mardi 10 juin 2008 - par calach

Intime conviction contre preuve scientifique : Marc Machin reste en prison

La commission de révision des condamnations pénales a refusé la demande de remise en liberté de Marc Machin, condamné en appel en 2005 à 18 ans de réclusion criminelle pour le meurtre, le 1er décembre 2001, de Marie-Agnès Bedot. Pourtant le dossier est pour le moins déconcertant. 

Début mars 2008, un autre homme, David Sagno, s’accuse de ce meurtre, ainsi que de celui de Maria-Judith Araujo, toujours au pont de Neuilly, le 22 mai 2002, date à laquelle Marc Machin était déjà incarcéré. Depuis, des analyses ont permis de retrouver l’ADN de David Sagno sur des vêtements de Marie-Agnès Bedot, entraînant l’ouverture d’une seconde information judiciaire et sa mise en examen pour "assassinat, viol et vol".
En dépit de ces éléments troublants, la commission de révision a suivi l’avis du parquet général et considéré qu’il "apparaissait prématuré" de libérer Marc Machin, incarcéré depuis sept ans, considérant que de nouvelles investigations étaient nécessaires.
La preuve scientifique et les aveux d’un autre homme ne semblent donc pas faire suffisamment le poids pour libérer un homme qui a été condamné sur la base de l’intime conviction d’un jury de Cour d’assise !
Pourtant, la commission ne peut ignorer que la loi ne demande pas aux jurés les moyens par lesquels ils se sont convaincus. Elle ne leur impose pas de règles. Elle ne leur fait que cette seule question qui renferme toute la mesure de leurs devoirs : « Avez-vous une intime conviction ? »
Dans ce principe, l’élément de preuve est donc librement interprété par le juré. Il peut être matériel ou psychologique, direct ou indirect. Il en résulte que le même élément de preuve peut être interprété, sans justification, à charge ou à décharge selon la conscience de chacun ! Mais l’intime conviction devient vérité quelle que soit la décision prise par la conscience collective du jury !
Peu importe ensuite la consistance des éléments de preuve des faits nouveaux qui peuvent mettre en doute la décision de l’intime conviction ! Marc Machin a été déclaré coupable au nom du peuple. Au nom du peuple, il reste incarcéré même si ces éléments scientifiques accompagnés d’aveux circonstanciés d’un autre homme créent le doute !
De plus, la décision de la commission semble être une application directe de la loi sur la rétention de sûreté car elle s’appuie sur le passé judiciaire du condamné pour justifier sa prudence en précisant qu’il "a fait l’objet de deux condamnations pour des agressions sexuelles commises antérieurement au meurtre de Marie-Agnès Bedot".
Marc Machin devra donc passer encore plusieurs mois au fond de sa prison dans l’attente d’une décision concernant la demande de révision formulée par la chancellerie !



11 réactions


  • spartacus1 spartacus1 10 juin 2008 10:29

    Je n’ai pas d’information particulière sur cette affaire, donc pas vraiment de compétence pour dire quoi que se soit sur ce sujet particulier.

    Par contre j’ai une remarque d’ordre plus général à faire. Il me semble que plus que "intime conviction contre preuve scientifique" il s’agit, pour la justice, d’une incapacité fondamentale à accepter une erreur. La justice est rendue par des hommes (au sens général du terme), donc faillible. Il me semble qu’elle se grandirait en acceptant ses erreurs, en disant : nous nous sommes trompés, réparons.


  • Lapa Lapa 10 juin 2008 20:30

    attention, le fait de retrouver de l’adn sur des vêtements ne constitue pas une preuve scientifique de la culpabilité de la personne.

     

    l’affaire est très complexe (notamment les relations entre la victime et les deux personnes s’étant accusées du meurte), et si il y avait eu une preuve scientifique de l’innocence de Marc Machin, la commision aurait tranché dans sons sens.

     

    A l’heure actuelle tant qu’il n’y a pas de preuvre de son innocence, la décision de justice, prise par les représentants du peuple français (jury citoyen) au cours d’un procès et des débats démocratiques n’a pas à être remise en cause. C’est logique ; ils considèrent donc qu’il faut encore faire d’autres investigations.


    • L.S.B 10 juin 2008 23:00

      Vous écrivez " le fait de retrouver de l’adn sur des vêtements ne constitue pas une preuve scientifique de la culpabilité de la personne" . C’est vrai mais le fait de ne pas retrouver la moindre trace ADN de Marc Machin sur les vêtements de la victime, alors que celui se serait acharné sur elle pour la tuer, est bien une preuve que le meurtre n’a pas été commis par Marc Machin.


    • finael finael 10 juin 2008 23:10

      Jusqu’à plus ample informé, c’est la culpabilité qu’il faut prouver, même si dans beaucoup de cas on demande à un accusé de prouver son innocence, ce qui est extrêmement difficile, et ce qui constitue une contradiction avec une "présomption d’innocence" proclamée dans les discours - et surtout dans la Déclaration des Droits de l’Homme - mais ignorée dans les faits, à moins qu’il ne s’agisse de quelque personne haut placée bien sûr.

      Je viens de revoir un vieux film : "Enquête sur un citoyen au dessus de tout soupçon", malheureusement il est toujours d’actualité.

      Au fait, pouvez vous prouver votre innocence ?

       


    • L.S.B 11 juin 2008 08:23

      L’innocence a parfois l’apparence du crime... Or, l’intime conviction ne peut faire abstraction de l’apparence. D’où l’importance donnée à la mise en scène de chaque procès d’assise. Bien souvent, il est plus important de convaincre les jurés plutôt que de prouver.


