vendredi 22 octobre 2010 - par L’enfoiré

Réfléchir et puis twitter

Un article de l’Echo m’avait beaucoup intéressé. Il était écrit par une jeune rédactrice, Sandrine Agie, qui faisait partie de "Partner Whyte Coprorate Affairs". Ce titre me plaisait. Ses idées, bien que connues, valaient un rappel. Étendre les idées à toutes relations virtuelles ou réelles, il n’y avait qu’un pas.

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Vu le type de journal, l’article se devait de s’accrocher à l’actualité et à la politique.

Alexandre De Croo, le jeune président de l’Open VLD depuis fin décembre 2009, le même qui avait fait capoter le dernier gouvernement en Belgique et qui avait imposer d’aller le 13 juin aux élections pour trouver une solution à la scission de BHV. Si c’était pour une raison électoraliste, elle ne l’a pas poussé plus loin aujourd’hui.

Quatre mois plus tard, tenu à l’écart des négociations, la scission de BHV n’est même plus dans ses priorités, tel qu’il le disait récemment sur antenne :

- "Je pense que ce qui a été prouvé les années précédentes, c’est que le parcours parlementaire, pour scinder BHV, ça ne mène à rien et je pense que pendant qu’on est dans une négociation qui n’est quand même pas facile, où il y a vraiment un manque de confiance entre les partis, utiliser un parcours parlementaire qui ne mène à rien… ce serait vraiment inutile…".

Les autres avaient crié au suicide vis-à-vis de l’international en rappelant que les six mois suivants allaient mettre la Belgique dans les problèmes de la non-gouvernance comme représentant à l’Europe. Désormais, il compare la situation politique belge, à rien de moins qu’un champ de bataille nucléaire.

Les partis libéraux MR et Open VLD ont été tenus à l’écart des négociations. Des relents de "Infréquentables" qui restaient dans la gorge, peut-être. Les "sept nains" ont pris en charge la reconstructions.

La rédactrice ne rappelait pas ces faits, son but était ailleurs et reprenait une autre histoire plus récente, celle du "Lange Wapper". Le projet devait décider du choix d’un tunnel ou d’un viaduc pour clôturer le ring (le périphérique) d’Anvers (pardon d’Antwerpen).

L’Open VLD avait choisi de faire cavalier seul et s’est désolidarisé du projet pour des raisons qui lui sont propres. Ce qui se cachait derrière cette décision en porte à faux prise par l’Open VLD était pourtant d’après les dires de cette rédactrice, bien plus amusante.

Il s’agirait d’une prise à chaud d’une décision prise avec l’utilisation de Twitter et envoyée aux autres membres du parti.

L’immédiateté voulue par les relations sur Twitter serait donc le point de départ d’un dérapage.

Dérapage, parce qu’un peu plus tard, de "vieux sages" se sont adressés à Alexandre et lui ont intimé l’envie d’avoir plus de modération, de réfléchir au moins pendant une nuit avant d’agir et de prendre des décisions. Alexandre a dû l’apprendre à ses dépends que d’avoir raison tout seul, ce n’est pas avoir raison suffisante pour assurer la pérennité des projets. Par la suite, il s’est rallié à l’ensemble pour ne pas rester en rade.

Il faut ralentir le tempo, voilà le nouveau rôle de la communication. Se presser lentement. en politique.

1.jpgLes "j’agis d’abord et puis je réfléchis", sont à mettre à l’index surtout sous twitter. Si l’immédiateté de la relation orale est importante. Twitter laisse en plus des traces indélébiles.

La "génération Internet" ne comporte pas uniquement des jeunes. D’autres plus âgés s’y sont mis avec les mêmes possibilités de déboires.

Depuis, pour Alexandre, c’est Twitter, le fautif, celui qui l’avait mis dans un état qui l’obligeait de lancer des réactions impulsives.

Il l’écrit sans vergogne : "Twitter est néfaste en politique. On réagit trop vite, de façon caricaturale. Twitter me dérange et je disposé à entamer une croisade contre lui".

