Commentaire de Christian Labrune
sur Le Cheikh d'Al-Azhar Accusé de Négligence


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Christian Labrune Christian Labrune 8 mai 2017 16:56

Chaque religion a une foule d’exemples de ce type, et malgré tout, chaque manifestation du divin, dans la mesure où elle est une réfraction et non pas la totalité, n’est pas Dieu à elle toute seule.
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@Decouz
Pourquoi voudriez-vous qu’il n’y ait qu’un Dieu ? J’ai connu des agnostiques et même des athées un peu superficiels qui regardaient le monothéisme comme une sorte de progrès de la civilisation. On avait dû leur apprendre ça à l’école, et cette naïveté n’est pas à la gloire de l’école républicaine. Une telle croyance me paraît absurde. Les « religions » de l’antiquité n’étaient assurément pas moins subtiles que les plus récentes. Après la mort d’Akhénaton qu’on peut considérer comme l’un des premiers promoteurs du monothéisme, les Egyptiens se sont dépêchés de marteler ses statues et les inscriptions qui révélaient son « hérésie » et sont retournés très vite aux anciens cultes de l’Egypte. ils ont eu bien raison.
Quand les Romains, au gré de leurs explorations et de leurs conquêtes, rencontraient de nouveaux dieux (par exemple, Isis en Egypte), ils s’empressaient de les ajouter à leur propre panthéon qu’ils avaient déjà hérité des Grecs. Cette religion romaine était des plus pacifiques ; le petit peuple superstitieux y croyait peut-être, mais pas les gens instruits s’il faut en croire les écrits d’un Cicéron. Ces constructions plus poétiques que théologiques, permettaient de donner une assise et une légitimité aux politiques de la Cité. Les Romains avaient très bien toléré le culte de Mythra qui était un culte à mystères, comme plus tard le christianisme, et ils auraient toléré le christianisme si les chrétiens avaient consenti à sacrifier aux dieux de Rome. Le cas de Saint-Gervais et de Saint-Protais, qui ont leur église à Paris, est très significatif : on leur demande de reconnaître les dieux de la cité. Ils refusent. Le magistrat leur représente que c’est idiot et que s’ils persistent, il va être obligé de sévir, bien qu’il n’en ait aucunement envie. Ils refusent encore ; par là, s’excluent de la cité dont ils deviennent les ennemis et méritent donc le châtiment assez dur prévu par les lois. Le sentiment des Romains du premier siècle pourrait être formulé en pastichant la formule bien connue dans la bande dessinée Astérix : « ils sont fous, ces chrétiens ». C’était aussi le sentiment du grand historien Tacite qui les regardait du même oeil que nous aurions aujourd’hui pour juger quelques sectes fanatiques du genre de celle qui fit boire du jus d’orange au cyanure à quelques centaines de ses fidèles, à la fin du siècle dernier.
Plus il y a de dieux dans un peuple, et mieux cela vaut pour lui. Je me convertirais bien volontiers, tout à la fois à l’hindouisme, au shintoïsme et à tous les animismes d’Afrique et d’ailleurs. Au reste, ce ne serait même pas une « conversion » (au sens où nous l’entendons dans le monothéisme) mais un simple élargissement de ma culture poétique. Pouvoir mettre un nom sur les forces encore inexpliquées qui régissent le monde, c’était à peu près la seule fonction, très positive, des religions antiques.
 


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