lundi 3 octobre 2011 - par Naja

Le déni de la violence sexuelle en chiffres

A quoi ressemblerait les réalités judiciaires et carcérales si l'ensemble des victimes de viols et agressions sexuelles pouvaient porter plainte et voir leur affaire traitée sérieusement ?

La réponse à cette question permet d'accéder à une vision concrète et matérialiste de l'ampleur des violences sexuelles et de notre degré d'aveuglement collectif à leur égard.

Depuis une petite dizaine d'années, le nombre de plaintes pour ce type de violences restent globalement stables, et il en va de même pour le nombre de condamnations et d'incarcérations. On peut se baser sur ces chiffres pour se livrer à diverses projections qui traduiraient l'effet d'un traitement judiciaire idoine de la violence sexuelle, selon les normes pénales actuelles.

1. Etat des lieux actuel

On estime que 10% des victimes portent plainte.

Environ 30 000 plaintes pour viol, agression, ou atteinte sexuelle sont enregistrées chaque année. Et 7500 condamnations sont prononcées (1500 pour viols, 6000 pour les autres infractions), soit un taux de condamnation de 25% environ.

Professionnels de la justice et députés estiment que plus de la moitié des affaires de viols jugées sont correctionnalisées, c'est-à-dire transformées en délit pour être jugées par un tribunal correctionnel et non aux assises.
A ce sujet, on peut se référer à la très instructive discussion parlementaire lors du passage en commission du projet du loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs (http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20110502/lois.html#toc6) : le taux de correctionnalisation avancé par les différents protagonistes est de l'ordre de 50 à 70%, et il est réputé "patent" pour les viols ; les partisans UMP de ladite loi — dont le garde des sceaux — s'accordent pour parler de 80% de crimes correctionnalisés ce qui plaide en faveur de leur projet de loi, et ce chiffre n'est pas contredit par l'opposition.
Dans les calculs qui suivent, on considérera que 50% des viols jugés sont correctionnalisés, ce qui selon toute vraisemblance correspond donc à une estimation a minima.

Un calcul basé sur les statistiques du ministère de la justice et les données de l'administration pénitentiaire permet d'estimer que :
- les auteurs d'infractions sexuelles représentent 15% de la population carcérale,
- la durée moyenne d'emprisonnement effectif est de 5 ans pour les viols et de 1 an pour les agressions sexuelles,
ce qui correspond à des réductions moyennes de peine d'un facteur de 1. 7 (les prisonniers voient la durée de leur peine divisée par 1.7).

Sources :
http://www.interieur.gouv.fr/sections/a_votre_service/statistiques/criminalite
http://www.justice.gouv.fr/index.php?theme=TJPE&type=STATI&ordre=2
http://www.justice.gouv.fr/prison-et-reinsertion-10036/ladministration-penitentiaire-en-chiffres-au-1er-janvier-2011-22213.html

 

2. Projections

 Si les viols n'étaient plus correctionnalisés

Comme indiqué plus haut, on retient l'estimation basse de 50% des viols correctionnalisés.
Les viols correspondant à la moitié des affaires jugées aux assises, l'activité des cours d'Assises devrait donc être augmentée de 50%.
Pour mesurer l'impact qu'aurait cette pratique sur la population carcérale, on supposera que les viols correctionnalisés sont traités de la même façon que les délits sexuels les plus sévèrement réprimés par la loi, et que non-correctionnalisés, ils seraient traités comme les viols les moins sévèrement punis par la loi. Sous ces hypothèses, en mettant un terme à la correctionnalisation des viols, on aboutirait à une augmentation de 11% de la population carcérale totale.

