Commentaire de Polope
sur Le cerveau maître du temps


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Polope 30 décembre 2014 14:22

Bon, rien de nouveau sous le soleil quand on s’intéresse à la question du dualisme corps/esprit mais si en plus vous y ajoutez celui du temps, je crois qu’on touche alors à deux des piliers inébranlables qui feront longtemps (toujours ?) défaut à la connaissance et à l’entendement humain. Normal qu’on se perde un peu..

Dire que le temps est un processus inhérent à l’activité du cerveau, c’est pour moi faire du Bergson et remonter à la durée vécue, phénoménologique et subjective. La naissance du sujet, du « moi », se fait ensuite dans cette durée, dans cette perception de la continuité des instants successifs. Vous n’êtes pas ultra-clair quant à la présentation de la dialectique action-pensée (vous dites à la fois que l’action précède la pensée et que la pensée mène la marche de l’existence), il s’agit ici du problème de l’intentionnalité et de la réflexivité. Toute pensée est-elle réductible à une action au sens large, c’est-à-dire à quelque chose agissant sur la matière puisque nous la définissons ainsi ? Il n’en va absolument pas de soi... L’action est peut-être tout autant conscience de quelque chose que la conscience réflexive. M’enfin c’est très compliqué et je pense comme vous le dites que le « je » est un mythe. La mémoire joue un rôle essentiel dans ce processus également, est-elle réductible à la matière ? Vaste question. Je réécoutais l’émission de J-C Ameisen sur France Inter, et c’était le thème proposé, on arrive à localiser les souvenirs mais leur forme reste un mystère.

Mais dire que le temps est psychologique c’est quand même oublier un peu Einstein (avec qui Bergson ne s’est jamais entendu, mais peut-être ne se sont-ils jamais compris...) et la relativité. En disant ça, on suppose que le temps serait peut-être né avec l’homme, ce qui est sous-jacent chez Kant par exemple avec ses cadres fondateurs de la raison, mais alors le passé au-delà de lui n’existerait pas ?
La relativité est une vexation pour l’esprit parce qu’elle modifie drastiquement la façon de percevoir une choses les plus évidentes pour nous, la fluidité et l’uniformité de l’écoulement des instants. BOn à ce sujet de toute façon il est intéressant de lire Etienne Klein, qui en parle très bien !

Enfin dernier souci, la notion de programme à laquelle vous semblez attachés. J’aime les auteurs comme Spinoza aussi pour leur déterminisme, et je veux dire avec eux que nos désirs profonds nous sont pour la plupart inconnus mais ils n’avaient pas encore les neurosciences et l’évolution. La question du mécanisme cérébral est très difficile à défendre, surtout en disant que la conscience est une illusion issue de cette mécanique. Une machine par exemple ne peut avoir tort ni raison, il n’y a aucune valeur pour une machine. On ne vas pas féliciter un frigo parce qu’il fonctionne bien.. Searle avait pour moi bien senti l’idée de la machine programmée ou de l’ordinateur : ce n’est jamais qu’associer un 0 ou un 1 à un état du monde (porte ouverte ou fermée par exemple). Mais l’association n’a jamais été création.

Dernier petit exemple : quelqu’un qui défend le mécanisme intégral chez l’humain, va tenir cette proposition(l’homme est une machine programmée par avance) pour vraie alors que selon sa thèse le vrai en tant que valeur à défendre ne peut-être envisagé, donc il se contredit lui-même. Et s’il dit qu’il est un pur mécanisme sans avancer de raisons objectives et juste en le disant, ça n’emportera pas notre jugement sur la chose. Conclusion : le cerveau, et le vivant plus généralement, a ses raisons que la raison doit ignorer.

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