vendredi 18 novembre 2016 - par Sylvain Rakotoarison

Primaire LR 2016 : le troisième débat

Dans le bateau, Alain a dû mettre son ciré et François se plaît à détoner. Nicolas mange des frites et se tient prêt. Nathalie essaie de toucher le gouvernail tandis que Jean-François et Jean-Frédéric ont le mal de mer.

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Le troisième débat de la primaire de "Les Républicains" a eu lieu sur France 2 et Europe 1 ce jeudi 17 novembre 2016 réunissant pour la dernière fois sur un plateau de télévision Alain Juppé, Nicolas Sarkozy, François Fillon, Nathalie Kosciusko-Morizet, Jean-François Copé, Bruno Le Maire et Jean-Frédéric Poisson. Aux commandes, David Pujadas (France 2) et Jean-Pierre Elkabbach (Europe 1).

Le contexte fut assez particulier. Cette dernière semaine de campagne du premier tour a connu une accélération exceptionnelle avec la fin d’un duo attendu entre Alain Juppé et Nicolas Sarkozy.

En effet, dans les sondages, François Fillon a fait une progression presque miraculeuse depuis une dizaine de jours, et dans un sondage réalisé par OpinionWay pour Atlantico publié le 16 novembre 2016 (téléchargeable ici), François Fillon dépasserait Nicolas Sarkozy au premier tour et battrait Alain Juppé au second tour. Tout reste donc possible entre ces trois personnalités.

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À cela, est venue s’ajouter, comme par "pollution politique", l’annonce officielle de la candidature de l’ancien ministre socialiste Emmanuel Macron le 16 novembre 2016 à Bobigny. Cet événement qui devait absolument avoir lieu avant une éventuelle déclaration de candidature de François Hollande, est tombé ainsi en pleine incertitude sur l’identité du candidat LR qui sera désigné le 27 novembre 2016. NKM a d'ailleurs demandé aux journalistes de ne pas passer trop de temps sur Emmanuel Macron après avoir fait passer beaucoup de temps lors du deuxième débat sur François Bayrou.

Le débat était particulièrement brouillon et les questions ont fusé un peu sans ordre. Bruno Le Maire, qui n’avait plus rien à perdre après son effondrement dans les sondages, n’a pas hésité à contester Jean-Pierre Elkabbach dont l’arrogance est bien connue (il ne cesse d’interrompre ses interlocuteurs). Le candidat lui a reproché son manque de respect. Il était d’ailleurs amusant de voir Jean-Pierre Elkabbach ironiser sur le "renouveau" de Bruno Le Maire alors qu’on ne peut pas dire que ce journaliste représente lui-même l’avenir du journalisme (il a quand même 79 ans et était déjà très influent durant le septennat de Valéry Giscard d’Estaing !).

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Cependant, la critique la plus grande a été formulée par François Fillon qui, très courtoisement, a exprimé son agacement de voir les journalistes vouloir absolument réduire le temps d’explication sur leur programme politique à chaque sujet et vouloir passer ensuite un quart d’heure à s’invectiver entre eux pour le simple plaisir du spectacle médiatique ! À critiquer le programme de ses concurrents, François Fillon a préféré présenter ses idées sur la santé.

Tous ses autres concurrents étaient du même avis que lui sur le caractère très brouillon de l’émission, ce qui a conféré à François Fillon une certaine autorité : celui qui refusait de rester dans le cadre qu’on voudrait leur imposer. François Fillon avait déjà critiqué le 27 octobre 2016, dans l’émission de David Pujadas, l’idée de terminer par la chronique humoristique de Charline Vanhoenacker, estimant que les journalistes ne devaient pas mélanger l’humour et le sérieux d’un débat politique. Avant ce blâme de François Fillon, Nicolas Sarkozy avait déjà blâmé David Pujadas pour avoir osé lui poser la question sur les récentes déclarations de Ziad Takieddine qui a accusé Nicolas Sarkozy le 15 novembre 2016 sur Mediapart d’avoir reçu de l’argent libyen pour sa campagne de 2007.

Psychologiquement, les candidats étaient dans des dispositions assez différentes des précédents débats en raison de l’incertitude sur le duo final. François Fillon a affiché un sourire très serein et a montré que son travail de fond depuis trois ans et demi avait commencé à porter ses fruits. Alain Juppé, au contraire du deuxième débat, n’affichait plus sa sérénité et était un peu plus sur la défensive. Étrangement, Nicolas Sarkozy semblait plus serein et moins combatif, voyant dans l’irruption de François Fillon dans les sondages un moyen de reprendre le dessus.

