mardi 9 février 2010 - par Babar

Safer internet day : attention vos traces vous perdent

Chaque année la Commission européenne organise la Journée pour un Internet plus sûr - Safer Internet day.

L’opération qui cette année se déroule le 9 février s’adresse aux enfants et adolescents de 7 à 16 ans. Sa thématique centrale, baptisée « Tu publies ? Réfléchis », aborde la question cruciale de la gestion de l’image personnelle en ligne.

Elle s’inscrit dans le cadre du programme européen Safer internet et vise à promouvoir une utilisation plus sûre et responsable d’Internet auprès des jeunes utilisateurs.

Comme son nom ne l’indique pas la Journée pour un Internet plus sûr dure un mois. Et elle est mondiale. Outre les pays européens, la Russie, Singapour, l’Australie, l’Argentine, la Nouvelle Zélande et les Etats-Unis y participent.

En France, trois actions ponctueront l’événement : des ateliers organisés au sein d’associations ou de collectivités locales, destinés aux 7-12 ans et aux 12-16 ans ; le lancement du nouveau clip de la Cnil, Droit à l’oubli et protection de la vie privée ; la présentation de 2025exmachina, un serious game en six épisodes, un voyage dans le temps numérique dans lequel les adolescents doivent réfléchir aux conséquences à long terme de leurs cations sur le Net.

Pascale Garreau, directrice de la communication chez Tralalere (opérateur du programme national de sensibilisation aux risques et enjeux d’Internet qui représente la France au sein du Safer Internet day ) est responsable du projet Internet sans Crainte.
Elle répond aux questions d’Olivier Bailly.


Olivier Bailly : Cette journée ne s’adresse pas seulement aux enfants et aux adolescents. A qui s’adresse-t-elle également ?
Pascale Garreau : Aux parents et aux médiateurs éducatifs - professeurs, éducateurs au sein des espaces publics numériques, animateurs de centres de loisirs, etc. , bref à tous les adultes qui accompagnent les enfants dans leur apprentissage d’Internet. On travaille de façon très proche dans les établissements scolaires dans le cadre du B2I.
 
OB : Ce programme s’adresse aux enfants à partir de quel âge ?
PG : A partir de 7 ans, c’est-à-dire à l’âge où les enfants commencent à devenir autonomes sur Internet. Ça ne veut pas dire qu’ils n’y vont pas avant, mais à partir de 7 ans on estime que nombre d’entre eux commencent à surfer seuls. Et c’est à ce moment-là, c’est-à-dire tout au début, qu’on tient à leur apprendre quelques réflexes de bases pour qu’ils apprennent tout petit à surfer de façon critique et réfléchie.

OB : Quels sont ces réflexes ?
PP : Autrefois les enfants étaient consommateurs d’Internet ; Ils sont en train de devenir de plus en plus auteurs : ils publient, souvent très jeunes, sur des blogs ou même des réseaux sociaux qui sont dédiés parfois aux tout-petits, comme zozoworld et plus tard sur Facebook et sur tous les blogs.
 
Donc ils deviennent très rapidement auteurs. Internet n’est pas un espace de non-droit. Ce n’est parce qu’ils sont devant un écran qu’ils se retrouvent dans un espace de liberté totale. Il y a des règles qui s’appliquent, notamment la règle de protection de l’image. On leur apprend très vite à demander l’autorisation à leurs petits copains avant de publier une photo.
 
On leur explique aussi que quand ils créent un blog ils sont responsables de ce qu’ils publient en tant qu’éditeurs de contenus, comme un journaliste, et qu’ils sont également responsables des commentaires laissés par les visiteurs de leurs blogs. Ce qui n’est pas évident à comprendre pour un enfant. Beaucoup d’entre eux imaginent que dès lors ou quelqu’un d’autre laisse un commentaire elle est responsable de ce qu’elle a écrit.
 
Or, lorsque vous publiez un blog, vous éditez, vous devez modérer, vous êtes responsable légalement du contenu et des commentaires qui sont laissés sur votre blog. De façon plus générale, ce qu’on essaie de leur faire comprendre c’est que publier une photo c’est publier sur l’espace public des données d’ordre privé. On travaille de façon très proche avec la CNIL sur ces questions-là pour expliquer ce qu’est une donnée personnelle et à quel point le web n’est pas un espace privé, mais un espace public.

OB : Depuis quatre ans que cette journée existe avez-vous noté des évolutions dans les comportements ?
PG : On sait maintenant que les messages théoriques sont passés. Bien sûr ce n’est pas dû uniquement à cette journée. On travaille toute l’année et il n’y a pas que nous, beaucoup de gens travaillent sur le sujet. A 80% Les gamins récitent maintenant très très bien les leçons de prévention, les mots de passe, la protection, les lois, etc. Il reste environ 20% qui passent au travers.
 
