lundi 4 mars 2013 - par Pelletier Jean

La disparition discrète d’Henri Caillavet

Agé de 99 ans, il a disparu cette semaine dans une étonnante discrétion des médias, tout occupés à commenter la non moins célèbre disparition de Stéphane Hessel. Né le 13 février 1914 à Agen, il s’est éteint à Paris le 27 février. Pourtant Henri Caillavet a été un serviteur de la république exemplaire et son activité parlementaire a largement contribué à l’évolution de notre cadre sociétal.

Homme du siècle dernier, il avait su encore franchir le nouveau siècle. Et cette modernité là, doublée d’une vigueur exceptionnelle, c’est ce qui caractérise l’action de toute sa vie. Vieux, exceptionnellement vieux, il était aux yeux de beaucoup éternellement jeune. Humaniste convaincu, franc maçon reconnu il abordait tous les problèmes de société avec courage et réformisme.

C’est à l’âge de 32 ans, 2 juin 1946 qu’il se fait élire à la seconde constituante comme député du Lot et Garonne. Il a exercé 38 années de mandats électoraux comme député ou comme sénateur. Il devient avocat et réfute la politique du maréchal Pétain, ce qui lui vaut son arrestation et son internement le 28 octobre 1940. Faute de preuves, il sera relâché.

Il a été résistant, « passeurs d’armes » pour les républicains espagnol, et interné par les allemands. Initié à la maçonnerie il sera un redoutable procureur, dans ce cénacle particulier, pour traquer les anciens porteurs de la francisque.

Législateur, il sera sous la IVème république, un député hyper actif 31 textes seront proposés par ce député hors pair. C’est sous cette république là qu’il fera ses armes et que va naître le parlementaire, dont les exposés des motifs sous la Vème république deviendront une véritable légende.

C’est, en effet la Vème république qui va lui offrir le cadre de son action exceptionnelle envers les problèmes de société les plus important de ces 50 dernières années : L’avortement, les régimes matrimoniaux, le droit de mourir dans la dignité, les greffes d’organes. Ce « jeune homme » d’esprit n’hésitait pas à s’emparer des causes les plus embarrassantes : l’homosexualité et le transsexualisme.

L’informatique sera aussi l’un de es terrains de jeu, il contribuera à la mise en place de la Commission nationale informatique et liberté. Il sera un participant actif du think tank Réseau Voltaire.

Bref il sera un infatigable globe trotter des sujets de société avec une bienveillance qui le caractérisait, sur le devenir de l’humanité.

Athée et rationaliste, tel était sa carte de visite, maçon discret il était une des personnalités les plus importante du Grand Orient de France (33e degré). Radical de gauche, il est resté de « gauche » toute sa vie, tout en se faisant respecté au sénat aussi bien par les communistes que les gaullistes.

C’était un orateur de talent, émouvant, précis, parlant sans note il captivait son auditoire. Rapporteur au sénat de la loi Veil, il fait voter sa propre loi, la loi Caillavet sur les greffes d’organes.

Il est l’homme de « l’intérêt général », mesuré, patient à l’extrême, courtois, brillant, respecté des services du Palais du Luxembourg, il méritait l’admiration et le respect que la société lui portait.

On aurait aimé que la République, qu’il avait tant aimée, eût été un peu plus courtoise à son égard au moment de son départ pour l’Orient éternel.



19 réactions


  • Sacotin Sacotin 4 mars 2013 10:57

    Merci pour sa mémoire, M. Pelletier.

    Il n’a pas « glandé ». Il a été un semeur.

  • julius 1ER 4 mars 2013 11:22

    alors maintenant Jean tu t’investis à fond dans la rubrique nécrologique ??????????


  • Kookaburra Kookaburra 4 mars 2013 12:01

    Bonjour Jean.

    Il était aussi président de l’ADMD de 1986 à 1991 puis de 1996 à 2001, et donc militant pour le droit au suicide assisté.


  • voxagora voxagora 4 mars 2013 12:12

    L’euthanasie pour les autres, apparemment ça conserve.


  • Furax Furax 4 mars 2013 12:30

    Bonjour Jean.
    Je ne connais pas les circonstances de son décès mais je suis toujours surpris de constater à quel point les apôtres de l’euthanasie sont solidement accrochés à l’existence.
    Ca me fait penser au fameux livre sur ce sujet, « Changer la mort ». Un des deux auteurs,Pierre Viansson-Pontet, ancien directeur du « Monde » était atteint d’un cancer peu après la sortie du livre. Il a couru de charlatan en guérisseur lorsqu’il a compris que la médecine était impuissante, refusant l’idée même de sa disparition. Quant à l’autre auteur, Léon Schwartzenberg, en fin de maladie,il s’est sagement tourné vers sa religion, le judaïsme...


    • Pelletier Jean Pelletier Jean 4 mars 2013 12:49

      @Furax,

      Pierre Vianson-Pontet n’était pas Directeur du Monde mais : « chef du service politique (1958), rédacteur en chef adjoint (1969) éditorialiste et conseiller de direction (1972). »
      et il a effectivement en 1977 (deux ans avant sa mort) écrit avec Léon Schwartzenberg : Changer la mort, , Paris, Albin Michel, 1977 ;
      Lui même décédé en octobre 2003.

      http://jmpelletier52.over-blog.com/


    • cedricx cedricx 4 mars 2013 15:42

      L’euthanasie est préconisée pour les gens à qui la vie est devenue insupportable, pour diverses raisons propres à chaque personne, il n’y a pas de raison qu’une personne qui vit son grand âge naturellement et sans trop de souffrance cherche a abréger sa vie.


    • Jean J. MOUROT Jean J. MOUROT 4 mars 2013 17:53

      Et il s’appelait Pierre Viansson-Ponté (et non Pontet) !


  • morice morice 4 mars 2013 13:55

    Sympa d’avoir pensé à lui et je vous en remercie : ce sera un de ceux qui DISCRETEMENT aura le plus fait avancer la société française. Tellement discret qu’il est parti en laissant la presse parler d’un autre, aussi intéressant certes, mais qui a un peu occulté sa disparition, hélas !


  • Jean-François Dedieu Jean-François Dedieu 4 mars 2013 15:57

    Un hommage partagé.38 ans de mandats, de belles choses à son actif sans la part d’ombre il semblerait. Dans l’état actuel de notre démocratie participative, la politique professionnelle mène inéluctablement vers la corruption et nous ne devons plus cautionner... Dire qu’il faut que ce soient les Suisses qui nous donnent une leçon pour limiter les abus des managers salariés ! 


  • Pelletier Jean Pelletier Jean 4 mars 2013 23:12

    @Fatale


    C’était un ufologue très connu quia écrit beaucoup de livres et a vécu toute sa vie à St Vincent les Forts, je ne savais pas qu’il avait fréquenté Cocteau.,

    Bien à vous.

    jean





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