mardi 22 février 2011 - par Eleonore Bargisant

Eau et médicaments : gare au double effet cocktail !

La dernière étude de l’Agence de sécurité sanitaire révèle la présence d’anti épileptiques, d’anxyolitiques et d’aspirines dans l’eau du robinet. Le double-effet probable produit par ce cocktail nourrit bien des inquiétudes.

A première vue, cette étude des autorités sanitaires livre une présentation favorable de l’état des eaux en France. Le message a bien été entendu auprès de certains organes de presse : les teneurs en médicaments dans l’eau ne seraient pas si inquiétantes. Car ces concentrations sont « 1 000 à 1 million de fois inférieures aux doses utilisées dans le cadre des doses thérapeutiques ».

En réalité, la faiblesse relative des doses mesurées – présentée par la presse comme une nouvelle rassurante – est un véritable trompe l’œil. Ces traces médicamenteuses ont un impact réel sur la santé de l’homme : la durée d’exposition de nos organismes à ces molécules médicamenteuses annonce un double effet cocktail aux conséquences sanitaires inquiétantes.

Ces inquiétudes sont exprimées depuis longtemps par l’Association Santé Environnement France (Asef), une association qui rassemble 2 500 médecins et qui a mené des travaux particulièrement pointus sur l’impact de la pollution de l’eau du robinet sur notre santé .

Les molécules issues des tranquillisants, des anticancéreux ou des oestroprogestatifs sont conçues pour être actives à petites doses.

Ces mélanges de résidus produisent un « effet cocktail » : car l’ensemble de ces molécules médicamenteuses interagissent entre elles.

Pour le Docteur Alain Ragon, responsable du pôle uro-nephrologie de l’hôpital de La Conception à Marseille, (cité par Le Monde du 20/05/2010 ) « ces médicaments ont la capacité d’avoir un effet physiologique spécifique à de faibles concentrations. Il est donc possible que ces cocktails issus de différents médicaments puissent se retrouver dans l’eau du robinet et poser des problèmes d’intoxications chroniques ».

Théoriquement, d’autres interactions sont possibles entre molécules médicamenteuses et micropolluants issus des PCB, pesticides et nitrates, présents dans l’eau du robinet.

Une chose est sûre : on sait déjà que les rejets (via les urines ou les comprimés jetés dans les toilettes) de pilules contraceptives augmentent des taux d’œstrogènes dans l’eau. Cette pollution est à l’origine de la féminisation des poissons dans la Seine. Aux USA, une étude a même fait le lien entre cette hausse du taux d’œstrogène dans les eaux, l’augmentation récente des malformations constatées sur les nouveaux-nés et les problèmes de stérilité en progression chez les hommes.

Ces résidus de médicaments dans l’eau touchent d’ailleurs l’ensemble de notre alimentation : les boues des stations d’épuration sont utilisées comme des boues d’épandages par les agriculteurs.

A Marseille, ces boues sont répandues au large des calanques. Une étude a révélé des traces de paracétamol et d’antidépresseurs en mer, ce qui impacte considérablement l’écosystème (poissons, crustacés). C’est donc l’ensemble de la chaîne alimentaire qui est contaminée. 

Le double effet cocktail : aliments et eau du robinet

Pour l’Association Santé Environnement France, une nouvelle approche s’impose. Ce qui compte, ce ne sont pas les doses, mais bien la durée et l’intensité d’exposition aux micros-polluants contenus dans l’eau du robinet et les aliments :

« Les pouvoirs publics doivent prendre en compte la question des stations d'épuration. C'est un problème qui nécessite une vraie réflexion sur la façon dont nous traitons l'eau. Nous devons donc penser nos normes en termes de durée d'exposition chronique et non plus en termes d'intoxications aigues » rappelait le Docteur Pierre Souvet, président de l'ASEF, au moment de la diffusion du documentaire « Du poison de l’eau du robinet »

Et pourtant ! Le problème des médicaments dans l’eau pourrait être résolu très rapidement ! Si notre eau contient des traces de médicaments, c’est tout simplement parce que les stations de traitements françaises sont sous-équipées.

En Suisse, des investissements importants ont permis d’équiper les stations de traitements de filtres actifs beaucoup plus performants. Les stations suisses éliminent ces résidus médicamenteux avec bien plus d’efficacité qu’en France.

