mardi 29 novembre 2016 - par Sylvain Rakotoarison

Happy birthday, Mister President … Chirac !

« Mes chers compatriotes, c’est avec beaucoup d’émotion que je m’adresse à vous ce soir. Pas un instant, vous n’avez cessé d’habiter mon cœur et mon esprit. Pas une minute, je n’ai cessé d’agir cette France magnifique. Cette France que j’aime autant que je vous aime. Cette France riche de sa jeunesse, forte de son histoire, de sa diversité, assoiffée de justice et d’envie d’agir. Cette France qui, croyez-moi, n’a pas fini d’étonner le monde. » (Allocution télévisée du 11 mars 2007, Paris).

L’année 2016 fut un calvaire pour sa famille avec la disparition de sa fille aînée Laurence le 14 avril 2016 à l’âge de 58 ans. Le mercredi 21 septembre 2016, des rumeurs persistantes annonçaient la disparition de l’ancien Président de la République, hospitalisé depuis le 18 septembre 2016 pour une infection pulmonaire. Heureusement, il a résisté et est sorti de l’hôpital le 13 octobre 2016. Jacques Chirac fête ce mardi 29 novembre 2016 son 84e anniversaire.

Son anniversaire tombe souvent dans une grande actualité de sa famille politique. Il y a deux jours, ce fut le second tour de la "primaire de la droite et du centre". Il y a quatre ans, c’était la guerre intestine de l’UMP qui terrifia tous les partisans de l’unité.

Soutenant Alain Juppé qu’il considéra comme "le meilleur d’entre nous" (sa fille Claude Chirac l’a reçu le 5 novembre 2016 en Corrèze), Jacques Chirac reste la statue du commandeur de ceux qui se réclament encore du gaullisme.

L’un des points essentiels du gaullisme est l’indépendance de la France. Or, l’indépendance se mesure par des actes. Et sa meilleure expression se fait par rapport aux États-Unis. Le principal acte d’indépendance de la France depuis la démission du Général De Gaulle le 28 avril 1969, ce fut le refus de la guerre en Irak et le fameux discours de Dominique de Villepin au Conseil de Sécurité des Nations Unies le 14 février 2003.

Jacques Chirac avait noué de meilleures relations avec le prédécesseur de George W. Bush Jr, à savoir avec Bill Clinton. Deux journalistes ont même publié un livre en janvier 1999 sur les relations entre Jacques Chirac et Bill Clinton ("Dear Jacques, Cher Bill… Au cœur de l’Élysée et de la Maison-Blanche", chez Plon). Il s’agit de Thomas Sancton, de "Time Magazine" et de Gilles Delafon, du "Journal du dimanche".

Pour rendre hommage à Jacques Chirac et à son caractère profondément humain et volontaire, je propose ici une anecdote racontée par ces deux journalistes.

Au début de l’année 1996 (il y a vingt ans), Jérusalem et Tel-Aviv furent touchés par des attentats meurtriers commis par des islamistes du Hamas (27 morts le 25 février 1996, 19 morts le 3 mars 1996, 13 morts le 4 mars 1996, etc.).

Shimon Pérès, alors Premier Ministre par intérim d’Israël, après l’assassinat de Yitzhak Rabin, a interrompu le processus de paix et boucla les territoires palestiniens. Il entrait dans une période électorale et devait faire face aux "faucons". De son côté, Yasser Arafat était discrédité, n’avait plus le contrôle de la situation à cause du Hamas, son ennemi. Jacques Chirac a eu beau écrire à Shimon Pérès : « La route de la paix est dure, mais je sais que le terrorisme et le fanatisme ne pourront pas vous en détourner. », la situation était loin de se "calmer", au contraire…

Le Président égyptien Hosni Moubarak proposa d’organiser très rapidement (en trois jours) une conférence internationale pour remettre en route le processus de paix. Elle se passa à Charm El-Cheikh les 12 et 13 mars 1996. Charm El-Cheikh est une station balnéaire de la pointe sud du Sinaï, au bord de la Mer Rouge, qui connut, elle aussi, bien plus tard, des tragédies : des attentats islamistes (88 morts le 23 juillet 2005) et deux crashs d’avion (148 morts le 3 janvier 2004 et 224 morts le 31 octobre 2015). Vingt-neuf chefs d’État et de gouvernement étaient présents. Jacques Chirac était accompagné dans sa délégation notamment d’Hervé de Charette et de Jean-David Levitte.