Donc on va essayer de continuer de faire en sorte que l’ensemble de la population comprenne le message parce qu’on ne peut pas laisser de côté même un petit pourcentage. Mais la grande orientation au niveau européen est très claire. Il s’agit de se dire qu’on n’est pas loin, dans la plupart des pays et notamment en France, d’avoir fait passer les messages, maintenant ce qu’il faut changer c’est les comportements et c’est plus long. On en est à cette phase.

OB : Certains parents sont dépassés par l’internet. Ils ont la tentation de couper l’accès à leurs enfants. Est-ce une solution efficace ?
PG : Je pense que vous connaissez la réponse ! On ne peut pas interdire l’accès d’Internet à des enfants. C’est juste impossible. On a 90% des gamins qui sont connectés. S’ils ne le sont pas à la maison ils le seront chez leurs copains ou au Centre de Documentation et d’Information de leur établissement scolaire. Ils vont prendre un abonnement mobile où ils sont connectés, il y a des espèces numériques gratuits où ils se connecteront. Donc ce n’est certainement pas la bonne solution.
 
La solution, pour les parents - cela va sembler bête mais c’est comme ça -, c’est le dialogue. A la maison il faut éviter à la maison qu’Internet devienne un domaine réservé aux enfants. Ils ont un vocabulaire et des pratiques et il est essentiel que les parents leur montre qu’Internet est le domaine de tout le monde. C’est un sujet dont on peut parler à table, donc il faut qu’ils en maîtrisent le vocabulaire. Si ces derniers parlent de Facebook qu’ils ne les regardent pas comme si c’était le dernier jeu vidéo...
 
Ce que je leur conseille vivement, c’est de leur demander ce qu’ils ont fait ce soir sur Internet et de ne pas leur dire « mais c’est horrible ce que tu as fait », mais d’essayer de comprendre. Et puis s’y mettre un petit peu. Qu’ils ouvrent un compte Facebook. Avec leurs copains, pas avec leurs enfants !

OB : Avec la thématique de cette journée, « Tu publies, réfléchis », vous placez la question de l’éducation à l’Internet avant celle du droit à l’oubli.

PG : Le droit à l’oubli est une question intéressante sur laquelle on travaille bien évidemment. On a une double position par rapport à ça. Il faut dire aux enfants, aux jeunes en particulier, qu’ils sont responsables de leurs publications. C’est d’autant plus important que le temps de réflexion est considérablement réduit quand vous êtes sur des médias interactifs. C’est pire en téléphonie mobile où ils publient encore plus vite que sur l’ordinateur.
 
Donc il y a un problème de temps de réflexion par rapport à l’action de diffusion. Mais ce qu’on leur dit aussi c’est qu’ils ne sont pas 100% responsables des malheurs qui peuvent leur arriver. On ne peut pas dire à des jeunes que si leur identité sur Internet est usurpée c’est de leur faute. Il existe des usurpations d’identité. Le gamin à qui ça arrive a pu publier des contenus très raisonnables. Il peut néanmoins lui arriver une misère.
 
On veut éviter de leur dire que c’est complètement de leur faute, mais qu’il y a aussi un système qui n’est pas forcément sécurisé. On leur dit d’abord « tu fais tout ce que tu as à faire pour prendre la responsabilité de tes actes. Par ailleurs si tu estimes que le système Internet tel qu’il est n’est pas adéquate, on t’invite à prendre en main ton avenir ».
 
On a une double approche : en premier lieu réfléchir à ce que l’on publie et demain, si droit à l’oubli il y a, se mobiliser.

OB : Pour la première fois une génération se construit une double identité, celle de la vie « réelle » et la numérique. Comment l’appréhende-t-elle ?
PG : Il y a une chose intéressante à expliquer aux plus grands, ceux qui sont en 1ère ou en terminale, notamment dans des filières professionnelles. Ils passent des heures, des jours à peaufiner leur CV, ce qui est typiquement un travail d’identité.
 
Ce dont ils n’ont pas conscience c’est que la plupart des DRH font leurs recherches sur des réseaux sociaux pour compléter l’identité des jeunes qui viennent chercher un stage, un travail, etc. Leur identité ne peut plus être considérée comme une identité uniquement papier, formelle.
 
Celle qui est en ligne est aussi l’une des briques essentielles, notamment en terme professionnel. Quand ils ont passé une semaine sur un CV et qu’on leur dit qu’il est parfait, mais que le DRH peut sortir au dernier moment une photo de la dernière beuverie de l’école de commerce, ils comprennent.
 
C’est à travers d’exemples comme ça qu’ils arrivent à comprendre qu’ils ne peuvent plus se créer une identité sans prendre en compte ce paramètre-là.
 

Crédit photo : kotzot

 



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