jeudi 22 juin 2017 - par Sylvain Rakotoarison

Édouard Macron II : bientôt la fin de l’indétermination quantique

« On n’a jamais vu un orchestre, surtout un orchestre symphonique, composé avec les mêmes instruments. » (Édouard Philippe, le 20 juin 2017 sur BFM-TV/RMC).



La Fête de la musique pour fêter l’arrivée de l’été …et l’arrivée du second gouvernement d’Édouard Philippe. Le premier gouvernement a démissionné normalement le 19 juin 2017 à l’issue des élections législatives des 11 et 18 juin 2017.


L’avant-nomination

Quatre poids lourds politiques du gouvernement sortant ont annoncé successivement leur refus de rester au gouvernement : Richard Ferrand (le 19 juin 2017), Sylvie Goulard (le 20 juin 2017) et François Bayrou et Marielle de Sarnez (le 21 juin 2017). Ce ne sont pas des démissions puisque le gouvernement en entier était déjà démissionnaire.

Quel que soit l’emballage de ces abandons, la raison est celle invoquée par Sylvie Goulard : leur implication, d’une manière ou d’une autre, dans une affaire judiciaire, les incitait à renoncer à leurs responsabilités ministérielles.

Mépris du Parlement ? Ce qui ne convenait pas au gouvernement serait-il acceptable pour des postes à grandes responsabilités à l’Assemblée Nationale ? Richard Ferrand serait amené à présider l’imposant groupe de la majorité La République En Marche tandis que Marielle de Sarnez à présider le groupe MoDem (le premier de l’histoire du MoDem).

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François Bayrou, qui avait habilement retardé sa démission de la mairie de Pau (prévue à la fin du mois) va donc rester maire et gardera donc son entière liberté d’expression comme il l’a répété dans sa conférence de presse du 21 juin 2017. François Bayrou a tenu aussi à préciser que son retrait n’a pas été engendré par celui de Sylvie Goulard et qu’il en avait déjà parlé à Emmanuel Macron le 9 juin 2017, lorsqu’une enquête préliminaire a été ouverte sur l’affaire des attachés parlementaires du MoDem.

Invité du journal télévisé de 20 heures le 21 juin 2017 sur TF1, le Premier Ministre Édouard Philippe a insisté pour dire qu’il n’y aurait pas de jurisprudence Bayrou : seule, la mise en examen provoquerait la démission d’un ministre du gouvernement. Une jurisprudence déjà adoptée à l’époque de Pierre Bérégovoy (avec Bernard Tapie le 23 mai 1992), Édouard Balladur (avec Alain Carignon le 19 juillet 1994, Gérard Longuet le 14 octobre 1994, Michel Roussin le 12 novembre 1994) et Lionel Jospin (avec Dominique Strauss-Kahn le 2 novembre 1999).

Par ailleurs, rien n’empêchera ces quatre anciens ministres de revenir au gouvernement si la justice les innocente dans les procédures actuellement engagées.


Les supputations

Elles ont été nombreuses, comme à chaque changement de gouvernement ou à chaque remaniement. Contrairement à prévu, il ne s’est pas agi d’un simple remaniement technique mais d’un changement politique important.

À la justice furent annoncés René Dosière ou Bertrand Delanoë. À la Défense, Jean-Pierre Raffarin ou encore Nathalie Kosciusko-Morizet (malgré son échec aux élections législatives). On a parlé aussi de Thierry Solère, Pierre-Yves Bournazel, Franck Riester, Jean-Louis Bourlanges, etc.


La composition du nouveau gouvernement

Comme le 17 mai 2017, les journalistes ont été surpris à l’annonce des nouveaux ministres, n’en connaissant même pas le nom de certains.


Plusieurs remarques sur les nouveautés de cette composition (lisible ici).

1. Le gouvernement est de moins en moins "resserré" avec 28 membres (on est loin des 15 annoncés à l’élection présidentielle !). Comme d’habitude…

2. Aucun poids lourd politique n’a remplacé ceux qui sont partis. Ils auront donc leur existence politique directement liée au nouveau pouvoir et pas leur existence propre (comme c’était le cas avec François Bayrou et Richard Ferrand).

