mercredi 11 février 2015 - par Sylvain Rakotoarison

Fin de vie : consultation des citoyens jusqu’au 16 février 2015

Procédure nouvelle et moment rare (et discret) de démocratie participative : chaque citoyen peut apporter sa contribution personnelle dans la grande réflexion nationale sur la fin de vie juste avant le début des travaux parlementaires.



Les députés Alain Claeys (PS) et Jean Leonetti (UMP) ont déposé à la Présidence de l’Assemblée Nationale la proposition de loi n°2512 enregistrée le 21 janvier 2015 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie. Elle reprend les conclusions du rapport Claeys-Leonetti que ces deux parlementaires ont remis à François Hollande le 12 décembre 2014.

La commission des affaires sociales de l’Assemblée Nationale, saisie de ce texte, a désigné le 5 février 2015 ces deux députés comme rapporteurs de la proposition de la loi. L’examen de ce texte en commission est prévu au cours de la réunion du 17 février 2015 à 16 heures 15.

La procédure a été un peu particulière puisqu’elle a été ouverte d’une part aux députés en amont, avant le dépôt de la proposition, avec le débat sans vote sur la fin de vie organisé par le gouvernement le 21 janvier 2015 (j’en ai déjà parlé), mais aussi avec une ouverture du site Internet de l’Assemblée Nationale aux contributions des citoyens. Cette consultation participative est ouverte jusqu’au 16 février 2015 à 12 heures et fera partie intégrante de la discussion en commission.

Toutes les contributions sont accessibles aux internautes. Une chartre de modération régit cependant les échanges, et annonce (ce qui est normal) la suppression notamment de « contenus à caractère violent, raciste, xénophobe, homophobe, injurieux, grossier ou faisant l’apologie de crimes de guerre, ainsi que les liens renvoyant vers des sites dont le contenu serait susceptible de contrevenir à toute loi et réglementation en vigueur ».

Que dit le texte de la proposition de loi ? J’en ai déjà parlé mais je veux revenir sur ses deux mesures phares.


Sédation profonde et continue

Son article 3 propose une sédation définitive : « À la demande du patient afin d’éviter toute souffrance et de ne pas prolonger inutilement sa vie, un traitement à visée sédative et antalgique provoquant une altération profonde et continue de la vigilance jusqu’au décès associé à l’arrêt de l’ensemble des traitements de maintien en vie est mis en œuvre dans [certains] cas. » (que je n’énumère pas).

Deux éléments me gênent dans la rédaction de cet article.

D’une part, l’adverbe "inutilement" : qui peut avoir la prétention de parler d’utilité ou d’inutilité concernant une vie, même diminuée ? En tout cas, sûrement pas le législateur.

D’autre part, dans "l’ensemble des traitements de maintien en vie", il faut comprendre dans l’esprit des auteurs du texte en particulier l’hydratation et l’alimentation, comme l’exposé des motifs l’exprime clairement : « Ce dispositif tient compte aussi des apports de la décision du Conseil d’État du 24 juin 2014, en inscrivant explicitement dans la loi que la nutrition et l’hydratation artificielles constituent un traitement. » (ce qui est effectivement rédigé dans l’article 2 de la proposition de loi) alors que pour moi, il s’agit de soins au même titre que la toilette, et tous les soins annexes pour le confort d’un patient immobilisé.

Or, l’arrêt de toute alimentation et hydratation entraînera forcément le décès indépendamment de tout traitement sédatif. Le risque est donc grand que le traitement sédatif n’ait pas pour objectif de soulager les souffrances due à la maladie et à la fin de vie, mais de soulager les souffrances dues à la fin de l’alimentation et de l’hydratation.

Le "double effet" est pourtant clairement exprimé dans l’article 4 du texte : le seul objectif est bien de « répondre à la souffrance réfractaire », malgré la conséquence, « même si [ces traitements antalgiques et sédatifs] peuvent avoir comme effet d’abréger la vie ».

yartiFinDeVie2015AA02

Le risque est donc d’opérer un glissement de l’objectif initial de la sédation profonde qui pourrait devenir une euthanasie déguisée. Tous ceux qui ont côtoyé de près ce type de fin de vie auront cependant du mal à faire nettement la distinction, notamment parce que l’unité de temps n’est plus la semaine mais plutôt la journée ou même l’heure.


