jeudi 16 juillet 2015 - par Olivier Perriet

La Crise grecque ? Une tragi-comédie française !

Je n'ai sans doute pas tout suivi ni tout compris et je m'en excuse d'avance.

Mais la « passion grecque » qui a saisi la France en dit presque plus sur nous et notre nombrilisme mal pensé que sur le fond de la situation européenne :

« Tsipras a-t-il trahi ses engagements électoraux ? »

« Tsipras est-il un dangereux démago ou le prophète de la réorientation de l'Union européenne ? »

« Merkel est-elle la mère fouettard de l'Europe ? »

« Faut-il voter « nai » ou « oxi » au référendum...grec ? »

 

Telles sont les questions (cruciales) qui mobilisent à plein temps les commentateurs français.

Et c'est bien là que réside une partie du malaise : tout se passe comme si la France commentait la crise grecque de l'extérieure, alors que sa responsabilité (2e créancier de la Grèce, 2e économie de la zone euro, membre fondateur etc etc...), lui commande, d'une part, de proposer des solutions, et, d'autre part, de ne pas perdre son temps à trancher des débats dont elle n'a pas la clé.

 

Peu importe que Tsipras ne veuille pas sortir de l'euro puisque ce n'est visiblement pas le souhait de la plupart des Grecs non plus.

Peu importe que la classe politique allemande, socio-démocrates et conservateurs à l'unisson, ait quelques réticences à renflouer à fonds perdus la Grèce, approuvées par une population qui sort de 10 ans de « modération » salariale.

Nous ne sommes ni Grecs ni Allemands et il est finalement aussi absurde de reprocher à l'Allemagne de « trop bien s'en sortir » que de reprocher sa noyade à la Grèce depuis la rive.

 

Alors que cette situation confuse, cette partie de poker où chacun a intérêt à bluffer l'autre, exigerait un décryptage serré, les commentateurs, en plaquant leurs à-priori idéologiques, ajoutent un rideau de fumée supplémentaire.

 

Pour ce qui concerne les politiques français, passons rapidement sur le cas de Nicolas Sarkozy, totalement aligné sur les exigences de l'Allemagne, dont la sévérité ressemble fort à l'expression d'une rancune personnelle, lui qui était aux commande lors des précédents « plans de sauvetage » de 2011 2012...qui n'ont en définitive rien sauvé du tout.

 

Pour ce qui concerne le gouvernement, sa « stratégie » ne peut se lire qu'en creux :

François Hollande et Manuel Valls s'attribuent le rôle avantageux de Messieurs bons offices entre la Grèce et « ses créanciers » (dont nous sommes aussi).

« La Grèce doit rester dans l'euro...mais elle doit aussi rembourser ses dettes », ajoute aussitôt Michel Sapin.

Pour Jean-Luc Mélenchon, la Grèce ne peut être être "chassée" de l'euro, et doit faire valoir une sorte de droit à l'euro.

En clair, il faut surtout continuer comme si de rien n'était…

Ce qui revient, avec une certaine lâcheté, à confier à Tsipras le rôle de mandataire électoral d'un certain François Hollande, qui devait « renégocier les traités » et s'y est employé...pendant une demi journée. Le gouvernement grec s'est attelé à cette tache, seul depuis 6 mois, avec un pistolet sur la tempe. On a peu de risques de se tromper en prédisant que ses chances de réussite sont très minces.

 

Au fond, le PS, d'Emmanuel Macron jusqu'à Jean-Luc Mélenchon en passant par les frondeurs (bizarrement aphones sur la question), a sans doute une préférence secrète pour une sortie par le haut, la transformation de l'euro en grande monnaie fédérale, avec des transferts de fonds massifs entre pays devenus régions.

 

Cette option implicite, véritable utopie hors sol, n'est toutefois guère défendue diplomatiquement. On comprend facilement pourquoi, vu le contexte. Elle aboutit toutefois à la « solution », ou plutôt l'absence de solution, la plus injustifiable possible, à savoir prétendre jouer collectif (la mutualisation des dettes) lorsque tous jouent personnel :

 

L'Allemagne veut retrouver ses billes et poursuivre la politique de l'euro fort. Pour cela, elle est prête à faire sortir la Grèce de la zone euro.