 Si la gravité des agressions sexuelles n'était pas minimisée

On peut légitimement se demander si une peine effective de 1 an de prison correspond à une punition équitable au regard de la gravité de l'infraction. Je serais bien incapable de définir une durée moyenne qui serait juste, et en aucun cas je ne considère que l'attribution des peines et leur application devraient être automatique. Il peut néanmoins être éclairant de considérer les ratios entre peines maximales prévues par l loi et les peines prononcées dans le cas des viols et des agressions sexuelles. Les chiffres indiquent que pour les viols, il existe un facteur 2 entre peines maximales prévues et peines prononcées. Ce facteur est de 4.5 pour les autres infractions sexuelles.
Si les agresseurs sexuels majeurs étaient jugés avec le même degré moyen d'indulgence que les violeurs, les peines effectuées seraient alors de 2 ans et 4 mois (chiffre obtenu en divisant la peine prononcé par le facteur 1.7 précédemment calculé).
La population carcérale se verrait ainsi augmentée de 7%.

 Si toutes les victimes portaient plainte

Toute chose étant égale par ailleurs (mêmes taux de condamnation, d'emprisonnement, de correctionnalisation, et mêmes peines), tous les chiffres seraient à multiplier par 10 si toutes les vicimes portaient plaintes. Soit :
- 5 fois plus de jugements d'assises,
- Une multiplication par 2.3 de la population carcérale.
Et si de surcroît, les viols n'étaient pas correctionnalisés et les agressions sexuelles prises au sérieux, nous aurions à gérer :
- 10 fois plus de jugements d'assises,
- une multiplication par 4 de la population carcérale.

 Modulations en fonction du taux de condamnation

 Jusque ici, le taux de condamnation a été laissé à 25% des plaintes déposées. Les chiffres obtenus ci-dessus devraient encore être multipliés par 2 si 50% des plaintes aboutissaient à une condamnation, par 3 si c'était le cas pour 75% d'entre elles, etc.
Si l'on considère par exemple que 10% des plaignants pour violence sexuelle profèrent de fausses allégations (ce qui constitue le haut de la fourchette des estimations quantifiant le pourcentage de plaintes dont on peut prouver qu'elles sont de fausses allégations), une politique qui poursuivrait l'idéal de condamner la totalité des crimes sexuels commis devrait se projeter dans la réalité suivante :
- 36 fois plus de jugements d'assises,
- une multiplication par 12 de la population carcérale totale. 
Il y aurait ainsi, en permanence, un nombre de détenus égal au tiers de la population parisienne.
Pour ceux qui préfèrerent s'en tenir aux impressions policières faisant état d'un taux de 50% de fausses allégations, la perspective d'une condamnation de tous les agresseurs sexuels amène aux chiffres suivants :
- 20 fois plus de jugements d'assises,
- une multiplication par 8 de la population carcérale totale. 


En conclusion 

 En un mot comme en cent, un accroissement substantiel du nombre de plaintes pour violences sexuelles et/ou une amélioration du traitement de ces affaires conduirait ni plus ni moins à l'explosion du système pénal, à moins d'une réforme en profondeur de nos institutions judiciaires et d'une très sérieuse augmentation des moyens mis à disposition.
Il faut donc s'attendre à ce que le taux de condamnation décroisse à mesure que le taux de dénonciation augmenterait, comme cela est observé dans la plupart des pays européens. (cf http://kunskapsbanken.nck.uu.se/nckkb/nck/publik/fil/visa/197/different_systems_03_web%282%29.pdf). Réalité que l'on peut voir autrement : l'opportunité de poursuite est d'abord évaluée en fonction d'un quota d'affaires à ne pas dépasser, l'examen des éléments à charge de chaque dossier — quand le parquet s'est donné la peine de faire plus qu'un simulacre d'enquête — devenant juste une aide à la décision pour les coupes franches.

Ces chiffres effarants donnent une idée de la force des résistances psychologiques qui sont à l'oeuvre dans notre refus de regarder la réalité de ces violences telle qu'elle est : un phénomène de société alimenté par nos valeurs collectives — ou plutôt notre absence de valeurs, autres que mercantiles et dominatrices —, et non un ensemble de crimes et délits isolés, perpétrés par une frange irréductible de la population composée de malade mentaux, marginaux ou monstres.