    • Lapa Lapa 12 juin 2008 10:37
      " Jusqu’à plus ample informé, c’est la culpabilité qu’il faut prouver, même si dans beaucoup de cas on demande à un accusé de prouver son innocence, ce qui est extrêmement difficile, et ce qui constitue une contradiction avec une "présomption d’innocence" proclamée dans les discours - et surtout dans la Déclaration des Droits de l’Homme - mais ignorée dans les faits, à moins qu’il ne s’agisse de quelque personne haut placée bien sûr.

      Je viens de revoir un vieux film : "Enquête sur un citoyen au dessus de tout soupçon", malheureusement il est toujours d’actualité.

      Au fait, pouvez vous prouver votre innocence ? "

      vous avez tout à fait raison, mais c’est lors du procès que la culpabilité doit être prouvée. Le procès a eu lieu. La personne condamnée, donc jusqu’à preuve du contraire, elle est coupable. Il n’y a plus de présomption d’innocence après une condamnation ! La présomption c’est durant l’enquête et le procès.

       

      En conséquence de quoi si on veut déjuger une décision judiciaire il faut donc apporter la preuve de l’innocence (ce qui impliquera la preuve de l’erreur judiciaire). Par exemple en démontrant la culpabilité d’une autre personne ayant agit seule.

       

       

       


    • finael finael 12 juin 2008 23:05

      @ Lapa

       Donc, au cours du procès, la culpabilité n’a pas été prouvée, le doute n’a pas profité à l’accusé.

       "L’innocent a été déclaré coupable" (titre du Canard Enchaîné vers 1938, à propos d’une autre affaire évidemment).

       En fait, pour avoir assisté à plusieurs procès, ce sont plutôt les plaidoiries habiles et tortueuses des avocats qui sont jugées. Les faits n’ont guère d’importance.


    • Lapa Lapa 13 juin 2008 13:36

      "Donc, au cours du procès, la culpabilité n’a pas été prouvée, le doute n’a pas profité à l’accusé"

      pourquoi employer le "donc" ? il n’y a aucun lien de cause à effet. Il n’y a pas eu suffisamment de doute pour qu’il profite à l’accusé puisque le jury l’a déclaré coupable en ayant pesé les preuves de l’instruction (qui doit être faite à charge et à décharge).

      de manière génréale il me semble qu’en France (contrairement aux USA), on priviligégie l’aveu à la concordance de preuves. Mais il semble étrange qu’une personne soit déclarée coupable à la seule lecture de ses aveux. Il faut des indices graves et concodrants. Ainsi qu’un mobile et l’opportunité.

       

      Si le doute doit profiter à l’accusé, il ne peut plus profiter au condamné.... maintenant à savoir si le doute n’a pas assez profité à l’accusé... faudrait se replonger dans l’affaire pour le savoir. D’où une nouvelle instruction nécessaire.


    • calach calach 13 juin 2008 19:43

      Dans le cadre de cette affaire, les aveux de M. Machin n’ont été obtenus qu’en fin de garde à vue (certainement après une pression des flics qui relève plus de la torture que de l’enquête compte tenu du profil du prévenu !). Ensuite, M. Machin est toujours revenu sur ses aveux y compris pendant le procés. Aucune preuve scientifique, aucune trace ADN etc... pourtant le doute n’a pas profité à l’accusé alors qu’il criait son innocence...

      Cela en dit long sur la manière de forger l’intime conviction des jurés concernant un accusé qui présente le profil de l’emploi.

      Aujourd’hui, le bon sens voudrait donc que la justice accorde la liberté sous CJ à Marc Machin étant donné qu’elle dispose d’un auteur potentiel qui a revendiqué le crime et que cette "revendication" est confirmée par une preuve scientifique non contestable !

      Par ailleurs, ce n’est pas parce que M.Machin a été condamné qu’il est obligatoirement coupable !

      Le fait nouveau découvert dans cette affaire semble tellement probant qu’il devrait profiter immédiatement au condamné car ce dernier a déjà fait 6 ans de prison... peut-être tout simplement parce qu’il présentait le profil idéal. Ce maintien en détention est donc affligeant de lâcheté et d’hypocrisie !

       


  • Yohan Yohan 11 juin 2008 08:40

    Jamais compris cette histoire d’intime conviction. La France a une justice figée au Moyen Age

     


  • PETITNEVIS 1er juillet 2008 17:41

    Je réponds à Lapa. Je lis votre mail et je m’étonne. La justice n’aurait pas de preuve de son innocence et ne pourrait donc pas le relâcher. Je rêve ! Vous savez j’espère que tant qu’il n’y a pas de preuve de la culpabilité, vous êtes innocent. Or, le jour où il a été condamné, il n’y avait aucune preuve contre M. Machin. Bien au contraire. Ce que je trouve incroyable, c’est que l’on puisse trouver normal qu’un type dont on ne trouve pas l’ADN soit incarcéré, sans que l’on se demande pourquoi on trouve l’ADN d’une autre personne. Pensez vous que sous les ongles de cette femme, il n’y auait pas eu l’ADN de M. Machin alors qu’il y avait celui d’un autre. Tout commence chez les flics et tant que vous n’aurez pas vécu une garde à vue et une incarcération abusive, vous ne saurez pas de quoi vous parlez. Il faut que tout le monde sache que beaucoup de personne avouent sous la contrainte dans un commissariat, et que la contrainte n’est pas un moyen fiable de faire avouer. Bien au contraire. Cela est largement prouvé. Soyez plus objectif, soyez plus incisifs, ne prenez pas tout ce que l’on vous raconte pour de l’argent comptant. Doutez ! car la justice ne doute jamais, elle. Elle fait des erreurs en toute connaissance de cause. Elle a toute lattitude pour investiger, tous les moyens et fait quand même des erreurs. Ceux qui sont accusés n’ont aucun droit, ou si peu. Je sais de quoi je parle.


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