Sur place, le 12 mars 1996, le conseil diplomatique du Président est passé discuter avec Yasser Arafat et est revenu dire à Jacques Chirac : « Il est totalement déprimé. Monsieur le Président, je pense qu’il faut que vous alliez le voir. ». Jacques Chirac n’a alors pas hésité, il est allé dans la chambre d’hôtel de Yasser Arafat et lui lança : « Yasser, tu es un gagneur ! Ce jour est ton jour ! Tu as besoin de résister ! ».


Yasser Arafat, qui ne portait pas son keffieh, avait le moral à zéro : les islamistes palestiniens pourrissaient les accords de paix et les Israéliens se raidissaient. « En quelques phrases, et avec l’emphase qui le caractérise, le Président français lui remonte le moral et lui fait partager son optimisme. Stupéfait, Levitte voit peu à peu Arafat se ressaisir, telle une baudruche que l’on regonfle à coups d’encouragements. Un sourire creuse peu à peu son visage. » (livre cité). Et Yasser Arafat de remercier Jacques Chirac : « Vraiment, Monsieur le Président, vous êtes le docteur Chirac ! ».

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En fait, Yasser Arafat était en entretien avec Gro Harlem Bruntland, Premier Ministre de Norvège (le livre cité explique qu’elle était la "Président islandaise" !), et Jacques Chirac ne s’en était pas aperçu quand il est arrivé précipitamment dans la chambre ! Elle « réapparaît discrètement dans le dos d’un Chirac surpris qui n’avait même pas noté sa présence » (livre cité) pour dire : « Eh bien ! J’ai appris beaucoup de choses aujourd’hui ! ». Après avoir dirigé trois gouvernements norvégiens, Gro Harlem Bruntland fut nommée directrice générale de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) du 21 juillet 1998 au 21 juillet 2003.

Bill Clinton est arrivé le lendemain à Charm El-Cheikh et il y avait aussi Shimon Pérès, Boris Eltsine, John Major, etc. Bill Clinton ne voulait pas y rencontrer formellement Yasser Arafat car il ne voulait pas se fâcher avec les Israéliens, éprouvés par les attentats.

La conférence s’est terminée par un appui américain d’Israël et par une simple condamnation du terrorisme, sans perspectives concrètes pour la paix : « Jacques Chirac, néanmoins, parvient à marquer sa différence, et, en se dégageant du discours sécuritaire des États-Unis, à se poser en défenseur des Palestiniens. Auprès de Shimon Pérès, il a ainsi plaidé pour un allègement du bouclage des territoires. Il revendique aussi la paternité du consensus des Européens contre la demande américaine d’isolement de l’Iran. Enfin, il a plaidé avec succès auprès de Clinton pour qu’il reçoive Arafat. Ce faisant, le Président français esquisse les contours d’une "politique arabe", aux relents gaullistes, qu’il entend développer dans les semaines suivantes. » (livre cité).

Ainsi, le 4 avril 1996, Jacques Chirac rencontra à Beyrouth le Premier Ministre libanais Rafic Hariri (qui était son ami depuis longtemps), et lui affirma : « Toute paix à laquelle vous n’auriez pas librement adhéré et qui méconnaîtrait vos droits souverains serait une paix manquée. ».

À l’Université du Caire, le 8 avril 1996, Jacques Chirac déclara : « Après avoir détruit un mur à l’Est, l’Europe doit désormais construire un pont au Sud. C’est pourquoi elle a d’emblée soutenu l’initiative égyptienne de création d’un forum méditerranéen. ». L’initiative fut reprise ensuite par Nicolas Sarkozy mais les révolutions arabes l’ont étouffée. Jacques Chirac rappelait aussi : « [L’Europe] ne saurait être seulement un bailleur de fonds. Elle doit apporter, davantage que par le passé, sa contribution politique à un règlement de paix qu’elle doit également parrainer. ». On attend toujours cette "contribution".