Amusant, non ? Le média ferait donc l’homme et pas l’inverse ?1.jpg

Tous les outils modernes des communications, tout en étant de plus en plus incontournables, apportent un risque de plus. Ils sont, en fonction de ce risque, à manipuler avec prudence et recueillement.

Les conséquences peuvent être désastreuses. Ce qu’on peut accepter dans une conversation avec des interlocuteurs bien réels, en twitter, cela frise l’innocence. Les paroles s’envolent, les écrits restent.

Un message virtuel se construit avec le temps. Comprendre, avant de combattre l’adversaire. "Mettre au brouillon, en veilleuse, laisser décanter pourrait être considéré comme une perte de temps mais une chance de ne pas avoir à rembobiner les réactions à chaud.

Étendons l’analyse et l’approche sous la Toile de Twitter, à Facebook et aux blogs.

Contrairement à ce que disait la rédactrice de l’article de l’Echo, les relations sur Internet sont souvent un véritable jeu d’échec dans lequel chacun place ses pions, ses tours, ses cavaliers. Mais aux échecs, on roque dès que possible.

Anticiper les coups sur Twitter, dans la sérénité, c’est la même règle de base que dans ce jeu d’expert. Ne pas sauter une case en ne la comprenant pas ou imparfaitement avec ses vices cachés. Jouer au médiateur avec soi-même. Ne pas prendre position trop tôt. Les réactions peuvent être trop vives.

La liberté dans l’échange est un "must" démocratique, mais pas les injonctions. Un devoir de respect et des idées franches sont nécessaires à tous échanges. Accepter le ping-pong avant d’arriver au point de non-retour. Avant de commencer celui-ci, laisser d’autres interlocuteurs commencer. Ils peuvent apporter de l’eau à votre propre moulin. En politique, c’est trier l’information en provenance des médias comme préalable. Garder de l’originalité pour surprendre ou déstabiliser l’adversaire. La provocation est le moyen de l’extrême. L’humour peut en faire partie. Calmer les entreprenants. Analyser pour obtenir un message durable sans fétu de paille.

1.jpgGarder le sang froid est affaire de personnalité. On ne se refait pas, mais on peut en arrondir les angles dans le calme.

Quant a passer à la méchanceté, j’en avais déjà parlé. C’est tout un art.

En Belgique, nous étions toujours en pleines négociations. Les interlocuteurs, bien connus. Ils sont aussi sur Facebook, sur Twitter. Chacun avait sa technique pour convaincre l’autre et gagner des positions sur l’échiquier.1.jpg

Dimanche dernier, c’était donc un nouveau blocage. La fonction de "clarificateur" auquel il était chargé, s’était transformé en "versionneur".

Avec Di Rupo, dans son rôle de préformateur, c’était par l’effet papillon, le sourire épinglé sur les joues et le papillon au cou.

Bart De Wever, lui, n’en finit pas de ressortir ses locutions latines d’un de ses tiroirs scolaire.

A la radio, Paul Hermant ciceronisait "Qui non progeditur, regreditur".

Dans un parfait français, Bart disait, à qui veut l’entendre, quand on le poussait dans ses derniers retranchements "Ce qui se passe derrière mon dos, c’est mon cul".

Les réservistes accusent de ne pas avoir été consulté.

On apprend que Twitter jouit d’une nouvelle version. Celle-ci, avec son nouvel interface, permet de regarder des photos et de la vidéo. Un petit bouton pour accepter la géolocalisation et les "followers" pourront savoir en plus où vous êtes avec l’aide de Google et du GPS sous stéroïde.

Pourquoi, je vous parle de cela ?20101019Roi cherche une solution.jpg

Simple. Regarder des photos et des vidéos qui sont disponibles, n’est-ce pas la meilleure manière pour temporiser et de penser à autre chose ?

Le Roi l’a bien compris. Devant sa télé, il réfléchit avec sa zapette à la main, il cherche, il consulte mais il ne twitte pas.

 

L’enfoiré,

 

Citations :

  • "L’incommunicabilité  ? C’est pas qu’on ne communique pas assez. On communique trop et mal.", Robert Lalonde
  • "Parler est le plus moche moyen de communication. L’homme ne s’exprime pleinement que par ses silences.", Frédéric Dard



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