Lendemains de fête
Voilà, le peuple a parlé. Il a mis au pouvoir un libéral bon teint et renvoyé à ses remontées de bile la candidate extrême experte en récupération.
Deux camps se sont affrontés sur le terrain des idées, enfin, si l’on peut dire car si l’heureux élu a su convaincre une majorité de votant en faisant montre d’une volonté sans faille, en surfant sur sa jeunesse et son intelligence et en restant flou sur le reste, la candidate évincée a elle-même savonné la planche en revenant aux fondamentaux des partis d’extrême droite à savoir l’invective et le refus du débat.
D’un côté, donc, des promesses de vendeur d’aspirateur, de l’autre la mise en lumière de l’incompétence à revêtir le costume.
La trouille a parlé
Une fois de plus, ces élections auront été marquées par la trouille, celle du FN, celle de la violence verbale, de l’exclusion de l’autre et de l’isolationnisme du Pays, bien que sur ce dernier point on puisse partager une part de diagnostic sur l’inefficacité des institutions européennes sans partager pour autant l’administration du remède de cheval préconisé.
D’un côté, donc, un bloc bien soudé, mais friable, autour de celle, le seule qui « aime la France » prêt à tout accepter, y compris les solutions extrêmes proposées par le chef, et de l’autre, un gentil garçon, ni de droite, ni de gauche qui nous fait l’éloge de la mondialisation, du rôle des élites économiques, sans nous dire comment il va s’y prendre pour éradiquer la « fracture sociale » qui divise le pays depuis 20 ans.
Comment qualifier cette élection ?
S’agit-il d’un vote d’adhésion ou de refus ? Nous sommes tellement habitués à voter contre depuis 15 ans que nous semblons ne plus savoir ce que c’est que d’adhérer à un projet, encore faudrait-il que les projets soient ensuite mis en œuvre, ce qui est rarement le cas. L’exemple du quinquennat calamiteux qui s’achève qui a conduit à qualifier de frondeurs des parlementaires qui voulaient simplement respecter les promesses de 2012 du Bourget démontre qu’on peut faire passer n’importe quoi avec la langue de bois et le rouleau compresseur de la communication politique.
Côté « ambiance », nous avons été gâtés, au point de pouvoir dire que les faits divers de campagne (emplois fictifs, costumes sur mesure, rumeurs sur les comptes offshore,…) abondamment relayés par les médias en continu auront contribué à transformer cette élection en épisode de télé réalité quotidien, une sorte de « plus belle la vie » en quelque sorte, destiné à faire oublier le reste, c’est-à-dire la vacuité des programmes et des promesses électorales.
On en arrive à penser qu’au lieu d’organiser un vote formel, il serait possible de taper sur la touche 1 pour garder un candidat, sur la touche 2 pour le faire sortir du loft Elyséen, et sur dièse pour ne pas se prononcer. On gagnerait du temps et de l’argent et au lieu de faire durer la campagne sur 8 mois comme cela a été le cas depuis les primaires, on pourrait simplement faire quelques émissions en prime time, avec l’espoir de gagner une cagnotte et un séjour à Disneyland pour quatre personnes pour inciter à une plus forte participation.
Au final, cette élection fut celle de la nausée, du clivage, des rancœurs, de la bile qui remonte et de la fausse promesse de lendemains qui chantent.
Quelle est la composition de l’électorat qui a mis le vainqueur au pouvoir ?
Ni de gauche, ni de droite, bien sûr, encore faut-il attendre les résultats des législatives pour voir de quel côté la balance va pencher en cas de cohabitation obligée et là nous verrons à nouveau à l’œuvre les subtilités du système politique français où pour un plat de lentilles (ou plutôt un bon poste ou le vote d’un amendement en faveur d’un lobby) le personnel politique est prêt à tout, surtout à oublier et à enfouir profondément ce qui fait sens pour l’électeur lambda. Il ne faudrait pas confondre démocratie représentative et mandat impératif, tout de même !
En fait l’électorat du gagnant se compose de quatre tiers (tout dépend de la grosseur des tiers comme disait Pagnol) : un premier du centre, parce que c’est par là que commence le mélange subtil des renoncements, le second de gauche, enfin celle qui se renie depuis 20 ans en glissant vers la droite et qui se fait absorber par le centre (les fameux socialistes du « réel »), le troisième de droite, celle qui aime par-dessus tout être aux affaires et qui n’a pas encore mis le pied gauche dans l’extrême droite et enfin le quatrième tiers, très transversal qui est allé au-devant de la victoire par trouille, convaincu qu’il a été par tous les bobards qu’on lui a fait avaler sur la possible arrivée de l’extrême droite aux affaires.
Vous agitez le tout et il y a des chances pour qu’un nombre très important de cocus se disent déçus à court terme en attendant les prochaines élections où on nous resservira le même plat avarié du danger du Front National pour aller veauter en masse pour n’importe qui.
Ceux qui ne se sont pas prononcé
L’élément majeur, ce sont quand même les 25 % d’abstentionnistes auxquels il faut ajouter les votes blancs ou nuls (10 % environ) sans parler des 6,5 Millions de Français non-inscrits sur les listes électorales. Même sans ces derniers, le nombre de suffrages exprimés par rapports aux inscrits s’établit à (67%), et le nouveau Président n’a par conséquent été élu que par (47 %) des électeurs inscrits : pas de quoi pavoiser.
Pour faire monter ce chiffre, rien ne nous aura été épargné dans le domaine de la culpabilisation : des tribunes « d’intellectuels » en passant par les médias relayant l’action de jeunes culpabilisant les abstentionnistes par des « si vous ne votez pas, vous n’aurez pas à vous plaindre de ce qui pourrait arriver ».
Le « ce qui pourrait arriver », il est bien là le problème de ce matraquage. Les sondeurs qui avaient fait du bon boulot au premier tour, on tous annoncés un 60/40 en faveur de l’élu pour le second tour en détaillant les reports prévus.
Alors pourquoi cette culpabilisation, cette peur agitée ? Tout simplement parce qu’un Président doit être bien élu, pas par seulement 47 % des électeurs inscrits comme c’est le cas. Plus le nombre de vote en sa faveur est élevé, moins il sera contesté et plus la probabilité d’obtenir une majorité parlementaire à sa main sera importante. C’est de la simple cuisine politique. Le FN était juste là pour aider à atteindre cet objectif.
Contrairement à l’idée répandue, l’abstention donne le droit de critiquer Macron, chose que pourront faire difficilement ceux qui ont voté pour lui et participé à cette formidable arnaque au vote quasi obligatoire pour leur poulain.
Tout ce battage ne fut qu’une grande manipulation des esprits avec la peur du FN au pouvoir. Ce ne sera pas pour cette fois, heureusement. Il faut être bien naïf pour croire aux vertus présumées purgatives d’un plébiscite pour laminer les extrêmes alors que c’est sur le terrain que cela doit se faire au quotidien. Sinon, il se pourrait bien que le fameux « front républicain » ne serve à rien la prochaine fois.