mercredi 16 novembre 2016 - par Sylvain Rakotoarison

Jean-François Copé, le boulanger décomplexé de Meaux

« Il est des quartiers où je peux comprendre l’exaspération de certains de nos compatriotes, pères ou mères de famille rentrant du travail le soir et apprenant que leur fils s’est fait arracher son pain au chocolat à la sortie du collège par des voyous qui lui expliquent qu’on ne mange pas pendant le ramadan. » (Draguignan, le 5 octobre 2012).

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On l’aurait plutôt imaginé en boucher et c’est le boulanger qui est sorti depuis quelques années. Jean-François Copé, le spécialiste du petit pain au chocolat, a cependant renoncé le 28 octobre 2016 à se rendre le lendemain au Salon du Chocolat, qui s’est tenu du 28 octobre au 1er novembre 2016 au Hall 5 de la Porte de Versailles à Paris.

Le petit pain au chocolat avait fait irruption dans le débat politique lors de sa campagne pour conquérir la présidence de l’UMP. le 5 octobre 2012 à Draguignan. Jean-François Copé avait alors agité la peur de l’islam en expliquant que des écoliers se faisaient voler leurs petits pains au chocolat par des "voyous" sous-entendus musulmans à cause du ramadan. Depuis cette date, Jean-François Copé et pains au chocolat sont intimement liés et si l’on n’en parle pas, lui-même assume et en parle de lui-même à chaque meeting, à chaque interview. Dans les réseaux sociaux, on l’a même qualifié de "Le Pen au chocolat".

C’est sur Europe 1 le 24 octobre 2016 qu’un journaliste lui a posé la question piège : combien coûte un pain au chocolat ? Il n’a pas su répondre, expliquant (mal) qu’il n’en mangeait plus depuis longtemps mais que cela devait coûter …entre 10 et 15 centimes d’euro ! Même dans les années 1970, j’ai souvenir qu’il fallait quand même sortir au moins 3 ou 4 francs (soit, en gros, 50 centimes d’euro), si ma mémoire ne flanche pas !…

Pour l’homme qui considérait qu’un salaire de député de l’ordre de 5 à 6 000 euros par mois était vraiment insuffisant, et qu’il fallait le compléter avec des honoraires d’avocat (ce qu’il a fait, faisant de lui l’un des députés les plus rémunérés), c’est la démonstration qu’il est totalement en dehors de la réalité quotidienne du pays. Un pain au chocolat, cela coûte plutôt entre 1 et 2 euros, selon les boulangers (autour de 1,50 euro). Même dans les grandes surfaces, par lot de dix, cela coûte au moins 30 à 40 centimes d’euro.

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Certains boulangers ont râlé car on les accuse maintenant de pratiquer des prix trop élevés. Mais d’autres ont saisi l’occasion marketing : ils proposent des mini-pains au chocolat pour 15 centimes d’euro, vous savez, ceux pour les cocktails mondains.

Tout cela est un peu dérisoire au regard des enjeux de l’élection présidentielle. Pourtant, cette ignorance montre à l’évidence que la classe politique est dans une sorte de bulle qui ne connaît pas la réalité économique des "ménages", comme on dit.

Dans un documentaire diffusé sur France 3 le 24 octobre 2016, Jean-François Copé a expliqué avec un léger sourire d’autodérision qu’il sentait un frisson en faveur de sa candidature à la primaire LR. En effet, dans les sondages, sa candidature est passée de 1% à 2%, soit le double ! Il n’a pas dit que cela restait l’écume des incertitudes des statistiques, le bruit de fond des sondages, mais il était heureux de dire qu’il ne lui restait que 5% à conquérir pour dépasser son rival Bruno Le Maire

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C’est en cela que de jour en jour, le sentiment qu’inspire Jean-François Copé s’est transformé de la crainte, celle qu’il puisse, un jour, atteindre le pouvoir, en une sorte de presque "tendresse compassionnelle" : Copé est désormais sa propre caricature, cette "tête à claques" tellement visible (tellement décomplexée), avec ses gros sabots du rouleau compresseur de son ambition tellement dévorante qu’il est devenu l’archétype du politicien sans conviction. Patrick Buisson a même dit de Jean-François Copé : « Il est bien plus malléable que Sarkozy, qui écoute trop de monde et tergiverse. ».

Lui, il est ambivalent. Il est suffisamment intelligent pour laisser entrer l’autodérision, autant avoir de l’humour dans la déconvenue, mais il croit encore en lui, il croit qu’il est le meilleur et s’il est lucide sur ses chances pour la primaire LR de 2016, il est convaincu qu’il retrouvera un jour la suprématie dans sa famille politique. Si ce n’est pas en 2017, ce sera en 2022, ou en 2027, ou en… Après tout, il est encore suffisamment jeune pour passer son tour. Après tout, Alain Juppé le revenant est bien revenu. Même Nicolas Sarkozy, après ses défaites électorales en 1995 et en 1999, a ressuscité d’entre les morts.


