mercredi 2 décembre 2009 - par calach

Garde à vue inhumaine et illégale : La France se distingue...

Alors qu’une mère de famille vient de faire les frais d’une garde à vue musclée à Etampes parce qu’elle n’avait pas ses papiers sur elle lorsqu’elle a été contrôlée au volant de sa voiture, le régime de « la garde à vue à la française » est de plus en plus critiqué au point de devenir une honte nationale !

Les gardes à vue sont devenues monnaie courante : 577 000 en 2008 dont moins de 400 000 ont donné lieu à des poursuites devant les tribunaux contre 337 000 en 2001 soit une progression de 71 % en 7 ans.
 
Outre la progression exponentielle des placements en garde à vue, il faut déplorer le traitement de plus en plus dégradant réservé aux prévenu(e)s : torture psychologique, privation de nourriture et d’hygiène, saleté des cellules... Me Caroline Wassermann, avocate, placée récemment en garde à vue pendant huit heures déclarait à sa sortie : "Les gardes à vue en France sont un scandale. Les chiens sont mieux traités à la SPA, parce qu’au moins, on leur donne une gamelle. Il faut que cela change, ou alors, il faut cesser de se targuer d’être la patrie des droits de l’homme."

Mais si la France se distingue par le côté inhumain de la garde à vue, elle se particularise en plus par l’aspect illégal de son régime de garde à vue et devrait bientôt être mise à l’amende par la Cour européenne de justice qui a déjà condamné la Turquie dans l’arrêt Danayan datant du 13 octobre 2009 en précisant qu’ « un accusé doit, dès qu’il est privé de liberté, pouvoir bénéficier de l’assistance d’un avocat et cela indépendamment des interrogatoires qu’il subit…En effet, l’équité de la procédure requiert que l’accusé puisse obtenir toute la vaste gamme d’interventions qui sont propres au conseil. A cet égard, la discussion de l’affaire, l’organisation de la défense, la recherche des preuves favorables à l’accusé, la préparation des interrogatoires, le soutien de l’accusé en détresse et le contrôle des conditions de détention sont des éléments fondamentaux de la défense que l’avocat doit librement exercer.”
 
La réponse de Guillaume Didier, porte-parole du Garde des Sceaux a été immédiate : "Ce que la cour exigerait, c’est le principe de l’accès immédiat à un avocat, ce que prévoit le droit français depuis dix ans, avec ce droit à l’entretien dès la première heure de garde à vue. Au contraire, cet arrêt consacrerait le système français."
 
S’il est vrai que la loi du 15 juin 2000 impose la visite de l’avocat dès la première heure de garde à vue pour informer le prévenu de ses droits ce dernier ne peut pas, cependant, prendre connaissance du contenu du dossier !
 
Peut-on alors parler d’assistance au sens entendu par la cour européenne ?
 
Cela ne semble pas être l’avis du bâtonnier de Paris, Christian Charrière-Bournazel, qui a estimé sur les ondes de France Infos que toutes les garde à vue étaient « illégales » en France et a poursuivi ainsi : « J’encourage tous mes confrères à faire annuler les procédures". Au cours d’un colloque sur la réforme de la procédure pénale, mardi 17 novembre, à l’Assemblée nationale, il a déclaré, par ailleurs, "Nous ne pouvons plus nous contenter de demi-mesures. Nos procédures sont nulles, selon la Cour européenne des droits de l’homme" (Le Monde du 18 novembre).
 
Alain Guilloux, secrétaire général de la conférence des bâtonniers lui a emboîté le pas en déclarant de son côté : « Le bâtonnier de Paris a raison. La conférence des bâtonniers de France partage d’ailleurs son point de vue. Lorsque les avocats rencontrent leurs clients pendant une demi-heure, ils ne connaissent rien du dossier, si ce n’est l’inculpation et le nom de la personne. Dans ces conditions, il ne s’agit que d’une défense de façade. Je comprends que le ministère de la justice soit inquiet des répercussions d’une telle jurisprudence sachant que les interrogatoires sont menés à charge contre les mis en cause. Si tous les avocats soulèvent la nullité de la garde à vue, la France a toutes les chances d’être condamnée par la Cour européenne. »
 
Alors, à quand une condamnation de la France par la Cour européenne de justice ?
 