23 réactions


  • gaijin gaijin 3 octobre 2011 11:04

    oui
    « un phénomène de société alimenté par nos valeurs collectives — ou plutôt notre absence de valeurs »
    quand on trouve normal de considérer l’individu comme une marchandise où comme moins qu’une machine quoi d’étonnant a ce qu’il puisse être un « objet du désir »
    où pour être plus clair quand des millions d’individus ne sont que des variables d’ajustement que représente un « troussage de bonne »  ?

    et non
    « perpétrés par une frange irréductible de la population composée de malade mentaux, marginaux ou monstres. »
    ça me paraît une erreur majeure de considérer les choses ainsi : nombre de ces crimes sont précisément commis par des gens « normaux » bien insérés dans la société voisins serviables et notables respectés ....
    le sexe et la mort sont encore des tabous dans notre société malgré la surreprésentation qui en est faite. on cache la mort de nos proches dans les hôpitaux et on laisse à la pornographie le soin d’éduquer les enfants au sexe et a la sexualité

    enfermer ces questions dans la boite de la maladie ou de la monstruosité nous condamne a ne jamais les résoudre .
    il en est de cela comme les animaux malades de la peste : « tous n’en mourraient pas mais tous étaient atteints ....... » ne terminons pas par « haro sur le baudet » ... s’il vous plait .


    • Naja Naja 3 octobre 2011 11:23

      « nombre de ces crimes sont précisément commis par des gens »normaux" bien insérés dans la société voisins serviables et notables respectés .« 
       »enfermer ces questions dans la boite de la maladie ou de la monstruosité nous condamne a ne jamais les résoudre ."
      Entièrement d’accord avec vous là dessus !
      Merci d’avoir développé un peu cette idée.

      Juste pour être sûre d’être lue dans le bon sens, car votre « s’il vous plait » final me fait douter, j’ai bien écrit :
      "la réalité de ces violences telle qu’elle est : un phénomène de société alimenté par nos valeurs collectives — ou plutôt notre absence de valeurs, autres que mercantiles et dominatrices —, et non un ensemble de crimes et délits isolés, perpétrés par une frange irréductible de la population composée de malade mentaux, marginaux ou monstres."


    • gaijin gaijin 3 octobre 2011 11:50

      oups
      il semble que j’ai eut la diagonale un peu rapide .....
      désolé


  • foufouille foufouille 3 octobre 2011 14:05

    ca ferait des bons travailleurs, pas cher, pour bouyghes et cie


  • sleeping-zombie 3 octobre 2011 15:12

    Bonjour

    J’avoue n’avoir eu qu’une lecture en diagonale, principalement à cause du titre qui m’a tout de suite fait demander « comment mesurer l’immesurable ? »

    Dès la 1ere phrase : on estime que 10% des victimes portent plainte. Mais comment alors a-t-on connaissance des 90% qui restent ? Elles se sont inscrites au bureau du je-porte-plainte-mais-en-fait-non ?

    Plus sérieusement, puisque cet article parle principalement d’effectifs, il y a un paramètre que l’auteur a l’air d’avoir oublié, c’est que l’équation simple 1délit=1victime=1coupable est tout simplement fausse, vu que la même personne peut commettre plusieurs délits.
    Un exemple tout bête : si un type commet 10 agressions sexuelles, mais que seule 1 victime porte plainte, ça suffit pour déclencher la procédure judiciaire qui l’enverra en prison. Si toutes portaient plainte, on aurait pas le raz-de-marée de surpopulation carcérale qui est évoqué, puisque le condamné n’occuperait toujours qu’une seule cellule.

    Ainsi, ce genre d’arithmétique simpliste :
    Jusque ici, le taux de condamnation a été laissé à 25% des plaintes déposées. Les chiffres obtenus ci-dessus devraient encore être multipliés par 2 si 50% des plaintes aboutissaient à une condamnation, par 3 si c’était le cas pour 75% d’entre elles, etc.
    ... est tout simplement invalide.

    Ce qui nous ramène encore à la plus simple des question : comment mesurer l’immesurable ?


    • gaijin gaijin 3 octobre 2011 15:29

      quoi que évidemment 1 agresseur = un grand nombre de délits possibles
      « mais que seule 1 victime porte plainte, ça suffit pour déclencher la procédure judiciaire qui l’enverra en prison. »
      vous rêvez : combien de plaintes n’aboutissent a rien ?
      en fac de psycho il y a 20 ans les chiffres donnés étaient de 2 femmes sur dix victimes d’abus sexuels dans l’enfance
      pas de chiffre pour les garçons .....
      il y a divers moyens d’obtenir des chiffres : associations de victimes réalité du terrain pour les professionnels de l’enfance ou de l’aide aux adultes .......