Directives anticipées contraignantes

L’autre mesure phare est inscrite dans l’article 8 du texte et concerne les directives anticipées avec cette innovation qui risque de rendre le travail des équipes médicales particulièrement délicat : « Elles s’imposent au médecin, pour toute décision d’investigation, d’intervention ou de traitement (…). ».

J’avais déjà évoqué les problèmes liés au caractère contraignant des directives anticipées.


Quelques contributions de la consultation participative…

Le 10 février 2015 au soir, il y a déjà eu (au moins) 5 778 contributions. Je suis bien incapable de toutes les lire et encore moins d’en avoir des statistiques sur leur tonalité (le site Internet donne des statistiques en temps réel uniquement sur leur thématique), mais certaines contributions paraissent très intéressantes.

Entre autres, il y a une réelle inquiétude sur le caractère impératif que la proposition voudrait donner aux directives anticipées, et visiblement, une très large majorité de citoyens qui se sont exprimés sont choqués que la proposition (comme le Conseil d’État le 24 juin 2014) souhaiterait considérer l’alimentation et l’hydratation comme des traitements et pas des soins.

J’en cite ici quelques-unes, pas du tout représentatives, lues un peu au hasard de la navigation virtuelle mais qui me paraissent très utiles à la réflexion (et généralement très bien exprimées, j’ai juste corrigé les éventuelles plutôt rares fautes).


« Nous savons que chaque être humain est unique et qu’une loi décidant des circonstances de fin de vie ne répondra jamais à toutes les situations. (…) Par ailleurs, il me semble primordial de renforcer les services palliatifs en France. »

« Que sera au regard de l’autre ma dignité quand je serai en fin de vie ? Est-ce que je pourrai voir dans le regard de mon proche ou du professionnel que ma dignité de personne humaine est en moi et qu’il peut m’aider par son regard, son écoute, sa sollicitude à me sentir encore digne d’être une personne humaine et peut-être même m’aimer encore… Comme j’ai peur des manipulations de ce mot ! Qui osera se dire indigne ? Dire l’autre indigne ? (…) Alors s’il vous plaît, prenons le temps d’être là, de soulager les douleurs par tous les moyens, oui même au risque d’abréger cette vie en train de s’achever, (…) prenons le temps de soulager la souffrance (…) de notre proche ou de cette personne malade ou âgée qui aimera peut-être encore la vie si nous l’aimons elle, la respectons, l’écoutons, apprenons d’elle. » signé d’une "mère d’un fils aîné polyhandicapé profondément digne malgré sa différence".

« Favoriser au maximum les soins palliatifs qui ont fait leurs preuves pour soulager les personnes en fin de vie. En tout état de cause, il est indispensable d’autoriser la clause de conscience médicale pour le personnel. »


« Infirmière (…), je suis myopathe et souffre d’un cancer en rémission. Je suis très intéressée par cette proposition de loi et d’accord sur le fond. Par contre, je suis gênée d’y trouver le mot "dignité" qui peut poser problème : une personne qui est en fin de vie, quel que soit son état de santé physique ou mentale n’est pas indigne, sinon, où commence l’indignité ? Je préférerais trouver comme il est écrit par ailleurs : "sauvegarder son autonomie et mourir de façon apaisée". Je suis très sensible au respect de l’autonomie et vit très mal l’abus de quelques soignants ainsi que l’absence de formation du personnel de certains hôpitaux en ce qui concerne les soins palliatifs. »

« Seuls 20% des besoins en soins palliatifs sont satisfaits, les médecins sont insuffisamment formés. L’euthanasie n’est pas la réponse à cette insuffisance. »