 


14 réactions


  • L.S.B 2 décembre 2009 11:17

    Il est indispensable que les avocats se mobilisent pour avançer dans ce sens par de multiples procédures de nullité. C’est le seul moyen de faire évoluer la prétendue « patrie des droits de l’homme » dans le domaine de la GAV. Tous ceux et toutes celles qui sont passés ou passeront par la case GAV peuvent témoigner du traitement subi apparenté à de la torture sans possibilité de défense.


  • realworld 2 décembre 2009 17:03

    Certes, les avocats redoreraient leur blason en faisant ce genre d’action salutaire pour les droits des citoyens. Reste aussi aux inculpés de réclamer un avocat systématiquement à leur côté lors des auditions, même si cela n’est pas prévu par la loi, sans quoi ils doivent rester muet. Une garde à vue de 24h qui mobilise x policiers pour un procès verbal vide, sûr que ça va plomber leurs statistiques et faire réfléchir plus d’un flic qui pleurera sur la disparition de sa prime...


  • paul 2 décembre 2009 17:28

    Dès 2002, Nicoz ,flic-en-chef, a institué le nombre de G.A.V. comme indicateur de l’activité
    policière. Cette politique du chiffre, dans un cadre sécuritaire renforcé (fichiers,taser..) aboutit à
    des abus croissants de la procédure, malgré les déclarations de bonnes intentions de F. Fillon.

    Les chiffres de la grande délinquance ne diminuent pas pour autant, la surpopulation carcérale
    est dénoncée par les instances européennes, et l’institution judiciaire n’a pas les moyens de fonctionner correctement .
    Incohérences entre les déclarations du matamore , les actes, et les résultats réels .


  • avogt 2 décembre 2009 17:36

    577.000 gav... on peut seulement espérer que les sarkozistes bénéficiaires de la prestation profitent du temps de cette réflexion


  • mako mako 2 décembre 2009 19:14

    Lorsque la totalité de la population aura été en garde à vue....

    Plus personne votera...
    Plus personne ne se sentira citoyen d’un pays qui les a humilié.
    Quant à condamnation de la france, elle a déjà été condamné tellement de fois... elle s’en fiche !

  • Eleusis Bastiat - Le Parisien Libéral eleusis 2 décembre 2009 20:03

    le pire c’est que tout ceci est ce que veulent les francais. Toujours plus de flics, avec toujours plus de moyens, et ce depuis 1995 et les attentats du Metro parisien.

    La police hors de controle correspond a un soutien de fait venu d’en haut vis a vis des bavures. Les honnetes gens se disent « on a pas a craindre la police » mais ils n’ont pas compris que seuls des contrepouvoirs arretent le pouvoir.
    Il faut de plus que les francais comprennent que malgre la hausse des moyens affectés a la securite, la delinquance progresse. Changeons de logique avant qu il ne soity trop tard.


    Est il normal que 0.8% de la population ait ete en garde a vue en 2008 ?
    Que l’armee effectue des taches de police a Paris notamment, ou elle est affectee a des fonctions non militaires dans le cadre de Vigipirate, l’amenant a participer aux controles des tickets dans le metro, et ce pour un surcout de 3 milllions d’euros par jour ?

    La solution c’est MOINS (et mieux) de police, pas plus de police, tout comme la France souffre de TROP d’ETAT, source d’impots exorbitants et d’etouffement des libertes civiles des citoyens.

    Retrouvez les elements d’un programme alternatif sur le site web d’Alternative Liberale.