    • Naja Naja 3 octobre 2011 15:40

      J’avoue n’avoir eu qu’une lecture en diagonale, principalement à cause du titre qui m’a tout de suite fait demander "comment mesurer l’immesurable ?« 
      Voilà qui commence bien : j’ai décidé à la seule lecture du titre que votre article était de la merde.

       »Dès la 1ere phrase : on estime que 10% des victimes portent plainte. Mais comment alors a-t-on connaissance des 90% qui restent ? Elles se sont inscrites au bureau du je-porte-plainte-mais-en-fait-non ?« 
      On fait des enquêtes démographiques/sociologiques.
      En voilà une : http://www.ined.fr/fr/publications/pop_soc/bdd/publication/1359/

       »Plus sérieusement, puisque cet article parle principalement d’effectifs, il y a un paramètre que l’auteur a l’air d’avoir oublié, c’est que l’équation simple 1délit=1victime=1coupable est tout simplement fausse, vu que la même personne peut commettre plusieurs délits.
      "
      Je suppose simplement qu’il y a autant de victimes par agresseur dans la population des victimes qui n’ont pas porté plainte et dans la population des victimes qui ont porté plainte.


    • sleeping-zombie 3 octobre 2011 15:47

      Mon propos ne porte pas sur la probabilité d’une plainte de se transformer en condamnation. Je cherche juste à montrer ce qui (a mes yeux) est un raccourci erroné de la part de l’auteur.
      L’argument principal de l’article (pour simplifier) est le suivant :
      Il n’y a que 10% des victimes qui portent plainte. Si toutes le faisaient, il y aurait 10 fois plus de condamnés, et encore plus si toutes les plaintes étaient suivies « sérieusement ».
      (je met de coté la conclusion, que je ne partage pas, mais pour d’autres raisons)
      ...
      Bref, cet argument est invalide parce qu’une même personne peut commettre plusieurs délits (que ce soit des agressions sexuelles, du vol à la tire ou des atteintes au droit d’auteur). Et il est impossible de chiffrer ça de manière fiable.

      Par exemple, quand tu écris :
      en fac de psycho il y a 20 ans les chiffres donnés étaient de 2 femmes sur dix victimes d’abus sexuels dans l’enfance
      Ayant un ami qui y est entré il y a plus de 10 ans, je suis sûr que cette estimation porte sur là population des facs de psycho (c’est toujours plus facile d’interroger ton voisin). De même, d’après ce qu’il a pu me raconter, j’ai la nette impression qu’en fac de psycho il y a :
      -les futurs thérapeutes
      -les futurs patients
      -..et c’est tout.
      De la à conclure que 20% des femmes françaises ont subies une agression sexuelle, c’est un peu hâtif. L’échantillon n’est pas représentatif. Et ce qu’un quidam considèrera comme une agression ne sera peut-être pas vu ainsi de la part d’un juge.
      Bref, tout cela n’est pas fiable.


    • sleeping-zombie 3 octobre 2011 15:55

      @Naja
      (désolé, ma réponse a Najin est venu avant)
      Premièrement, je n’est pas dis que ton article était de la merde. Si je pensais, je me serait pas embêter à pondre un commentaire. Par « lecture en diagonale », j’entends juste que j’y ai cherché quelque chose que tu n’as pas développé.

      Pour en revenir à notre problème de dénombrement :
      Je suppose simplement qu’il y a autant de victimes par agresseur dans la population des victimes qui n’ont pas porté plainte et dans la population des victimes qui ont porté plainte.

      Certes, mais connait-on ce nombre ? non...
      Quand on condamne quelqu’un pour une agression, on ne sait pas si il en a commise une ou plusieurs...Quand tu écris que seul 10% des victimes portent plainte, ça peut aussi vouloir dire que quand quelqu’un est condamné pour une agression, c’est qu’il en a commis 10. Ca ne veut pas forcément dire qu’il y a 10 fois plus d’agresseurs..