« Hors contexte politique, tout ceci a de quoi laisser sceptique puisqu’il n’y a en réalité pas de besoin de légiférer sur ce sujet de fin de vie. La loi existante Leonetti sur les soins palliatifs n’est même pas mise en œuvre à l’heure actuelle. (…) Cette présente [proposition de] loi n’a donc tout simplement pas lieu d’être et je demande au gouvernement de sagement l’abandonner et de s’occuper du chômage, de nos entreprises, de l’éducation à lire, à écrire et compter, etc., bref, de sujets top prioritaires sur lesquels les législateurs devraient plutôt se concentrer. Merci. »

« S’alimenter n’est pas [un] traitement, ce n’est pas une loi qui va changer ça. Assimiler le fait de s’hydrater et de s’alimenter à un traitement nous transforme tous en personnes sous traitement et donc "euthanasiables". C’est assez dangereux, cela permet de tuer n’importe qui dont on juge la vie "indigne". »

« La loi actuelle est parfaitement adaptée. Elle permet de soulager les malades mais sans provoquer directement leur mort. Elle est malheureusement peu appliquée par manque de moyens. Il faudrait se concentrer sur une façon de trouver les moyens de l’appliquer partout, plutôt que de la faire évoluer vers l’euthanasie. En effet, qui a le droit de légiférer sur la mort ? Une expérience que nous vivrons tous, mais dont personne, aucun témoin, n’est revenu pour nous dire ce qui est adapté ou pas de faire à ce moment-là. Ce serait la seule et unique loi votée sans aucun retour d’expérience. Cela sort du champ d’action de la république humaine. Je suis contre ce projet de loi. »

« Primum, non nocere. La peine de mort a été supprimée en 1981. Une journée mondiale de prévention du suicide a été instaurée en 2003. Et on voudrait maintenant ouvrir un droit à donner la mort ? Et on voudrait officialiser l’aide au suicide ? Cherchez l’erreur… Toute vie humaine est digne. Digne d’être vécue jusqu’à son terme, même lorsque la personne est lourdement atteinte. Digne d’être aimée, y compris dans le silence lorsque la communication verbale n’est plus. Où est l’indignité ? Chez l’alité, fragilisé et dépendant ? Ou dans le regard et l’esprit de celui qui, démuni parce que non préparé, assiste, impuissant, à cette "finitude" ? »

« Mon expérience auprès de patients en fin de vie (…) m’a convaincue que les directives anticipées étaient une erreur à ne pas commettre. Combien, en fin de vie, ont regretté d’avoir, bien portants, opté pour l’euthanasie, alors que leurs douleurs étaient calmées, et préféré attendre la mort, "vivant" ? Combien ont changé d’avis et demandé à vivre pour mourir sereinement, après avoir été soulagés, écoutés, accompagnés, et donc rassurés et apaisés ? La volonté est fluctuante, qui n’a pas voulu un jour "en finir", et regretté le lendemain de l’avoir envisagé ? J’ai pu réellement observer ces variations d’humeur et ces indécisions auprès de patients de tous âges, toutes conditions, seuls ou entourés, gravement atteints, ou pas. J’attends donc de ce gouvernement qu’il développe les soins palliatifs, tant en institution qu’à domicile. Ce qui existe est insuffisant. (…) Je refuse que mon pays légalise la "sédation profonde et continue jusqu’au décès". Sédater transitoirement un patient pour apaiser ses souffrances, oui. Accorder le droit d’administrer une sédation profonde, c’est irréversible, c’est de l’euthanasie déguisée. C’est non. Je réfute l’affirmation consistant à dire que "alimentation et hydratation artificielles sont des traitements". Non, ce sont des soins, comme le sont les massages, la toilette, le changement de position des malades. Ce sont des gestes élémentaires quotidiens destinés à offrir au malade un minimum de confort et de respect de son intégrité. Supprimer alimentation et hydratation jusqu’à ce que mort s’en suive, c’est tuer lentement. C’est indigne d’un monde dit "civilisé". Pour conclure, je dirai que la loi Leonetti de 2005 est suffisante. Mais il faut encore informer les Français sur les soins palliatifs, digne alternative à l’euthanasie. »