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Résultat, Alain Juppé, Jean-françois Copé et Nicolas Sarkozy ont critiqué ouvertement le programme de François Fillon, devenu une nouvelle cible convergente, notamment sur la réduction du nombre de fonctionnaires (complètement irréaliste selon Alain Juppé) et sur l’augmentation du temps de travail chez les fonctionnaires (dans ce cas, il faudrait les augmenter, selon Nicolas Sarkozy).

Nathalie Kosciusko-Morizet a fait preuve de sincérité lorsqu’elle a expliqué, en conclusion, un peu à l’instar de Yannick Jadot, qu’elle savait qu’elle ne serait pas élue le 27 novembre 2016 mais que chaque voix qui se porterait sur son nom signifierait une volonté supplémentaire de véritablement renouveler l’offre politique. Elle a par ailleurs souvent "passé le plat" à Alain Juppé qu’elle soutiendrait probablement au second tour, le cas échéant. Ces deux candidats, en effet, sont les seuls à vouloir apaiser le débat politique et à considérer que la diversité est une richesse et pas une menace. Au contraire de Jean-François Copé qui n’a cessé de revenir à son obsession : la sécurité, la sécurité, la sécurité !


Le début de ce troisième débat a porté sur la politique extérieure de la France, en particulier après l’élection de Donald Trump à la Présidence des États-Unis (le deuxième débat avait eu lieu avant les élections américaines). Je dois reconnaître que la plupart des candidats ont eu des interventions d’une certaine hauteur et qu’il y a eu des réflexions intéressantes à ce sujet.



Alain Juppé, qui fut deux fois Ministre des Affaires étrangères, a montré qu’il maîtrisait très bien ce thème des relations internationales et qu’il a une vision de l’intérêt de la France. Il a pris acte de l’élection de Donald Trump (au peuple américain de choisir ses dirigeants) mais celle-ci va provoquer, selon lui, trois chocs en France et en Europe : choc commercial (plus grande agressivité commerciale des Américains), choc de défense (les États-Unis vont se désengager de la défense européenne) et choc climatique (remise en cause des accords de Paris à la COP21).

Nathalie Kosciusko-Morizet aussi a montré une vision de la France dans le monde, et étant assez brillante sur la Syrie. Nicolas Sarkozy également, avec quelques différences sur la politique européenne de défense. François Fillon, qui est sans doute le candidat le plus proche de Vladimir Poutine, a mis en garde la France et l’Europe d’une éventuelle réconciliation entre la Russie et les États-Unis qui se ferait sur le dos des Européens. Il a expliqué que Bachar El-Assad serait celui qui défendrait le mieux les chrétiens d’Orient.

Les trois "hommes d’État" (Sarkozy, Juppé, Fillon) sont restés solidaires sur la décision de fermer l’ambassade de France à Damas en 2012 (décision contestée par Bruno Le Maire).

Il y a eu d’autres sujets mais l’Europe serait passée à la "trappe" encore cette (troisième) fois si François Fillon n’avait pas protesté. Idem pour l’environnement avec Nathalie Kosciusko-Morizet.

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Sur la réforme territoriale réalisée par François Hollande de manière très cavalière, Nathalie Kosciusko-Morizet a expliqué qu’elle voulait que les habitants soient consultés pour garder la liberté d’un redécoupage régional éventuel. Quant à Jean-Frédéric Poisson, il a commis l’erreur de parler d’un seul département de la Corse (il y en a deux) mais a revendiqué son expression (très sensible et polémique) de "peuple corse".

Durant tout le débat, Bruno Le Maire a laissé entrevoir qu’il était dépassé par ses propres argumentations programmatiques. Ainsi, il a défendu une baisse de la CSG sans expliquer comment il en assumerait les conséquences, en disant seulement qu’il voudrait supprimer « les dépenses inutiles de santé » (lesquelles ?!) tout en voulant mieux rembourser les prothèses dentaires et les lunettes. De même, il s’est enlisé en voulant supprimer le collège unique pour permettre à tous les enfants de trouver leur voie (mais justement, c’était le seul but du collège unique, car à 11 ans, c’est difficile de vouloir déjà s’orienter !).

Enfin, Bruno Le Maire s’est piégé lui-même à la fin de l’émission en parlant toujours de renouvellement de la classe politique et pour montrer qu’il avait quand même la stature présidentielle, il a rappelé qu’il avait déjà derrière lui de longues années d’expérience (donc, il n’est plus un homme du renouveau !). Il s’était permis, de manière fort peu scientifique et surtout très démagogique, d’ajouter le nombre d’années d’expérience politique des trois principaux candidats (Sarkozy, Juppé, Fillon) pour dire qu’à eux trois, ils avaient un siècle d’ancienneté !

