vendredi 8 juillet 2016 - par Orélien Péréol

Contre la bienveillance

Contre la bienveillance d’Yves Michaud, Editions Stock 280p 18€

Le titre ne signifie en aucune façon pour la malveillance. Cela signifie  : bien voir ce qui est vraiment, ce qui se passe vraiment, en toute occasion, à propos de tout ; ne pas cesser de voir suite au fait que ce que l’on a à voir pourrait être interprété comme désobligeant voire agressif pour une personne ou un groupe. Yves Michaud est du côté du contrat social, c’est-à-dire du côté des renoncements personnels nécessaires pour vivre ensemble, dans un moment où certains citoyens pensent qu’ils ont tellement raison que la vie des autres leur appartient et qu’ils peuvent en disposer à leur guise.

Yves Michaud commence par donner sa méthode de pensée, ce qui est rare  : l’empirisme, qui se décline en trois points  : 1/ rien de ce qui est imaginable est impossible 2/ remonter les causes est insuffisant, l’important est de décrire 3/ il y a une différence absolue entre penser et sentir. Cet empirisme philosophique s’applique à trois faits, qui ont chacun un chapitre  : le fondamentalisme religieux  ; le populisme  ; la Realpolitik. Un quatrième chapitre montre comment la « tyrannie des bons sentiments  » nous empêche d’attraper les problèmes qui se posent à nous et de les comprendre.

Le fait du fondamentalisme religieux  : Avec les attentats que nous avons subis, nous avons vu que notre démocratie, notre liberté de parole… n’était pas désirable pour certains de nos concitoyens. Nous nous trouvons dans une situation sensiblement proche de celle des guerres de religion du XVIème et XVIIème siècle  : qui a la souveraineté de la vie politico-sociale ? Et qu'est-ce qui peut fonder cette souveraineté ? Certains de nos concitoyens placent la souveraineté en Dieu (Allah en fait) et tentent de casser la souveraineté populaire par les armes, alors que cette souveraineté populaire n’est plus guère pratiquée, c’est-à-dire défendue (dans les élections). C’est dans le contexte des guerres de religion que sont nées les théories du Contrat Social (il n’y a pas que Rousseau). Yves Michaud fait un résumé de ces philosophes du Contrat Social (p40)  : Jean Bodin, Johannes Althusius, Hobbes, Locke, Spinoza, Jean-Jacques Rousseau. Il est nécessaire de rediscuter du contrat social et de ses engagements, de partager le même contrat et de se séparer de celles et ceux qui en veulent un autre (test d’adhésion au contrat social (p52), cérémonie d’entrée dans la citoyenneté, déchéance de nationalité (p58)). Les communautés qui ne mettent pas en cause ce contrat social ont droit à l’existence et voix au chapitre.

Les réponses qui font de l’identité un patrimoine, immobile, hors du temps, à préserver, sont des réponses erronées. Yves Michaud va jusqu’à donner des propositions qui relèvent d’un programme politique, notamment sur la fiscalité  !

Le fait du populisme se caractérise par une forte abstention de citoyens qui « n'y croient plus » et par la montée de partis qui veulent en finir avec le système (en France le Front national et le Front de Gauche). Un certain nombre de fractures sociales pourraient contribuer à diminuer ce phénomène  : fracture jeunes-vieux (avec une dimension électorale)  ; fracture entre populations « de souche  » et populations d'origine immigrée  ; fracture entre les riches et les pauvres  ; fracture éducative entre ceux qui sont formés et ceux qui ne le sont pas, avec la différence d'accès à l'emploi que cela crée  ; fracture entre ceux qui sont soumis à l'insécurité(de par leur quartier d'habitation, les transports...) et ceux qui ne le sont pas  ; et fracture plus spécifiquement française, ceux qui sont protégés (en gros les fonctionnaires) et ceux qui sont soumis à la précarité. Les partis « installés » réagissent au populisme par la négation, la diabolisation et l'autoglorification, son corolaire. A droite, on a essayé le caméléonisme... la tactique électorale est pratiquée des deux bords, les écologistes avec 5 à 8% des voix ont des ministres, tandis que l'extrême droite avec 18% n'a que deux députés. Il ne s'agit pas de souhaiter plus de députés FN, mais de voir qu'une telle distorsion éloigne nombre de citoyens de l'élection (une des dimensions du populisme).

Là aussi Yves Michaud propose quelquefois des solutions qui le placent dans l'arène dont il déconstruit les règles  !

