Commentaire de Alexis Toulet
sur Débat – Décroissance, est-ce pour de bon ?


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Alexis Toulet Alexis Toulet 30 novembre 2015 11:32

@gogoRat :


Bonjour,

Dire que « l’essentiel des matières premières – les métaux par exemple – peuvent être recyclées » n’est pas un sophisme, s’agissant de toutes les matières premières qui ne sont pas dispersées et dégradées par leur utilisation. Cela inclut notamment les métaux : un objet fabriqué à partir de X kg de métal contient toujours cette même quantité de X kg du même métal. Et le recyclage de ce métal est possible à condition de connaître le processus chimique approprié - ce n’est pas un problème - et surtout de disposer de l’énergie nécessaire pour récupérer ces X kg de métal.

Ce raisonnement ne s’applique pas aux matières premières qui sont de l’énergie fossile : pétrole, gaz, charbon, car s’il est théoriquement possible de récupérer le carbone passé dans l’atmosphère lorsque ces matières ont été brûlées - le problème, c’est qu’on ne sait pas le faire suffisamment vite, pas assez de forêts par exemple - l’énergie que contenait cette matière première est quant à elle perdue à jamais.

D’où cette constatation : ce qui est vraiment crucial, c’est l’énergie. Et que ce soit pour maintenir une quelconque civilisation industrielle, ou ne serait-ce que pour dépolluer l’environnement - ce qui est à la fois indispensable vu l’étendue des dégradations déjà effectuées et dont nous ne prenons hélas pas le chemin - il est crucial de disposer d’énergie « fiable et peu coûteuse », et en grande quantité qui plus est. A vrai dire, en quantité plus importante que celle que nous procure aujourd’hui la combustion de tout ce pétrole, ce gaz et ce charbon...

La seule solution techniquement vraisemblable à court-moyen terme est la fission nucléaire. Les autres solutions théoriquement envisageables, soit la fusion nucléaire, et la réunion d’un solaire très bon marché et de batteries de capacité énorme tout en étant bon marché, sont trop loin d’être au point pour être des planches de salut à court terme. Rien n’interdit de poursuivre la recherche dans ces deux directions, c’est même hautement recommandable, mais le fait est qu’il est tout à fait possible que ces deux directions s’avèrent stériles, même après une génération de recherche - et nous n’avons plus ce temps. En revanche, la fission nucléaire « de quatrième génération » c’est-à-dire permettant d’utiliser Uranium 238 et Thorium 232, plusieurs centaines de fois plus abondants que l’Uranium 235 auquel la fission actuelle est pratiquement limitée, on sait que ça marche.

Concernant la spiritualité, on peut certes souhaiter qu’elle serve à orienter tous les hommes vers le partage, la paix et la préparation de l’avenir des futures générations. Et une certaine sorte de spiritualité oriente effectivement l’homme dans cette direction.

Mais attention, il existe aussi une spiritualité de la guerre sainte, de la guerre de tous contre tous, dont l’Etat islamique est la matérialisation peut-être la plus célèbre mais pas la seule. Cette spiritualité-là aussi pourrait gagner en puissance, et dans un monde où la production est de plus en plus limitée et les catastrophes écologiques ou économiques deviennent plus fréquentes, elle risque de devenir une voie de plus en plus empruntée, et pas seulement par des musulmans, d’ailleurs pas seulement par des croyants. L’adoration de dieux vengeurs et sanguinaires, l’adoration de l’Etat, du peuple ou de la race, l’adoration de la guerre en elle-même enfin, sont des spiritualités.

Je suis personnellement convaincu que tous les hommes de bonne volonté - pas seulement, encore une fois, les musulmans - devront à un moment ou à un autre se défendre contre la tentation de spiritualiser la violence, surtout vu l’époque dure et incertaine dans laquelle nous entrons.


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