C’est donc une question de moyens financiers – les distributeurs d’eau du robinet pourraient réduire quasiment à néant ces molécules médicamenteuses potentiellement toxiques à long terme. En attendant, nous restons exposés à une eau du robinet qui contient un cocktail forcément nuisible à long terme. Mais on en sera sûr que dans quelques mois ou années, lorsque l’Anses aura mené une étude épidémiologique à grande échelle.

 



17 réactions


  • frugeky 22 février 2011 09:27

    Pas certain que cette étude épidémiologique verra le jour...
    Et puis des anti-épileptiques (également utilisés pour leur effet sédatif) et des anxiolytiques c’est pour compléter l’utilisation d’anti-dépresseurs dont, paraît-il, les français sont les champions de la consommation.
    Un peuple qui a manifesté par le passé une telle sauvagerie dans sa révolution se doit d’être contrôlé efficacement.
    Mais je vois le mal partout... smiley


  • zelectron zelectron 22 février 2011 11:40

    Effectivement il n’y a pas d’effet KissCool ! loin s’en faut !


  • voxagora voxagora 22 février 2011 14:36

    Et bien,

    déjà qu’il est mal vu de consommer du vin,
    que les sodas ce n’est pas la panacée,
    voilà que l’eau qu’on boit,
    celle qu’on met dans notre thé et notre café,
    celle dans quoi on fait nos bouillons et nos soupes,
    n’est pas buvable non plus ?

  • keiser keiser 22 février 2011 15:39

    @ l’auteur

    Donc la question que je me pose continuellement restera sans réponse :

    Depuis que le charmant député/Maire de ma ville à « vendu » l’assainissement à VEOLIA , m’a facture d’eau à doublé .
    Assainissement déjà largement en place et payé par ... nous , bien sur .

    Je me rassurais en me disant qu’ils investissaient dans l’épuration de l’eau , puisque c’est la raison de ce racket , évidemment !...
    (Je rigole , quoi que ... )

    Et maintenant , l’auteur de l’article nous dis que , justement , ces problèmes découlent (sans jeux de mot ) d’un manque d’investissements .

    Alors , j’en reviens à ma question initiale :
    Pourquoi ma facture d’eau à doublé et que fait VEOLIA avec mon argent  ?!...

    Merci pour cet article


  • geo63 22 février 2011 16:11

    Il serait honnête de citer ici les travaux de Hélène Budzinski et de son groupe de recherche (CNRS - Université de Bordeau I) qui me semble être impliquée depuis plusieurs années sur ce problème, bien entendu avec des mesures extrêmement précises sur un certain nombre de cours d’eau et pour de nombreuses molécules.
    Elle a été auditionnée notamment au Sénat, a donné de nombreuses conférences dont certaines vidéos sont accessibles et est intervenue dans une émission de France 3 où elle avait parfaitement présenté le problème. Elle fait son boulot.
     Par ailleurs il suffit de faire une biblio un peu précise pour voir que ce problème est énormément étudié en particulier pour les sorties de hôpitaux où il est crucial.


  • Le péripate Le péripate 22 février 2011 17:49

    À la fin l’eau bue finit par éclater.


  • Arthur 123 22 février 2011 19:30

    Et- qu’a fait Borllot dans cette galaire, il a autroyer des concessions minières sur l’exploitation du gaz de schistes, décidément il a rien foutue comme ministre de l’écologie.


  • Jean DOSSOY Jean DOSSOY 23 février 2011 08:40

    igepac vous offre gratuitement un dossier de dizaines de pages sur les « eaux que nous buvons », des évidences et des constats, de la réglementation et des propositions.
    http://www.igepac.com/article-les-eaux-que-nous-buvons-2-la-chimie-de-l-eau-potable-cahier-igepac-65535082.html


  • jef88 jef88 23 février 2011 10:48

    Mon grand-père (1880-1950) ne buvait jamais d’eau et conseillait le lait pour les gosses (il avait 2 vaches)

    Il buvait une boisson à la mirabelle fermentée et distilée : « avec cela les microbes tiennent pas le coup ! »


  • vin100 23 février 2011 11:32

    "Et pourtant ! Le problème des médicaments dans l’eau pourrait être résolu très rapidement ! Si notre eau contient des traces de médicaments, c’est tout simplement parce que les stations de traitements françaises sont sous-équipées."

