Commentaire de Jeussey de Sourcesûre
sur La carte de Peutinger : voies terrestres, basiliques et cours d'eau


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Clark Kent Jeussey de Sourcesûre 1er février 2017 10:33

@HELIOS

Christophe Colomb possédait un ouvrage du XIVe siècle du cardinal français d’Ailly, l’Imago mundi, dans une version imprimée en 1480 contenant les preuves apportées par les Anciens de la sphéricité de la Terre, notamment celle du chapitre XIV du livre II du Traité du Ciel d’Aristote, soit au IVe siècle avant J.-C. Dans ce texte d’Aristote se trouve mentionnée la thèse selon laquelle il y a une seule mer de l’Afrique aux Indes. Il avait aussi connaissance des mesures du méridien terrestre effectuées par Eratosthène au IIe siècle avant J.-C. Car dès l’antiquité, on savait que la Terre était ronde.

La thèse de la terre plate est celle de Thalès (VIIe-VIe siècle avant J.-C.), et c’était un progrès, car Thalès rompait avec les représentations mythiques, telles qu’on les trouve chez Hésiode (VIIIe-VIIe siècle avant J.-C.), d’une déesse Terre (Gaia) qui occupait le bas de l’univers et qui avait des racines. Sa représentation était celle d’un disque plat posé sur l’eau. Les mouvements de l’eau expliquaient selon lui les tremblements de terre. Cette conception relative à la forme de la Terre s’est perpétuée parallèlement aux connaissances plus modernes jusqu’à l’antiquité tardive. 

Aristote avait même montré que chaque fois qu’il y avait une éclipse de Lune, la forme réfléchie était toujours courbe et que l’ombre n’est pas la même lorsqu’on se déplace du nord au sud : la différence ne s’explique que si la Terre est sphérique. Les marins savaient aussi que lorsqu’un bateau arrivait à l’horizon, on commençait à voir le mât avant la proue, ou à l’inverse, que lorsque les bateaux s’éloignent, le mât disparaissait en dernier.

Aristarque de Samos ( 310- 230 av. J.-C.), lui, avait proposé une méthode correcte pour mesurer les distances entre la Lune et la Terre, et entre la Terre et le Soleil, mais il avait aussi proposé l’idée selon laquelle c’est la terre qui tourne autour du Soleil et non l’inverse.

 Avec le christianisme, les choses se compliquent. Certains religieux acceptaient sans difficultés les données de l’astronomie antique, mais une opposition qui s’appuyait sur une lecture littérale de la bible existait également. Par exemple, Lactance ( 260- 325), huit siècles après Aristote, soutenait que la Terre était plate, arguant notamment "qu’il est insensé de croire qu’il existe des lieux où les choses puissent être suspendues de bas en haut" (Institutions divines). Un moine byzantin du VIe siècle, Cosmas d’Alexandrie, dans sa Topographia Christiana, affirmait que la Terre était terminée par des murailles derrière lesquelles le Soleil se couchait.

Pourtant, la plupart des savants (c’est-à-dire des théologiens) du Moyen-Age, admettait une Terre ronde. Dans ses Etymologies, Isidore de Séville ( 530- 636) compare la Terre à une balle, et, dans don Image du monde, au XIIIe siècle, Gossuin de Metz la compare à une pelote.

Et c’est la redécouverte de la philosophie et de la science antique à la renaissance, notamment par l’intermédiaire des arabo-musulmans qui a validé la représentation d’une Terre ronde au centre d’un univers lui-même sphérique.

C’est cette représentation qui fut ébranlée par Copernic (1473-1543), qui a repris l’hypothèse héliocentrique, et convaincu Galilée qui jura sur la Bible que la Terre était au centre de l’univers pour sauver sa peau.

Les moines étaient bien détenteurs de savoirs issus de courants contradictoires, ce qui n’a rien d’ésotérique. Le seul dogme imposé par l’église n’était pas la « platitude » de la terre, mais sa position centrale dans le cosmos.


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