Commentaire de Alexis Toulet
sur Nous n'y pouvons rien faire...


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Alexis Toulet Alexis Toulet 20 février 2014 18:40

Spartacus,


Meadows n’est pas un perdreau de l’année en effet, il n’est pas non plus né de la dernière pluie, c’est plutôt un Cassandre dont les premiers avertissements datent de quarante ans. Comme vous vous en rappelez sans doute, le drame de Cassandre est que d’une part elle a raison, d’autre part personne ne la prend suffisamment au sérieux pour agir.

1. Concernant les ressources minérales, vous avez raison de dire que la question des ressources ne se pose pas... en théorie. Ceci parce que les minéraux que nous utilisons ne sont pas détruits, ils sont toujours récupérables par recyclage, et si une roche avec une concentration de 10% du métal désiré est épuisée, on peut utiliser celle dont la concentration est 1%, puis 0,1%, etc. Le problème bien sûr c’est que moins grande est la concentration, plus inaccessible est la roche... plus cela coûte d’énergie de récupérer la ressource ! Les ressources minérales ne sont donc illimitées que si l’on dispose d’une quantité d’énergie illimitée.

2. Les ressources énergétiques que nous utilisons aujourd’hui - à 80% + des sources fossiles - sont bel et bien limitées. Pire encore, plus le temps passe plus le coût de leur extraction augmente, car on a bien évidemment commencé par extraire les plus accessibles : on cueille d’abord les fruits accessibles de l’arbre avant d’aller grimper à son faîte. Le coût peut être mesuré financièrement ou bien énergétiquement : c’est le taux de rendement énergétique qui définit combien d’énergie je peux extraire pour une énergie investie donnée. Par exemple, les premiers puits de pétrole au XIXème siècle avaient un TRE jusqu’à 100 : on creuse juste un petit trou, et hop le pétrole jaillit ! Les gisements d’aujourd’hui ont des TRE variables, mais plutôt de l’ordre de 10 à 20. Et ça continue à diminuer...

Naturellement il y aurait des pistes pour remplacer la plupart de nos énergies fossiles - et au final toutes - par des énergies plus durables. Le problème... c’est le temps disponible. En allant un peu vite, il y a quatre solutions pour avoir suffisamment d’énergie pour se passer des fossiles :
- Fusion nucléaire - loin d’être au point
- Centrales solaires orbitales géantes - le transport spatial de masse nécessaire est loin d’être au point
- Solaire ultra-efficace au sol combiné à du stockage d’énergie bon marché et à haut rendement - loin d’être au point
- Nucléaire de quatrième génération à base fertile, U238 ou Th232 plutôt que U235 comme actuellement - peut-être le plus accessible, mais quand même pas encore au point
Dans tous les cas il faudrait repenser totalement notre mobilité - trains, cars électriques avec batteries haute capacité à mettre au point - et notre urbanisme - beaucoup plus ramassé pour permettre de se passer du transport individuel. Non seulement le repenser... mais ensuite le construire !

Si l’humanité, ou du moins les grands pays, y consacraient leurs efforts, il serait sans doute possible d’accomplir tout cela en une génération, peut-être moins. Mais le pic pétrolier est sur nous, le pic du gaz sur ses talons. Nous n’avons plus le temps pour une adaptation en douceur permettant de faire survivre notre économie sans ruptures.

3. Les ressources biologiques sont le pire sujet d’inquiétude. A l’échelle mondiale, nous sommes en train de dégrader le monde vivant au point où sa capacité à fournir les ressources qui nous permettent de vivre sera fortement dégradée.
Quelques exemples - sans prétendre que la liste est complète :
- Diminution régulière des terres arables, par érosion ou par artificialisation
- Déforestation accélérée, non pas dans nos pays d’Europe mais plutôt dans les pays tropicaux
- Perte de biodiversité, sachant que les écosystèmes associent les espèces vivantes en un tout interdépendant. Supprimer une espèce, c’est comme enlever un boulon dans l’aile d’un avion : faites-le une fois et sauf malchance il ne se passe rien. Continuez à enlever boulon après boulon... tout-à-coup l’aile s’effondrera et l’avion tombera parce qu’on est tombé sur la pièce critique
- Perte de biomasse océanique - nous exterminons les poissons dans des régions de plus en plus grandes des océans
- Pollution des nappes phréatiques
Il faut rajouter à tout cela les conséquences du réchauffement climatique ! Pour donner une idée :
- Régimes de précipitations plus irréguliers : la quantité de pluie ne change pas, mais au lieu d’être régulière les inondations et les sécheresses sont plus fréquentes. Les plantes n’apprécient pas
- Certaines espèces ne pouvant s’adapter à des températures plus élevées, les écosystèmes sont endommagés
- Acidification des océans, avec conséquences à examiner sur leurs habitants - pour ce qui est de la grande barrière de corail, c’est déjà vu...

Là encore, un effort de respect du long terme - ne pas sacrifier nos petits-enfants - et de solidarité réelle à l’échelle de l’humanité - ce n’est pas parce qu’ils sont pauvres et ont la peau plus sombre qu’il faut se fiche de ce qui leur arrive - pourrait faire beaucoup. Au prix de certains sacrifices, certaines adaptations. Au prix d’un (grand) effort de responsabilité collective et d’intelligence. Les leviers d’action seraient nombreux : type d’agriculture, refus des biocarburants, changement de l’alimentation moins carnée, etc.

Nous n’échapperons pas à un impact chaotique, dangereux et destructeur de nos inconséquences et négligences passées.

Suivant notre réaction collective lorsque les problèmes puis les désastres deviendront indéniables, nous choisirons soit de faire tout le nécessaire pour sauvegarder notre civilisation et l’essentiel du monde vivant - nos petits-enfants nous en seront reconnaissants. Soit de persister dans des habitudes et des illusions nocives, de nous replier sur notre sort individuel, de nous battre entre nous - nos descendants nous mépriseront dans quelques siècles quand ils auront reconstruit une civilisation digne de ce nom, tout autant que nous pouvons mépriser les Romains qui ont laissé s’effondrer leur civilisation ou les habitants de l’île de Pâques qui ont permis que la plupart d’entre eux meurent, ne laissant que quelques tribus éparses comme survivants.




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