    • Naja Naja 3 octobre 2011 19:25

      Je crois saisir comment vous raisonnez.
      Il me semble que vous oubliez un peu la composante temps.
      De sorte que, si je ne m’abuse, votre raisonnement reposerait au final sur le prémice suivant :
      "Un agresseur condamné une fois pour agression ou viol ne saurait être à nouveau condamné pour d’autres faits similaires qui n’ont jamais été jugés, ni pour ses éventuels crimes/délits futurs".
      Ce n’est pas comme ça que ça marche...

      Je ne cherche pas à calculer le nombre d’agresseurs existant à un instant t. Ni le nombre de victimes par agresseurs. Les évolutions de la population carcérales se calculent en fonction du nombre de condamnations par an et de la durée des peines effectuées.
      10 fois plus de victimes qui portent plainte, ça fait 10 fois plus d’infractions dénoncées. Avec un même taux de condamnation, ça fait 10 fois plus d’infraction condamnés. Et avec un même nombre de victimes par agresseur condamné, ça fait 10 fois plus de condamnés.
      Sauf à supposer que dans les 90% de violences non dénoncées, il y a un nombre significatif de cas qui n’auraient pas dû aboutir à une condamnation supplémentaire si ils avaient été dénoncés. C’est-à-dire un nombre significatif de cas remplissant les critères suivants :
      * agresseur déjà dénoncé par l’une des 10% de victimes qui portent plainte,
      * agresseur appartenant à la petite minorité de ceux qui sont effectivement condamnés à l’issue des poursuites,
       * faits non-dénoncés ayant été commis avant la condamnation de l’agresseur (sans quoi, il serait jugé pour sa récidive).
      J’ai, en effet, considéré ces cas comme quantité négligeable au regard de la multiplication des condamnations qui seraient prononcées si 10 fois plus de violences étaient dénoncées. 


    • sleeping-zombie 3 octobre 2011 22:44

      Finalement on est d’accord, l’extrapolation nécessite de faire des choix méthodologiques

      J’ai, en effet, considéré ces cas comme quantité négligeable au regard de la multiplication des condamnations qui seraient prononcées si 10 fois plus de violences étaient dénoncées.

      ... je respecte le choix du moment qu’il est reconnu comme tel, même si je n’aurais pas fait le même. Mais n’ayant aucun argument solide pour justifier un choix différent, je clôt la question.

      (ouah, j’ai réussi a placer extrapolation et méthodologique, j’suis content ^^)


  • Jacques Raffin Jacques Raffin 3 octobre 2011 17:27

    C’est un excellent article, mais les projections pessimistes ne tiennent pas compte d’un facteur important :
    – si les plaintes augmentaient notablement,
    – si les condamnations augmentaient notablement,
    avant que la population carcérale n’expose, on peut imaginer que la courbe des agressions se mettraient à régresser.
    C’est l’impunité relative et la tolérance qui aident ce genre de comportements à fleurir joyeusement.
    Si la société réprouvait massivement, ce genre de sport trouverait moins d’adeptes…
    Non ?
    C’est pour cela qu’il ne faut pas baisser les bras.


    • sleeping-zombie 3 octobre 2011 18:43

      Et si toutes les personnes qui ont violées la loi étaient comme par magie téléportées en prison (ou sur Mars, tant qu’a faire...) est-ce que, par hasard, on n’inventerait pas de nouveaux crimes pour créer de nouveaux délinquants ?


    • Naja Naja 3 octobre 2011 19:27

      C’est l’impunité relative et la tolérance qui aident ce genre de comportements à fleurir joyeusement.
      Si la société réprouvait massivement, ce genre de sport trouverait moins d’adeptes…

      Il faut l’espérer, oui, vous avez raison.
      J’entendais juste donner une idée chiffrée de l’impunité actuelle.


