vendredi 16 juin 2017 - par C’est Nabum

Roland, le bienheureux !

Adieu, l'ami

Il était de ces êtres simples qui fort heureusement trouvent encore parfois une place dans une société qui n’aime guère les différences et repousse le plus souvent ceux qui regardent la vie autrement, à travers un prisme de bienveillance et de gentillesse. Il était dévoué, toujours disposé à rendre service et fier de ce rôle qu’on voulait bien lui accorder dans cette si belle équipe. C’était son bâton de maréchal, sa raison de vivre et sa carte d’identité qui lui permettait d’être connu et reconnu.

Roland sera indéfectiblement lié à cette association qui lui a donné reconnaissance et honneur par le simple fait de lui faire une place à l’égal de tous les autres membres. À chaque occasion et même il y a peu, alors que le crabe sournois le rongeait, il était présent, avec son sourire inimitable et sa bonhommie légendaire. Son regard sur le monde avait le mérite de ne pas s’encombrer de toutes les considérations qui nous ternissent l’existence, lui, il avait le bonheur dans son regard.

Il était de ces personnages qu’on aurait qualifiés autrefois de simple, de gentil, de benêt avec une expression affectueuse et sympathique ou bien de bazin sans que nulle malice ne vienne se glisser dans le jugement. Il avait sa place, toute sa place dans cette association qui lui a octroyé sa part de soleil ; son portrait figurait dans les rues de la ville lors du dernier Parcours et Jardins. Vous n’imaginez pas comme il en était fier !

Il était l’homme à tout faire, celui qui ne refusait jamais un service, se multipliait pour faire plaisir allant jusqu’à l’épuisement. Il ne comptait ni ses pas ni ses efforts, porté par le sentiment évident qu’il était utile et reconnu. Ce n’était certes pas difficile tant il se montrait efficace mais cela semble désormais impossible dans une société qui repousse, loin de la vue des gens ordinaires, ces êtres cabossés par la loterie de la vie.

Roland était des leurs, il était membre à part entière de cette association, devenue sa famille, son rayon de soleil. Vous l’auriez vu en action, débarrassant les tables, courant ici où là, porteur d’une mission essentielle, renseignant les gens ou bien racontant avec une immense fierté que tout le monde ici le connaissait - ce qui était vrai - !

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Roland était devenu mon personnage de conte. Les quelques fois où j’ai eu à raconter une histoire devant lui, je me faisais un plaisir de le glisser dans le rôle d’un héros. Vous imaginerez aisément la gloire qui était alors la sienne. Il passait dans les rangs pour déclarer que c’était de lui dont le conteur parlait. Il avait son heure de célébrité sans rien connaître d’Andy Warhol.

Depuis, chaque fois que je le croisais il ne manquait pas de me rappeler telle ou telle histoire sans plus savoir si c’était une fiction ou bien une réalité qu’il avait perdue de vue. Je rentrais dans son jeu, heureux à mon tour de cette illusion inoffensive. Pourtant, lors de notre dernière rencontre, ce n’était plus son sujet de conversation ; il m’annonça alors, sans détour, sans crainte, sans pathos qu’il était atteint d’un méchant cancer.

Roland abordait cette nouvelle comme toutes les autres. Il y avait de la légèreté dans sa manière d’exprimer la nouvelle, de l’insouciance sans doute ou bien une certaine naïveté propre à sa personnalité si attachante. Il était alors difficile de penser que le mal allait l’emporter trop vite, sa façon de considérer son cancer lui donnant une dimension bénigne. Quelle lourde erreur.

Quelques semaines plus tard, Roland n’est plus. Le prochain événement pointe déjà à l’horizon. L’absence de Roland au jardin de l’évêché sera non seulement une évidence mais constituera un terrible vide. Je ne doute pas un seul instant que tous les membres de l’association auront un pincement au cœur, une pensée émue pour notre ami. Puis, un sourire viendra effacer le vilain pli de la tristesse, car chacun de nous se rappellera un moment, une anecdote avec ce diable de petit bonhomme, notre bienheureux Roland.

Hommagement sien.

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