mercredi 9 août 2017 - par Bertrand Loubard

RWANDA : Paul Kagamé - 98,63 % : Peut mieux faire !!!!

Ne disait-on pas dans un billet précédant que les "chiffres peuvent se tromper" ? Les plus optimistes pariaient sur 85%. Ils oubliaient le slogan de campagne de Paul Kagamé : "Yes, I can more !!!!" Donc, l'annonce officielle du résultat retentira dans le silence hollywoodien des suspens traditionnels : "And the winner is : ...... P.K. !!!! " Il a "fait" 98,63% selon la très sérieuse NEC (National Election Commission).

Mais maintenant que Kagamé a engrangé "plus de voix qu'il n'était possible de prévoir"[1], que va-t-il se passer ? En fait Paul Kagamé restera, théoriquement en "poste" jusqu'en 2024. Rappelons cependant qu'il y 12 ans, déjà, un professeur d'Université en Belgique, Philippe Reyntjens[2], expert (démissionnaire) auprès du TPIR (Tribunal Pénal International sur le Rwanda) aurait déclaré dans une sortie lapidaire restée célèbre : "Paul Kagamé est le plus grand criminel de guerre, président en vie, au pouvoir". En fait tout observateur objectif aurait dû déjà comprendre, sans être "psychological and criminal profiler" ni un expert de la "Chicago School of Economics" ce qui allait se passer au Rwanda dès avant même les premiers jours de la guerre d'octobre 1990.

La révolution de 59 est intervenue en conséquence de l'évolution politique et sociale du royaume Nyiginya depuis le 18ième siècle. La royauté a été abolie et la république proclamée. Cette révolution a provoqué l'exode des réfugiés rwandais proche de l'ancien régime. Malgré l'enclavement du pays, la république rwandaise, sous Kayibanda ou Habyarimana, n'a jamais eu la moindre velléité territoriale vis à vis des pays voisins, le Burundi, la Tanzanie, l'Ouganda ou le Zaïre. Le principe de l'intangibilité des frontières héritées de l'époque coloniale n'a jamais été remis en cause. En pleine crise des réajustements structurels, de la chute des cours du café et de l'étain, de la dévaluation, la deuxième république a entrepris un "aggiornamento" politique unique en Afrique. La constitution était "revue", les "partis politiques autorisés", la "liberté de la presse reconnue", même les cartes d'identité sans référence ethnique étaient en cours d'impression, les négociations avec le HCR avançaient pour solutionner le retour des réfugiés, l'adhésion au Statut de Rome sur la CPI fut signé. Habyarimana a eu le tort d'établir des relations diplomatiques avec le Chine et la Corée du Nord. De plus il a probablement signé son arrêt de mort en refusant une base à l'US Army dans le Bugesera !

Le premier octobre 1990, depuis l'Ouganda, le Rwanda a été attaqué et envahi Il ne s'agissait pas de réfugiés de 59-60 qui voulaient faire valoir leur droit à un retour légitime au pays. Le FPR était composé de soldats de l'armée régulière ougandaise, ainsi que de mercenaires soudanais, ougandais, cubains, libyens lourdement appuyés par l'étranger. Si certains parmi ces soldats, les Chefs, bien entendu, étaient des réfugiés rwandais de la première génération, ils avaient pris l'uniforme de l'armée du pays d'accueil pour attaquer militairement le pays d'origine et de ce fait perdaient tout légitimité en tant que réfugiés. Il ne s'agissait pas de rébellion puisque l'armée rwandaise n'a pas connu de désertions significatives et que le FPR ne se soulevait pas contre le pouvoir ougandais qui lui fournissait l'armement. Il ne s'agissait pas d'une guerre civile, la population n'ayant jamais affronté l'armée rwandaise ni même le FPR.

Tout l'arsenal de la guerre subversive allant de la fourniture d'armes d'agression (y compris des SAM), à l'intendance nécessaire à 25.000 hommes a été mobilisé en faveur du FPR via l'Ouganda. Du soutien aux "solutions diplomatiques boiteuses par essence", aux sabotages des initiatives de négociation ; de l'appuis à la tactique des "talk and fight" du FPR à la dénonciation des accords bilatéraux de coopération militaire, (légitimement conclus suivant les normes diplomatiques internationales) tout se liguait contre la deuxième République. L'agression a été l'occasion d'actes de terrorisme et de crimes de guerre complètement occultés à l'opinion publique étrangère par une presse (déjà) "mainstream". Un soutien médiatique a été savamment orchestré à travers une campagne de "propagande de guerre" rarement vue par sa préparation, son unanimité, sa systématique et sa coordination pour diaboliser et condamner le Gouvernement rwandais et sanctifier le FPR aux prix parfois d'erreurs grossières, sur les dates, sur les lieux, sur les personnes.

Dès la signature des accords d'Arusha en août 1993, Kagamé avait été mis en garde de l'éventualité d'une catastrophe au cas où le conflit reprenait. Il avait admis que les tutsis de l'"intérieur" avaient un prix à payer (en cela, bon élève de Madeleine Albright et des Chicago Boys). Une fois le génocide initialisé matériellement, par l'assassinat d'Habyarimana, Paul Kagamé a refusé tous les moyens matériels et humains massés, en stand by et en surnombre, autour du Rwanda. Ces moyens mobilisés auraient pu faire cesser le génocide. Une fois le pouvoir acquis, Paul Kagamé, fort de ses sponsors de la Communauté Internationale Amie du Peuple Rwandais, a par deux fois attaqué et envahi la RDC pour, en fait, mettre au pouvoir après Laurent-Désiré Kabila (le "père"), le "fils de celui-ci", Joseph Kabila...... et cela en toute impunité.

Maintenant que la thérapie du choc, chère à Milton Friedman[3], a permis de mettre en oeuvre la stratégie de la destruction créative ("ouragan perpétuel" de Schumpeter ou "démocratie par la Kalachnikov" de Kagamé), les chiffres du PIB rwandais montrent une croissance quasi miraculeuse. Les résultats des élections viennent donc confirmer l'adhésion du peuple à la bonne gestion du Rwanda par son Président visionnaire. Le "travail", pour Paul Kagamé, doit donc continuer. Car il y a encore beaucoup à faire dans la région. Après les assassinats de Ndadaye du Burundi, d'Habyarimana du Rwanda, de Ntaryamira du Burundi, de Kabila père en RDC[4], la communauté internationale ne verrait pas d'un mauvais oeil le règlement des questions d'un Museveni d'Ouganda sénilisant et d'un Kabila de RDC s'incrustant, mais surtout et sans doute d'abord celle la "mise à l'écart" de Nkurunziza du Burundi (cet îlot de résistance irréductible à la réalisation du rêve de Cecil John Rhodes : l'Afrique de l'Est anglophone du Caire au Cap.....) Même si Louise Arbour reconnaît les entraves à la justice commises par Paul Kagamé au TPIR, même si la sortie de Carla Del Pont à propos du Conseil de Sécurité et de la Syrie rappelle son passage éphémère à la CPI et son "éjection" exigée par Kagame, même si la Monusco découvre des missiles livrées par l'armée de Kagamé en RDC, même si d'ores et déjà Nziza et Karenzi sont "écartés" par Kagame et même si les chiffres prouvent qu'"on n'a pas faim" au Rwanda, Paul Kagame aura encore beaucoup de pain sur la planche.... ces sept prochaines années.

 

 

[3] The Shock Doctrine - Naomi Klein - Penguin Books

[4] "Mais c'est nous qui l'avons éliminé, tout le monde sait cela". Gerard Gahima

https://vimeo.com/19077693



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