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Ce volontarisme chiraquien a débouché sur peu de chose, car le 11 avril 1996, Shimon Pérès lança l’opération "Raisons de la colère" contre le Liban pour réagir aux lancements de roquettes provenant du Hezbollah. Rafic Hariri débarqua chez Jacques Chirac le 14 avril 1996 pour lui demander de l’aide. Le Président français a alors envoyé à Beyrouth et à Tel-Aviv Hervé de Charette, son Ministre des Affaires étrangères, pour obtenir un cessez-le-feu.

Mais Hervé de Charette était réticent. Jacques Chirac lui a alors asséné cette réponse : « Hervé, c’est important. Il faut être présent, il faut être visible. Nous n’avons pas un Dennis Ross dans la région. Si tu réussis, tu seras un grand Ministre des Affaires étrangères… Si tu rates, tu seras un grand maire de Saint-Florent-le-Vieil ! » (Hervé de Charette, HEC, IEP, ENA, a été "un grand" maire de Saint-Florent-le-Vieil de mars 1989 à mars 2014).

Au cours de sa mission, Hervé de Charette, au téléphone tous les soirs avec Jacques Chirac, ne voulait pas rester trop longtemps, expliquant que ses bagages n’étaient que pour trois jours. Chirac, goguenard, le rassura : « Ne t’inquiète pas, je vais t’ouvrir des crédits pour que tu puisses t’acheter des chemises et des caleçons !… ».

Malgré l’opposition des diplomates américains, la France finalement a réussi à être associée dans l’accord de cessez-le-feu signé le 27 avril 1996. Sans la persévérance et le volontarisme de Jacques Chirac, la France et même l’Europe auraient été absentes de ces négociations cruciales pour la paix au Proche-Orient (mais hélas pas suffisantes).

Ce détail dans le mandat présidentiel de Jacques Chirac peut illustrer quel type de Président il était. Sans doute beaucoup plus investi dans les relations internationales que dans les affaires intérieures (Alain Juppé et Dominique de Villepin avaient sa confiance). Il montre ainsi qu’une vision internationale autonome de la France restait encore possible malgré la prééminence de la diplomatie américaine…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (29 novembre 2016)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Chirac a 84 ans.
Chirac a 80 ans.
Chirac fut-il un grand Président ?
Une fondation en guise de retraite.
L’héritier du gaulllisme.
…et du pompidolisme.

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7 réactions


  • microf 29 novembre 2016 11:31

    Joyeux anniversaire ex-Président, la Francafrique se porte bien, et même très bien.


  • zygzornifle zygzornifle 29 novembre 2016 11:49

    Bien le bonjour de la part Juppé qui avait pris de la prison avec sursis et de inéligibilité a votre place et qui grâce a vous a pu partir en congé sans solde au Canada ou il s’est fait frictionner le crane au sirop d’érable ....


  • howahkan 29 novembre 2016 12:10

  • Sergio Sergio57 29 novembre 2016 19:56

    Veuillez s’il vous plaît laisser la France dans l’état où vous l’avez trouvée, merci


    Ne vous inquiétez donc pas car :

    Ma pomme, c’est moi ...
    J’suis plus heureux qu’un roi
    ............................................. 
    Car pour être heureux comme,
    Ma pomme,
    Ma pomme,
    Il suffit d’être en somme
    Aussi peinard que moi.

  • ZenZoe ZenZoe 30 novembre 2016 11:40

    « Jacques Chirac reste la statue du commandeur de ceux qui se réclament encore du gaullisme. »

    Si un jour on pouvait arrêter d’associer de Gaulle à n’importe qui sans arrêt !!!


  • zygzornifle zygzornifle 30 novembre 2016 16:12

    avec Chirac tu en chies et tu raques .....


    les Japonais eux avaient Goldochirac leur héro robot nous on a eut le biologique ....

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