lundi 21 août 2017 - par Sylvain Rakotoarison

Saint François de Sales, le théologien humaniste

« Vous connaissez certainement ce saint. C’est l’une des plus grandes figures de l’Église et de l’Histoire. Il est le protecteur des journalistes et des publicistes parce qu’il rédigea lui-même une première publication périodique. Nous pouvons qualifier d’œcuménique ce saint qui écrivit les "Controverses" afin de raisonner clairement et aimablement avec les calvinistes de son temps. Il fut un maître de spiritualité qui enseigna la perfection chrétienne pour tous les états de vie. Il fut sous ces aspects un précurseur du IIe Concile œcuménique du Vatican. Ses grands idéaux sont toujours d’actualité. » (Paul VI, le 29 janvier 1967).



Dans le château de Sales, à Thorens-Glières (pas loin d’Annecy), dans le Duché de Savoie, il y a quatre cent cinquante ans, le 21 août 1567, est né François, fils aîné de François, seigneur de Sales, de Boisy et de Novel, et de Françoise de Sionnaz, fille du seigneur de la Thuile et de Vallières. François junior, plus connu maintenant sous le nom de saint François de Sales, était issu de familles de la noblesse savoyarde bien ancrée sur ses terres, à une époque où la Savoie n’était pas encore française. Son prénom, le même que celui de son père, fut un hommage rendu à saint François d’Assise en honneur duquel l’actuel pape François a choisi lui aussi son nom.

Il venait d’avoir 5 ans au moment du massacre de la Saint-Barthélemy (24 août 1572). François de Sales a été un personnage clef de l’Église catholique à un moment crucial de l’histoire du christianisme.

Après le schisme provoqué par le mouvement de la réforme protestante, initiée par Luther mais aussi par Calvin à Genève, l’Église catholique a réagi par une "contre-réforme" qui fit démarrer l’identification au catholicisme. La création, le 15 août 1534 à Paris, des Jésuites par Ignace de Loyola (1491-1556), canonisé le 12 mars 1622, et le Concile de Trente, réuni du 13 décembre 1545 au 4 décembre 1563 sous cinq pontificats, y contribuèrent. Le Concile de Trente engagea un renouveau de l’Église, qui a créé les séminaires pour mieux former les prêtres, qui a réaffirmé l’importance tant des Écritures (sur les seules bases desquelles se fondent les protestants) que de la tradition, et qui a proposé la rédaction d’un catéchisme et le principe d’une mise à l’Index pour les livres interdits. Dès 1566, le pape Pie V a proposé ainsi aux fidèles un missel romain.

Parmi les acteurs majeurs du Concile de Trente, il y a eu le cardinal Charles Borromée (1538-1584), archevêque de Milan, canonisé dès le 1er novembre 1610 (fêté les 4 novembre), qui fut le modèle de François de Sales durant toute sa vie.

Alors qu’à l’âge de 11 ans, François de Sales voulait déjà devenir prêtre, sa famille, au contraire, comptait sur lui pour des ambitions plus temporelles et l’a envoyé au collège jésuite de Clermont à Paris (futur lycée Louis-le-Grand) pour y faire de brillantes études (français, latin,.grec, hébreu, rhétorique, théologie, philosophie, etc.). La France fut devenue pour lui rapidement une seconde patrie, après la Savoie. À la suite d’une quête mystique et angoissée sur la prédestination (professée par les calvinistes) à l’âge de 19 ans, il décida de consacrer sa vie à la foi chrétienne.

Il poursuivit ses études à Padoue où il a soutenu sa thèse de doctorat en théologie. Son père voulut en faire un seigneur, puis un mari, ce qu’il refusa, mais il ne lui refusa pas d’être avocat (à partir de 1592). Pendant quelques mois, François de Sales fut encore plongé dans ses hésitations entre une vie facile de noble et une vie austère de religieux. Le moindre doute disparut définitivement à l’âge de 25 ans. François de Sales est devenu diacre le 11 juin 1593 puis fut ordonné prêtre le 18 décembre 1593.