3. Il y a un rééquilibrage politique avec plus de ministres issus du PS (notamment Florence Parly, ancienne sous-ministre de Lionel Jospin et Nicole Belloubet), d’autres responsables issus de LREM (Stéphane Travert, Benjamin Griveaux, Julien Denormandie et Brune Poirson), et l’arrivée d’autres ministres MoDem (Jacqueline Gourault et Geneviève Darrieussecq).

4. À droite, c’est les proches de Bruno Le Maire qui l’ont emporté avec l’arrivée de Sébastien Lecornu, un jeune talent précoce (plus jeune président de conseil départemental) et celle de Jean-Baptiste Lemoyne. La probable désignation de Thierry Solère comme président du groupe LR "constructifs" et UDI qui devrait compter une quarantaine de députés (autant que le MoDem) donnera au Premier Ministre Édouard Philippe son propre groupe parlementaire.

5. L’arrivée de nombreux ministres issus des "territoires" compense la réputation de gouvernement trop urbain collée au précédent : Stéphane Travers, Geneviève Darrieussecq, Jacqueline Gourault, etc. connaissent mieux les zones rurales, et bien sûr Jacques Mézard, qui passe de l’Agriculture à la Cohésion des Territoires.

6. Bravo à la diplomate Nathalie Loiseau, directrice de l’ENA depuis le 3 octobre 2012, choisie pour s’occuper des Affaires européennes. Ce n’est peut-être pas très connu, mais l’ENA a depuis une dizaine d’années une action très forte en faveur de la construction européenne, en tissant des relations avec les autres pays européens. Son siège à Strasbourg n’y est pas d’ailleurs un hasard et a favorisé ce genre d’action (décidé par Édith Cresson).

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7. Enfin, tout le processus montre que c'était Emmanuel Macron qui était en première ligne pour choisir le nouveau gouvernement. Il est clair que le Premier Ministre va devoir prendre du pouvoir d'initiative pour montrer qu'il n'est pas qu'un simple collaborateur présidentiel...


La suite : la "réduction du paquet d’ondes" !

Alain Juppé aurait passablement apprécié que le rouleau compresseur LREM ait massacré ses propres candidats en Gironde ou même au niveau national, comme son ancien directeur de campagne Gilles Boyer. Il reprocherait à son ancien poulain Édouard Philippe d’avoir sauté le pas avant les élections législatives, ce à quoi a répondu l’intéressé sur TF1 ce 21 juin 2017 en expliquant qu’il était plus sain de faire cet audacieux saut avant les élections législatives pour rester transparent et clair avec la nouvelle majorité élue sur cette base-là.

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La nouvelle Assemblée va être particulièrement divisée : au-delà d’un groupe pléthorique de LREM et du groupe MoDem, on devrait compter le groupe LR "canal historique" (dans l’opposition), un groupe LR-UDI "constructifs" favorable au nouveau gouvernement, un groupe PS, un groupe FI, un groupe PCF (s’il trouve assez de députés, il leur en manque 5), sans compter les 8 députés du FN (Manuel Valls a également tenté de former un groupe au centre gauche, apparemment sans succès).

Jean-Luc Mélenchon a prévenu que la condition pour commencer un dialogue à gauche, ce serait de voter contre la confiance. Et en effet, tout va se jouer le 4 juillet 2017, lors du vote de confiance au gouvernement.

Ceux qui la voteront seront considérés comme faisant partie de la majorité, et réciproquement, ceux qui voteront contre dans l’une des oppositions multiples. Ce sera la fin de l’indétermination quantique qui a commencé le 6 avril 2016 avec la création du mouvement En Marche qui acceptait la double appartenance avec un ancien parti traditionnel (LR, UDI, PS, PRG, etc.).