La Grèce ne peut plus, à l'heure actuelle, payer ses échéances, mais approuve le principe d'une monnaie forte...pour en bénéficier malgré une économie dévastée.

Et la France ? Quels sont ses intérêts ?

En haut lieu, on semble l'ignorer...

 

On ne peut pas reprocher au gouvernement Tsipras de ne pas avoir fait de pédagogie pour exposer les mécanismes profonds qui animent cette construction européenne :

 

Lorsque les institutions européennes conditionnent l'aide financière à l'ouverture des magasins le dimanche, à l'augmentation de la durée maximale du temps de travail ou à la baisse du SMIC, toutes choses fort respectables mais qui n'ont qu'un rapport très lointain avec le remboursement des dettes souveraines, il est difficile de soutenir que l'euro est dissociable d'une politique de dérégulation économique et sociale.

 

Lorsque l'organisation d'un référendum soulève l'indignation et la condescendance, ou lorsque la « morale » est utilisée pour soustraire ces injonctions ultra-libérales au domaine du politique, les invocations rituelles à l'endroit de « la démocratie, valeur fondamentale de l'Union » sonnent bizarrement.

 

Enfin, lorsque des conditions draconiennes sont imposées sans envisager, contre l'évidence, que la Grèce puisse un jour quitter l'euro, il faut comprendre que tout doit être sacrifié au dieu monétaire, alors que la monnaie est censée servir la société, non pas l'inverse.

 

Lorsque François Hollande conclut de ces crises à répétition qu'il faut "faire avancer l'Europe", il faut comprendre que rien ne doit remettre en cause la fuite en avant qui anime l'Union depuis les années 90, alors que son modèle atteint ses extrêmes limites, que ce soit en Grèce ou en Ukraine.

 

Malgré cette crise, malgré les précédentes (et les suivantes), il est malheureusement à nouveau probable que notre nuage de fumée franco-français réussisse encore une fois à escamoter le débat, à l'image de la présidentielle 2007 et des trois candidats qui ont pu réintégrer sans trop de difficultés la dissidence qui s'était manifestée le 29 mai 2005.

Depuis le temps, si la prise de conscience massive n'a pas encore eu lieu, n'est-il pas trop tard ?



16 réactions


  • Diogène diogène 16 juillet 2015 09:26

    Le concert sur la « crise grecque » n’est pas joué seulement en France, mais dans toute l’Europe. Le but est de montrer aux « mauvais élèves » ce qui les attend s’ils se sentent des ailes.


  • Captain Marlo Fifi Brind_acier 16 juillet 2015 10:44

    Bonjour,
    Si j’ai bien compris, participent aux décisions les pays qui financent le plus le MES, et ceux qui ont prêté de l’argent à la Grèce. Tsipras, avec son obsession de vouloir rester dans l’ UE & l’euro, n’a rien expliqué du tout aux Grecs. Il leur a fait croire qu’en y restant, ce serait la fin de l’austérité. Rêve !


    Tsipras est exactement l’ homme de la situation :
    - Il cache aux Grecs que la sortie de l’ UE et de l’euro qui lui permettrait de prendre des décisions souveraines, comme l’ont fait l’ Islande ou l’Argentine en 2002.

    - Il aide indirectement l’ Allemagne en assurant la stabilité de la zone euro.
    Les banques allemandes (et donc la Bundesbank) regorgent d’euros en provenance des riches des pays du sud, espérant, si tout cela s’effondre, qu’ils seront remboursés...en marks.

    Mais plus la BCE fait tourner la planche à billets, plus la masse d’euros réfugiés enfle, moins le mark a de valeur. Pour des raisons historiques, le souci principal de la Bundesbank et des Allemands, est de conserver la valeur du mark.
    D’où un conflit majeur entre la Bundesbank et la BCE.

    Ensuite, l’ Allemagne n’a pas la possibilité de consacrer chaque année 8 à 10% de son PIB pour aider les pays les plus en difficulté. Le FMI ne le propose pas. Il semble qu’on s’achemine vers un prolongement des maturités et une baisse des taux d’emprunts.

    De ce point de vue, Tsipras fait parfaitement l’affaire des Allemands, contrairement à ce qui se raconte. Dès 2012, il disait : « La fin de l’euro serait la fin de l’idée européenne, nous devons les défendre, peu importe le prix ».

