mercredi 31 mai 2017 - par Sylvain Rakotoarison

Futuroscope : 30 ans et 50 millions de visiteurs plus tard

« Toucher le corps, le cœur et le cerveau ! Le Futuroscope reste le seul parc en France qui offre une expérience de loisir équilibré entre les sensations, l’émotion et la découverte. La grande variété des spectacles, d’activités et d’attractions qu’il propose font sa richesse et son originalité. » (brochure du Futuroscope).



Le grand parc du Futuroscope près de Potiers (à 10 kilomètres au nord de Poitiers) a ouvert ses portes au public pour la première fois il y a exactement trente ans, le 31 mai 1987. L’inauguration officielle s’est déroulée légèrement plus tard, le 26 juin 1987, en pleine cohabitation, par le Premier Ministre Jacques Chirac.

Au départ, c’était une idée farfelue de René Monory, ancien Ministre de l’Économie, qui présidait alors le conseil général de la Vienne. Son département se désertifiait, les activités économiques quittaient le territoire et, en bon centriste sensible à la décentralisation accordée par Gaston Defferre en 1982, il voulait redynamiser économiquement le territoire : « créer les conditions les plus favorables au développement d’un département rural en perte de vitesse ». Il fallait bien sûr admettre le diagnostic avant de proposer un projet aussi ambitieux.

Le conseil général de la Vienne a décidé de lancer ce projet le 24 octobre 1984, initialement appelé "observatoire du futur" et rebaptisé le 21 janvier 1984 "Futuroscope". L’idée était de présenter des équipements sur les techniques de communication et d’information. À l’époque (milieu des années 1980), le secteur des technologies de la communication était très à la mode. L’idée fut prolongée le 4 février 1985 avec d’autres pavillons pour devenir le Parc européen de l’image. À partir de 1986, le lieu a connu une grande notoriété, grâce à une étape du Tour de France (le 13 juillet 1986) et parce que, entre temps, René Monory a été nommé Ministre de l’Éducation nationale et a pu faire venir ses collègues de la Culture, François Léotard et Philippe de Villiers, qui connaissait déjà bien le principe des parcs d’attractions avec le spectacle du Puy-du-Fou, et de l’Industrie, Alain Madelin.

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Ce lieu serait dédié à la fois au grand public sous forme de parc attractif et d’université sous forme de technopole. Un grand travail de veille sur l’existant dans le monde a été accompli en 1984 pour y présenter les meilleures technologies. Après un appel d’offre pour l’architecture, la première pierre fut posée le 11 décembre 1984 par René Monory : « Les civilisations agricole et industrielle d’hier [laissent] la place à une civilisation au substrat immatériel nommé information, avec la perspective d’une transformation profonde des professions, de la société, de l’individu lui-même. ». À l’époque, n’existaient pas encore les smartphones ni les individus aux pouces proéminents et au nez collé sur un petit écran magique même quand ils marchent dans la rue.

Le Futuroscope est une preuve formidable que l’activité et l’emploi ne se partagent pas mais se créent. Ce qui manque, à l’économie française, ce sont des bonnes idées, de la créativité, pas le partage de la pénurie, mais la création d’activités supplémentaires pour éviter la pénurie.

Au bout de trente ans, sur rien initialement, le Futuroscope emploie près de 2 000 emplois directement (dont les quatre cinquièmes saisonniers) et a engendré plus de 10 000 emplois indirects. René Monory n’était pas un intellectuel sortant d’une grande école, mais il a su faire progresser l’économie régionale à son niveau nettement mieux que beaucoup de diseurs de belles paroles surdiplômés.


Je n’y suis allé qu’une seule fois, et il y a déjà très longtemps, vers 1993 ou 1994. J’avais été séduit par les principes très intéressants du cinéma dynamique qui permettait d’être secoué, assis dans un siège, tout en regardant un film (avec de la vitesse). L’expérience était assez poignante car il y avait un léger décalage entre ce qu’on pouvait voir et ce qu’on pouvait ressentir. Le cinéma à 360° était moins spectaculaire car cela existait déjà dans d’autres lieux d’attractions. Les spectacles sur l’eau étaient très riches et créatifs, tant de jour que de nuit.

