Affaire Alègre/Baudis, AZF, Mérah = des dossiers très nébuleux, une justice très spéciale.

     

    Ce qui est sûr (faites des recherches, tout ça est bien documenté)

    - Le livre « Face à la calomnie » de Dominique Baudis a été condamné à (au moins) deux reprises pour diffamation
    - Dominique Baudis fréquentait régulièrement une prostituée (écoutes judiciaires révélées par VSD)

    - Il y a eu 191 meurtres et disparitions irrésolues ou assassinats maquillés en suicide à Toulouse entre 1986 et 1997
    - Les deux médecins légistes Danièle Alengrin et Pierre-Marie Bras ont enterré une série de crimes du tueur Patrice Alègre entre 1987 et 1992 sous la fausse appellation de suicides.
    - les médecins légistes et les gendarmes coupables d’avoir maquillé ces meurtres en morts naturelles n’ont pas été condamnés, bien au contraire
    - Danièle Alengrin et Pierre-Marie Bras figurent toujours sur la liste des experts de la cour d’appel de Toulouse.
    - de nombreux dossiers et éléments fournis par les familles de victimes ont disparu
    - le gendarme Roussel (adjudant) de la cellule Homicide 31 qui a réussi à faire avancer le dossier en est dessaisi subitement par sa hiérarchie sans raison valable

    - Michel Bréard, ancien procureur de la République à Toulouse, aujourd’hui en poste à Bordeaux, a rédigé un rapport (sous la référence 8PG05 à la chancellerie) remis en janvier 2005 dont la publication a été bloquée
    - le rapport Bréard met en cause les agissements et les relations d’un magistrat, Marc Bourragué (ancien substitut devenu procureur adjoint à Montauban)
    - le rapport Bréard prouve que Marc Bourragué fréquentait Patrice Alègre

    - un dossier pénal le mettant en cause a été instruit par ... Marc Bourragué lui-même

    - La prostituée Line Galbardi est assassinée après avoir témoigné d’un meurtre à l’inspecteur Lionel Ziegler
    - 22 juin 2003 Canal+ annule la diffusion du Vrai Journal consacré à l’affaire Alègre.

    - Le 25 mars 2005, le juge d’instruction Thierry Perriquet déclare le non-lieu pour toutes les inculpations de Dominique Baudis, Marc Bourragué
    - le substitut du procureur, François Heinisch, à l’origine des poursuites sur le volet mœurs de l’affaire Alègre, a mis en cause le travail de la justice qui n’a pas été « suffisamment poussé », selon lui, en ce qui concerne les notables.

    - l’association de victimes « Stop à l’oubli » a de très forts doutes sur D. Baudis

    lire http://esaie.free.fr/niveau1/alegre.htm


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