    Le prix, les Grecs viennent de comprendre, que c’est eux qui le paieront, et qu’OXI signifie occis.

    • La Voix De Ton Maître La Voix De Ton Maître 16 juillet 2015 11:18

      @Fifi Brind_acier

      Tsipras ne cache rien, les grecs s’informent, ils ont eu 5 ans pour comprendre. Le français moyen : moins d’un mois.

      Tsipras fait l’affaire de l’Allemagne c’est pas si sûr. Il a choisi de continuer à endetter son pays pour presque rien avec l’argent des Allemands, et vous oubliez : des français. Tsipras l’a dit hier : il a pris la décision stupide et forcée uniquement pour que son pays puisse fonctionner.
      S’il étais sorti de l’Euro, il se serait fait démolir en bonne et due forme, il est resté et a eu un accord pourri.

      Hors sujet : j’ai trouvé une carotte pour l’UPR : qui est vraiment Schauble ?


    • Olivier Perriet Olivier Perriet 16 juillet 2015 12:34

      @Fifi Brind_acier
      Tsipras, avec son obsession de vouloir rester dans l’ UE & l’euro, n’a rien expliqué du tout aux Grecs. Il leur a fait croire qu’en y restant, ce serait la fin de l’austérité. Rêve !

      Je renverse votre analyse :
      je ne saurais pas affirmer que c’est son obsession, mais j’ai bien l’impression que c’est celle des grecs en majorité. Il n’a fait qu’essayer de concilier deux impératifs qui se révèlent inconciliables.


    • Captain Marlo Fifi Brind_acier 16 juillet 2015 19:25

      @Olivier Perriet
      Si les explications de l’ UPR sur l’euro et l’ UE n’étaient pas dangereuses à connaître, l’ UPR ne serait pas censurée. Les Grecs veulent rester dans l’ euro et l’ UE, parce que Syriza ne leur a rien expliqué.


    • Captain Marlo Fifi Brind_acier 16 juillet 2015 19:29

      @La Voix De Ton Maître
      ET vous voulez savoir qui est le très british nouveau Ministre des Finances grec ?


    • Olivier Perriet Olivier Perriet 16 juillet 2015 19:52

      @Fifi Brind_acier

      Un peu facile à mon avis comme explication à mon avis


  • jaja jaja 16 juillet 2015 11:39

    La démonstration est faite que l’Europe capitaliste est une prison et que tous les réformistes qui appellent à en sortir par la voie des urnes sont au mieux de doux utopistes au pire des menteurs....
    On ne s’évade pas comme ça de l’UE, arme des gouvernements européens au service du Capital, braquée sur les peuples européens.

    Tsipras qui se disait « réformiste » et « surtout pas d’extrême gauche » a capitulé. Lui qui disait vouloir faire cesser l’austérité subie par ses compatriotes se trouve aujourd’hui chargé d’infliger la rigueur aux siens... (Retraite à 67 ans, hausse de la TVA, baisse des salaires, privatisations etc...

    Les grecs ont commencé à réagir violemment dans les rues d’Athènes et des autres grandes villes... Et ce n’est pas fini !

    La grande leçon à tirer de l’expérience Syriza c’est que comme ici en 2005 lors du Référendum sur la Constitution le résultat du vote des gens du peuple n’est jamais respecté lorsqu’il ne va pas dans le sens de l’oligarchie dirigeante...

    Tsipras a été durement châtié pour avoir prétendu s’opposer à la Troïka... Et pourtant ses paroles ne se sont jamais traduites en actes décisifs ! Ce qui veut dire que la clique dirigeante de chaque pays européen est prête à tout pour maintenir le pouvoir de l’UE derrière lequel elle se cache. Ce qui permet à tous les gangsters européens au pouvoir de maintenir le taux de profit de nos exploiteurs tout en nous imposant l’austérité et les régressions sociales. Et certains se prétendent même ...de gauche, sans rire....

    La seule solution pour une vraie gauche arrivant au pouvoir c’est d’immédiatement saisir les banques, sans aucune exception, en expropriant les gros actionnaires, sans indemnités ni rachat, pour édifier un monopole public bancaire placé sous le contrôle des travailleurs et de la population. Ainsi maîtres du Crédit et du contrôle des capitaux il devient nécessaire dans la foulée d’annuler la dette détenue par les capitalistes.