  • docdory docdory 3 octobre 2011 18:43

    @ Naja 

    1°) Vous dites en début d’article que : « on estime que 10 % des victimes portent plainte ».
    Pouvez-vous préciser :
    -qui est ce « on » ?
    - quelles études scientifiques sérieuses permettent à ce « on » de faire cette estimation ?
    2°) Vous dites en fin d’article, je vous cite : « 10% des plaignants pour violence sexuelle profèrent de fausses allégations (ce qui constitue le haut de la fourchette des estimations quantifiant le pourcentage de plaintes dont on peut prouver qu’elles sont de fausses allégations) »
    Qui a fait ces estimations concernant cette fourchette d’estimation, et sur quels arguments scientifiques ?
    3°) La disproportion entre les plaintes pour viol et le nombre relativement faible de jugements favorables aux victimes s’explique par plusieurs facteurs :
    - dans un bon nombre de cas , le violeur est une personne inconnue de la plaignante et n’est pas retrouvé par la police
    - dans d’autres cas ( sans doute la majorité ) l’affaire ressemble à l’affaire DSK : c’est la parole de l’un contre la parole de l’autre et la justice, par conséquent, est dans l’incapacité de prouver irréfutablement les faits, et dans ce cas , estime qu’il vaut mieux un coupable en liberté qu’un innocent en prison.
    J’ajoute que, en tant que généraliste, il arrive d’être consulté dans les suites de viol, soit pour un certificat médical, soit pour des suites psychologiques, mais ce type de consultation est extrêmement rare ( une tous les quatre ou cinq ans , en moyenne, alors que les certificats pour coups et blessures banaux sont fréquents ( un par mois ) .
    Je ne pense donc pas qu’il y ait beaucoup plus de 1% de la population féminine qui ait été victime de viol ou d’agression sexuelle dans sa vie, c’est peut-être plutôt 1 ‰ , à mon avis.

    • Naja Naja 3 octobre 2011 20:01

      @ Docdory,

      1) Voir le lien cité dans mon premier commentaire :
      http://www.ined.fr/fr/publications/pop_soc/bdd/publication/1359/

      2) Je n’entendais pas discuter ce point, qui est la porte ouverte à des discussions avec nombre de commentateurs ici.
      Pour cela que j’ai donné plusieurs estimations et la méthode de calcul. Mais vous avez raison, quitte à se référer à des études, autant les citer et/ou les expliquer.
      En gros, dans les études où le pourcentage de fausses allégations est bas, les auteurs comptabilise les cas où l’on peut prouver la fausseté de la dénonciation par un faisceau d’indices concordants, selon des critères d’enquête policier : alibi de l’accusé, rétractation, incohérences rendant manifestement l’acte allégué impossible, etc.
      Vous avez par exemple celles-ci :
      http://vaw.sagepub.com/content/16/12/1318.short
      http://vaw.sagepub.com/content/16/12/1345.short
      (accès payant, sorry...)
      10% est bien le haut de la fourchette pour ces études, où le pourcentage de fausses allégations (prouvées comme telles, donc) tourne plutôt autour de 2% ou 5% selon les critères retenus.
      Les estimations tournant autour de 50% considèrent, grosso modo, qu’une allégation est fausse quand un auteur a été dénoncé et qu’il n’a pas été condamné.
      A mon humble avis, les deux méthodes posent problème :
      Première méthode : l’inexistence d’un fait n’est pas simple à prouver
      Deuxième méthode : l’absence de preuve n’est pas la preuve de l’absence.

      3 ) "dans un bon nombre de cas , le violeur est une personne inconnue de la plaignante et n’est pas retrouvé par la police« 
      Ca c’est un préjugé. Toutes les enquêtes de victimation indiquent que dans 80% des cas, l’agresseur est une personne connue. Je vous épargne la revue complète et vous renvoie au lien de mon premier commentaire.
      Soit dit en passant, une étude de L. Kelly (citée ci-dessus) montre que plus le viol ressemble au stéréotype de l’agresseur inconnu dans un parking, plus la victime a de chance d’être crue.
       »Je ne pense donc pas qu’il y ait beaucoup plus de 1% de la population féminine qui ait été victime de viol ou d’agression sexuelle dans sa vie, c’est peut-être plutôt 1 ‰ , à mon avis."
      J’espère me tromper en pensant que vous ne changerez pas d’avis quelle que soit la quantité d’études que je pourrais vous citer à ce sujet (en plus de celle de l’INED mentionnée plus haut).
      Qui sait, peut-être pourriez-vous vous interroger sur l’autorité que vous conférez à une statistique personnelle basée sur le nombre de vos patients s’étant confié à vous ?