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Nommé prévôt du chapitre de Genève, il habitait à Annecy, siège de repli puisque Genève était occupé par les calvinistes. Au lieu de vouloir combattre les protestants par la violence, François de Sales voulait avant tout les convaincre par le dialogue : « C’est par la charité qu’il faut ébranler les murs de Genève, par la charité qu’il faut l’envahir, par la charité qu’il faut la recouvrer (…). Je ne vous propose ni le fer, ni cette poudre dont l’odeur et la saveur rappellent la fournaise infernale (…). Nous devons vivre selon la règle chrétienne, de telle sorte que nous soyons chanoines, c’est-à-dire réguliers, et enfants de Dieu non seulement de nom, mais encore d’effet. ».

Certaines zones du Duché de Savoie furent acquises aux calvinistes après une courte occupation des Suisses entre 1535 et 1564. Le duc Charles-Emmanuel Ier (1562-1630), duc de Savoie du 30 août 1580 au 26 juillet 1630, envoya alors François de Sales en mission dès le 9 septembre 1594 pour tenter faire reconvertir au catholicisme ces terres "perdues", en particulier le Chablais (autour de Thonon-les-Bains).

Les homélies de François de Sales furent cependant censurées par les protestants, ce qui conduisit le futur saint patron des journalistes à les publier régulièrement sur papier et à les placarder un peu partout en ville. En quelques années, François de Sales introduisit à Thonon-les-Bains le débat théologique contradictoire et restaura les messes publiques. Avec l’accord du pape Clément VIII (1536-1605), il entama même une discussion théologique avec le successeur de Jean Calvin (1509-1564), Théodore de Bèze (1519-1605), premier recteur, en 1559, de la future Université de Genève (à l’origine Académie de Genève). Son "credo" : « Les hommes font plus par amour et charité que sévérité et rigueur. ».

Après la réussite de sa mission (la reconquête catholique du Chablais sans la force), François de Sales fut nommé le 15 mars 1599 coadjuteur de son oncle, Claude de Granier (1538-1602), évêque de Genève, puis, lui succéda, à la mort de ce dernier, en se faisant ordonner, à l’âge de 35 ans, évêque de Genève le 8 décembre 1602 (établi toujours à Annecy), après avoir rempli quelques missions diplomatiques (le duché de Savoie et le royaume de France étaient en conflit et Annecy était une ville acquise au roi de France, Henri IV).

François de Sales a écrit plusieurs œuvres essentielles devenues des textes majeurs pour l’Église, en particulier son premier ouvrage au style facile à lire, "Introduction à la vie dévote" (écrit en 1608, à l’origine des lettres à sa cousine, et reçu avec beaucoup de succès, édité une quarantaine de fois en quelques années). Il a écrit aussi en 1615 son "Traité de l’amour de Dieu" et beaucoup d ‘autres textes qui traitent de la prière et de Dieu.


Toute sa vie, François de Sales, qui fut souvent chargé par le pape de quelques missions diplomatiques dans une époque troublée par les guerres de religion, prôna la force du dialogue sur la violence : « Il faut tout faire par amour, et rien par force. Il faut plus aimer l’obéissance que craindre la désobéissance. ».

Au-delà de son action religieuse, François de Sales, écrivain et orateur, a favorisé un véritable rayonnement culturel, au point de cofonder, à Annecy en début 1607, l’Académie florimontane, rassemblant l’élite intellectuelle de la Savoie, devenue le modèle pour la future Académie française fondée par Richelieu le 29 janvier 1935. Les travaux de l’académie s’arrêtèrent cependant dès 1610 en raison des emplois du temps surchargés de ses deux prestigieux animateurs, l’évêque de Genève et aussi le grand juriste Antoine Favre.

