mardi 22 avril 2014 - par Bernard Dugué

Liberté, vérité et chemin selon la philosophie christique

Je suis la vie la vérité et le chemin énonce une célèbre parole du Christ consignée dans l’Evangile de Jean. Cette sibylline formule a beaucoup fait gloser et couler d’encre. En cette période de recueillement pascal on saura porter une attention toute spéciale à ces quelques paroles riches de sens mais dont l’interprétation dans les cercles religieux a sans doute correspondu à une époque précise et un public doué d’une conscience de l’existence datée et maintenant révolue. En quelques mots ces paroles indiquent que pour aller au Père, il faut passer par le Fils. Un tel énoncé conduit comme on s’en doute vers une praxis religieuse. Pour aller vers le salut, il faut communier avec le christ voire vivre de manière christique. Traduction socioreligieuse : pour acquérir le salut, il faut pratiquer une vie monastique et pour les ouailles laïques, en passer par l’Eglise, ses rites et ses sacrements. Voilà un résumé lapidaire mais utile pour rappeler quelques vérités sur la vie religieuse.

En ces premières années du 21ème siècle, le sens de cette formule et du reste de celui de la religion a été enseveli sous des siècles de pratiques scientifiques qui pour certains servent à liquider toute forme de connaissance théologique. D’un autre côté, les pratiques socioculturelles ont également contribué à laminer le sens de cette formule avec un détour du religieux annoncé par le prophète de la postmodernité. Dieu est mort et ce sont les hommes qui l’ont tué a déclaré Nietzsche. Faut-il enterrer ces belles paroles alors, en les laissant par ailleurs aux officiers de la religion chrétienne ? Peut-être pas. J’ai bien l’intention de brouiller les pistes pour aider à trouver un chemin en ce 21ème siècle d’errances et mécréances.

Que veux dire je suis le chemin ? Eh bien qu’il y a une voie, qu’elle mène vers quelque part. Que cette destination peut s’entendre comme un salut. Que le Père ne signifie par forcément une personne au sens trivial mais symbolise le salut tout en l’octroyant par un mécanisme qu’il n’y a pas forcément lieu d’expliciter puisque c’est un mystère. Et que celui qui accède au mystère aura la révélation. Cette révélation participe de la vérité. Autrement dit, chercher la révélation et la vérité c’est aussi être sur la voie du salut. Cette orientation herméneutique que je suggère relie le salut au chemin vers la connaissance. Puis-je oser un peu plus et suggérer que ce salut d’essence gnostique peut aussi concerner la science ? Les chercheurs égarés dans les mécanismes et englués dans la matière sauront-ils aller vers la vérité du cosmos et du vivant ? Et nos philosophes, sauront-ils déjouer les ruses du Dasein et ses sollicitudes inquiétantes sans aller se perdre pour autant dans les mondanéités du vivre universitaire ? Vaincre l’être pour la mort, n’est-ce point tenter la voie christique qui amène aussi vers la vie. Cette vie devant s’entendre dans le sens théologique. Une vie qui dépasse celle du corps et s’accomplit dans l’esprit, alliant ainsi la révélation à la victoire sur la mort et pourquoi pas, la liberté.

Je suis le chemin, la liberté et la vérité. Nous y voilà. Au cœur d’une interprétation qui convient bien à notre époque où cette liberté est devenu un cadavre ontologique dont la dépouille est agitée dans les médias de masse par les politiciens et autres journaleux sautant comme des cabris en criant : démocratie, droits de l’homme ! La liberté choisie par le pèlerin du 21ème siècle en chemin vers la connaissance et le salut est une liberté incarnée, qui transcende les limites de la raison et l’emprisonnement dans le Dasein encarné. L’existence humaine et trop humaine si l’on veut.