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Les premiers sondages en temps réels ont montré à l’issue de ce troisième débat que François Fillon avait convaincu nettement mieux que ses deux concurrents Alain Juppé et Nicolas Sarkozy. Cela n’indiquait évidemment pas le résultat du premier tour mais montrait à l’évidence que la candidature de François Fillon est en pleine expansion depuis une semaine au sein non seulement de la population mais aussi des milieux médiatiques et de la "France des journalistes", selon l’expression de Bruno Le Maire qui deviendra probablement une expression que d’autres reprendront.


Tous les électeurs français peuvent voter à la primaire LR

La primaire LR est ouverte à tous les électeurs inscrits sur les listes électorales avant le 31 décembre 2015 et à ceux qui auront 18 ans avant le 23 avril 2017. Le premier tour a lieu ce dimanche 20 novembre 2016 de 8 heures à 19 heures et le second tour le 27 novembre 2016 aux mêmes heures.

10 028 bureaux de vote ont été installés pour accueillir tous les électeurs (pour connaître son bureau de vote). Deux conditions pour pouvoir y participer : signer une charte sur les valeurs républicaines de la droite et du centre et payer 2 euros (en monnaie) à chaque tour de scrutin pour participer aux frais d’organisation. La charte et le guide électoral pour avoir tous les détails sont téléchargeables à ce lien.

L’incertitude est grande entre Alain Juppé, Nicolas Sarkozy et François Fillon, et c’est rassurant car le principe d’une élection : rien n’est jamais joué avant la fermeture des urnes.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (18 novembre 2016)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Tout savoir pour participer à la primaire LR (bureaux de vote, charte, guide électoral).
Sondage OpinionWay pour Atlantico publié le 16 novembre 2016 (à télécharger).
Troisième débat de la primaire LR 2016 (17 novembre 2016).
Deuxième débat de la primaire LR 2016 (3 novembre 2016).
Premier débat de la primaire LR 2016 (13 octobre 2016).
Alain Juppé.
Nicolas Sarkozy.
François Fillon.
Nathalie Kosciusko-Morizet.
Jean-François Copé.
Jean-Frédéric Poisson.
Bruno Le Maire.
L’élection présidentielle 2017.

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9 réactions


  • zygzornifle zygzornifle 18 novembre 2016 15:14

    la montagne va accoucher d’une souris, on en a l’habitude ......


  • LE CHAT LE CHAT 18 novembre 2016 15:19

    on se croirait dans le maillon faible ! smiley


  • Le421... Refuznik !! Le421 18 novembre 2016 19:22

    Extraordinaire concours du moins-disant sur le plan social...

    Le débat pour les primaires 2022 portera sur le rétablissement de l’esclavage, s’il n’a pas été rétabli avant !!

    Un avenir en or que souhaite une grande majorité de français adepte du SM...


  • Aristoto Aristoto 18 novembre 2016 20:37

    J’en ai rien à branler !! Tu veux une illustration de mon propos sylvain ?


  • Eric F Eric F 18 novembre 2016 21:07

    Les journalistes ont été spécialement nuls dans l’animation de ce débat, et plus caduques encore que les politiciens. Ceci dit, on a eu droit à des déclinaisons d’eurolibéralisme et de plan d’austérité, Fillon a gagné la course à l’échalote avec les 500 000 suppressions de fonctionnaires et les 39 heures payées 37 dans la fonction publique. Même ses voisins de podium ont trouvé la potion un peu forte. Le plus étonnant est que selon les sondages, il aurait été le plus convainquant dans ce débat...


  • fred.foyn 19 novembre 2016 08:53

    Les deux « BAVEUX » qui posaient les questions, ne font pas remonter d’un échelon (sur l’échelle de leur connerie) dans l’opinion ce que l’on pense de cette catégorie de personnage porté au pinacle par quelques décérébrés en mal de reconnaissance...Il parait qu’avec cette élection de 2017, la France est en mouvement ?


  • Veniza Veniza 19 novembre 2016 14:34

    Quand je lis les programmes de ces candidats, ils sont tous « anti-peuples », ils vont faire la même erreur que Clinton aux USA, ce ne sont pas les patrons qui ont le maximum de voix, mais le peuple, et il ne votera pas pour ceux qui ne pensent pas à eux....

     smiley

    • Vipère Vipère 19 novembre 2016 23:46

      @Veniza


      "Quand je lis les programmes de ces candidats, ils sont tous « anti-peuples »


      Une erreur monumentale, et là pas de plan B pour contourner le peuple à l’instar du référendum, à suivre de près...

  • zygzornifle zygzornifle 20 novembre 2016 13:38

    c’est Bruxelles via Merkel qui dirige l’orchestre , le futur président ne sera qu’un pion, un chef de rayon appliquant les directives de sa direction, jappant pour avoir sa caresse et son nonos .....


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