« Directives anticipées contraignantes : n’est-il pas risqué pour une personne de se voir "imposer" une directive qui aurait été prise pendant un épisode dépressif ? »

« (…) Il me semble dangereux d’utiliser des mots tels que "vie digne" sans au préalable les avoir définis avec précision et prudence. L’histoire du XXe siècle a hélas montré combien ce concept a pu être utilisé à des fins tragiques et monstrueuses. Le mot "apaisée" (…) mérite lui aussi d’être clarifié. Par quel jeu de manche se trouve-t-il sous la plume du législateur ? Cela pose la question de savoir si la paix est un critère médical ou un état de conscience. »

« La sédation profonde ouvre la porte à l’euthanasie, le terme semble même être utilisé pour voiler la réalité. Cette nouvelle loi est dangereuse car elle nous met sous la coupe du médecin qui décidera ce qu’est la mort digne pour ses malades. Comme beaucoup de personnes le demandent dans les avis ci-dessous, ce qu’il faut, c’est mettre les moyens pour instaurer les soins palliatifs partout. Que le malade en fin de vie ne soit pas seul ! Qu’on apaise toutes ses souffrances physiques et psychologiques, mais qu’on ne le tue pas comme "on achève les chevaux".  »

« Une fin de vie est digne si la personne est dignement considérée jusqu’à la fin de sa vie. ça a été le cas de mon grand-père, atteint de la maladie d’Alzheimer pendant une quinzaine d’années. Il a été infiniment respecté, par ma mère d’abord, et par deux des dames qui se sont occupé de lui. Leur exemple m’a profondément marquée. Une fin de vie peut être apaisée si l’on se préoccupe de soulager la douleur physique, de maintenir un confort optimal, et de prendre en charge la souffrance psychologique. Une amie psychologue en soins palliatifs me disait : "Mourir n’est pas la dernière volonté du patient, c’est sa dernière angoisse. Que l’on apaise cette angoisse et alors le patient pourra exprimer sa dernière volonté". Supprimer la personne qui souffre pour supprimer sa souffrance, c’est peut-être "efficace", mais nous sommes capables de tellement mieux ! »

« Que le gouvernement construise et subventionne des équipes mobiles, des unités de soins palliatifs, des lits dédiés. Voilà le vrai projet. Arrêtons de nous raconter que l’avenir de la France est une seringue que l’on pousse pour faire une sédation, pour injecter un produit létal ou autre. L’avenir de la France est d’accompagner les malades jusqu’au bout et de faire en sorte qu’ils ne souffrent pas, ni physiquement ni moralement, ni socialement parce qu’on leur tient la main. Ne nous trompons pas de débat ! »

« La souffrance est un sentiment qui résulte aussi d’autres facteurs, et notamment le sentiment d’être abandonné et le sentiment d’inutilité qui ne peuvent être traités par des médicaments. C’est sûrement dans ces domaines que la société doit progresser en proposant plus de soutien, de visites, d’activités aux personnes en fin de vie (…). Je suis médecin dans un centre hospitalier de plus de 1 500 lits et il n’y a toujours pas de service soins palliatifs depuis la loi de 2005… Merci de nous donner ces moyens humains qui permettent d’accompagner les personnes en fin de vie. Ce n’est pas en abrégeant la vie d’un homme qui souffre qu’on lui rend sa dignité, mais c’est en lui montrant que sa vie a un sens et qu’elle a du prix pour la société. »

« Le personnel médical, les pompiers, etc. devraient réfléchir avant de réanimer quelqu’un si le résultat laissera la personne dans le coma pendant des années, contre sa volonté. Je demande aussi qu’on respecte mon testament biologique. »

