lundi 28 novembre 2016 - par Sylvain Rakotoarison

Prémices préprésidentielles 2017 (3) : François Fillon, candidat incontestable du parti Les Républicains

Petit tour des candidatures à la candidature au premier tour de l’élection présidentielle française du 23 avril 2017. Troisième partie : la primaire ouverte du parti "Les Républicains" (suite et fin).

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Le second tour de la "primaire de la droite et du centre" s’est déroulé ce dimanche 27 novembre 2016 dans les 10 228 bureaux de vote prévus pour ce scrutin. Comme au premier tout, tous les électeurs inscrits sur les listes électorales pouvaient y participer sous réserve de régler 2 euros pour les frais d’organisation et de signer un engagement républicain.


Résultats définitifs du premier tour

Les résultats définitifs du premier tour du 20 novembre 2016 n’ont été publiés que le 23 novembre 2016. Si les pourcentages entre les différents candidats n’ont pas évolué, le nombre de votants si : il y a eu finalement 4 298 097 votants, ce qui est 300 000 de plus que les statistiques annoncées le soir du scrutin. Non seulement c’est une large réussite pour "la droite et le centre" (rappelons que la primaire socialiste du 9 octobre 2011 n’avait rassemblé que 2 661 231 votants, mais cela va apporter au candidat désigné un trésor de guerre non négligeable à 2 euros le vote (il faut retrancher les frais d’organisation).

François Fillon fut placé en tête avec 1 890 266 voix, soit 44,08%, suivi d’Alain Juppé avec 1 224 855 voix, soit 28,56%. Ensuite, Nicolas Sarkozy a recueilli 886 137 voix, soit 20,66% (moins d’un million de voix).

Les "petits candidats" se sont partagé les 7% restants : Nathalie Kosciusko-Morizet avec 109 655 voix, soit 2,56% ; Bruno Le Maire avec 102 :168 voix, soit 2,38%, qui a finalement dépassé le seuil symbolique des 100 000 suffrages ; Jean-Frédéric Poisson avec 62 346 voix, soit 1,45%.

Enfin, Jean-François Copé est apparu comme un micro-candidat avec son très faible score, 12 787 voix, soit 0,30%, j’avais donné quelques comparaisons avec le nombre de ses électeurs à Meaux en juin 2012 (très supérieur) ou même celui de Jean-Michel Baylet lors de la primaire socialiste du 9 octobre 2011. Donnons-lui cependant une comparaison flatteuse : s’il est bien arrivé bon dernier, Jean-François Copé a obtenu quand même presque deux fois plus de voix (72% de plus) que celles qui ont été nécessaires (7 430 voix) pour que Yannick Jadot fût déclaré vainqueur de la primaire EELV !


Campagne du second tour de la primaire

L’élection semblait pliée dès le soir du 20 novembre 2016 en raison de la forte avance et de la dynamique incontestable de la candidature de François Fillon. De plus, les soutiens se sont multipliés en faveur de François Fillon : Nicolas Sarkozy et la plupart des sarkozystes (Éric Ciotti, François Baroin, Christian Estrosi, etc.), Bruno Le Maire et ses soutiens (comme Hervé Morin), et aussi Nadine Morano, Jacques Myard ont apporté leur soutien tout au long de la semaine de campagne. De son côté Alain Juppé a bénéficié du ralliement de Nathalie Kosciusko-Morizet et… de Jean-François Copé.

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La campagne agressive des juppéistes contre François Fillon s’est achevée lors du quatrième et dernier débat de la primaire le jeudi 24 novembre 2016. Durant ce duel, deux hommes courtois s’étaient mollement opposés et s’étaient montrés prêts à soutenir l’autre en cas d’échec. La fracture a été évitée. Ce débat télévisé a été regardé par 8,4 millions de téléspectateurs, ce qui montrait une forte attente pour le renouvellement du pouvoir exécutif.

Le dernier jour de campagne, le vendredi 25 novembre 2016, fut assez révélateur. Rassemblant environ 10 000 personnes au Parc des Expositions à la Porte de Versailles de Paris, François Fillon s’en est surtout pris au gouvernement socialiste et au Président François Hollande. Dans son esprit, la primaire était déjà terminée et il attaquait le plat principal de la présidentielle, il faisait déjà campagne pour 2017. De son côté, comme pour le dernier jour de la campagne du premier tour à Lille, Alain Juppé a fait un meeting électoral à Nancy et s’est surtout focalisé à énumérer les différences qu’il avait avec François Fillon : les propos n’étaient pas de même nature.


Participation du second tour du 27 novembre 2016

Contrairement aux prévisions qui laissaient entendre que la forte mobilisation du premier tour (4,3 millions de votants) provenait du désir généralisé de voter contre Nicolas Sarkozy, et donc, qui imaginaient une baisse notable de la participation pour le second tour, puisque Nicolas Sarkozy en a été exclu, la participation au second tour a été, elle aussi, très importante, même plus élevée qu’au premier tour, ce qui est assez exceptionnel.

Sur 10 008 bureaux de vote (sur 10 228), il y a eu 4 299 861 votants, soit légèrement plus que la totalité des bureaux de vote au premier tour. Elle pourrait approcher les 4,4 millions de votants en définitive.

