Mélenchon, ou le renoncement à la politique
Mélenchon et les Mélenchonistes ne calculent pas les autres. Ils ne passent aucun accord avec d’autres groupes qui sont sommés d’être entièrement pour eux ou tenus pour rien. Cette attitude est caractéristique des sectes. Il n’y a pas de réciprocité. Les autres n’existant pas et n’étant pas imaginés comme des personnes, avec une volonté, Mélenchon demande à Macron de faire un geste à propos de la loi travail ! Mélenchon est opposé, par principe, à ce genre de demande : « L'élection présidentielle se joue sur l'adhésion et non sur de petits arrangements d'appareils. » Cela ne le retient pas. Il y rajoute une menace : « Il prend des risques en se conduisant comme il le fait. » et d’un jugement absolu sur la personne de Macron : « cet homme n'est pas capable de diriger le pays ». Macron lui refuse clairement et poliment de modifier son programme, ce qui va de soi. Mélenchon devrait savoir que cela va de soi et se dispenser, et dispenser à son mouvement, cet échec supplémentaire.
Le Gorafi résume tout cela dans ce titre : En échange de son soutien à Emmanuel Macron, Jean-Luc Mélenchon demande le poste de président de la République. C’est une synthèse parfaite de ce qu’il se passe, de ce que fait Mélenchon.
Dans cette forme spéculative du discours et de la pensée, l’échec c’est la victoire, (la victoire du coup d’après, soi-disant). En ce moment, les législatives. L’opposition nous et les autres sera plus visible.
Ce type de pensée et de pratique a déjà existé dans la gauche ouvrière. En 1931, Ernst Thälmann, leader du parti communiste allemand tenait ce type de raisonnement : « La social-démocratie essaie, en évoquant le spectre du fascisme d’Hitler, de détourner les masses d’une action vigoureuse contre la dictature du capital financier. Et c’est ce plat empoisonné qui constitue, en réalité, l’un des aspects de sa politique ordinaire du “moindre mal” qu’elle s’apprête à accommoder à la sauce d’une prétendue amitié soudaine pour le Parti communiste (…). Et il y a des gens à qui les arbres du national-socialisme cachent la forêt de la social-démocratie ! » Trotski s’y est opposé. Et en principe Mélenchon est trotskiste. La succession implicite est : le fascisme est le visage le plus hideux du libéralisme ; au fond, c’est la même chose. Voir ce libéralisme en toute clarté confortera notre analyse et nos luttes et aidera à les rendre victorieuses. L’histoire nous a bien montré que non, que la suppression des libertés empêchait toute prise de conscience et toute action.
Mon précédent article qui portait sur le mélenchonisme comme système, celui-là porte sur le mélenchonisme comme mentalité (qu’est-ce que cela fait aux personnes qui s’y mettent, qu’est-ce qu’il faut avoir en soi pour adhérer).
La pratique la plus courante de celles et ceux qui adhèrent à ce type de pratiques consiste à substituer des critiques de leur interlocuteur (pour employer une litote, car ce sont souvent des diffamations et des injures) à la critique de ses arguments. De passer du langage socio-politique au langage psychologique. Ils renoncent à la politique, au traitement de nos affaires communes, ils renoncent au débat, à la démocratie pour faire des procès en sorcellerie de celles et ceux qui ne pensent pas comme eux. Procès en sorcellerie signifie jugement de la personne sans avoir de faits à reprocher et sans même chercher à en avoir. Ils abandonnent la politique pour la morale ; dans la morale, le jugement moral. De quoi Mélenchon et les mélenchonistes sont-ils le nom ? de ces renoncements au profit d’un victimisme identitaire choisi.
Les opposants sont des méchants qui n’ont rien compris.
Je définirai ce type de comportement de paranoïaque. J’entends par paranoïa le fait de prendre ce qui vient vers soi, ce que l’on rencontre (la parole des autres ici) comme des manifestations d’amour ou de désamour. C’est une définition qui ne couvre pas ce que la psychanalyse dit de ce concept, mais qui est opérationnelle ; on peut rapidement voir si une personne se comporte selon cette règle ou non.
Les mélenchonistes n’argumentent pas. Ils répondent souvent aux questions par des phrases qui commencent par « tu ». « Tu confonds tout. Tu t’ennuies ??? Tu me fatigues. Tu me sembles être un type bizarre. Tu vas bien ??? pas que des bons souvenirs de toi… ». Ce sont des réactions authentiques à mes écrits. Je les montre à qui veut. On en voit partout sur Agoravox et sur le Net.
J’appelle de mes vœux un discours politique qui prenne en charge le réel et tâche de le guider en fonction d’options généreuses. L’affirmation de soi passant par le rejet de l’autre est impolitique. C’est juste fierté, orgueil, autoproclamation de son excellence. J’appelle à une certaine modestie et prudence, ce qui n’empêche pas une audace aussi, à une énergie mesurée et efficace. J’appelle au militantisme, c’est-à-dire au travail politique.