E. Macron ou la naissance de la « Social-Finance »
Si le concept existe bien en langue anglaise pour désigner une politique de financement à vocation sociale, le néologisme de "Social-Finance" que nous forgeons ici désigne tout autre chose, de bien spécifiquement Français, dont E. Macron pourrait bien être l'initiateur comme le nouvel acteur. Après tout, on parlait bien jusqu'alors de "social-traître", n'est-ce pas ?
Voilà en effet un « banquier-socialiste », un de ces oxymores dont la vie économique et politique de notre pays a le secret, qui incarne le type parfait de l'acteur en apparence à contre-emploi qui risque fort de brouiller un jeu de cartes déjà rendu passablement compliqué.
I- Un double symbole :
La petite épicerie politique est depuis quelques semaines bouleversée dans ses calculs de « gagne-petit » par l'irruption de deux nouveaux paramètres dont elle ne sait que faire et qui la paralysent :
- L'entrée par effraction dans le paysage délabré de la « socialie » d'un très probable nouveau candidat dans la course présidentielle plutôt que dans la « candidature à la candidature » avec le marécage des « Primaires », pseudo-investiture destinée dans l'esprit de leurs auteurs à se partager les places en vue de concourir entre soi à la magistrature suprême.
- La diagonale du Fou avec l'arrivée météoritique de celui que l'on n'attendait pas et qui, usant de son CV (ENA, Inspection des Finances, banquier d'affaires chez Rothschild & Cie, secrétaire général adjoint de la présidence de la République), comme de sa situation actuelle et assez exceptionnelle de très jeune « ministre de l'Economie, de l'Industrie et du Numérique » depuis le 27 août 2014, a parfaitement compris l'intérêt de la « jouer perso » en grillant ses deux patrons :
- le premier, M.F. Hollande, ci-devant président de la République déligitimé à un point tel qu'il n'occupe encore sa fonction que parce que le temps d'y mettre fin n'est pas encore constitutionnellement écoulé ;
- le deuxième, M.E. Valls, Premier ministre prisonnier de son statut comme de sa fonction de chef du gouvernement qui lui interdisent de bouger le moindre petit doigt dans l'hypothèse d'une éventuelle candidature à cette même élection présidentielle.
Plus rien ne sera donc désormais comme avant et il n'est pas sûr que face à une redistribution des cartes ainsi qu'à un changement des règles aussi brusque les baronnies politiques soient en mesure de s'adapter ou de réagir pour simplement assurer leur survie.
II- Une situation et un état des lieux complexes :
A bien y regarder, on pourrait penser que M. E. Macron bénéficie d'un alignement des planètes plutôt favorable. Il faut dire à sa décharge ou à son avantage - selon le point de vue que l'on privilégiera -, qu'au regard du marécage dans lequel patauge l'action gouvernementale de la majorité politique à laquelle il est supposé appartenir et face à une opposition qui découvre dans le jeune ministre de l'Economie un personnage qui a tout l'air d'un transfuge qui se serait trompé de camp, plus personne ne sait comment agir ou réagir.
A droite, ou ce qu'il en reste, la cohorte des « candidats » n'en finit pas de s'allonger avec en dernier lieu celle de Rama Yade dont plus personne ne se souvient, le favori du jour étant paraît-il A. Juppé, talonné par B. Lemaire, les autres « challengers » se racontant des histoires entre contes de fée et rêves éveillés, la plupart ayant comme dénominateur commun de traîner par devers eux de nombreuses « casseroles » sans que cela les gêne outre-mesure.
A gauche, entre fidélité aux vieilles idéologies rassies, haines partisanes recuites et tentatives de rafistoler un navire qui fait eau de toute part (« La belle alliance » de Cambadélis), la garde rapprochée du parti dit socialiste des conseillers du Chef de l'Etat et du Premier ministre fait peu à peu défection (Barberis, Boone, Dessillons, conseillers aux affaires financières, économiques, industrielles) et s'apprête à l'issue d'un pantouflage stratégiquement prémédité à rejoindre les positions de repli autrement plus rassurantes et rémunératrices que leur offre la finance privée chez Amundi, Axa et BNP Paribas....
L'engagement au service de l'Etat a donc fait long feu et, forts de ce marche-pied qu'aura constitué pour eux le Service Public, les rats quittent un navire présidentiel et gouvernemental à la dérive en prise avec des questions nationales ineptes (les ZAD/Cour des Miracles des NuitDebout), dangereuses (les menaces attendues de nouveaux attentats terroristes islamistes), non gérées (l'invasion migratoire de « réfugiés-clandestins-demandeurs d'asile ») , éludées (les prémisses de guerre ethnique, religieuse et civile nourries d'un « vivre ensemble » fracassé par le déni de réalité), ingérables (la situation économique et financière du chômage et de la dette tant nationale qu'européenne) dans la situation et avec la formation politique actuelles.
III- Une ouverture nourrie d'interrogations :
Ayant déjà énoncé les termes de sa doctrine, mesuré les retards et pesanteurs idéologiques de sa famille politique (« On ne peut plus présenter la gauche comme l’extension infinie des droits. […] L’idéologie de gauche classique ne permet pas de penser le réel tel qu’il est. Il nous manque des outils – il faut le reconnaître. La gauche n’a pas assez repensé ses objets. [...] Ce qu’on appelle de manière un peu vieillotte le « socialisme de l’offre », c’est faire attention à la répartition de la charge entre les différents acteurs de l’économie. […] Ce « socialisme de l’offre » suppose donc de revisiter un des réflexes de la gauche, selon lequel l’entreprise est le lieu de la lutte des classes et d’un désalignement profond d’intérêts. […] La gauche moderne est celle qui donne la possibilité aux individus de faire face, même aux coups durs. Elle ne peut plus raisonner en termes de statuts. La société statutaire où tout sera prévu va inexorablement disparaître. » Lénaïg Bredoux, « Emmanuel Macron : la gauche classique est une “étoile morte” » [archive], Mediapart, 27 août 2014.), il n'est donc pas surprenant qu'après avoir considéré la gauche (qu'elle soit « classique » ou non) comme une « étoile morte », E. Macron s'en soit en réalité détaché jusqu'à franchir le Rubicon et fonder le 06 avril 2016 son propre mouvement politique baptisé « En Marche ! ».
Voulu comme « transpartisan » ("Il ne sera pas à droite, pas à gauche"), le nouveau mouvement vient donc piétiner les plate-bandes des « vieux partis » institutionnels qu'il rend obsolètes.
En déclarant "Je suis d'un gouvernement de gauche. J'assume totalement mais je veux travailler avec des gens qui se sentent à droite", E. Macron n'a plus qu'à pousser le piston de la seringue qu'il a plantée dans un corps politique moribond en usant de la nouvelle identité et du nouvel instrument qu'il s'est forgé : la « Social-Finance », cette variété sociale-libérale pour qui la Finance est tout... sauf un ennemi.
La Créature Macron ayant échappé à ses deux maîtres officiels (MM. Hollande et Valls, ses deux maîtres officieux étant MM. Jouyet et Attali), réussira-t-elle pour autant à croître et prospérer face à une Droite qui voit surgir dans son paysage et son imaginaire politiques un candidat qui affiche clairement son intention de l'éliminer en privilégiant économie et finance au détriment du bon vieux clivage idéologique droite-gauche franchouillard dont lui comme l'Europe dont il se réclame n'ont que faire ?
La question attend sa réponse : quel avenir pour la « Social Finance » ?