Comme un garnement insolent, il parade depuis ce 8 février 2016 où il fut écouté par les juges mais pas mis en examen, disculpé de tout reproche judiciaire concernant l’affaire Bygmalion. Il est d’autant plus heureux que celui qui l’a détesté si fortement qu’il lui a refusé un ministère entre 2007 et 2012 est lui-même mis en examen le 16 février 2016 dans cette affaire.

Parmi les mesures qu’il préconise, Jean-François Copé agite sa méthode : pas de référendum (pan dans les dents de Nicolas Sarkozy) mais des ordonnances. Gouverner par les ordonnances ! Voilà un programme transcendant ! Et il a l’audace de dire que c’est faire comme le Général De Gaulle (qui, chacun le sait, n’a jamais organisé aucun référendum !).

C’est ce ton péremptoire, particulièrement "culotté", on va dire, qui a agacé la plupart des auditeurs de Jean-François Copé. Il faisait peur, il agaçait, mais aujourd’hui, le danger de sa réussite électorale étant écarté, il fait presque rire, sourire du moins. Il est la marionnette qu’on agite pour faire peur. Et avec son sourire insolent, Jean-François Copé semble assumer cette caricature.



Lorsqu’il a fait sa rentrée politique le 19 janvier 2016, après être resté silencieux depuis sa démission forcée de la présidence de l’UMP le 11 juin 2014, tout le monde l’avait oublié… et était heureux de l’avoir oublié. Sa candidature à la primaire LR est donc aujourd’hui un grand mystère : quelles sont ses motivations d’avoir voulu être dans la compétition ? Il a d’ailleurs raconté que les parlementaires LR avaient été sous pression pour ne pas parrainer sa candidature, sous peine de ne plus recevoir d’investiture pour l’année prochaine.

Passé du statut de bourreau à celui de victime, Jean-François Copé pourrait presque inspirer une certaine sympathie intellectuelle, voire une certaine pitié. J’écris "intellectuelle" car il y a peu de chance qu’elle se puisse se transformer en adhésion électorale sonnante et trébuchante.

Belle mécanique intellectuelle, grande aisance en communication, combativité à toute épreuve, bulldozer de l’arrivisme politique, camarade de Nicolas Barre, fils du Premier Ministre en exercice dans les années 1970 (et ayant accès à Matignon pendant ses heures de loisirs), le député-maire de Meaux avait devant lui un grand avenir politique.

Finalement, s’il fut député jeune, à 31 ans (comme suppléant de Guy Drut nommé ministre), maire jeune, à 31 ans, sous-ministre jeune, à 38 ans (aux Relations avec le Parlement le 7 mai 2002, à l’Intérieur le 31 mars 2004 et au Budget le 29 novembre 2004, ainsi que porte-parole du gouvernement pendant toute la durée du second mandat de Jacques Chirac, jusqu’au 15 mai 2007), et même chef du principal parti d’opposition à 48 ans, le 19 novembre 2012, il lui manque, à l’évidence, une fonction régalienne ou économique importante ou Matignon avant de prétendre à l’Élysée. Ce que fut Place Beauvau pour Nicolas Sarkozy, ou les Finances pour Valéry Giscard d’Estaing.

L’avenir politique de Jean-François Copé paraît donc bien sombre : qui, des candidats capables de gagner la primaire LR, voudrait nommer Jean-François Copé à son gouvernement s’il était élu Président de la République ? Aucun, il me semble, n’aurait intérêt à le remettre en selle, surtout pas Nicolas Sarkozy qui l’avait compris dès 2007. Et c’est sans doute tant mieux pour la démocratie française…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (16 novembre 2016)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Jean-François Copé, le boulanger décomplexé de Meaux.
Programme de Jean-François Copé pour la primaire LR 2016.
La copéisation de l’UMP.
Jean-François Copé vaguement élu à la tête de l’UMP.
Choc de rivalité entre Copé et Fillon.
L’ambitieux Jean-François Copé.
Fillon vs Copé.
Le débat télévisé entre Copé et Fillon (25 octobre 2012).
Débat Copé vs Mélenchon (17 novembre 2011).
Deuxième débat de la primaire LR 2016.
Premier débat de la primaire LR 2016.
Alain Juppé.
Nicolas Sarkozy.
François Fillon.
Nathalie Kosciusko-Morizet.
Jean-François Copé.
Jean-Frédéric Poisson.
Bruno Le Maire.
L’élection présidentielle 2017.

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4 réactions


  • LE CHAT LE CHAT 16 novembre 2016 10:33

    enfin quelqu’un qui pense aux pauvres , oui aux pains au chocolat à 15 centimes ! smiley


  • flourens flourens 16 novembre 2016 10:54

    c’est déjà pas si mal de penser qu’un pain au chocolat coûte quelque chose pour quelqu’un qui, comme son mentor Chirac, n’a jamais rien payé de sa vie, il est sur la bonne voie, encourageons le


  • zygzornifle zygzornifle 16 novembre 2016 11:32

    Copé va acheter son petit pain au chocolat dans le Prisunic de Bordeaux ou Juppé fait ses courses , il paye encore en Franc bien entendu.....


  • zygzornifle zygzornifle 16 novembre 2016 11:33

    pour 15 cnts t’a même pas la moitié d’un grain de caviar s’écriât Hollande .....


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