Commentaire de Topaze
sur La soumission en douceur de Michel Houellebecq


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Topaze Topaze 1er janvier 2015 03:32

Trois (bonnes) raisons de lire Soussion

Parce que ce n’est pas le « brulôt » anti-islam que commentent et éreintent, sans l’avoir lu, de nombreux internautes qui, se basant sur un résumé succint de l’intrigue, font de Soumission une sorte de mise en roman des thèses d’Eric Zemmour.

Dans Soumission, le romancier imagine, il est vrai, l’accession au pouvoir en France, lors de l’élection présidentielle de 2022, de la Fraternité musulmane, un parti confessionnel auquel se sont ralliés, au second tour de scrutin, les formations politiques traditionnelles, afin de faire barrage à l’extrême droite.

Mais ce n’est pas là l’essence du roman, plutôt son contexte. L’intrigue se focalise sur la vie et les pensées de François, le narrateur du roman, un universitaire spécialiste de Huysmans et des écrivains décadents de la fin du XIXe siècle, personnage houellebecquien en diable, à l’existence sans but, dépressif, désenchanté, nihiliste.

Parce que Michel Houellebecq, dès Extension du domaine de la lutte (1994), et depuis dans Les Particules élémentaires (1998), Plateforme (2001), La Possibilité d’une île (2005), s’est toujours montré apte à capter, d’une façon singulièrement prégnante et éclatante, l’atmosphère de notre époque, les inquiétudes et les impasses des sociétés occidentales. Et, de cette anxiété, d’offrir une représentation qui va au-delà du simple constat sociologique, pour tendre vers une méditation d’ordre historique et métaphysique.

C’est plus que jamais le cas dans Soumission. Toujours le regard de Michel Houellebecq est féroce, implacable, éventuellement outré, voire provocant. Mais lui en faire le reproche, c’est un peu se conduire comme l’idiot qui, lorsqu’on lui désigne la lune, se contente de regarder le doigt…

Parce que Michel Houellebecq est, sans doute, notre « contemporain capital » : c’est un autre contemporain essentiel, Emmanuel Carrère, qui nous le disait il y a quatre ans, alors que La Carte et le Territoire (2010) s’apprêtait à recevoir le prix Goncourt : « Honnêtement, nous qui en France écrivons des livres, nous étions plus tranquilles avant que Houellebecq n’arrive. Le rôle de « contemporain capital » était vacant depuis Sartre (…) : il l’occupe, il prend beaucoup, de place, mais je trouve pour ma part cette place méritée », expliquait alors Emmanuel Carrère.


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