L’homme sur le chemin devra sans doute subir les sarcasmes, l’indifférence, les moqueries et parfois les mauvais coups assénés par les hommes de ce monde qui parfois sont des notables dont la gloire ne repose que sur la soumission des valets officiant dans les mondanités en attente de reconnaissance tels des cabots en quête d’un bout de sucre après avoir ramené la balle. L’homme sur le chemin ne cherche pas à s’émanciper. Il tente d’aller vers le salut en s’affranchissant des conventions mondaines. Ce qui raccorde ce propos à un autre élément clé raconté dans les Evangiles. Le Paraclet, autrement dit l’avocat et non pas le consolateur comme dans les mauvaises traductions du Nouveau Testament. Le paraclet est l’avocat de l’homme en chemin vers la liberté, la connaissance et le sa-l-ut qui si on lui ôte son aile matérielle devient un grand Saut vers le mystère. Cet avocat est intime, personnel et même transpersonnel, il est la défense de l’homme affranchi face aux attaques des mécréants enivrés de pouvoir mondain et de réussites sociales factices.

Cherche la liberté, le chemin et la vérité ! (Dernier Testament, 20 avril 2014)

 



6 réactions


  • Pierre Régnier Pierre Régnier 22 avril 2014 11:05

    Ce n’est pas la parole « du Christ » qui est importante, c’est le combat de Jésus de Nazareth pour la pacification de sa communauté religieuse et du monde.

    Or, sur ce point précis, les adeptes « du Christ » continuent de le trahir.


    • Pierre Régnier Pierre Régnier 22 avril 2014 17:51

      Bonjour Zip

      et merci pour votre remarque.

      Je comprends votre réaction. Le mot « combat », comme le mot « arme » évoque d’abord la guerre, l’engagement physique, le mal que l’on peut faire, si l’on est violent, à un adversaire, à quelqu’un qui veut le contraire de ce que l’on veut soi-même.

      Je ne suis sans doute pas suffisamment clair, et il faut l’être tout particulièrement quand on s’attaque - encore un mot évoquant la guerre - à un sujet sérieux, notamment quand on critique sévèrement la position des autres.

      Votre remarque me rappelle celle d’un ami qui, lorsque je dis que les disciples de Jésus de Nazareth continuent de le trahir 2000 ans plus tard, entend « trahir » au sens ou Judas trahissait Jésus en le livrant à ceux qui voulaient sa mort.

      Or je ne veux rien dire de semblable. C’est, dans ma démarche - mon propre « combat » pour la pacification religieuse depuis plus de vingt ans - de l’engagement pacifique de Jésus que je parle. Pacifique mais très ferme, très déterminé, contre la violence, précisément, et c’est de la trahison de ce message essentiel, faisant selon moi le meilleur du contenu des Evangiles que je parle.

      Je ne soupçonne pas, si peu que ce soit, les chrétiens de vouloir nuire à la personne de Jésus. Je pense même qu’ils s’efforcent d’appliquer ce qu’ils comprennent de son message.

      Mais je dis qu’ils ne comprennent toujours pas son apport le plus indispensable dans le monde, notamment dans celui où nous vivons et où vivrons nos enfants : le rejet de la croyance en une prétendue bonne violence qui serait - aurait été pour les chrétiens, les juifs et les bahaïs - voulue par Dieu à l’époque de l’Ancien Testament.

      Pour vérifier que je suis un adepte résolu de la non-violence et de l’amour universel prônés par Jésus je vous invite à lire ce que je disais ici d’un livre de Jean-Marie Muller, l’un des partisans les plus fermement engagés, durant le dernier demi-siècle, pour la non-violence  :

      http://www.agoravox.fr/actualites/religions/article/il-faut-desarmer-les-dieux-80663

      Et Zip, si vous lisez le livre de Jean-Marie Muller ce sera encore beaucoup mieux.


    • Pierre Régnier Pierre Régnier 22 avril 2014 21:59

      Zip

      Parce que vous refusez des expressions (et leur sens) comme « un combat pacifique » ou "la parole comme arme des non-violents" vous dites de Jésus la même chose que moi en croyant dire le contraire.

      Mais il est vrai que j’ajoute, ce qui me paraît le plus important, que Jésus a voulu détruire la croyance en "une bonne violence de Dieu".

      Parce que ses disciples n’ont pas compris cette demande les guerres religieuses ont continué après lui.

      Parce que les institutions religieuses actuelles s’entêtent à ne pas le voir, elles continuent encore et continueront dans le futur.