    • Naja Naja 3 octobre 2011 21:24

      Oups, erreur dans mon commentaire précédent :
      « 2) Je n’entendais pas discuter ce point, qui est la porte ouverte à des discussions sans fin avec nombre de commentateurs ici. »


  • Annie 3 octobre 2011 20:15

    C’est un très bon article car tant que l’on ne peut quantifier un problème, il est impossible d’apporter les réponses qui s’imposent. Je ne contredirai aucun de vos chiffres parce que justement il y a tellement de facteurs qui entrent en compte dans ce genre de calculs.
    Il y a quand même une réflexion que je souhaite faire à ce propos : je souhaiterai que l’on dépasse la polémique du chiffre, c’est-à-dire que l’on s’accorde sur les chiffres, et cela doit être possible entre gens de bonne volonté, pour enfin aborder le vif du sujet. Que faut-il faire pour réduire le nombre des agressions sexuelles ? Tant que l’on ne saura pas à combien elles se chiffrent, il sera impossible de juger du succès et de l’échec des politiques mises en place pour lutter contre ce crime.


    • Naja Naja 3 octobre 2011 21:50

      On parle d’au moins 20% de femmes ayant été victimes, et 5% d’hommes, la majorité des violences ayant lieu sur des enfants. L’ennui est que personne n’a pensé (osé ?) conduire d’étude de grande ampleur incluant un nombre satisfaisant de paramètres qualificatifs des violences et de leurs protagonistes. Et à ma connaissance, la plupart des méta-études (analyses d’études disparates) menées en Europe portent sur les violences sur les mineurs. Ces chiffres permettent une évaluation a minima, ce qui n’est déjà pas rien.

      Que faire pour réduire le nombre des agressions ?
      Ma réponse est pessimiste : changer de civilisation. Tant que dans les faits, la seule valeur collective promue est l’appat du gain et la valorisation du plus puissant, on ne peut pas s’attendre à tellement plus de respect pour autrui.
      Peut-être finira-t-on par oser se demander quelle communauté humaine on veut construire...


  • Lorelei Lorelei 3 octobre 2011 21:55

    votre article pourrait rejoindre le dernier article sur la pédophilie on cherche de plus en plus à nier le crime qu’est la pédophilie en niant la parole des enfants etc...


    • lsga lsga 5 octobre 2011 12:04

      C’est à dire que dans un système républicain, on envoie pas les gens en prison sans preuves sur la base de simples accusations (et encore moins à la peine de mort...).


      Comme je le disais :

      C’est le fondement même du système judiciaire républicain : l’innocence ne se prouve pas : en cas de doute, on pose un non lieu.

      Bien entendu, beaucoup de salopards profitent de ce système. Mais l’expérience historique de la veille Europe a largement démontrée qu’il est plus ’agréable’ de vivre dans un pays remplis de violeurs en liberté plutôt que dans un pays où n’importe qui peut envoyer n’importe qui d’autre à l’abattoir avec de fausses accusations.

      Aujourd’hui, la pensée d’extrême droite tente d’utiliser les problématiques sexuelles pour réinstaurer un ordre moral, rétablir la peine de mort, et mettre à mal la justice républicaine. 

  • lsga lsga 5 octobre 2011 11:20

    « On estime que 10% des victimes portent plainte. »


    Sur quelle base ? D’autres estiment qu’une part non négligeable des plaintes correspondent à de fausses accusations... Je ne me place ni d’un côté ni de l’autre, mais vous déblatérez quantité de chiffres très précis, et vous oubliez de justifier le plus important d’entre eux.

    Donc : selon quelle méthode (que j’imagine rigoureuse et scientifique) obtenez-vous ce chiffre de 10% ?

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