« Lors de deux interventions chirurgicales récentes, j’ai donné expressément et par lettre manuscrite au chirurgien et à l’anesthésiste les consignes de ne rien tenter si quelque chose intervenait mettant en péril mon autonomie autant physique que mentale. J’ai interdit à mon entourage qu’en cas de décès accidentel, qu’il ne tente aucune action contre ces hommes de l’art car je sais trop bien combien l’erreur peut être humaine. Il ne peut en médecine n’y avoir d’obligation de résultat. Par ailleurs, je veux avoir le droit de choisir quand je dois mourir et ne pas faire souffrir mes proches par une longue agonie. Je ne veux pas que mes proches me voient impotent, handicapé ou dans un état végétatif. Je veux avoir le droit à l’euthanasie quand je le désirerai. C’est un droit que l’on accorde aux animaux, suis-je moins qu’un animal ? »

« La fin de vie, comme beaucoup de choses dans la vie, n’est pas sur commande, n’est pas prévisible… et heureusement… Il y a peu de temps, j’ai accompagné mon grand-père dans ses derniers instants de vie et ce qui les a rendus intenses, beaux, c’est justement que nous ne savions pas quand la mort allait advenir. Nous savions que la fin était proche mais nous ne savions pas, encore un jour, trois jours, une semaine… Cela nous dépassait totalement. Il était soulagé mais pas endormi, il était bien présent. Alors, nous nous sommes dit combien nous nous aimions, j’ai dit à mon grand-père combien je l’aimais et combien il avait compté pour moi dans la vie. Quelle douceur dans ces instants et quelle consolation d’avoir pu vivre ces instants ! Et si ces instants nous avaient été volés ? par une sédation profonde… nous n’aurions pas été apaisés et je ne crois pas que sa mort aurait été digne… »

« Comment donner une valeur d’absolu à une directive écrite à un moment t de sa vie, dans un bon état de santé ? Comment anticiper ses volontés face à la maladie ? L’expérience dans les hôpitaux montre la volonté des patients est fluctuante. »

« Et si après avoir souhaité ne pas souffrir à l’heure de la mort, après l’avoir déclaré, écrit, clamé… et si ne pouvant plus m’exprimer alors je changeais d’avis ? Qui le saura ? Qui sera là pour me défendre de ceux qui alors croiront m’être fidèles ? Devrais-je être sacrifiée sans personne pour me défendre ? Seront-ils mes bourreaux ceux qui devaient me soigner ? »

« On a bien modifié le serment d’Hippocrate pour permettre de donner la mort, il faudra donc abroger l’article R4311-5 du code de la santé publique sur les soins infirmiers, alinéas 7 et 8, qui leur demande de nourrir et hydrater artificiellement les patients. On pourra aussi faire l’économie de l’alinéa 15 pour accélérer l’étouffement, et du 11 pour faciliter une septicémie qui emportera rapidement le patient… Dans le temps, on tombait sous la coupe des "médecins de Molière", aujourd’hui, on pourra tomber sur un médecin "libérateur de lits d’hôpitaux", d’autant que dans les autres articles, on voit bien que même la famille ou les proches ou la personne de confiance n’ont aucun mot final sur les médecins qui décideront seuls en final, même si la loi leur demande d’écouter, car elle ne leur demande en rien d’accepter les demandes sauf une : euthanasier. Seule une telle demande s’impose au médecin. Nous sommes là bien devant une directive d’euthanasie de masse. Il suffit de 10% de médecins et d’infirmiers euthanasieurs pour "nettoyer" un hôpital. »

« Je ne comprends pas comment la loi peut dire de manière aussi définitive que l’alimentation et l’hydratation sont un traitement. Donner à manger, donner à boire, comme nous le faisons par exemple pour les plus démunis, au Restos du Cœur, n’est-ce pas quelque chose d’élémentaire qui ne s’apparente nullement au choix d’un traitement, comme l’administration d’un médicament ? (…) Bien sûr, il y a des cas particuliers : ma tante, âgée de 92 ans, à l’hôpital, n’avait plus faim et je n’avais pas à lui imposer de manger et de boire. Mon devoir était de lui proposer de la gelée, pas de lui imposer. La perte d’appétit, en fin de vie, n’a rien de choquant, mais nous sommes là dans le respect de la volonté du patient. Tandis que, si l’alimentation et l’hydratation sont considérées d’une manière générale comme un traitement, nous pourrions décider demain, y compris sans le consentement du patient, que le nourrir, lui donner à boire, sont des "traitements déraisonnables" ! Non ! Ce n’est pas le médecin qui doit dire s’il prescrit l’alimentation ou l’hydratation pour tel ou tel patient, c’est moi qui, en tant qu’homme, en tant que femme, doit "prendre soin" de lui en lui donnant à boire et à manger. »

