Liberté, vérité et chemin selon la philosophie christique
Je suis la vie la vérité et le chemin énonce une célèbre parole du Christ consignée dans l’Evangile de Jean. Cette sibylline formule a beaucoup fait gloser et couler d’encre. En cette période de recueillement pascal on saura porter une attention toute spéciale à ces quelques paroles riches de sens mais dont l’interprétation dans les cercles religieux a sans doute correspondu à une époque précise et un public doué d’une conscience de l’existence datée et maintenant révolue. En quelques mots ces paroles indiquent que pour aller au Père, il faut passer par le Fils. Un tel énoncé conduit comme on s’en doute vers une praxis religieuse. Pour aller vers le salut, il faut communier avec le christ voire vivre de manière christique. Traduction socioreligieuse : pour acquérir le salut, il faut pratiquer une vie monastique et pour les ouailles laïques, en passer par l’Eglise, ses rites et ses sacrements. Voilà un résumé lapidaire mais utile pour rappeler quelques vérités sur la vie religieuse.
En ces premières années du 21ème siècle, le sens de cette formule et du reste de celui de la religion a été enseveli sous des siècles de pratiques scientifiques qui pour certains servent à liquider toute forme de connaissance théologique. D’un autre côté, les pratiques socioculturelles ont également contribué à laminer le sens de cette formule avec un détour du religieux annoncé par le prophète de la postmodernité. Dieu est mort et ce sont les hommes qui l’ont tué a déclaré Nietzsche. Faut-il enterrer ces belles paroles alors, en les laissant par ailleurs aux officiers de la religion chrétienne ? Peut-être pas. J’ai bien l’intention de brouiller les pistes pour aider à trouver un chemin en ce 21ème siècle d’errances et mécréances.
Que veux dire je suis le chemin ? Eh bien qu’il y a une voie, qu’elle mène vers quelque part. Que cette destination peut s’entendre comme un salut. Que le Père ne signifie par forcément une personne au sens trivial mais symbolise le salut tout en l’octroyant par un mécanisme qu’il n’y a pas forcément lieu d’expliciter puisque c’est un mystère. Et que celui qui accède au mystère aura la révélation. Cette révélation participe de la vérité. Autrement dit, chercher la révélation et la vérité c’est aussi être sur la voie du salut. Cette orientation herméneutique que je suggère relie le salut au chemin vers la connaissance. Puis-je oser un peu plus et suggérer que ce salut d’essence gnostique peut aussi concerner la science ? Les chercheurs égarés dans les mécanismes et englués dans la matière sauront-ils aller vers la vérité du cosmos et du vivant ? Et nos philosophes, sauront-ils déjouer les ruses du Dasein et ses sollicitudes inquiétantes sans aller se perdre pour autant dans les mondanéités du vivre universitaire ? Vaincre l’être pour la mort, n’est-ce point tenter la voie christique qui amène aussi vers la vie. Cette vie devant s’entendre dans le sens théologique. Une vie qui dépasse celle du corps et s’accomplit dans l’esprit, alliant ainsi la révélation à la victoire sur la mort et pourquoi pas, la liberté.
Je suis le chemin, la liberté et la vérité. Nous y voilà. Au cœur d’une interprétation qui convient bien à notre époque où cette liberté est devenu un cadavre ontologique dont la dépouille est agitée dans les médias de masse par les politiciens et autres journaleux sautant comme des cabris en criant : démocratie, droits de l’homme ! La liberté choisie par le pèlerin du 21ème siècle en chemin vers la connaissance et le salut est une liberté incarnée, qui transcende les limites de la raison et l’emprisonnement dans le Dasein encarné. L’existence humaine et trop humaine si l’on veut.
L’homme sur le chemin devra sans doute subir les sarcasmes, l’indifférence, les moqueries et parfois les mauvais coups assénés par les hommes de ce monde qui parfois sont des notables dont la gloire ne repose que sur la soumission des valets officiant dans les mondanités en attente de reconnaissance tels des cabots en quête d’un bout de sucre après avoir ramené la balle. L’homme sur le chemin ne cherche pas à s’émanciper. Il tente d’aller vers le salut en s’affranchissant des conventions mondaines. Ce qui raccorde ce propos à un autre élément clé raconté dans les Evangiles. Le Paraclet, autrement dit l’avocat et non pas le consolateur comme dans les mauvaises traductions du Nouveau Testament. Le paraclet est l’avocat de l’homme en chemin vers la liberté, la connaissance et le sa-l-ut qui si on lui ôte son aile matérielle devient un grand Saut vers le mystère. Cet avocat est intime, personnel et même transpersonnel, il est la défense de l’homme affranchi face aux attaques des mécréants enivrés de pouvoir mondain et de réussites sociales factices.
Cherche la liberté, le chemin et la vérité ! (Dernier Testament, 20 avril 2014)