Dans Le fait de la Realpolitik, Yves Michaud commence par brosser un portrait intéressant de l'état de nombreux pays et des relations internationales (de la page 91 à la page 102)  : progression du l'islamisme radical dans les pays arabes, avec soubresauts et retours en arrière, alors qu'on a cru voir une avancée de ces pays vers la démocratie... La mondialisation par le commerce ne fonctionne pas (crises à répétition)  ; un droit international a commencé à se mettre en place avec la CPI, Cour Pénale internationale, qui reste opaque dans son fonctionnement et à laquelle nombre de grands pays n'ont pas souscrit (USA, Russie, Chine, Inde... etc.)  ; l'Europe empile les institutions internes sans parvenir à résoudre ses problèmes... L'heure est à la Realpolitik, contraire de l'idéalisme. L'idéalisme politique passe par Grotius, par Kant  : l'idéalisme kantien est le plus radical, qui imagine une paix perpétuelle dans un monde réalisant les fins morales de l'humanité. Notre politique idéaliste, qui vise à une judarisation des conflits internationaux fondée largement sur les Droits de l'Homme a des effets à court-terme de baume mais son bilan est désastreux sur le long terme (p120). Les différences culturelles restent, les Etats musulmans ont voté à l'ONU des Droits de l'Homme islamique qu'il faut lire, pour se rendre compte. La Réalpolitik qu'Yves Michaud appelle de ses vœux délaisserait l'ingérence, laisserait les conflits « locaux » aux acteurs locaux (chiites-sunnites, Iran-Arabie Saoudite, l'ingérence ayant fait la preuve de son incapacité à résoudre quoi que ce soit et même à calmer quoi que ce soit) et s'occuperait en revanche fermement de contenir le développement de l'Islam radical sur le sol européen... La Réalpolitik s'occuperait des conséquences de ses actions à long terme...

Contre la vision morale du monde, contre la bienveillance politique, l'auteur reprend beaucoup l'idée de Hegel : « L'esprit certain de lui-même  : la moralité. » La vision compassionnelle du monde est morale et sentimentale. Elle renvoie la faute de la souffrance du monde au système, au gouvernement, jamais aux acteurs. Même les terroristes peuvent y être décrits comme vicitimes. La vulnérabilité devient l'universel qui nous rassemble, et le mot « care » (soin au sens classique) devient un maître-mot. Les faits s'effacent devant la plainte. Disparaît l'individu autonome, rationnel, votant... Nous sommes tous dans la dépendance d'un Etat, du libérralisme mondial, qui se comporte mal envers nous. Se constituent des communautés de belles âmes qui ont l'impression de lutter parce qu'elles partagent cettte vision.

Cette politisation du soin amène une diffraction des plaintes, exprimantsur un mode valorisé, la volonté d'expressions communautaires. Les élus visent des niches électorales et nous perdons tous la vision de nos affaires communes, notre Res publica.

Yves Michaud en appelle à la théorie de la justice de John Rawls, qui s'adresse à des individus responsables.

C'est un livre inégal. Yves Michaud a tendance à donner tort à tout le monde et à user de la moquerie et de la dérision à la façon d'un journaliste. Sa propre implication, surimplication on pourrait dire, le fait parler très près parfois des populistes qu'il critique. Sa vision philosophique, sa vision géopolitique sont remarquables, il apporte un grand nombre d'informations coordonnées  : bien voir ce qui se passe, d'abord bien voir ce qui se passe.



3 réactions


  • Taverne Taverne 8 juillet 2016 12:44

    La bienveillance est de droit à l’égard de toute personne digne de confiance. En revanche, les individus qui ont des comportements ou des opinions qui suscitent notre légitime méfiance ne peuvent revendiquer à leur avantage le respect de ce principe.


  • christophe nicolas christophe nicolas 8 juillet 2016 19:40

    L’empirisme ou le respect des observations est essentiel pour éclairer le plan religieux, par exemple le visage du Christ. La même observation sur le feu Elie Wiesel laisse à désirer, il semblerait que ce fut un escroc ou plutôt un auteur mythomane ruiné par son pote Madoff pour avoir cherché des rendements d’usurier ce qui est étonnant pour un Nobel de la paix, non ? 


    La violence religieuse est une erreur mais le fondamentalisme antireligieux est bien pire puisqu’il est enfumeur et que la violence est toujours une conséquence de l’injustice qui ne peut se mesurer qu’au vrai comme vous l’avez bien souligné, le vrai se fondant sur l’observation ou plutôt respectant l’observation honnête et objective.  

    Le fondamentalisme antireligieux se nomme d’ailleurs l’antéchrist, ses chefs de file sont les adeptes du courant mythiste. L’Antéchrist est un personnage symbolique mais il est dit qu’il viendrait en personne en 1954, je vais vous proposer une liste.
     
    • - Robert Price, Mythiste, 2 doctorats de théologie sans croire en Dieu, une oeuvre imposante, un n°1
    • Philip David Zelikow, le directeur de la commission du 11 septembre, le chouchou de « Condi », ce gars a fait du mal
    • - Hollande pour améliorer ses sondages
    • - Le Cern pour ses lubies anti-fusion froide
    • - Recep Erdogan, il faut bien un Musulman
    • - « On a marché sur la lune » avec tintin qui vous a fait croire qu’une fusée pourrait atterrir alors que cet exploit est tout réçent
    • théorie de Chen Ning Yang et Robert Mills née en 1954 pour des raisons un peu trop   longues à expliquer
    • Castle Bravo
    • - la première centrale nucléaire civile a été mise en service en 1954
    • Accords de Paris préfigurant la supra souveraineté de l’UE à logique économique
    • - création du KGB, 
    • - CIA organise un coup d’État au Guatemala pour l’United Fruit Company
    • TVA qui empêche les énergies autonomes et gratuites car elles sont un manque à gagner
    • - rencontre, sur la base Air Force d’Edwards en février 1954, entre Eisenhower et des Aliens ??????
    • Angela Merkel, née en 1954
    • plus grande ovnis 1954 ????
     
    Vous voyez, 1954 n’est une bonne année.

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