« La faim et la soif sont-elles une maladie ? Un astronaute qui se nourrit d’aliments spécialement préparés est-il sous traitement ? Une personne privée de déglutition mais nourrie par intraveineuse est-elle sous traitement ? Comment oser faire le rapprochement entre alimentation et "traitement" potentiellement déraisonnable ? Comme s’il pouvait être raisonnable de priver un être humain vivant de nourriture… Une telle approche est porteuse de confusion terrible en rendant "suspect" un processus absolument évident et naturellement indispensable à la vie. (…) C’est un devoir absolument élémentaire que toute civilisation, même peu évoluée, respecte en toute circonstance. Cela deviendrait-il gênant pour notre société ? »

« Il y a bon nombre de personnes qui se sont réveillées d’un coma qui ne le feront plus jamais, si l’on considère que nutrition et hydratation artificielles sont un traitement et non un soin de base, un dû au même titre que l’hygiène pour tout malade même mourant. Sans compter les handicapés lourds. »

« Il convient de supprimer purement et simplement la dernière phrase ("nutrition et hydratation artificielles constituent un traitement"). Le législateur n’est pas mandaté par les citoyens pour faire plaisir au Conseil d’État, lequel n’est pas élu… »

« Le 17 juillet 2012, lors de sa visite de la maison médicale "Notre Dame du Lac" à Rueil-Malmaison, près de Paris, le Président de la République avait promis un grand plan national pour le développement des soins palliatifs. Depuis lors, pas un euro n’a été mis au budget pour ce grand plan national ! Qu’en est-il ? Pourtant, cela est essentiel pour une "fin de vie digne et apaisée" ! »


La grande richesse de cette consultation

Toutes ces contributions (près de six mille à ce jour) sont d’une grande force, souvent de témoignage, d’une grande richesse et d’une grande diversité, et leur exploitation sera évidemment assez lourde pour en réaliser une synthèse utile aux travaux de la commission des affaires sociales.

Dans tous les cas, cette consultation participative est bienvenue : chaque citoyen est appelé à s’exprimer sur l’un des sujets les plus intimes du débat parlementaire. La fin de vie concerne tout le monde, et c’est donc avec sagesse que l’Assemblée Nationale a mis en place ce dispositif exceptionnel de consultation sur Internet. C’est une première historique dans le cadre de la "révolution numérique" voulu par son Président Claude Bartolone. N’hésitez pas à vous en saisir, il reste encore toute la fin de cette semaine.