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Évoquant la personnalité du saint en faisant le compte rendu de la lettre apostolique du pape Paul VI à l'occasion du quatrième centenaire du "grand Docteur de l'Église", le journal "Nouvelliste du Rhône", premier quotidien valaisan du matin, l'a ainsi décrit, le 21 août 1967 : « Dans son ardent désir de promouvoir l'unité des chrétiens, saint François de Sales a su unir la bienveillance et la courtoisie du dialogue à la rigueur de l'exposé doctrinal. Il nous met ainsi en garde contre le faux irénisme, qui porterait atteinte à la pureté de la doctrine catholique. » (septième année, n°193)..

Renonçant ainsi à la vie facile de la noblesse, que sa famille lui procurait de naissance, François de Sales fut l’un des intellectuels les plus influents de son temps, très écouté notamment des rois de France Henri IV et Louis XIII, des politiques comme Lesdiguières et Richelieu, mais aussi des papes et de l’Église catholique en général. Il a rencontré en particulier le futur saint Vincent de Paul. le cardinal Henri de Gondi (qui lui proposa de devenir évêque de Paris), la future bienheureuse Marie de l’Incarnation (Barba Acarie), et surtout, la future sainte Jeanne de Chantal (veuve baronne), avec qui il a fondé, le 6 juin 1610, un nouvel ordre religieux, l’Ordre de la Visitation (de nos jours, cet ordre représente environ 3 000 religieuses réparties sur 155 monastères dans le monde).

Le travail spirituel de François de Sales fut rapidement reconnu par l’Église catholique puisque, mort à 55 ans le 28 décembre 1622, François de Sales fut béatifié le 8 janvier 1661 et canonisé le 19 avril 1665 par le même pape, un contemporain, Alexandre VII (1599-1667). Il fut déclaré par ailleurs, le 16 novembre 1877 par Pie IX, docteur de l’Église, "docteur de l’Amour", et déclaré, le 26 janvier 1923 par Pie XI, saint patron des journalistes, des éditeurs et des écrivains, fêté les 24 janvier.

Son frère Jean-François de Sales (1578-1635) lui succéda comme évêque de Genève. Sa famille, la maison de Sales, continua encore longtemps à influencer la vie franco-italienne puisque Cavour (1710-1861), Président du Conseil des ministres du royaume de Sardaigne du 4 novembre 1852 au 19 juillet 1859 et du 21 janvier 1860 au 23 mars 1861, puis Président du Conseil des ministres du royaume d’Italie du 23 mars 1861 au 5 juin 1861, un des pères de l’unité italienne avec Garibaldi, Mazzini et Victor-Emmanuel II, était un descendant des Sales par sa grand-mère paternelle Philippine, qui était l’arrière-petite-nièce de saint François de Sales.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (21 août 2017)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Saint François de Sales.
Les saints enfants de Fatima.
L’encyclique "Fides et ratio" du 14 septembre 1998.
L’infaillibilité papale.
Pâques.

Le pape Formose.
La tunique d’Argenteuil.
Viens m’aider à aider !
Le pape François, une vie d’espérance.
Hommage à l'abbé Pierre.
Mère Teresa.
Sœurs de Saint-Charles.
Père Gilbert.
Frère Roger.
Concile Vatican II.
Jean XXIII.
Paul VI.
Jean-Paul II.
Benoît XVI.
Monseigneur Romero.
Sœur Emmanuelle.
Le dalaï-lama.
Jean-Marie Vianney.
Jean-Marie Lustiger.
Albert Decourtray.
Le Pardon.
La Passion.

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2 réactions


  • zygzornifle zygzornifle 21 août 2017 17:45

    Il est le protecteur des journalistes ....


    C’est le dieu de Bourdin qui le prie tout les matins pour que son audimat continue de monter et Hanouna lui a demandé par écriture automatique SMS et guéridon de ne pas se faire virer par la chaîne qui l’emploie ....

  • devphil30 devphil30 21 août 2017 23:01

    Il est mort lui aussi ?  smiley


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