dimanche 13 novembre 2016 - par Sylvain Rakotoarison

L’inimitable Thierry Le Luron

« C’était un garçon supérieurement intelligent, et puis, ça ne faisait que commencer, pour lui. » (Line Renaud, le 13 novembre 1986).

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Il y a trente ans, le 13 novembre 1986, l’imitateur et humoriste Thierry Le Luron est mort d’une terrible maladie. Se sachant "condamné" (je n’aime pas trop ce mot), il avait loué une chambre donnant sur la place de la Concorde à Paris et ne voulait voir quasiment plus personne. L’année 1986, une année noire pour des humoristes majeurs ; quelques mois auparavant, Coluche s’était tué en moto.

Les deux hommes étaient très liés. Il faut se rappeler que le premier (faux) mariage gay a eu lieu le 25 septembre 1985 à Paris, entre Coluche (la femme) et Thierry Le Luron. À l’origine, pour faire rebondir la carrière de Coluche, ils voulaient surtout se moquer du mariage très médiatisé du présentateur vedette du journal de 13 heures sur TF1, Yves Mourousi.



Thierry Le Luron, un nom qui n’était pas un pseudonyme, avait un grand talent. Celui de savoir imiter de nombreuses voix, dans divers milieux, politique, télévision, chanson, etc. Celui aussi de savoir parler en public, de tenir les auditeurs en haleine. Enfin, et c’est sans doute ce qui manque le plus à nos imitateurs actuels, celui de dire des choses intéressantes, pertinentes, drôles, fines.

Il avait commencé très jeune à imiter la voix du Premier Ministre de l’époque, Jacques Chaban-Delmas. Il a imité quelques anciens de la IVe République comme Gaston Defferre, Edgar Faure …et François Mitterrand, à qui il faisait proposer la réduction du temps de grossesse de neuf à six mois !

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Thierry Le Luron voulait rire et n’avait aucune envie d’être sérieux, et si cela avait été le cas, il aurait été une personnalité politique extrêmement redoutable par ses capacités d’éloquence mais aussi d’intelligence. Il comprenait la politique politicienne, il s’en passionnait, si bien qu’il savait cibler là où cela pouvait faire le plus mal.

Pour ses imitations politiques, il n’était pas seul et son compère Bernard Mabille fut un excellent auteur de ses textes. Peu avant, Pierre Desproges lui avait donné la réplique dans une célèbre interview de Valéry Giscard d’Estaing qui commença ainsi : « Bonjour Mesdiams, bonjour Messieurs, bonjour Mesdemoiselles ! ».

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Il serait peu utile de connaître les idées politiques de Thierry Le Luron car il n’hésitait pas à se moquer même de ceux dont il se sentait politique proche. Il s’était fait jeter de la Giscardie avec cette affaire des diamants, il était devenu interdit d’antenne après avoir fait chanter dans un public lillois (de la ville de Pierre Mauroy) : « L’emm@rdant, c’est la rose ! » sur un air de Bécaud, et il avait fustigé le Front national qui commençait à trouver une audience électorale croissante (aidée en cela par François Mitterrand pour diviser la droite).

Le premier des hommes politiques à avoir réagi à la mort de l’imitateur, Raymond Barre, qui avait été souvent imité par Thierry Le Luron, accentuant le côté rondouillard et pontifiant du professeur d’économie, a été très ému, comme ses autres collègues : « Les Français admiraient son talent mais ils l’aimaient surtout parce qu’il méritait de l’être. » (13 novembre 1986).


Thierry Le Luron n’avait pas hésité à rencontrer Jacques Chirac dont il accentuait l’éloquence brutale et saccadée, homme qu’il était sûr de voir un jour à l’Élysée. À la fin de sa vie, Valéry Giscard d’Estaing s’était également soucié de sa santé et prenait régulièrement des nouvelles. Même Georges Marchais trouvait hilarantes ses imitations, qui le ridiculisaient pourtant.

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Thierry Le Luron était le petit frère chenapan qui faisait rire toute la classe politique. Nul doute qu’aujourd’hui, il aurait eu bien trop de travail pour faire rire les Français qui ne voient dans leur classe politique qu’un rassemblement de clowns et de bouffons. En quelques sortes, les personnalités politiques d’aujourd’hui auraient volé le boulot de Thierry Le Luron…

Voici quelques vidéos pour se souvenir de son immense talent.














Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (12 novembre 2016)
http://www.rakotoarison.eu



Pour aller plus loin :
Qui imitera Thierry Le Luron ?
Thierry Le Luron, persifleur numéro un.
Coluche.
Alice Sapritch.
Georges Brassens.
Léo Ferré.
Grace Kelly.
Pierre Dac.
Christina Grimmie.
Abd Al Malik.
Yves Montand.
Daniel Balavoine.
Édith Piaf.
Jean Cocteau.
Charles Trenet.
Michel Galabru.
Bernard Blier.
Gérard Depardieu.