Le prochain rendez-vous aura lieu le mardi 17 février 2015 pour l’examen du texte en commission.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (11 février 2015)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Le débat sur la fin de vie à l'Assemblée Nationale du 21 janvier 2015.
Les directives anticipées.
L'impossible destin.
La proposition Massonneau.
Présentation du rapport Claeys-Leonetti (21 janvier 2015).
Le rapport Claeys-Leonetti du 12 décembre 2014 (à télécharger).
Vidéo de François Hollande du 12 décembre 2014.
Rapport du CCNE sur le débat public concernant la fin de vie du 21 octobre 2014 (à télécharger).
Le verdict du Conseil d'État et les risques de dérives.
Le risque de la GPA.
La décision du Conseil d'État du 24 juin 2014 (texte intégral de la déclaration de Jean-Marc Sauvé).
L'élimination des plus faibles ?
Vers le rétablissement de la peine de mort ?
De Michael Schumacher à Vincent Lambert.
La nouvelle culture de la mort.
La dignité et le handicap.
Communiqué de l'Académie de Médecine du 20 janvier 2014 sur la fin de vie (texte intégral).
Le destin de l'ange.
La déclaration des évêques de France sur la fin de vie du 15 janvier 2014 (à télécharger).
La mort pour tous.
Suicide assisté à cause de 18 citoyens ?
L’avis des 18 citoyens désignés par l’IFOP sur la fin de vie publié le 16 décembre 2013 (à télécharger).
Le Comité d’éthique devient-il une succursale du PS ?
Le site officiel du Comité consultatif national d’éthique.
Le CCNE refuse l’euthanasie et le suicide assisté.
François Hollande et le retour à l'esprit de Valence ?
L’avis du CCNE sur la fin de vie à télécharger (1er juillet 2013).
Sur le rapport Sicard (18 décembre 2012).
Rapport de Didier Sicard sur la fin de vie du 18 décembre 2012 (à télécharger).
Rapport de Régis Aubry sur la fin de vie du 14 février 2012 (à télécharger).
Rapport de Jean Leonetti sur la fin de vie du 28 novembre 2008 (à télécharger).
Loi Leonetti du 22 avril 2005 (à télécharger).
Embryons humains cherchent repreneurs et expérimentateurs.
Expérimenter sur la matière humaine.
La découverte révolutionnaire de nouvelles cellules souches.
Euthanasie : les leçons de l’étranger.
Euthanasie, le bilan d’un débat.
Ne pas voter Hollande pour des raisons morales.
Alain Minc et le coût des soins des très vieux.
Lettre ouverte à Chantal Sébire.
Allocation de fin de vie.

yartiFinDeVie2015AA03



4 réactions


  • Lonzine 11 février 2015 11:52

    inquiétant que tous les sujets débattus publiquement (mariage pour tous, euthanasie par exemple) sont des sujets pour lesquels personne n’a d’avis autorisé ou tranché (ou par dogme), alors que le grand grand sujet en ce moment est tafta, là moi j’ai un avis à donner.... mais on en parle quasiment pas, et pour cause.....


  • Rmanal 11 février 2015 12:06

    Merci pour l’info. Pour une fois que ce gvrnt fait une consultation populaire, il ne faut pas s’en priver, même si on peut douter que quelqu’un lise un jour les 6000 postes. En même temps si l’on n’était pas dans un des pays les plus réacs d’Europe, une loi serait déjà passer et on n’en parlerait plus, sauf à l’affiner.


  • foufouille foufouille 11 février 2015 12:23

    « D’une part, l’adverbe »inutilement" : qui peut avoir la prétention de parler d’utilité ou d’inutilité concernant une vie, même diminuée ?« 

    suivant la taille du portefeuille.
     »« Le personnel médical, les pompiers, etc. devraient réfléchir avant de réanimer quelqu’un si le résultat laissera la personne dans le coma pendant des années, contre sa volonté. Je demande aussi qu’on respecte mon testament biologique. »
    oui, achevons les blessés aux bord des routes.


  • Philippe VINSONNEAU Philippe VINSONNEAU 11 février 2015 16:36

    pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué..... 

    les conseillers de ces deux Députés doivent tout simplement plancher sur un imprimé type remis à toutes les personnes de plus de seize ans sur lequel sont indiqués tous les cas de figure possibles. Je soussigné... en pleine conscience... ainsi je laisse mes souhait et je raye ce que je ne veux pas. C’est simple, ainsi .je ne me trompe pas sur la formulation, je ne laisse ni un élu ni un médecin ni la famille choisir à ma place... 

    et on en profite sur le même imprimé par rajouter le paragraphe inhumation ou crémation ? et le paragraphe don d’organes ou refus de dons d’organes.

     Voilà le tout coller dans la puce de la carte sécu, modifiable à tout moment par la seule personne concernée.

    en tous les cas moi j’ai créé ainsi mon petit imprimé et je l’ai scanné sur mon dossier médical.


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