    Tout cela c’est prendre les conséquence pour les causes.

    C’est le système, du tout a l’égout qui est ingérable, hormis qu’il permet a de grands groupes de ponctionner sur les rejets humain, pour faire de l’argent.
    On pollue de l’eau , qui deviennent des eaux grises ou eaux vannes, on met en place de couteux systèmes de collecte, pour ensuite créer le marché du recyclage avec tous les excès que l’on connait.

    Parallèlement, les terres agricoles s’appauvrissent à case du déséquilibre organique, vu que l’on demande aux terres de produire sans rendre les apports organiques et l’on crée en même temps encore un autre marché qui est celui des engrais chimiques.

    On paye pas encore pour respirer, mais on a déjà réussi de nous faire payer pour ch....Tout en polluant ni vu , ni connu les fleuves et l’eau.

    C’est le grand oublié, du Grenelle de l’environnement, malgré les lois sur l’eau , quid de la collecte des déchets organiques humain, quid des déchets organiques hospitaliers qui sont rejeté dans le même circuit.

    Je ne parle pas du retraitement des eaux.

    Cet article va dans le même sens que le système.
    En résumé : il suffit de faire encore de gros investissements et cela ira mieux.

    Pour qui ?


  • Volusian Volusian 23 février 2011 12:10

    Je suis tout à fait d’accord avec le fait qu’il manque de moyen en France pour de bonne stations d’épuration comme en Suisse.

    Cependant pour ceux qui disent que c’est du aux médicaments jetés dans les toilettes, je tiens à signaler que désormais les médicaments périmés doivent être ramenés au pharmacien qui les éliminera de façon adéquate, d’une part. D’autre part, comme il a été dit les français sont les champions du monde de prise de médicaments, ce qui à pour effet de se voir.......dans les urines et les selles, qui finissent dans les toilettes comme avant les médicaments périmés, et malgré tous nos efforts je vois mal comment créer des traitements qui ne s’élimineraient pas en partie par les urines et on se retrouve donc encore au problème des stations d’épurations.

    Après le problème sous-jacent est que les boues des stations finissent très souvent (car pas cher) en engrais, et donc touche à l’éco-système et l’alimentation et crée donc un cercle vicieux, car même en évitant l’eau du robinet si on retrouve les molécules dans les alimentations dites saines cela ne change pas vraiment la donne.

    Donc en conclusion on trouve deux solutions selon deux façon de voir les choses :

    1 - on améliore les stations d’épurations en suivant un modèle faisant ses preuves à l’étranger, mais cela aura forcément un cout et un temps de mise en place assez long, car changement toutes les infrastructures de France pour les rendre conforme représente du travail.

    2 - Au lieu de trouver une solution au problème pour qu’il ne se voit plus, on essaye de comprendre l’origine du mal, (en imagé c’est un peu comme si vous aller chez le médecin pour une grippe, il vous donne le traitement mais vous dit pas que c’est parce que vous dormez nu avec la fenêtre ouverte l’hiver smiley ) et essayait de trouver une solution pour changer les habitudes des français a avoir recours aussi facilement aux médicaments, que ce soit en auto-médication ou avec prescription, mais cela demandera des enquêtes sur le comportement des français pour comprendre puis la mise en place d’une campagne de sensibilisation, et le temps de changer les habitudes d’une population est très long aussi, et tous les moyens mis en œuvre pour ce faire auront également un prix, mais peut-être qu’au long termes cela sera plus avantageux car on aura pas besoin de garder un budget pour garder les stations d’épuration au top niveau, car on leur en demandera un peu moins.

    Quoiqu’il en soit pour que les choses changent il faudra de la patience et surement mettre la main au porte-monnaie, et honnètement je préfère payer pour un budget santé que pour un budget autoroute ou resto 4 étoiles pour les politiciens.


  • vinvin 28 février 2011 02:43

    C’ est vrai que le mélange de médicaments avec l’ eau du robinet peut avoir des cons-équances négatives chroniques, raison pour laquelle je prend toujours mes médicaments, non pas avec de l’ eau du robinet, mais soit avec une KRONENBOURG, soit avec un verre de GIGONDAS !


    J’ emploi ce procédé depuis plus de 30 ans, et je suis toujours là, et bien en vie !



    A méditer......




    VINVIN.

Réagir