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12 réactions


  • fred.foyn 13 novembre 2016 16:01

    Sa déviance sexuelle lui à été fatale !


  • Montdragon Montdragon 13 novembre 2016 17:13

    C’est bien Rako, continuez comme ça et plus touche à la politique hein, c’est pour les grands.


    • berry 13 novembre 2016 18:21

      @Montdragon
      Les journalopes et les trolls stipendiés doivent s’inquiéter, avec l’élection de Trump et les changements qui s’annoncent en France.
      Ils devront bientôt changer de disque ou aller pointer à pôle emploi.
       


  • izarn izarn 13 novembre 2016 23:15

    Ha oui, il était drole au moins lui, c’est pas comme Dieudonné ! Hein !
    Ben voyons !
     smiley


  • ZenZoe ZenZoe 14 novembre 2016 16:59

    Pauvre homme, il n’y a que sa mort qui n’ait pas été drôle !
    Et les commérages de bas étage qui sont venus après...


  • raymond 14 novembre 2016 18:45

    camarade Sylvain, tu salis tout ce que tu touches....


  • wesson wesson 15 novembre 2016 01:07
    Lire le panégyrique d’un chansonnier homosexuel mort des conséquences du Sida de la part d’un défenseur de « la manif pour tous », ça ne manque effectivement pas de sel !

    Faut-il que Le Luron fusse effectivement engagé à droite pour produire ce petit miracle !

    A dire vrai, ce que je reproche à Le Luron, c’est précisément d’avoir tu jusqu’au bout le fait qu’il était atteint du Sida, et qu’il allait en mourir, comme le fit d’ailleurs son compagnon, Daniel Varsano, un an après lui et de la même maladie.

    Il savait de toute évidence le mal qui le rongeait, mais à préféré ne rien en dire. 

    Ce faisant, il a contribué à différer la prise de conscience de l’explosion de la maladie dans les années 80, principalement dans les rangs des homosexuels du fait de leur exposition et de leur absence de précaution. 

    C’était à mes yeux irresponsable et indigne.





    • ZenZoe ZenZoe 15 novembre 2016 09:03

      @wesson
      Facile à dire. Facile de juger. La prise de conscience d’une maladie quelle qu’elle soit, c’est aux toubibs à assumer, pas aux patients. La priorité pour les patients, c’est de gérer leur mal et leur mort prochaine souvent dans des circonstances extrêmement difficiles. Soyez plus indulgent, wesson, vous n’auriez peut-être pas fait mieux à sa place.


    • ZenZoe ZenZoe 15 novembre 2016 11:21

      @Daneel42
      Soit, mais quand Coluche s’est engagé, il n’était pas condamné à mourir du SIDA.


    • wesson wesson 15 novembre 2016 11:53

      @ZenZoe

      « Soyez plus indulgent, wesson, vous n’auriez peut-être pas fait mieux à sa place. »


      Assurément, à ceci près : d’une part je ne suis pas à sa place dans la maladie (et en plus je suis tellement vieux jeu que je suis fidèle et pas homo), et d’autre part je ne suis pas à la place qu’il a occupé dans l’espace public. 

      Etre célèbre, ça crée un certain nombre d’obligations qui vont au delà de monter sur scène même lorsque on est prêt à crever.

      Notez également que le reproche ne s’adresse absolument pas en exclusivité à Le Luron : le Sida a décimé des tas d’homosexuels célèbres qui n’ont jamais eu le courage de le dire. 




    • ZenZoe ZenZoe 15 novembre 2016 14:12

      @wesson
      Etre célèbre, ça crée un certain nombre d’obligations
      Pas celle de diffuser partout son carnet de santé ou ses préférences en matière de partenaires.


    • ZenZoe ZenZoe 15 novembre 2016 14:24

      @Daneel42 et @wesson
      Vous faites peur, vraiment. Aucune empathie, aucune tentative de comprendre ce qui peut se passer dans la tête d’un mourant, et de plus mourant d’une maladie honteuse (à l’époque) ! Juste un jugement péremptoire et unilatéral.
      Plus tard, des homos se déclareront atteints du SIDA, c’est leur choix et c’est très bien comme ça. Préférer se taire est aussi un choix et personne n’a à le juger.
      Encore une fois, avertir les populations sur une maladie donnée est le rôle du ministère et des professionnels de la santé, pas des comiques, ils ne sont pas là pour ça, et pérétendre le contraire est de la mauvaise foi - ou de l’aveuglement pour un humoriste qu’on déteste peut-être ?
      Vous pensez que Le Luron était un bouffon comparé à Coluche, c’est votre droit, mais respectez s’il vous plait celui qu’il avait de mourir tranquille.


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