Mais pour que cela fût intéressant, il fallait que ces nouveaux équipements entraînassent toute une nouvelle création adaptée à ces moyens, pour renouveler les films etc. Au fil des années, de nouveaux pavillons ont vu le jour, de nouveaux spectacles ont été créés, etc., si bien que 62% des visiteurs de 2016 étaient déjà venus une première fois précédemment. 10% du chiffre d’affaires sont investis chaque année pour renouveler 20% des attractions. L’offre actuelle comporte 25 attractions centrées sur le partage intergénérationnel. Tous les trois ans, il est prévu une innovation majeure.

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La montée en puissance du parc fut assez rapide : en 1987, 255 000 visiteurs étaient venus au Futuroscope tandis que le million de visiteurs (depuis l’ouverture) a été atteint au printemps 1991. En 2007, il y a eu 1,6 million de visiteurs annuels ; en 2016, il y a eu 1,9 million de visiteurs annuels et l’objectif de 2017 est d’atteindre les 2 millions de visiteurs annuels. Le 50 millionième visiteur est venu lors des vacances de la Toussaint 2016.

Le succès ne l’a pas toujours été, il y a eu des périodes de flottement (notamment entre 1998 et 2002) et avec l’aide de Jean-Pierre Raffarin, président du conseil régionale du Poitou-Charentes, devenu Premier Ministre, le parc a changé une nouvelle fois de structure de société d’économie mixte (à la fois privée et publique) pour devenir, en 2011 avec cette répartition du capital : 45% appartiennent à la Compagnie des Alpes (gérant des stations de ski et d’autres parcs comme Astérix, Walibi, etc. accueillant en tout 22,5 millions de visiteurs par an), 38% au conseil départemental de la Vienne et 17% à la Caisse des dépôts et entreprises.

Les résultats sont là : depuis trois ans, le CA est en hausse, avec 101 millions d’euros en 2016 (85,2 millions d’euros en 2014), se rangeant en deuxième position pour un parc d’attractions en France derrière Disneyland Paris à Marne-la-Vallée.

67% des visiteurs sont venus en famille en 2016 contre 59% en 2010. L’accent est mis pour séduire les nouveaux visiteurs (primovisiteurs) et ceux qui y sont venus il y a plus de six ans (les archéovisiteurs, ce que je suis, donc !). 20% sont venus en groupes (dont scolaires) et 10% des visiteurs de 2016 sont étrangers, en particulier d’Espagne et de Grande-Bretagne (ce qui me paraît très faible). Il existe une gare TGV donnant un accès direct au parc et un accès des bagages vers les hôtels.

Dans les emplois du Futuroscope en 2016, on compte 180 métiers différents et 56% occupés par des femmes. Au-delà du parc d’attractions, la technopole regroupe sur le même site 7 000 salariés, 2 000 étudiants, 500 enseignants-chercheurs (physique des matériaux, aérodynamique, combustion, biomécanique, etc.) et 250 entreprises, et le "resort" Futuroscope propose 13 hôtels, soit 2 400 chambres pour les 42% des visiteurs y séjournant au moins une nuit.

L’intégration du Poitou-Charentes ans la Nouvelle Aquitaine en 2016 favorise aussi le Futuroscope qui se trouve être le plus grand parc de la région française la plus vaste, comportant 6 millions d’habitants avec une métropole de taille européenne (Bordeaux), deuxième région touristiques de France avec les Landes, La Rochelle, l’île de Ré, Oléron, Biarritz, les Pyrénées, Lascaux, etc.


Trente ans plus tard, le pari fou de René Monory peut être considéré comme gagné. C’est une grande réussite, pas seulement touristique mais aussi technologique et économique. Au-delà du divertissement, la pédagogie, l’innovation et la recherche sont au rendez-vous pour le plus grand plaisir des visiteurs. Mais cette réussite ne durera que si le renouvellement et de nouveaux investissements sont sans cesse au programme du futur.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (31 mai 2017)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Le Futuroscope de Poitiers.
Dossier de presse 2017 (à télécharger).
Jean-Pierre Raffarin.
René Monory.

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7 réactions


  • Surya Surya 31 mai 2017 19:12

    Comme vous, j’ai visité le Futuroscope au tout début des années 90 (en 92, peut-être 93, c’est en effet dur de se rappeler) et j’en garde un excellent souvenir. J’aurais bien aimé y retourner, mais l’occasion ne s’est plus présentée. 


    Je me console en me disant que je ne sais pas si ça me plairait de nos jours d’y retourner, parce que, finalement, la technologie n’est plus si nouvelle que ça dans nos vies, elle y est totalement intégrée, alors qu’à l’époque, on avait beaucoup à découvrir et on s’émerveillait peut-être aussi plus facilement que maintenant. 