Selon certains sondages, 15% des votants seraient proches de la gauche et 9% seraient proches du Front national. Il y a eu une certaine ironie à ce que les médias dits de gauche ("L’Obs" notamment) fassent eux-mêmes campagne en faveur d’Alain Juppé, au premier tour pour s’opposer à Nicolas Sarkozy et au second tour pour s’opposer à François Fillon. L’opération a raté, et en plus, a permis d’augmenter les recettes pour le budget de la future campagne de François Fillon.

En effet, avec deux tours de 4,3 millions de votants, à 2 euros le vote, le nouveau candidat LR pourra bénéficier d’un pactole probablement compris entre 10 et 15 millions d’euros. Comme le plafond des dépenses électorales était en 2012 de 22 509 000 euros et que l’État remboursera la moitié de ces frais, le financement de la campagne présidentielle de François Fillon est donc quasiment déjà assuré.

Mais évidemment, la forte participation est d’abord une aubaine politique avant d’être une aubaine pécuniaire. Fort d’une telle légitimité, le candidat LR va pouvoir engager l’unité de l’opposition républicaine sans trop de difficulté.


François Fillon, largement élu

Partout en France, sauf à Bordeaux et dans quelques départements d’outremer, François Fillon a remporté largement le second tour de la primaire LR. En gros, il y a eu deux tiers en sa faveur et un tiers en faveur d’Alain Juppé. François Fillon avait été pourtant relégué il y a un mois à la quatrième place dans les sondages. Dans les résultats encore partiels, François Fillon a recueilli 2 851 487 voix, soit 66,5% et son concurrent Alain Juppé 1 435 667 voix, soit 33,5%.

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Avec une performance inespérée tant au premier tour qu’au second, François Fillon était naturellement assez ému. Son score n’était pourtant pas imprévisible, au contraire. En faisant le total des voix du premier tour portées sur François Fillon, Nicolas Sarkozy et Bruno Le Maire, on serait arrivé à peu près à ces 66 ou 67%.

Comme au premier tour, les grands écarts ont rendu l’élection incontestable. C’est donc dans tous les cas une grande victoire de François Fillon, que beaucoup ont considérée comme méritée car il avait travaillé pendant trois ans et demi pour construire son programme, rencontrant de très nombreux Français (7 000 Français ont contribué à son programme). Il a beaucoup rencontré, beaucoup écouté, beaucoup compris la réalité du pays, beaucoup réfléchi aux solutions à proposer.

Parallèlement à cette victoire, ce fut donc aussi la défaite d’Alain Juppé qui était pourtant le chouchou des sondages. Une fois encore, les sondages ont montré que leur utilité était assez discutable, du moins en termes de prédictions.

Il faut bien reconnaître qu’Alain Juppé a fait une très mauvaise campagne tant du premier tour que du second tour. En refusant de prendre en compte la souffrance de nombreuses personnes de classe moyenne, et en leur balançant de manière assez insolente que l’identité devait être "heureuse", il s’est enfoncé dans l’opinion des électeurs de la primaire LR au point qu’il aurait pu être éliminé dès le premier tour. Assez réservé dans les meetings électoraux, c’était tout juste s’il n’était pas agacé qu’on l’applaudît, ce qui donnait peu "envie" de le soutenir.

Quant au second tour, je l’ai déjà évoqué, son pilonnage en règle contre François Fillon a été très mal perçu et a même réveillé certains électeurs qui n’avaient pas souhaité prendre part à la primaire. Dans tous les cas, il a laissé une atmosphère de flou sur son programme et sur ses intentions tandis que François Fillon, son grand point fort, a convaincu sur sa détermination à appliquer le programme qu’il a clairement exposé.

Il y a manifestement un grand vent de renouvellement qui a balayé la classe politique. Tous les candidats "anciens" ont été éliminés. À la primaire des écologistes, dès le premier tour, Cécile Duflot a été élimée. À la primaire LR, dès le premier tour, Nicolas Sarkozy a été éliminé, et au second tour, Alain Juppé a été éliminé. On pourrait imaginer qu’en cas de primaire du Front national, Marine Le Pen pourrait être mise en difficulté par …sa nièce Marion Maréchal-Le Pen. Quant à la gauche, c’est le désordre et la confusion, j’y reviendrai.


Chronologie de la courte "soirée électorale"

Ce dimanche 27 novembre 2016, les bureaux de vote ont été fermés dès 19 heures. Contrairement à une élection normale, les instituts de sondages ont été incapables de fournir des sondages "sortie des urnes", mais la tendance était connue dans les rédactions très rapidement, dès la demi-heure qui a suivi, à tel point que le siège de campagne d’Alain Juppé a été déserté.

L’annonce officielle de la victoire de François Fillon a été faite à 20 heures 20 par une déclaration de la présidente de la Haute Autorité de la primaire LP, Anne Levade (universitaire), qui a rendu publics les résultats des 2 151 premiers bureaux de vote : François Fillon avait 69,5% et Alain Juppé 30,5%. Les premiers résultats provenaient de régions rurales qui étaient nettement plus favorables à François Fillon. Le score de François Fillon s’est ensuite affiné à la baisse, au fil des dépouillements dans les grandes villes.

