jeudi 26 avril 2012 - par
Les 10 bobards de la présidentielle
Liste non exhaustive
DSK, meilleur candidat pour le Parti socialiste.
Sondages mirifiques à l'appui, c'est la théorie qui s'est développée en début d'année 2011. Il était déjà étrange, voire carrément inquiétant, de constater que le parti "socialiste" était prêt à se donner comme candidat un ancien président du FMI, instance de l'orthodoxie monétariste et budgétaire détestée dans tous les pays qui ont eu le malheur d'avoir à traiter avec.
Mais les révélations new-yorkaises, puis parisiennes et lilloises, ont empêché le grand homme, qui aurait très probablement été choisi des deux mains par les militants et sympathisants à l'issue des primaires, secondaires ou tertiaires.
Avec le recul, heureusement…
"Europe écologie - Les Verts", un parti en plein essor.
Encore raté pour les écologistes de gauche, avec la candidature d'Eva Joly qui recueille à peine plus de suffrages que Nicolas Dupont-Aignan, parfait inconnu il y a encore 3 semaines.
L'histoire semble bégayer : déjà en 2007, Dominique Voynet plongeait dans les profondeurs du classement, à portée de fusil du chasseur Frédéric Nihous. Pourtant, rappelons-nous les discours enflammés qui suivirent les européennes de 2009 où EELV avait atteint 14% des voix. Les mêmes qu'après les européennes de 1999 boostées par Daniel Cohn-Bendit…
Les primaires socialistes, un progrès démocratique considérable.
C'est encore la thèse qui fleurit chez les intéressés. Arnaud Montebourg fut mieux inspiré. Car, à part faire de la publicité au PS, avec l'aide du Ministère de l'Intérieur qui a privatisé les listes électorales à son bénéfice, on ne voit pas en quoi la démocratie s'en trouve renforcée. Le résultat fut une parodie d'élection, à la fois grotesque (un parti politique laisse le soin à tout citoyen de choisir son candidat) et inquiétante (combien de vraies fausses élections de ce type seront organisées à l'avenir, et dans quels buts ?).
Finalement, quelle meilleure illustration de la connivence UMP - PS, qui se déchirent devant la galerie mais semblent considérer l'État comme leur propriété privée ?
Jean-Pierre Chevènement, Hervé Morin, Jean-Louis Borloo, Dominique de Villepin, Christine Boutin…candidats ! (ou le feuilleton des candidatures bidons).
Belles prestations puisqu'on a dû attendre février pour voir se dégonfler les pseudos candidats, qui n'avaient sans doute aucune envie d'aller jusqu'au bout. Avec une mention spéciale pour Dominique de Villepin : n'a-t-il vraiment pas pu réunir 500 signature, lui, ancien premier Ministre bien exposé médiatiquement ? Était-ce du bluff depuis le début ? Peut-être s'y est-il pris trop tard, persuadé que la France l'attendait comme le messie. Quant aux autres, en parasitant la campagne, ils ont au moins prouvé que la manipulation n'est pas l'apanage des "grands candidats".
Marine Le Pen risque de ne pas avoir ses 500 parrainages !
C'est le bruit qui a commencé à courir à la mi-février. Même interrogation que pour Dominique de Villepin : intox ou confiance excessive et recherche tardive ? On ne saura jamais. Quelques éléments de réponse toutefois : cette formalité n'est pas une nouveauté pour le parti frontiste, qui peut avoir au minimum un tableau excel à jour. Et ce ne furent pas 500 parrainages à trouver mais à peine 400, puisque les dernières élections régionales furent particulièrement favorables au FN et lui ont donné un nombre appréciable d'élus. Une mission impossible, vraiment ? Un "État UMP" capable de censurer les maires non encartés, est-ce crédible ? Ce fut en tout cas l'occasion d'un petit recours auprès du Conseil d'État sur l'anonymat des parrainages, rejeté comme c'était assez prévisible. Pour reprendre l'expression d'une intervenante d'Agoravox, l'anonymat n'est en rien une garantie contre "l'explosion des manipulations"…
L'élimination de Nicolas Sarkozy par Marine Le Pen au premier tour serait "un cataclysme démocratique" !
Ce fut l'idée directrice de l'éditorial de l'hebdomadaire Marianne, le 28 janvier 2012. Avec de tels opposants, Nicolas Sarkozy n'a pas de souci à se faire. Au reste, on voit mal en quoi son élimination serait si catastrophique, si ses "transgressions à répétition" sont tellement infâmes. Cet argument fut en tout cas décisif pour personnaliser l'élection à l'extrême (pour ou contre Nicolas Sarkozy ?), faisant quasiment passer au second plan les autres sujets. Le vote utile pour Sarkozy, mais soutenu par ses opposants, voilà qui ne manque pas de piquant…
C'est Marine Le Pen qui a soulevé le scandale de la viande hallal.