    Vous dites : « Ce qui manque, à l’économie française, ce sont des bonnes idées, de la créativité, » 
    Je sais pas... j’ai pas l’impression que les Français manquent d’idées, je trouve qu’ils sont en fait bourrés de bonnes idées et qu’ils sont super créatifs, mais je crois que ce qui manque vraiment à l’économie française, c’est de donner aux gens des ailes pour qu’ils puissent réaliser facilement leurs idées et s’épanouir. Au lieu de leur couper les ailes ou leur mettre sans arrêt des bâtons dans les roues. 
    La France est un pays qui est bourré de ressources, de bonnes idées, de gens compétents et de bonne volonté, mais qui ne sait pas par quel bout prendre ces idées pour les réaliser. 

    Moi aussi ça m’étonne ce peu de touristes étrangers au Futuroscope. La aussi, il faudrait peut être insister un peu sur la promotion du site. Faire un peu plus de pub, quoi. Encore une fois, se donner plus de moyens pour se développer.

    C’est pour ça que le Futuroscope donne un peu l’impression, à tord ou à raison, d’avoir mis le paquet au tout début de son existence, durant les années Mitterrand, puis ensuite d’avoir un peu ralenti la cadence. 

  • Sylvain Rakotoarison Sylvain Rakotoarison 31 mai 2017 21:31

    À Surya,

    Oui, vous avez raison, les Français ne manquent pas d’idées mais de la capacité (envie peut-être plus que compétence ?) à transformer ces idées en véritables projets d’entreprise, d’une part ; et de sources de financement au départ de l’entreprise (banque, business angels, etc.) d’autre part. Avec toutes les contraintes, il faut être en effet un peu fou pour se lancer dans une telle aventure.

    Je me permets de corriger votre expression « années Mitterrand » : la première dizaine d’années en pleine expansion du Futuroscope correspondrait plutôt aux « années Monory » qui a porté ce projet avec tous les moyens qu’il avait à disposition, à savoir le conseil général qu’il présidait, mais aussi le ministère qu’il occupait au début et aussi la Présidence du Sénat (entre 1992 et 1998) qui lui a ouvert beaucoup de portes. La relance du parc ne s’est faite qu’après l’arrivée de Jean-Pierre Raffarin à Matignon et au conseil régional.

    Cordialement.


    • Bernie 2 Bernie 2 31 mai 2017 22:36

      @Sylvain Rakotoarison

      Oh put..., je fais une capture d’écran. Rakoto à répondu. Bravo Surya d’avoir fait réagir le bonze du bronze. Finalement,il nous lit, et continue inlassablement à nous servir sa soupe libérale infâme et ses filtres photoshop pourris. C’est en connaissance de cause. Je croyais vraiment que c’était un bot.

      Je profite de votre écoute monsieur le racketteur de hérissons pour vous confirmer que votre syndrome du larbin qui, slurp, dégouline de vos articles est à vomir.

      Cordialement


    • devphil devphil 1er juin 2017 07:47

      @Bernie 2

      Pour ceux qui ne connaissent pas ce syndrome

      http://www.les-crises.fr/le-syndrome-du-larbin-par-jolemanique/


  • Zolko Zolko 1er juin 2017 11:00

    J’aime bien le Futuroscope, j’y suis allé à plusieurs reprises avec les enfants, c’est clairement un des meilleurs parcs d’attraction. Il y a aussi la parc Asterix et le Europa-Parc. Tandis que Disney-Land est une vraie bouse.


  • Gilles Mérivac Gilles Mérivac 1er juin 2017 11:25

    L’idée d’un parc d’attractions basé sur les technologies de pointe était bonne au départ, mais la vérité force à dire qu’elle s’essouffle un peu. Peut-être les scientifiques ne sont-ils pas mis suffisamment à contribution mais les attractions majeures sont des films en 3D, bien réalisés certes, mais que l’on pourrait trouver ailleurs. Pour le reste, ce sont des jeux d’eau qui n’ont pas non plus une grande originalité.

    Où sont la science et la technologie dans tout cela ? Qu’est-ce-qui justifie le nom de Futuroscope ?


  • Ruut Ruut 4 juin 2017 22:26

    J’y suis allé a mes 15 ans et a mes 35 ans et la qualité des films y est nettement moins bonne qu’avant.
    A moins que l’age fasse que je sois plus exigent....


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