  • Krokodilo Krokodilo 2 décembre 2009 20:08

    On ne parlera jamais assez de ce problème. La GAV est censée ne servir que dans quelques affaires, soit lorsqu’il y a un risque important de fuite, soit lorsque l’importance d el’affaire exige d’empêcher le contact avec des complices.
    Elle est en fait utilisée soit par des juges d’instruction qui veulent assouplir leur client, soit dans la plupart des cas, sans raison valable !
    La GAV, c’est de la prison sans avoir été condamné, et ce, parfois dans des conditions pires que celles de la prison ! Et à chaque protestation d’un citoyen, les policiers concernés portent plainte contre lui pour résistance et violence sur agents... Notre président vient de dissoudre la CNDS (commission de déontologie de la sécurité) crée en 2000, parce qu’elle enquêtait sur ces bavures et demandait (parfois) des sanctions.
    C’est affolant, une commission formée de parlementaires et de magistrats se fait renvoyer par la volonté du Prince, lequel est justement le principal responsable de l’augmentation des bavures par l’exigence de faire du chiffre, et de juger la police sur le nombre de GAV.
    Cette dérive vers l’autoritarisme est vraiment inquiétante : NS acceptera-t-il de rendre le pouvoir ?
    Où va un pays qui a peur de sa police ?


  • naudin 2 décembre 2009 20:25

    Donnez aux avocats le droit d’assister les mis en cause dès la première seconde de la garde à vue ( et les indemnités financières qui vont avec ) et vous ne les entendrez plus.


  • calach calach 2 décembre 2009 20:44

    Il est intéressant de lire le point de vue de Maître Eolas sur l’illégalité de la garde à vue.
    De son côté l’avocat général Bilger n’a pas peur d’écrire dans son blog : « La garde à vue n’est pas un enfer. Les policiers ne placent pas en garde à vue par sadisme. » Il serait peut-être bon qu’il goûte aux délices de la garde à vue pour avoir un peu plus le sens des réalités !


    • Krokodilo Krokodilo 3 décembre 2009 00:54

      Il a peut-être raison pour la plupart des affaires, mais dans les GAV abusives, càd. pour des motifs absurdes comme un témoin d’une arrestation musclée qui aurait protesté, ou une mère de famille retenue pour une phrase de trop, ou un journaliste à intimider (menotté devant ses enfants), on se rend compte que la police pouvait parfaitement convoquer la personne pour enquête et témoignage qq jours plus tard.
      Au lieu de cette méthode équilibrée, la personne abusivement emprisonnée porte plainte, tandis que la police atteste de son côté de violences, agressions verbales, outrages et autres, afin de se couvrir par avance, c’est un cercle vicieux totalement improductif, qui fait perdre un temps fou à la police et aux magistrats, qui énerve les victimes, et diminue la confiance des citoyens lambdas dans sa police.


  • Arcane 2 décembre 2009 21:35


    Quand on sait qu’en 2009, la France arrive en 43ème position pour sa liberté de presse selon RSF, on n’est pas étonné que les médias étouffent toutes dénonciations des conditions de garde-à-vue ...

    http://www.rsf.org/fr-classement1001-2009.html


  • Airbus Airbus 3 décembre 2009 08:44

    Bonjour,

    pour y avoir fait un tour, une astuce consiste à instruire un dossier en A, et de vous mettre en GAV en B (chez vous) sachant que la distance AB peut valoir 500 km. Les gendarmes vous font comprendre que prendre un avocat ne sert à rien, puisque vous serez déporté en A 48h après. Vous ne verrez alors votre avocat que devant le juge de l’instruction, et votre baveux n’aura connaissance de rien du tout. Autre astuce, si je peux dire, consiste à constituer des dossiers très volumineux, pour impressionner le gardé à vue. Comment ? simple, il n’y a pas de recto-verso et certaines pages ne contiennent que 5 lignes.

    N’ayant pas mangé pendant 30 heures, les gendarmes ne m’ont pas laissé prévenir qui que se soit, moralité : 3 avis de recherche. Dites vous bien qu’en GAV vous ne vous appartenez plus, la justice utilise des méthodes de guerre, et même se prend pour le psychiatre cameron (voir stratégie du choc).

    Au futur GAV, bon conrage....les ex-tolards sont avec vous...


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