En réalité, c'est un reportage d'Envoyé spécial qui a levé le lièvre, le jeudi 16 février. Marine Le Pen s'en est emparée le week-end suivant en lançant la polémique sur la viande consommée/abattue en Île-de-France. Il est vrai que c'est la seule parmi les candidats à avoir creusé le sujet à fond en y consacrant un clip de campagne en entier...
Les assassinats de Toulouse et Montauban ? Une mise en scène pour remettre en selle la candidature de Sarkozy !
Les supputations sournoises étaient attendues : à quelques semaines de l'élection, ces faits divers ne pouvaient qu'être l'œuvre du diable de l'Élysée. Manque de chance, Mohamed Merah a revendiqué ses actes au nom du djihad contre les juifs et les pays engagés en Afghanistan. Impossible de prétendre directement qu'aucun avion ne s'est crashé sur le Pentagone. Disons que les services secrets ont laissé faire et qu'ils sont, au minimum, indirectement responsables. Au final, ces assassinats tragiques n'auront guère bénéficié au locataire de l'Élysée, qui conserve dans les urnes son socle constant de 25% d'opinions favorables. J'ai l'intuition toutefois qu'ils ne sont pas étrangers à la poussée de Marine Le Pen, comme le climat délétère de "l'Intifada des banlieues" des années 2001-2002 a incontestablement profité à son père. Mais, chut, n'en parlons pas…
Les jeunes avec Marine !
Un sondage a accrédité cette hypothèse, dont les sympathisants frontistes ont fait leurs choux gras. Quelques jours plus tard, une autre enquête[1] indiquait que Jean-Luc Mélenchon arrivait en tête chez les 18-25 ans. Sans remonter jusqu'à Clemenceau[2], nombre d'études consacrées à ce sujet depuis des années[3] ont montré que les jeunes penchent plus à gauche et que la droitisation arrive en vieillissant. Amusant, toutefois, de constater que les sympathisants du FN ont subitement trouvé toutes les vertus aux jeunes, alors qu'ils étaient habitués, depuis le 21 avril 2002, à les traiter de têtes de linottes manipulés par leurs enseignants gauchistes (fut-ce pour critiquer des manifestations ayant lieu en pleines vacances scolaires…). Cette question si sensible permet toutefois d'en évacuer une autre : celle de la préférence massive des plus de 60 ans pour Nicolas Sarkozy…
Jean-Luc Mélenchon va remonter, dépasser et terrasser l'hydre frontiste.
Le bruit courait depuis plusieurs semaines. À Mots croisés (16 avril) François Delapierre, directeur de campagne de Jean-Luc Mélenchon, a réitéré cette prophétie, comme en lévitation au-dessus de lui-même. Le verdict est cruel : le socle ouvrier frontiste n'a pas été entamé d'un pouce et la candidature de Jean-Luc Mélenchon a seulement réussi à éponger les candidats trotskistes et Eva Joly. 10% c'est grosso modo le score des candidatures cumulées PC-Verts-divers écologistes-LCR-Lutte ouvrière en 2002 et 2007. Sans doute un problème de discours :
Malgré des avancées remarquables, il était sans doute difficile de convaincre un électorat populaire des vertus d'une VIe République parfaite tout en entretenant l'omerta sur les conséquences de l'immigration, "faux problème" dont il est interdit de débattre.
Au reste, les résultats de ce premier tour ne peuvent qu'inviter les politiques à la modestie :
La volatilité des votes (creux de Jean-Marie Le Pen en 2007, envolée de Marine Le Pen en 2012, phénomène inverse pour François Bayrou, siphonage des votes "trotsko-révolutionnaires" par Jean-Luc Mélenchon en 2012) reste l'un des enseignements majeur des dernières élections présidentielles.
Et l'attitude de nombreux éditocrates, qui se sont visiblement faits violence pour donner un temps de parole égal à tous les candidats lors de la campagne officielle, parait bien dangereux pour la démocratie...
[1] Voir Marianne n°782, p 12.
[2] "Celui qui n'a pas été anarchiste à 16 ans est un imbécile. C'en est un autre s'il l'est toujours à 40 ans".
[3] Sondage "sortie des urnes THS Sofres" 2007 cité par Emmanuel Todd dans "Après la démocratie" (2008) p138