    La socialisation des grandes entreprises, placées sous la direction des travailleurs est indispensable à tout changement de société... de même que le désarmement de toutes les polices et gendarmerie au service de la répression capitaliste.

    Il est évident que ce n’est pas la voie choisie par tous les réformistes à la Tsipras ou Mélenchon-Laurent ici...et que les mesurettes proposées régulièrement aux électeurs deviennent vite chiffons de papier une fois leurs auteurs élus comme le démontre une nouvelle fois l’expérience Tsipras.

    Le seul pouvoir capable de vaincre l’oligarchie c’est celui des travailleurs organisés et conscients des buts à atteindre et sachant que jamais la bourgeoisie ne leur fera le moindre cadeau et que seule la répression est à attendre de ses sbires ! Et qu’il faut les vaincre !


    • Olivier Perriet Olivier Perriet 16 juillet 2015 12:28

      @jaja

      Je ne trouve pas que Tsipras (comme Hollande, comme Sarkozy, etc...) ait menti : pour ce que j’en ai vu il n’a jamais voulu lâcher l’euro.
      Il est probable que s’il l’avait annoncé il n’aurait jamais été porté au pouvoir d’ailleurs.


    • jaja jaja 16 juillet 2015 12:52

      @Olivier Perriet

      C’est exactement ce que dit une militante grecque d’OKDE d’Antarsya disant que Tsipras n’avait fait que suivre sa ligne réformiste qui mène au désastre actuel :

      « Fani : Je pense que ceci était parfaitement prévisible, dans la mesure où le gouvernement Tsipras avait annoncé dès le départ sa volonté de poursuivre les négociations avec les créanciers et d’aboutir sur un accord avec les gouvernements européens à Bruxelles....

       Le comportement du gouvernement Tsipras est en accord avec le fait qu’il n’a jamais souhaité être en rupture avec l’Eurozone et l’Union Européenne. J’ai du mal à interpréter le recours du gouvernement à un référendum, mais je suppose qu’ils ne s’attendaient pas à ce que le « non » l’emporte avec 61 % des voix. Ils souhaitaient probablement un score plus faible, afin de pouvoir négocier un plan d’austérité plus aisément après cela. ... »

      https://npa2009.org/actualite/grece-la-gauche-anticapitaliste-dorenavant-un-role-crucial-jouer


    • Captain Marlo Fifi Brind_acier 17 juillet 2015 07:19

      @jaja
      Il n’y a pas besoin d’être de Gôooche pour comprendre qu’il faut rendre à la banque de France son rôle de prêteur à l’ Etat et aux Collectivités locales, et nationaliser les banques qui ont reçu des aides de l’ Etat. C’est au programme de l’ UPR, avec en plus :

      - l’abrogation de la loi Giscard Pompidou de 1973
      - l’interdiction des lobbies
      - le contrôle des mouvements des capitaux
      - sortir Goldman Sachs et JP Morgan du marché du gaz
      - évincer Vinci des autoroutes
      - renationalisation d’ EDF, GDF, France télécom, les sociétés d’autoroutes, les sociétés des eaux, TF1, TDF.
      - arrêter le processus de privatisation de la Poste.
      - interdire la privatisation de la santé et de l’éducation.
      etc


  • zygzornifle zygzornifle 16 juillet 2015 15:13

    « Tsipras a-t-il trahi ses engagements électoraux ? ».....Normal il a été élu pour faire un changement qui ne se fera pas, on a le même Hollande le FAUXCIALISTE de droite élu par la gauche pour gouverner par la droite ......


  • zygzornifle zygzornifle 16 juillet 2015 15:15

    L’Europe c’est un Guantánamo, un pays rentre sur ses 2 pieds et ressort les 2 pieds devant une fois sucé jusqu’à la moelle .....


  • G. N’Doutpa 20 juillet 2015 11:31

    L’Europe,
    Institution qui organise
    Le marché mondialisé sur le continent, par délégation U.S.
    Oublie que le projet initial aurait dû être
    Une démocratie entre nations souveraines.


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