Dès le début de la soirée, il n’y avait donc aucun incertitude sur l’issue de la primaire LR. Tout est donc allé très vite.

Le plus cocasse fut sans doute Jean-François Copé qui n’a pas pu s’empêcher de faire une déclaration dès 20 heures 27 : candidat malheureux (et dernier) du premier tour, soutien d’Alain Juppé, Jean-François Copé a félicité François Fillon avec enthousiasme et lui a fait offre de service, comme s’il avait été un filloniste de la première heure. Au point qu’un autre soutien d’Alain Juppé, Hervé Gaymard, n’a pas pu s’empêcher de lâcher sur LCI, que Jean-François Copé était « un homme de talent mais qui ne l’a pas utilisé à bon escient depuis pas mal de temps » ! Il y en a qui n’ont pas de scrupules quand il s’agit de nourrir leurs ambitions personnelles…

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Sans tarder, à 21 heures 00, Alain Juppé a fait une courte déclaration à son siège de campagne pour prendre note, apporter son soutien à son concurrent et dire qu’il retournerait s’occuper de la mairie de Bordeaux. Il a surtout laissé un testament politique, insistant sur la nécessité de rassembler tous les Français et d’apporter l’apaisement au pays.

À peine la déclaration du maire de Bordeaux fut terminée, à 21 heures 10, et François Fillon, à son siège de campagne aussi, a fait sa propre déclaration où il appelait à l’union de tous les participants à la primaire LR pour la campagne présidentielle qui s’annonce. François Fillon avait du mal à sourire et on avait l’impression qu’il était sur son petit nuage, comme un miraculé qui a du mal à prendre conscience qu’il est maintenant l’élu. Il avait beaucoup de mal à sourire.

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À 21 heures 45, Alain Juppé et François Fillon se sont physiquement rejoints au siège de la Haute Autorité de la primaire LR, aux côtés de Thierry Solère (l’organisateur en chef) et d’Anne Levade (la présidente). Poignée de main très courte au début, puis à la fin des déclarations tant d’Alain Juppé que de François Fillon. Les deux hommes étaient crispés et avaient du mal à montrer une unité franche et loyale. Le service minimum a été fait, et surtout, l’essentiel pour permettre à l’ensemble des parlementaires LR de rejoindre désormais le staff de campagne de François Fillon.

François Fillon, en effet, devra prendre rapidement quelques décisions, sur la direction et le rôle du parti "Les Républicains", sur l’organisation de sa propre campagne présidentielle, et sur les nécessaires modifications de son projet présidentiel afin de rassembler toute l’opposition républicaine. Rappelons qu’il n’y a pas un mot sur l’environnement.



L’échec d’Alain Juppé n’est pas passé inaperçu par certains. Dès 22 heures 25, sur BFM-TV, Emmanuel Macron, tel un vautour alléché par l’espace laissé en jachère par Alain Juppé, a appelé ceux qui avaient voté pour Alain Juppé à le rejoindre, ainsi que ceux qui voudraient voter pour François Bayrou. Cette récupération immédiate et maladroite montre au mieux le noviciat d’Emmanuel Macron ou, au pire, sa grande capacité de manipulation politicienne qui n’a rien du renouveau.


Fin de la "séquence" LR

La primaire s’est achevée donc dans le grand succès tant de la primaire elle-même par sa forte mobilisation (à l’origine, ses organisateurs n’avaient tablé que sur 1,5 million de participants) que de François Fillon lui-même, largement en tête du premier tour et largement élu au second tour. Aucune contestation ne peut être possible et sa campagne peut donc démarrer dans les meilleures conditions d’unité et de rassemblement.

Au même moment, des rumeurs très fortes évoquaient la démission du Premier Ministre Manuel Valls qui voudraient se présenter à l’élection présidentielle contre François Hollande. Cette situation totalement inédite et surréaliste donne une idée de la vacuité du pouvoir exécutif actuellement, mais c’est un autre sujet…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (28 novembre 2016)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Second tour de la primaire LR du 27 novembre 2016.
Quatrième débat de la primaire LR 2016 (24 novembre 2016).
François Fillon, gaullo-thatchérien ?
Programme de François Fillon pour 2017 (à télécharger).
Alain Juppé peut-il encore gagner ?
Le programme d’Alain Juppé (à télécharger).
Premier tour de la primaire LR du 20 novembre 2016.
Tout savoir pour participer à la primaire LR (bureaux de vote, charte, guide électoral).
Sondage OpinionWay pour Atlantico publié le 16 novembre 2016 (à télécharger).
Troisième débat de la primaire LR 2016 (17 novembre 2016).
Deuxième débat de la primaire LR 2016 (3 novembre 2016).
Premier débat de la primaire LR 2016 (13 octobre 2016).
Nicolas Sarkozy.
Nathalie Kosciusko-Morizet.
Jean-François Copé.
Jean-Frédéric Poisson.
Bruno Le Maire.
L’élection présidentielle 2017.

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