mardi 7 février 2017 - par

Gros lard !

On ne peut plus dire comme Pierre Desproges il y a une trentaine d'années que l'Occident est en train de crever de sa mauvaise graisse. Ce serait plutôt l'inverse, il crèverait plutôt d'anorexie. Il ne s'agira pas dans ce petit billet de dire du mal de ce qui peut nous tenir en bonne santé, mais juste de se moquer encore un peu de l'hygiénisme quasiment totalitaire sévissant en 2017 afin de standardiser les corps humains. Les femmes se doivent d'être minces jusqu'à l'absurde, jusqu'à l'anorexie, jusqu'à la maigreur, les hommes également. Il s'agit de montrer que l'on est un individu performant, sportif et dynamique.

Je n'ai rien contre la pratique du sport sauf quand elle devient une manière d'affirmer à tout crin son adaptation, combien on est un rouage docile des diktats totalement délirants que sont les normes modernes pesant sur chaque personne, des normes étouffantes et aliénantes ne serait-ce que pour les jeunes filles. Juger une personne sur son physique est de mise, des « quartiers » aux salons feutrés des bourgeois pédagogues où « vraiment ma chèèère on ne supporte pas les zobèzes ». Je pense particulièrement à celles qui cherchent par exemple à avoir le même « drop tights » que les mannequins maigrichonnes à la mode.

Elles font des régimes ahurissants pour y arriver, se font vomir, sont dans la compétition par l'entremise des réseaux dits sociaux et finalement sont tout aussi soumises que leurs aînées au regard des mâles, lui-même biaisé par la pornographie omniprésente, celle-ci allant de pair avec une ignorance -apparemment paradoxale- de la sexualité.

Le gros est un gros lard c'est un fait entendu. On ne le dit pas en sa présence mais on ne se prive pas de se payer de sa tête en douce voire en sa présence sous prétexte d'humour. Il est la mauvaise conscience de tous ces esclaves dociles de la dictature de l'apparence, abandonnant leur libre arbitre sur le chapitre de leur physique quitte à ne jamais ressentir aucun plaisir lorsqu'ils mangent ou qu'ils boivent un bon vin. Dans ce cas ils seront avertis de la nocivité de l'alcool. S'il est gros, c'est de sa faute, il bouffe trop, il ne fait pas assez de sport. Il ne souffre pas comme tout le monde pour entretenir son corps réduit à l'état de mécanique, d'investissement mobilier en somme que l'on se soit de maintenir en bon état afin que l'entreprise qui vous emploie ne perde pas un centime.

Le gros est un bon vivant, cela aussi c'est un fait entendu, mais il est de notoriété publique selon la psychologie de comptoir en vigueur un peu partout qu'il cache son mal-être et sa dépression derrière une jovialité de façade. En réalité, qu'il aime se réjouir autour d'une bonne table avec ses amis, ses proches est surtout le synonyme de sa grande déprime. Qu'il veuille partager tout cela signifiant sans doute sa solitude affective et sexuelle...

Le gros lard subit à longueur de temps les conseils diététiques de personnes qui sont incapables de se les appliquer à eux-mêmes, qui n'ont pas compris que le gros l'est parce que c'est son tempérament physiologiquement parlant, un genre de malédiction. Il peut grossir en regardant simplement un carré de chocolat. Il ne fait qu'un seul écart il prend tout de suite entre deux ou trois kilos. Il sait bien qu'il ne manque pas d'appétit, il sait également que son côté ogre naît parfois de son angoisse devant le risque de perdre ce qu'il aime et ceux qu'il affectionne. Et il n'est nul besoin de le convaincre de ce qu'il pourrait faire s'il voulait avoir un physique dans les normes, à savoir se priver à peur près de tout ce que les autres peuvent manger et boire sans risques.

A force de lui seriner sur tout les tons qu'il est forcément mal dans sa peau, inadapté, il finit par y croire. Autour de lui on s'étonne alors qu'il sombre véritablement dans la déprime, l'isolement ou le cynisme...

 

Sic Transit Gloria Mundi, Amen

Amaury-




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