      Je rappelle que cette croyance que Jésus voulait détruire allait jusqu’à faire dire très explicitement par Dieu, dans le Livre de Josué, qu’il ordonnait un très explicite génocide.

      Que les institutions chrétiennes, tout particulièrement catholiques, d’aujourd’hui veuillent, par dogmatisme, maintenir cette horreur est particulièrement dramatique.

      Que les dirigeants actuels de l’église catholique aillent jusqu’à canoniser le pape responsable (après Ratzinger / Benoît XVI) de ce maintien pour ne pas y réfléchir voilà qui est terrible.


  • Pierre Régnier Pierre Régnier 22 avril 2014 11:17

    En ces premières années du 21e siècle, quand le rejet de la conception violente de Dieu n’a jamais été aussi indispensable à la pacification du monde, le pape qui, à la suite de son mauvais conseiller Ratzinger l’a confirmée, justifiée, et transmise aux générations suivantes de croyants, va être canonisé en même temps que le pape qui avait tenté, par le Concile Vatican 2, de ramener l’église à l’essentiel de la vérité évangélique.

    Une horreur, tout simplement.

    http://www.blog.sami-aldeeb.com/2011/09/18/benoit-xvi-premier-responsable-de-la-violence-religieuse/


  • Jean Keim Jean Keim 23 avril 2014 09:23

    Pourquoi toujours chercher un sens caché dans les mots et les phrases, pourquoi ne pas simplement écouter et prendre le sens littéral. 

    Jésus était dans le fondamental, il était le fondamental, quand il a dit ces choses simples « Je suis le chemin, la vérité et la vie », il a simplement exprimé son être, sans un soupçon égotique, sans forfanterie, sans calcul, sans arrière-pensée, sans invitation ni à recevoir des attentions particulières, ni surtout à inviter à lui vouer un culte immédiat ou futur ; nous avons tous entendu notre mère nous dire « Je suis ta maman » , cette affirmation ne nous a posé aucun problème, elle exprime un fait, tout comme celle de Jésus. Quand Jésus parlait du père, il désignait le fondamental. Si Jésus n’avait pas enseigné en restant dans le contexte de la religion juive, il aurait prêché dans le vide. A contrario, si Jésus devait parler à notre époque, beaucoup rejetterait un discours religieux. 
    La nature réelle de Jésus n’en reste pas moins un mystère tout comme la nôtre l’est pour chacun d’entres nous smiley 

  • Pierre Régnier Pierre Régnier 23 avril 2014 12:24

    Comme vous Jean, je ne vois aucun autre mystère, dans la nature réelle de Jésus, que celui que je vois dans la nature de chacun d’entre nous. Mais je comprends que ceux qui en ont fait un Dieu, le Christ, en voient un. Le problème c’est ce qu’ils en font. Voici un autre extrait de mon texte Benoît XVI, premier responsable de la violence religieuse  :

    La trahison presque deux fois millénaire, par les chrétiens, du prophète juif dont ils se prétendent – et probablement se croient réellement – les disciples, me paraît facilement explicable. En se constituant, leur église décida que Jésus n’était pas seulement un religieux exemplaire, un modèle à suivre, un réformateur dont la réforme devait être poursuivie et perfectionnée. Elle décida qu’il était lui-même Dieu, une composante du Dieu trinitaire qu’elle inventait pour l’occasion.

    Etant Dieu, Jésus était donc parfait. Il ne pouvait pas avoir eu des limites, s’être trompé, être resté ambigu, fut-ce sur des points secondaires parfaitement explicables dans le contexte. Il ne pouvait pas avoir accepté plus ou moins consciemment, confirmé et retransmis, certaines croyances délétères des prophètes antérieurs. Il ne pouvait pas avoir laissé son enseignement inachevé, sa réforme perfectible.

    Et l’église, imprégnée de cette conception, se mit à refuser tout appel à la raison pour continuer son œuvre. Elle s’opposa délibérément à la libre philosophie en prétendant en avoir reçu une autre de Dieu, de beaucoup supérieure et – plus grave que tout – elle prétendit échapper à la responsabilité et à la justice humaines. Elle mit un frein brutal au « jésuïsme », elle lui tourna le dos en mettant en place – à sa place – le christianisme.


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