Le jour du vote de confiance, chaque député sera mis devant ses responsabilités politiques : et ce vote va structurer non seulement le quinquennat du Président Emmanuel Macron mais probablement l’avenir du paysage politique français pour les prochaines décennies…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (21 juin 2017)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Édouard Macron II : bientôt la fin de l’indétermination quantique.
Composition du second gouvernement d’Édouard Philippe (21 juin 2017).
Les Langoliers.
Résultats officiels du second tour des élections législatives du 18 juin 2017.
Forza Francia.
Résultats officiels du premier tour des élections législatives du 11 juin 2017.
La Ve République.
La campagne des élections législatives de juin 2017.
Liste des 7 882 candidats aux élections législatives du 11 juin 2017 (à télécharger).
Liste des 511 candidats investis par La République En Marche le 15 mai 2017 (document).
Programme LR-UDI pour les législatives présenté le 10 mai 2017 (à télécharger).
Loi de moralisation de la vie politique (1er juin 2017).
Emmanuel Macron et la fierté nouvelle d’être Français ?
Richard Ferrand, comme les autres ?
Édouard Macron : d’abord l’Europe !
Composition du premier gouvernement d’Édouard Philippe (17 mai 2017).
Édouard Philippe, nouveau Premier Ministre.
L’investiture d’Emmanuel Macron (14 mai 2017).
Programme 2017 d’Emmanuel Macron (à télécharger).
Le Président Macron a-t-il été mal élu ?
Qui sera nommé Premier Ministre en mai et juin 2017 ?
L’élection d’Emmanuel Macron le 7 mai 2017.
Macronités.
Ensemble pour sauver la République.
Débat du second tour du 3 mai 2017.

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5 réactions


  • troletbuse troletbuse 22 juin 2017 11:17

    On n’a jamais vu un orchestre, surtout un orchestre symphonique, composé avec les mêmes instruments
    Moi, je n’y ai vu que des pipeaux. Austérité oblige.


  • Taverne Taverne 22 juin 2017 12:00

    Il convenait avant tout de faire sortir la grosse caisse (Bayrou) qui ne jouait ni dans le rythme ni dans le ton.

    Sinon, c’est bien joué : profiter de la démission de l’ensemble des membres du gouvernement, ne pas créer un précédent qui serait perçu comme un revirement de la « jurisprudence » du maintien en poste du ministre jusqu’à mise en examen. Même si une « jurisprudence » peut toujours connaître des cas particuliers.

    Quant à ceux qui prétendent que l’Assemblée serait déconsidérée parce que Ferrand et Sarnez sont prévus pour y siéger comme chefs de groupe, ils sont de mauvaise foi. Ils savent très bien que ce n’est qu’une question d’efficacité et que des enquêtes préliminaires ne remettent pas en cause la présomption d’innocence. On ne peut pas condamner moralement par avance et ceux qui jouent les Robespierre sont quelquefois ceux qui ont eux-mêmes des choses à cacher. 


  • clostra 22 juin 2017 12:04

    Bonjour,
    mes quantums (quanta) s’étant répandus dans mon cerveau, je voulais remettre un peu d’ordre dans tout ça et je comptais sur un petit peu de théorie appliquée il est vrai, mais surtout de la théorie.

    Je crois comprendre qu’il y a du quantum dans les ondes et l’énergie, bonne ou mauvaise, c’est selon, et que vous ne vous déterminez pas, disons que vous ne prenez pas position. De l’énergie pure pour ces chers z’enfants de la patrie ... en musique comme il se doit un 21 juin. Remarque, la réduction quantique c’est la raison d’être du soliste ... m’enfin.

    Ma façon d’aborder la détermination quantique est toute physiobiolocellulaire et n’amène finalement rien du tout avant la différenciation : c’est le moment où la cellule (embryonnaire, parfois totipotente, parfois pluripotente) la plus maligne (ne faites pas le malin, vous voyez bien ce que je veux dire) a atteint sa cible et se marre en voyant ses copains se ratatiner. C’est donc une réduction (de potentiel)

    Voilà ça va mieux, je vais pouvoir reprendre mon travail.


  • zygzornifle zygzornifle 22 juin 2017 14:45

    encore bien manœuvré Macron , le seul qui avait assez de couilles et de la personnalité dans ton gouvernement c’était Bayrou le cheveu dans ta soupe et il est écarté il ne te reste plus que les mous du genou tous prêts a « veauter » leur propre mise a mort si tu le demandes, ils sont tous atteints du syndrome de Stockholm et attendent ta séance de flagellation avec impatience ......


  • clostra 22 juin 2017 18:44

    Avec ce gouvernement, il va falloir prendre ses marques sans trop de faire fouetter ...

    Sera-ce du premier, du second ou du troisième degré ? l’ennui c’est qu’ils vont tout comprendre !


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